Etant
de passage à Bouaflé, Angovia est un village que j’ai
visité par deux fois. La première fois pour deux
jours et la seconde pour 10 jours. J’ai pu constater un village où l’ambiance
est toujours bon enfant et où les chercheurs d’or essentiellement allogènes et
les autochtones (propriétaires terriens Yaouré sous-groupe Baoulé) vivaient en
harmonie. Des
règles y ont même été instaurées avec l’assentiment des deux parties.
Comme à l’accoutumé,
tous les mercredis, les jeunes autochtones, donc le président des jeunes et son
bureau établissent un barrage que toute personne (autochtones, allochtones ou
allogènes) désireuse de franchir pour quelques raisons que ce soit doit
s’acquitter de la modique somme de 200 Fcfa. Cette norme est en vigueur et
s’applique hebdomadairement depuis des années.
Mercredi 10 juillet
2013, aux environs de 8 heures du matin, un individu allochtone Senoufo se
présente au barrage et oppose un refus impoli de s’acquitter de la somme
susmentionnée. Les tenants du barrage refusent de lui céder le passage.
Celui-ci tente de forcer le passage et au cours de la bagarre qu’il a lui-même
engendrée, il prend un coup à la tête et succombe à la douleur.
Selon
la tradition de son clan, il doit être inhumé dans les plus brefs délais. Or, à
cette même période, selon la tradition des autochtones Yaouré, le masque sacré
doit sortir. Et, il est connu de tous dans le village qu’aucun autre événement
n’est plus important que les manifestations qui précèdent et suivent la sortie
du masque sacré qui ne peut être vu que par les initiés et les hommes mûrs
selon leurs propres termes. Les femmes, enfants, et jeunes gens restent
enfermés pendant la cérémonie et ceux qui ne peuvent supporter les cris du
masque (cris qui peuvent être entendus sur une dizaine de kilomètres) quittent
le village pour y revenir une fois la cérémonie terminée.
Lors
de mon passage dans le village, j’ai pu constater l’exode des populations à la
veille de la cérémonie et voir d’autres se terrer dans leurs habitations du
matin au soir ou du soir au lendemain matin selon le programme de la cérémonie.
Encore, lors de mon séjour, j’ai vu des corps d’autochtones ou d’allogènes
attendre dans la morgue traditionnelle construite à cet effet avant d’être
ensevelis après les cérémonies.
A cette autre
exigence pourtant connue de tous et respectée depuis des années, les allochtones
et allogènes refusent de céder et organisent une petite cérémonie à la mémoire
du défunt. Comme prévus, le masque sacré doit sortir et les initiés le
précèdent pour demander une dernière fois aux populations de se terrer. Un
individu, Burkinabé, se rendant à la cérémonie funèbre est appréhendé, il lui
est demandé de retourner à sa demeure. Il refuse catégoriquement et essaie de
forcer le passage. Lors de la bagarre occasionnée, il prend lui aussi un coup
et meurt sur le coup. Ses compatriotes sont alertés et s’en suit une bagarre
généralisée dans la nuit. Les allogènes pour venger leurs morts ont mis le feu
à la demeure du président des jeunes et incendié son camion-citerne d’une
valeur approximative de 12 millions. L’on a aussi découvert des corps formellement
identifiés comme étant ceux d’autochtones.
La nuit la plus
sanglante fut celle du jeudi 12 au vendredi 13 juillet car les deux parties ont
décidé d’en découdre. Plusieurs maisons ont été incendiées, des magasins
saccagés et pillés, sans compter les nombreux corps humains.
Les
4 morts titrés par le quotidiens Nord-Sud en ce jour est à titre atténuateurs
car multiplier ce nombre ne serait pas mentir. Il a fallu l’intervention des
éléments de l’Onuci et de la gendarmerie nationale pour mettre un terme aux
affrontements.
Causes directs des
affrontements :
-
le refus de respecter une règle, qui exige le paiement de la somme de 200 Fcfa
tous les mercredis, en vigueur depuis des années.
-
le refus de se conformer à la tradition des autochtones qui est en application
depuis des générations et qui n’a jamais été à l’origine d’aucun conflit.
Le bilan est lourd :
-
un village à moitié ravagé par le feu mis par les allogènes.
-
une vingtaine de morts dont des femmes et des enfants.
-
des magasins et boutiques incendiés.
-
un exode massif des populations vers Bouaflé.
J’aurais
appuyé mes propos par des images si mon appareil numérique ne n’avait été
arraché par un Monsieur dont j’ignore l’identité, mais qui était déterminé à
faire disparaître des preuves tangibles.
J.M. (un citoyen ivoirien qui refuse de se taire) - Notre Voie du 17 juillet 2013
en maraude
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nécessairement à l’unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu’ils soient en
rapport avec l’actualité ou l’histoire de la Côte d’Ivoire et des Ivoiriens, et
aussi que par leur contenu informatif ils soient de nature à faciliter la
compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la « crise
ivoirienne ».
Source : La Dépêche d'Abidjan 18 Juillet 2013
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