dimanche 21 juillet 2013

Un témoin raconte la tragédie d’Angovia

Etant de passage à Bouaflé, Angovia est un village que j’ai visité par deux fois. La première fois pour deux jours et la seconde pour 10 jours. J’ai pu constater un village où l’ambiance est toujours bon enfant et où les chercheurs d’or essentiellement allogènes et les autochtones (propriétaires terriens Yaouré sous-groupe Baoulé) vivaient en harmonie. Des
 
règles y ont même été instaurées avec l’assentiment des deux parties.Comme à l’accoutumé, tous les mercredis, les jeunes autochtones, donc le président des jeunes et son bureau établissent un barrage que toute personne (autochtones, allochtones ou allogènes) désireuse de franchir pour quelques raisons que ce soit doit s’acquitter de la modique somme de 200 Fcfa. Cette norme est en vigueur et s’applique hebdomadairement depuis des années.Mercredi 10 juillet 2013, aux environs de 8 heures du matin, un individu allochtone Senoufo se présente au barrage et oppose un refus impoli de s’acquitter de la somme susmentionnée. Les tenants du barrage refusent de lui céder le passage. Celui-ci tente de forcer le passage et au cours de la bagarre qu’il a lui-même engendrée, il prend un coup à la tête et succombe à la douleur.Selon la tradition de son clan, il doit être inhumé dans les plus brefs délais. Or, à cette même période, selon la tradition des autochtones Yaouré, le masque sacré doit sortir. Et, il est connu de tous dans le village qu’aucun autre événement n’est plus important que les manifestations qui précèdent et suivent la sortie du masque sacré qui ne peut être vu que par les initiés et les hommes mûrs selon leurs propres termes. Les femmes, enfants, et jeunes gens restent enfermés pendant la cérémonie et ceux qui ne peuvent supporter les cris du masque (cris qui peuvent être entendus sur une dizaine de kilomètres) quittent le village pour y revenir une fois la cérémonie terminée.Lors de mon passage dans le village, j’ai pu constater l’exode des populations à la veille de la cérémonie et voir d’autres se terrer dans leurs habitations du matin au soir ou du soir au lendemain matin selon le programme de la cérémonie. Encore, lors de mon séjour, j’ai vu des corps d’autochtones ou d’allogènes attendre dans la morgue traditionnelle construite à cet effet avant d’être ensevelis après les cérémonies.A cette autre exigence pourtant connue de tous et respectée depuis des années, les allochtones et allogènes refusent de céder et organisent une petite cérémonie à la mémoire du défunt. Comme prévus, le masque sacré doit sortir et les initiés le précèdent pour demander une dernière fois aux populations de se terrer. Un individu, Burkinabé, se rendant à la cérémonie funèbre est appréhendé, il lui est demandé de retourner à sa demeure. Il refuse catégoriquement et essaie de forcer le passage. Lors de la bagarre occasionnée, il prend lui aussi un coup et meurt sur le coup. Ses compatriotes sont alertés et s’en suit une bagarre généralisée dans la nuit. Les allogènes pour venger leurs morts ont mis le feu à la demeure du président des jeunes et incendié son camion-citerne d’une valeur approximative de 12 millions. L’on a aussi découvert des corps formellement identifiés comme étant ceux d’autochtones.La nuit la plus sanglante fut celle du jeudi 12 au vendredi 13 juillet car les deux parties ont décidé d’en découdre. Plusieurs maisons ont été incendiées, des magasins saccagés et pillés, sans compter les nombreux corps humains.Les 4 morts titrés par le quotidiens Nord-Sud en ce jour est à titre atténuateurs car multiplier ce nombre ne serait pas mentir. Il a fallu l’intervention des éléments de l’Onuci et de la gendarmerie nationale pour mettre un terme aux affrontements.
 
Causes directs des affrontements :
- le refus de respecter une règle, qui exige le paiement de la somme de 200 Fcfa tous les mercredis, en vigueur depuis des années.
- le refus de se conformer à la tradition des autochtones qui est en application depuis des générations et qui n’a jamais été à l’origine d’aucun conflit.
 
Le bilan est lourd :
- un village à moitié ravagé par le feu mis par les allogènes.
- une vingtaine de morts dont des femmes et des enfants.
- des magasins et boutiques incendiés.
- un exode massif des populations vers Bouaflé.
 
J’aurais appuyé mes propos par des images si mon appareil numérique ne n’avait été arraché par un Monsieur dont j’ignore l’identité, mais qui était déterminé à faire disparaître des preuves tangibles.  

J.M. (un citoyen ivoirien qui refuse de se taire) - Notre Voie du 17 juillet 2013
 
 
en maraude dans le web
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Source : La Dépêche d'Abidjan 18 Juillet 2013

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