mercredi 27 novembre 2019

Steve Beko : « recevoir Bédié, Soro,… c’est bien, mais le plus important reste de rassembler sa famille politique »


L’activiste Steve Beko a salué ce lundi 25 novembre 2019 la rencontre Soro et Blé Goudé, à La Haye, avant d’appeler les GOR au rassemblement pour 2020.

Steve Beko
La réconciliation (laquelle même ?), c’est bien et il faut la saluer de toutes nos forces. Se retrouver avec des adversaires (ennemis) d’hier au nom de la paix c’est même très bien. Les rencontres de haut niveau entre les leaders, c’est encourageant.
Mais entre temps, il y a une partie de la population qui a été humiliée, ostracisée, bâillonnée, méprisée au nom de l’amour qu’elle portait à ses leaders et à sa croyance en un renouveau démocratique et souverainiste. Des personnes ont craché sur des tentatives de corruption et d’achat de conscience afin de rester fidèles au combat.
Il faut tenir compte de leur ressenti lorsqu’elles voient leur bourreau d’hier avec leur leader. Danser ensemble dans les meetings et autres, c’est très bien. D’ailleurs la recrudescence des danses m’énerve actuellement. Mais Il faut savoir qu’en sous cape, les bourreaux d’hier disent en riant : « ceux pour qui tu me combattais hier, je suis avec eux aujourd’hui ».
Quand on a traversé tout cela, la paix doit se faire de façon pédagogique. Il faut prendre le temps d’expliquer sa démarche afin de la faire comprendre et adopter. À défaut, l’on donnera l’impression d’être dans une démarche purement personnelle donc égoïste.
Recevoir Bédié, Soro et je ne sais qui d’autre, c’est bien mais le plus important actuellement reste de rassembler SA FAMILLE POLITIQUE pour préparer les échéances à venir. Nous refusons d’être les escaliers que vont emprunter ceux qui sont la cause de nos malheurs pour atteindre leurs nouveaux objectifs.
Pour ceux qui comprennent difficilement, je vais résumer : se retrouver avec les autres, c’est bien. Se retrouver entre nous d’abord, c’est mieux. Sinon, demain, chacun va prendre sa route.
Je ne demande à personne d’être d’accord avec moi. Ma conscience me suffit pleinement.
C’est mon avis…

Steve Beko

 

EN MARAUDE DANS LE WEB

Sous cette rubrique, nous vous proposons des documents de provenances diverses et qui ne seront pas nécessairement à l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu'ils soient en rapport avec l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et des Ivoiriens et que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à faciliter la compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la « crise ivoirienne ».


Source : https://www.yeclo.com

lundi 25 novembre 2019

NOTRE HISTOIRE AVEC LA FRANCE (SUITE)


soudan français : les pratiques de la conquete coloniale. 
par ibrahim maïga

« Civilisation, civilisation, orgueil des Européens, et leur charnier d’innocents. Rabindranath Tagore, le hindou, un jour, à Tokyo, a dit ce que tu étais poète! Tu bâtis ton royaume sur des cadavres. Quoi que tu veuilles, quoi que tu fasses, tu te meus dans le mensonge ». René Maran (préface de Batouala)

Les officiers coloniaux qui ont conquis l'Afrique n'avaient pas que le canon et le fusil. Jeunes, pour bon nombre d'entre eux, ils sont tombés sous le charme des Africaines qu'ils ont prises comme concubines. Ils parlaient de « mariages à la mode du pays ».
Léon Faidherbe
Faidherbe a débarqué sur les côtes sénégalaises en tant que célibataire. Il n'a pas mis longtemps à se retrouver avec Dioncounda Sidibé, une jeune Khassonké, la mère de son premier fils né en 1857. Léon sera ensuite confié à la « vraie » épouse de Faidherbe. Après une scolarisation normale, il est devenu officier. Mais même étant fils de Faidherbe, il ne pouvait être qu'un subalterne. Il ne put intégrer l'armée que dans le corps des tirailleurs sénégalais. À 24 ans seulement, il est mort, victime de la fièvre jaune en 1881. Certains historiens disent qu'il s'est suicidé, n'ayant jamais pu accepter son statut social. Car il était l'objet d'un double rejet. Pour les marchands et les militaires français, il n'était qu'un « nègre ». Pour les Métis de la côte, qu'on appelait « mulâtres », il n'était que l'héritier de son père qui toute sa vie n'a œuvré qu'à consolider la suprématie économique des Français. 
Quant à Archinard, il partait en campagne quasiment avec un harem. Il avait une addiction pour les jeunes filles entre 15 et 17 ans. Le lieutenant Thiriet qui l'accompagnait lors de la conquête de Ségou, est formel dans son témoignage sur les pratiques fines de son chef. À Ségou, Archinard était devenu le beau-frère et le gendre de tous les Peuls, parce que sa compagne la plus célèbre s'appelait Bintou Kanté.
Les conquérants colonisateurs étaient de véritables prédateurs, des polygames qui n'ont pas pu tous effacer les traces de leur séjour africain. Le régime tout trouvé était celui des « mariages à la mode du pays », des unions temporaires. Le Docteur Louis Joseph Barot, médecin au service des troupes coloniales, a même élaboré en ce sens un manuel intitulé : « Guide pratique de l'Européen dans l'Afrique occidentale : à l'usage des militaires, fonctionnaires, commerçants, colons et touristes ».[i]
L'ouvrage était tellement précieux que l'auteur a pu compter sur la collaboration du Commissaire principal Desbordes, du capitaine Meynier, de  l'Armée coloniale, du professeur Chalot, du Jardin colonial, du vétérinaire en premier Pierre et de Gimet-Fontalirant, ancien chargé de mission coloniale. Binger, directeur de l'Afrique au ministère des Colonies, en a assuré la préface.
L'auteur a une forte recommandation : « Pour ceux qui n'ont pas la force morale nécessaire pour supporter la continence absolue, il n'y a qu'une ligne de conduite possible, c'est l'union temporaire avec une femme indigène bien choisie. » Les mots sont bien pesés car il est attendu de cette « indigène bien choisie » de pouvoir « distraire, soigner, dissiper l'ennui. Elle devait aussi faire que l'Européen ne sombre dans l'alcoolisme et la dépravation sexuelle ».
Francis Somonis, de l'université de Provence, a étudié le phénomène dans sa construction. Il parle de véritables « polygames de la République ». Pour lui, cette relation entre les Européens d'alors tenait beaucoup plus du droit des vainqueurs sur les femmes que d'un échange centré sur l'amour. Il est vrai que pour les militaires en campagne, le partage des « mousso », terme qui désigne la femme en bambara, était une étape essentielle du partage du butin de guerre. Le chef récompensait la troupe sur la bête : les femmes et les esclaves. Les objets de valeur étant réservés au chef lui-même. Il en a été ainsi quand Archinard a vaincu Amadou, le fils d'el haj Oumar Tall à Ségou, le 6 avril 1890. À son compagnon, Mademba Sy, il a attribué directement Djeynabou, la fille du sultan vaincu. Il finira par installer Mademba à la tête d'une principauté viagère à Sansanding. Il va ensuite se mettre à casser littéralement du Toucouleur partout. Il fait des constats singuliers dans ses comptes rendus à ses chefs : « Les soumissions des Toucouleurs sont longues à venir, mais viennent. Je ne peux […] expulser complètement les Toucouleurs. […] Faites exécuter quand même les 44 Toucouleurs de Ségou qu'on voulait vous cacher. Cela effraiera et poussera les autres à venir à moi et à se soumettre pour avoir quelque sécurité. […] Parcourez les villages et si vous trouvez des Toucouleurs […] donnez leurs biens aux Bambaras et exécutez jusqu'à ordre contraire ».[ii]
Il poursuit : « J'aurai voulu faire disparaître l'élément Toucouleur fanatique et dangereux [....]. Restait la guerre d'extermination, elle était possible […], il suffisait de la permettre aux Bambaras du Bélédougou [....] en dehors de la question d'humanité [.] quoique l'humanité bien comprise exigerait la destruction des Toucouleurs, d'autres risques m'ont empêchés de m'arrêter à l'idée de l'extermination.[....] Il aurait fallu occuper longtemps le pays avec des forces importantes [....] il aurait fallu soutenir ces derniers [les Bambaras], il aurait fallu par conséquent n'avoir d'autres soucis que ceux du Kaarta [....] ».[iii]
Quan, après Ségou, Archinard s'attaque à Bandiougou Diarra de Ouéssébougou, il répétera le même exercice. À Koumi Diossé Traoré de Kolokani, son allié de circonstance, il donne une fille de Bandiougou. Les autres femmes et les guerriers pris sont distribués ensuite entre les Européens et les tirailleurs. Le colonel Bonnier, une fois à Tombouctou, ne fera pas autre chose. Il capture toutes les belles femmes et tout le bétail des Touaregs, ce qui finira par causer sa mort à Tacoubao.
La colonisation a aussi favorisé la prostitution avec la prolifération des bordels militaires de campagne. Ces maisons de tolérance sont suivies par la hiérarchie militaire qui s'assurait du suivi médical des prostituées.
La République française a prétendu coloniser l'Afrique au nom de la civilisation, sa civilisation. Dans les faits, elle n'a produit que des contre-valeurs. En ces temps où l'heure est à la révision, il importe de situer le centre de la vertu.

Dr Ibrahim Maïga, lessor (Mali) 23 novembre 2019

Source : lebanco.net 23 novembre 2019

[i] -  Edition Flammarion 1902.
[ii] -  Nioro, 6 janvier 1891, Commandant supérieur à lieutenant Hardiviller (Correspondances d'Archinard).
[iii] -  Nioro 9 janvier 1891, Le Cdt. Supérieur du Soudan français à Mr le sous-secrétaire d'État des Colonies (Correspondances d'Archinard).