dimanche 21 mai 2017

Des « mercenaires » payés par l’État après avoir tué des Ivoiriens

En Côte d’Ivoire, pour devenir millionnaire ou milliardaire, il n’est plus nécessaire d’étudier ou de travailler dur ; il suffit de tuer, de violer et de piller le bien d’autrui, tel est le message envoyé par Alassane Dramane Ouattara non seulement aux Ivoiriens mais au monde entier après la dernière mutinerie que le pays vient de connaître. En attendant que l’on évalue tous les dégâts de cette mutinerie, on peut admettre d’ores et déjà que la protestation des militaires non seulement écorne l’image d’un pays que certains analystes superficiels disaient aussi sécurisé que la Suisse mais ternit un peu plus le blason de Ouattara que ses partisans ont toujours présenté comme un homme fort et ferme. La semaine dernière, Ouattara n’a été ni fort ni ferme. Ses proches déclarent même qu’il était si atteint, si ébranlé, qu’il aurait envisagé de démissionner. À ceux qui en doutaient encore, le dénouement du dernier bras de fer entre le pouvoir fantoche et moribond d’Abidjan et ses mutins aura surtout révélé que Dramane Ouattara occupe le fauteuil présidentiel, non parce qu’il a été démocratiquement élu, mais parce que des tueries et massacres ont été perpétrés par des voyous et analphabètes qu’il avait recrutés au Burkina, au Mali, en Guinée, au Togo et dans d’autres pays de l’Afrique occidentale. Dans une vidéo postée sur Facebook, en effet, deux mutins n’affirment-ils pas qu’eux et leurs camarades ont voté pour que Ouattara soit à la tête de la Côte d’Ivoire mais que ce sont leurs armes qui l’y ont installé ?
Une affirmation que je trouve un peu exagérée car, même si ces Pieds Nickelés y ont mis du leur, ont perdu amis et compagnons dans cette folle aventure, même si Ibrahim Coulibaly et ses hommes du « Commando invisible » ont fait de nombreuses victimes parmi les policiers et gendarmes à Abobo, on doit reconnaître que, en définitive, ce sont les soldats français appuyés par la force onusienne censée pourtant être neutre, et non les FRCI, qui ont eu raison de nos forces de sécurité et de défense. Tous ceux qui étaient présents à la résidence du chef de l’État entre le 1er et le 11 avril 2011 peuvent attester que la France utilisa tous les moyens militaires dont elle disposait (avions de guerre, hélicoptères, missiles, rafales, etc.) contre Laurent Gbagbo qui non seulement n’avait pas déclaré la guerre à l’ancienne puissance colonisatrice mais demandait le recomptage des voix pour un règlement pacifique du contentieux électoral. Le président ivoirien aurait pu périr dans ce déluge de feu, car tel était le but recherché par ses adversaires (Sarkozy, Jean-Marc Simon, Ouattara, Bédié et Soro) mais il eut la vie sauve probablement parce que la mission que Dieu lui a confiée n’était pas encore achevée. Non, les rebelles de Ouattara n’étaient pas assez forts pour battre nos soldats. La Licorne les aida plutôt à pénétrer dans la résidence présidentielle où ils firent montre d’une barbarie inouïe envers les Henri-Philippe Dacoury-Tabley, Christine Adjobi, Yanon Yapo, Jean-Jacques Béchio et d’autres.
En d’autres termes, sans les Français, les FRCI auraient mordu la poussière devant nos valeureux militaires. Cela est d’autant plus vrai que les attaques de la rébellion contre la République, ses institutions et ceux qui les incarnaient n’ont pas débuté le 11 avril 2011. C’est en 2002, précisément le 19 septembre, que tout commença. Ce jour-là, Kigbafori Soro et sa bande de criminels furent chassés d’Abidjan et poursuivis jusqu’à Bouaké par des soldats loyalistes peu équipés. La thèse selon laquelle les rebelles auraient pris la capitale économique si la Licorne ne s’était pas interposée ne tient donc pas la route. Début novembre 2004, la rébellion était presqu’anéantie quand Jacques Chirac la remit en selle en détruisant nos avions militaires. Sarkozy vola ensuite à son secours en 2011 pour combattre et remplacer Laurent Gbagbo par Ouattara. En principe, tout devait alors aller comme sur des roulettes mais chacun s’aperçut très vite qu’il y avait des problèmes entre Ouattara et son armée. D’où venaient-ils ? Du fait que les promesses faites (cinq millions de F. CFA plus une villa à chaque soldat) n’avaient pas été tenues. Pourtant, on nous avait dit et répété en 2016 que l’Ivoirien nouveau est celui qui respecte la parole donnée, ne dérange pas la quiétude des populations, tourne le dos aux coups d’État, etc.
La République aurait-elle été épargnée par ces mutineries à répétition avec leur lot de désagréments, de traumatismes, de jours chômés, de morts et de blessés par balles ? Oui, si nous avions eu un président sorti des urnes et non imposé par les armes. Et c’est ici qu’émerge la première leçon de cette mutinerie : les solutions apportées par la violence sont toujours des solutions provisoires. Mahatma Gandhi l’a bien résumé dans cette formule : « Je m’oppose à la violence parce que, lorsqu’elle semble engendrer le bien, le bien qui en résulte n’est que transition, tandis que le mal produit est permanent ». Le moins que l’on puisse dire est que Ouattara et ses adeptes sont rattrapés par leur propre violence, celle qu’ils ont introduite dans le jeu politique ivoirien. De cette violence, ils ont usé et abusé contre Bédié, Guéi et Gbagbo pour arriver au pouvoir. C’était leur marque de fabrique. D’où vient-il alors que les Soumahoro, Bictogo, Hamed Bakayoko condamnent aujourd’hui tout recours à la violence ? Pourquoi celle-ci serait-elle bonne pour eux et pas pour les autres ? Eux qui ont été prompts à arrêter puis à incarcérer une pauvre dame qui vendait au marché de Yopougon, pourquoi ne font-ils rien contre Soul II Soul, collaborateur de Soro, chez qui on aurait découvert quantité d’armes ? Un tel « deux poids, deux mesures » est-il acceptable quand on prétend militer pour la démocratie et la justice ? Ou bien Ouattara a-t-il peur de Soro dont le discours sur le pardon et la réconciliation ne peut séduire que des individus prêts à toutes les compromissions pour manger ou obtenir un strapontin ?
La seconde leçon que l’on peut tirer de ces cinq jours de mutinerie, c’est celle-ci : en acceptant de verser 42 milliards de F. CFA aux mutins après les avoir menacés de sanctions, Ouattara prouve qu’il ne comprend que le langage de la force. Les fonctionnaires, eux, sont méprisés et ignorés. Parce qu’ils n’ont pas la force avec eux, parce qu’ils ne traumatisent pas les Ivoiriens, parce qu’ils n’ont pas d’autre moyen de pression que le dialogue. Or n’est-il pas étrange que les houphouétistes auto-proclamés qui prêchent le dialogue à tout bout de champ se montrent sourds à leurs légitimes revendications ? N’est-il pas absurde que le pouvoir laisse d’honnêtes travailleurs crever de faim au moment où il ne recule devant rien pour contenter des mercenaires ? Et combien de temps durera cette injustice ? Ouattara, qui ne respecte que ceux qui tirent en l’air, est-il assuré que ceux qu’il qualifiait hier de « libérateurs » ne reviendront pas à la charge quand ils auront fini de dépenser l’argent perçu ?
En tout état de cause, les mutins, devenus un véritable boulet après avoir été publiquement encensés et félicités, auront montré qu’ils peuvent faire plier Ouattara et donc qu’ils sont à même de le déboulonner à tout moment. Qu’ils aient affirmé avoir contribué à sa prise du pouvoir par les armes confirme le fait que le président du RDR est un putschiste. Certains, croyant peut-être se venger de Laurent Gbagbo, qui n’aurait pas écouté leur appel à exiger le désarmement de la rébellion avant l’élection d’octobre 2010, s’étaient empressés de dire que Dramane Ouattara avait gagné la présidentielle d’octobre 2010. Ils sont mêmes allés à son investiture. Aujourd’hui, sans gêne, ils soutiennent que, sans les mutins, Ouattara n’aurait jamais été au pouvoir. Pourquoi ont-ils changé d’avis ? L’imminente libération de Laurent Gbagbo annoncée par certaines personnes qui se fondent sur le fait que la plupart des témoins à charge ont jusqu’ici blanchi le pensionnaire de Scheveningen ? Une libération que ne souhaiterait pas Roch-Christian Kaboré parce que, d’après lui, ses compatriotes vivant en Côte d’Ivoire étaient massacrés sous Laurent Gbagbo. Qu’est-ce que je pense de la sortie du président burkinabè ? D’une part, l’opinion de ce mendiant et laquais de la France importe peu ; d’autre part, quand nous aurons fini de dégager son frère Dramane, lui, Salif Diallo et les autres Burkinabè qui ont pris part à la déstabilisation de notre pays, nous leur demanderons des comptes car ce serait trop facile que leurs crimes restent impunis. Voilà des gens qui considèrent leur pays comme celui des hommes intègres alors que les seuls domaines où ils excellent sont les vols et les tueries. Et puis, pourquoi les Burkinabè ne rentrent-ils pas chez eux s’ils se sentent persécutés en Côte d’Ivoire ? Qui les en empêche ?

Jean-Claude DJEREKE


EN MARAUDE DANS LE WEB
Sous cette rubrique, nous vous proposons des documents de provenance diverses et qui ne seront pas nécessairement à l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu'ils soient en rapport avec l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et des Ivoiriens, ou que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à faciliter la compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la « crise ivoirienne ».


Source : connectionivoirienne 20 mai 2017

samedi 20 mai 2017

« Un général incapable de tenir ses troupes… »

Deux minutes ! Voilà le temps mis par le ministre ivoirien de la Défense, Alain-Richard Donwahi, pour annoncer en début de soirée lundi sur les antennes de la RTI qu'un accord avait été trouvé entre le gouvernement et les soldats mutins. Deux petites minutes, c'était la preuve que l'heure n'était plus aux grands discours, mais plutôt aux actes. Mais quel accord ? On n'en saura pas davantage sur les clauses contractuelles entre les deux parties.
Mais depuis hier mardi, les informations ont commencé à fuiter, certaines sources faisant état de ce que sur le reliquat de sept millions de francs CFA, objet de ces nouvelles mutineries, l'Etat aurait déboursé cinq briques pour chacun des 8 400 anciens rebelles qui avaient combattu du côté d'Alassane Ouattara lors de la guerre civile ivoirienne. Le reste devant être payé en juin. Pour d'autres, par contre, les comptes bancaires des croquants auraient été crédités de la totalité des montants réclamés.
Le calme était donc revenu à Bouaké, épicentre de cette énième poussée de fièvre kaki, et dans certaines localités, au moment où nous bouclions la présente édition. Des témoins faisaient état de la réouverture effective des commerces et de l'administration, de la levée des barrières sur les corridors routiers et du retour des soldats insurgés dans les casernes.
Le calme est donc revenu, mais à quel prix ?
Car, si on ajoute aux sept millions l'acompte initial des cinq autres millions, perçus en janvier dernier, chaque trouffion aura reçu au bout du compte la rondelette somme de douze briques.
Faisons le compte final donc : 12 millions de FCFA x 8 400 mutins = 100 milliards 800 millions FCFA. Oui, vous avez bien lu : 100 milliards 800 millions… C'est le prix que le président Alassane Ouattara a payé pour la paix, et espérons qu'elle sera définitive.
On a beau être Alassane Ouattara et la Côte d'Ivoire, c'est quand même une petite fortune. Et ça l'est d'autant plus que l'ordonnateur de ce décaissement est un banquier de formation dont on sait que la prodigalité n'est pas la première vertu.
La charge est d'autant plus insupportable, même pour l'« Eléphant d'Afrique », qu'une telle cagnotte n'était pas budgétisée, pour la simple raison que les autorités ivoiriennes ne pouvaient pas prévoir cette série de mutineries.
Pire, cette facture doit être acquittée à un moment où le pays est confronté à de multiples difficultés : baisse des cours des matières premières, notamment du cacao, principale mamelle nourricière de la Côte d'Ivoire ; grogne sociale ; revendications salariales des syndicats…
Et ça, ce n'est que le prix à payer dans l'urgence pour la paix dans les casernes. Car, à terme, ce sont d'autres secteurs autrement plus sensibles comme l'éducation, la santé et les infrastructures, qui pourraient subir les contrecoups de cette crise.
C'est sûr le vin va couler à flots pour cette génération spontanée de millionnaires, mais ce sont tous les Ivoiriens qui vont devoir trinquer. Mais il y a plus grave encore : c'est l'Etat tout entier, à commencer par son chef, qui a eu son autorité bafouée, sinon perdue. En effet, il a fallu seulement quarante-huit petites heures pour que le locataire du palais de Cocody passe de la fermeté au ramollissement face à des mutins droits dans leurs bottes. Un général incapable de tenir sa troupe, telle est la piteuse image qu’Alassane Ouattara vient de donner de lui. C'est peut-être le plus grave dans cette affaire. Quand le chef suprême des armées n'est plus écouté, ce n'est pas le commandement qui peut encore donner de la voix.
Il faut seulement espérer que cette épineuse question de primes a été définitivement soldée ; chose dont on doute fort vu qu'en janvier dernier, le reste de la troupe, qui n'était pas concerné par ce deal, était sorti du bois pour réclamer lui aussi sa « part de bonheur »…

Alain Saint Robespierre
Titre original : « Mutinerie en RCI : La paix vaut bien 100 milliards ».


EN MARAUDE DANS LE WEB
Sous cette rubrique, nous vous proposons des documents de provenance diverses et qui ne seront pas nécessairement à l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu'ils soient en rapport avec l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et des Ivoiriens, ou que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à faciliter la compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la « crise ivoirienne ».


Source : L'Observateur Paalga 17 mai 2017

jeudi 18 mai 2017

Cette mutinerie en Côte-d’Ivoire est le signe de la déliquescence du RDR , le parti de Ouattara

"Mutins" en train de démontrer leur savoir-faire
« On peut tout faire avec une baïonnette sauf s’assoir dessus », affirme Talleyrand. Si on peut en effet utiliser l’armée pour arriver à ses fins, conquérir le pouvoir et s’y maintenir, il est en revanche périlleux de rouler les militaires dans la farine. En revenant sur les accords précédemment signés, Alassane Ouattara a fait l’amère expérience de la colère et la détermination des mutins. Bien sûr, cette dernière mutinerie est condamnable comme toutes les autres. Le rôle de l’armée dans une république est de protéger les citoyens et non de les terroriser ou de les rançonner. Cela a été déjà dit, les promesses de butin faites par Ouattara n’engagent que lui. Elles n’ont aucun fondement juridique et sont tout au plus qu’une créance privée. Il aurait été plus juste que les mutins se rendent directement chez leur débiteur que de prendre la population en otage. Riche comme Crésus, il aurait pu honorer ses dettes sans que l’État n’en pâtisse. Au besoin, il aurait pu faire appel à Fanta Gbè, alias Dominique Ouattara, milliardaire elle aussi, pour réunir la somme exigée. Certains internautes se sont amusés à proposer des modes de règlements amusants : une tontine par exemple où cotiserait le président, les membres du gouvernement et les autres beati possedantes. Faut-il rappeler que près de 50 % de la population ivoirienne vit sous le seuil de pauvreté avec moins de 1, 25 par jour et que l’argent de la rançon sera prélevé non sur le train de vie exorbitant des dirigeants politiques, mais sur les dépenses sociales. En clair, les pauvres devront payer, quand le cercle du pouvoir pourra continuer de briller, voire s’agrandir avec la création prochaine du Sénat.
Comme d’habitude, au lieu d’analyser les causes profondes de la crise, on recherche les boucs émissaires, tout en épargnant soigneusement la responsabilité, voire l’incompétence du ministre de la Défense et des services de renseignement qui comme toujours n’ont rien vu venir, alors qu’ils sont payés justement pour anticiper sur les événements. Les doigts accusateurs se pointent déjà sur certaines personnalités. Pourtant cette mutinerie dénote d’une crise profonde du parti au pouvoir. Le fait que les militaires proches du régime se rebellent contre l’autorité montre qu’il y a malaise en la demeure. L’échec des réformes du secteur de la sécurité (RSS) est patent, mais pas dans le sens prévu : l’armée n’est ni professionnelle ni prétorienne. De plus, la faible mobilisation des militants du RDR pour s’opposer aux militaires traduit une tendance lourde, la déliquescence d’un parti en panne d’idéal.

"Un parti en panne d'idéal..."
L’échec des RSS
On nous a abreuvés de statistiques sur le taux de réussites de la démobilisation (90%), la quantité des armes récoltée (dérisoire), le coût des opérations (exorbitant, mais composés essentiellement de salaire des experts). Cette focalisation sur les chiffres a fait oublier cette vérité essentielle (Einstein) : « tout ce qui compte ne peut être compté et tout ce qui peut être compté ne compte pas toujours ». En matière de sécurité, ce qui compte et se chiffre difficilement est la qualité de la formation donnée aux hommes. Comme l’a si bien dit Thomas Sankara, « un militaire sans formation politique est un criminel en puissance ». Ces mutineries à répétition montrent s’il en était besoin que ces hommes n’ont de militaires que l’uniforme. Ils semblent n’avoir reçu pendant 7 ans, aucune instruction en matière de civisme, de respect de la hiérarchie, de connaissance du sacerdoce qui fonde leur métier : la défense des citoyens contre les périls internes et externes. Faut-il leur en vouloir quand -on regarde le dénuement dans lequel les a laissés le régime, préoccupé qu’il était par la question des démobilisés et la traque des pro-Gbagbo. Les réformes du secteur de la sécurité sont restées un beau slogan arrimé au concept de sécurité humaine, qui pour rappel met au centre de l’action des forces de sécurité la protection des citoyens. Véritable fiasco, dû en partie à l’incompétence des acteurs : le ministre de la Défense, le président lui-même, est un banquier, ses adjoints, l’ancien Paul Koffi Koffi, un ingénieur statisticien, et le nouveau Richard Donwahi, un fils à papa venu d’on ne sait où avec un simple DEUG 2 en poche. Quant au ministère de la Sécurité, il est géré par un bachelier, Hamed Bakayoko. Bref, autour du président, aucune expertise réelle. Pourtant, les questions de sécurité touchent à la vie des citoyens, elles sont pour ainsi dire trop sérieuses pour être confiées à des personnes totalement incompétentes. Bien sûr que des cadres compétents existent au sein du RDR. Mais le président semble avoir fait le choix du copinage (ses bons petits) au mépris de la méritocratie. On pousse même l’outrecuidance jusqu’à nommer comme ministres des secrétaires de direction : pauvre Afrique !
La loi de programmation des forces de sécurité intérieure 2016-2020, brandie par le régime comme une panacée à la crise actuelle, risque de produire de sérieuses déconvenues. Et pour cause, cette œuvre d’amateurs repose sur deux piliers essentiels, tous économistes (encore). La réduction des effectifs et l’équipement des forces de sécurité. Faut-il rappeler que le Burkina Faso, le Sénégal ont des armées plus professionnelles sans avoir les moyens de la Côte d’Ivoire. Tout n’est pas qu’argent dans la vie. Il suffit de miser sur la qualité de la formation des hommes, leur adhésion à des valeurs transcendantales : la nation, l’État.

De caporaux ou sergents à colonels,
comme d'un coup de baguette magique
Tout porte à croire que le régime a voulu maintenir les mutins dans leur dénuement intellectuel pour en faire une garde prétorienne. Pour preuve, le régime a utilisé des moyens insidieux, qui sapent les valeurs républicaines de l’armée, à savoir l’utilisation des imams, pour désamorcer la bombe. Attitude irresponsable du point de vue des garants de la laïcité, mais aussi attitude empreinte d’une grande naïveté. En effet, la plupart des mutins ne sont musulmans que de nom et leurs gris-gris en disent long sur leurs croyances. Les imans auraient eu plus de succès s’ils avaient associé à leur démarche le chef du bois sacré de Dokaha ou les présidents des associations de dozos.
En se rebellant contre le régime, les 8500 militaires ont montré qu’ils avaient des intérêts propres, distincts de ceux du régime. La graine de la discorde est semée entre les deux. Le régime sait désormais qu’il ne peut compter sur cette armée pour mater son opposition ou confisquer le pouvoir. Ce qui est une bonne nouvelle pour les démocrates, car l’oblige à rechercher l’onction du peuple, à se démocratiser.
Le manque d’idéal
Le moins qu’on puisse dire est que le parti de Ouattara n’arrive plus à mobiliser. Les appels à manifester contre les mutins, dont la cause est pourtant impopulaire, ont connu un faible écho. À Adjamé, un des rares succès, on pouvait voir devant le camp Gallieni une foule clairsemée, composée de tous les apparatchiks du régime et de leurs lignages ainsi que de quelques badauds, certainement des microbes, attendant que les choses dégénèrent pour voler la population. Le fait n’est pas surprenant : l’année dernière, la grand-messe organisée au stade Houphouët-Boigny à la veille du referendum sur la constitution avait brillé par ses gradins vides. La médiocrité du texte n’explique pas tout, encore moins ses dispositions impopulaires (création du Sénat inutile et budgétivore), ou sa procédure antidémocratique (aucune assemblée constituante, même pas la consultation des militants du RDR). Le désamour entre le RDR et sa base vient de plus loin : les dirigeants ont sapé toutes les valeurs sur lesquelles s’est construit ce parti et pour lesquels biens de personnes ont été tuées.
Djéni Kobinan, le fondateur du RDR
L’idéal démocratique : Le RDR est créé est en 1994 après que Djeni Kobinan leader des réformateurs du PDCI se soit vu refuser la parole lors d’un bureau politique du PDCI. Est-ce le même parti qui aujourd’hui refuse tout débat en interne, qui décide de façon autoritaire du choix des députés ? Est-ce le RDR qui a tant souffert des interdictions de manifester et dont les militants ont été tués pour ce seul fait en décembre et octobre 2000, en 2004 et 2010, qui une fois au pouvoir interdit de façon frénétique toutes les marches de l’opposition ? Les militants ne reconnaissent plus la vieille mère Henriette Diabaté, celle qui a écrit les plus belles pages du militantisme féminin en Côte d’Ivoire. Ils s’expliquent mal son mutisme devant ce gouvernement pléthorique de 34 ministres qui ne compte que 6 femmes (17 %).
La liberté de la presse : de 1995 à 2000, la principale cible des manifestations du RDR a été la RTI pour exiger que les médias publics soient ouverts à toutes les sensibilités politiques. Que de manifestants battus ou tués au cours de ces manifestations. Est-ce ce le même RDR qui monopolise aujourd’hui les médias d’État, transformés en une caisse de propagande du régime ? Est-ce le RDR qui a dénoncé les atteintes à la liberté de la presse du temps de Bédié et de Gbagbo, qui fait voter cette loi liberticide, la pénalisation des délits de presse. N’est-ce pas le contraire de ce qui nous a été seriné pendant plus d’une décennie par Charles Sanga, Meité Sindou, Bamba Alex et autres journalistes du parti.
La bonne gouvernance : le plus haut fait d’arme d’Amadou Gbon, ce qui lui vaut sa renommée actuelle au sein du RDR, est cette phrase prononcée en 1998 à un meeting du RDR, alors qu’il était député : « Bédié est un voleur ». Cela lui a valu la levée de son immunité parlementaire. Quelle admiration sans bornes pour le Ouattara des années 1990, celui que les militants présentaient fièrement comme l’icône de la bonne gouvernance, celui qui a fait payer l’impôt aux plus riches et a fait de la moralisation de la vie publique son cheval de bataille. Quelle différence avec ce régime affairiste où Loïc Folloroux, le beau-fils, règne sur le café cacao, Bictogo sur tous les marchés d’État, le couple Gbon Coulibaly et Hamed Bakayoko, sur tous les postes juteux de l’administration !
Que pense et que dit la base de ses dirigeants ?
À l’amnésie de sa propre histoire se joint une incapacité à comprendre les plaintes des militants. Misère morale de qui pense guérir la détresse et le manque d’horizon des militants par la distribution de billets de banque. Un parallèle peut être fait avec la France de 1789. Au début de la révolution, les manifestants criaient à la famine : « On veut du pain », scandaient-ils ; et le roi Louis XVI de répondre : « Eh bien, qu’on leur donne du pain ». Il n’avait rien compris. Le pain fut servi, mais la grogne s’amplifia et le roi fut décapité quelques années plus tard. Bien sûr je ne souhaite pas une fin tragique aux tenants du pouvoir. Mon but est de dire qu’il est naïf de prendre les plaintes des militants au premier degré au risque de trouver des réponses inappropriées et inefficaces. Les précongrès du parti ont été en ce sens une occasion manquée de reconquérir la base. Au lieu d’écouter, les dignitaires du parti sont venus avec des discours déjà écrits, dont le contenu mêle fausses empathies – « je vous ai compris » (la formule est de De gaulle) – et fausses autocritiques sur de prétendus élus qui auraient abandonné les militants, comme le berger son troupeau. Analyses fausses qui conduisent à des solutions tout autant fausses, la création d’un fonds d’aide aux militants ou encore les distributions d’argent aux sections du parti à travers le pays. Ils n’ont vraiment rien compris. L’homme ne se nourrit pas que de pain, dit l’Évangile. Ce qui importe en politique est de construire un idéal de société, des valeurs qui fédèrent les esprits, de tresser des cordes de l’imaginaire qui lient le peuple. Il est urgent que ce travail soit fait, le RDR regorge de nombreux intellectuels. Valy Sidibé, Yacouba Konaté, Franklin Nyamsi (le philosophe de Guillaume Soro), s’ils n’étaient trop occupés à manger, auraient été parfaits pour ce travail. Autrement, la déliquescence du RDR risque de se poursuivre.

Jean-Francois Fakoly

EN MARAUDE DANS LE WEB
Sous cette rubrique, nous vous proposons des documents de provenance diverses et qui ne seront pas nécessairement à l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu'ils soient en rapport avec l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et des Ivoiriens, ou que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à faciliter la compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la « crise ivoirienne ».



Source : http://www.connectionivoirienne.net 18 Mai 2017

mercredi 17 mai 2017

La Côte d’Ivoire du « miracle » au mirage

OUI, OUI, OUI... MAIS ÇA, C’ÉTAIT AVANT
Mutineries ; prix du cacao et croissance en berne ; grogne sociale et politique ; restrictions budgétaires : le « miracle ivoirien », fortement secoué, risque de se transformer en mirage.
« L’euphorie est terminée », estime un analyste. Réélu triomphalement en 2015 pour un deuxième quinquennat, le président Alassane Dramane Ouattara fait face à de nombreux problèmes qui minent son projet d’émergence économique du pays, son autorité et sa crédibilité.
- président affaibli –
Le chef de l’État s’est dit à plusieurs reprises « meurtri » par les mutineries qui ont ébranlé le pays en janvier. Et, après cinq jours d’un nouveau soulèvement de ces mêmes militaires, ex-membres de la rébellion qui l’avait porté au pouvoir en 2011, sa situation est de nouveau fragilisée.
Si la plupart des Ivoiriens n’approuvent pas le soulèvement, ils ne comprennent pas le revirement du président qui avait promis les primes aux mutins en janvier, avant de participer cinq mois plus tard à une cérémonie télévisée pendant laquelle certains de leurs « représentants » renonçaient aux primes. Une opération de communication qui s’est révélée désastreuse, remettant le feu aux poudres et sapant sa crédibilité. D’autant que le gouvernement a d’abord affiché sa fermeté, avant de céder.
« En Afrique, la parole est sacrée, si tu es un homme tu ne reprends pas ta parole », souligne Ibrahim Yaméogo, commerçant à Bouaké, ville traditionnellement acquise au président.
« Le gouvernement n’est pas sorti affaibli de cette situation mais au contraire renforcé. Il a pu traverser une situation difficile », assure néanmoins le ministre de la Défense Alain-Richard Donwahi.
- somme colossale –
Les sommes promises aux 8.400 mutins sont colossales pour la Côte d’Ivoire où les revenus mensuels des familles dépassent rarement 200.000 F CFA (300 euros). « Sept millions (10.500 euros), au vu du peuple qui est en train de souffrir... », proteste ainsi Billy Kouassi Kouassi, fermier.
Et, si on y ajoute les 5 millions (7.500 euros) déjà payés en janvier, l’addition est salée pour un État déjà en difficulté : 101 milliards CFA, soit 153 millions d’euros.
- « la maison brûle » –
« Normalement, on pourrait ventiler ces 150 millions d’euros sur différents postes, mais nous sommes dans un contexte de chute des prix du cacao », qui ont plongé de 35%, explique le politologue ivoirien Jean Alabro.
Ce secteur est si vital pour l’économie du pays, premier producteur mondial, que le gouvernement avait dû annoncer le 10 mai revoir son budget à la baisse avec une réduction des investissements de 9,3%.
Or, « la croissance du pays est tirée par les investissements et notamment les investissements étrangers », souligne Jean Alabro. Étrangers que les mutineries risquent d’effrayer, alors que le gouvernement travaille depuis des mois au lancement d’un grand emprunt Eurobond de 760 millions à 1,1 milliard d’euros.
« Dans la situation actuelle, c’est problématique. C’est comme si un particulier dont la maison brûle tous les mois allait voir son banquier pour lui emprunter de l’argent pour acheter des meubles », résume M. Alabro.
- grogne sociale –
La reculade face aux mutins risque aussi de raviver un effet domino, déjà observé en janvier dans le reste des forces de sécurité qui ont demandé à leur tour des primes. Déjà, les « démobilisés », quelque 6.000 anciens rebelles non intégrés dans l’armée, réclament les mêmes sommes.
Et la grogne sociale persiste. Les fonctionnaires font ainsi régulièrement grève depuis des mois, réclamant augmentations de salaires et paiement d’arriérés de primes estimés à plus de 200 milliards CFA (300 millions d’euros).
- avenir assombri –
« 2017 devait être l’année de la consolidation économique et politique avant qu’on ouvre les hostilités en préparation de la succession de Ouattara en 2020. C’est rapé ! On ne consolide rien, au contraire », analyse un observateur de la politique ivoirienne sous couvert d’anonymat.
La réconciliation nationale après une décennie de crise politico-militaire reste aussi à faire. Et la succession à la présidence attise les convoitises, suscitant des rivalités entre les deux grands partis de la majorité, comme entre les partisans mêmes de M. Ouattara.
Enfin, ces dernières mutineries ont montré que l’objectif de mise sur pied d’une armée véritablement républicaine était encore bien loin.

pgf-ck/jpc


EN MARAUDE DANS LE WEB
Sous cette rubrique, nous vous proposons des documents de provenance diverses et qui ne seront pas nécessairement à l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu'ils soient en rapport avec l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et des Ivoiriens, ou que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à faciliter la compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la « crise ivoirienne ».


Source : AFP 17 mai 2017

mardi 16 mai 2017

LE ROI NU


1

La Côte d’Ivoire est prise entre des vents contraires. Il y a les uns qui rentrent dans les rangs et les autres qui, au même moment, ruent dans les brancards. On est où là avec tous ces soubresauts ?, doivent s’interroger les Ivoiriens avec leur humour caustique.
Le 18 janvier 2017, le Gouvernement ivoirien avait son explication de la mutinerie de 8.400 ex-combattants des Forces armées des Forces nouvelles (FAFN, rébellion armée) qui ont intégré l’armée nationale. «Les primes à payer concernent les ex-FAFN désignés pour sécuriser le processus de sortie de crise en 2007 et 2011 qui n’ont perçu ni primes ni salaires durant cette période». 
En clair, c’est Laurent Gbagbo qui a été accusé d’avoir pris comme engagement de payer aux 8400 ex-combattants en colère de la rébellion armée, 17 millions de nos francs par soudard, villa et grade sans stage. Cinq millions de nos francs ont été aussitôt payés, et promesse a été faite de payer sept millions de FCFA sur sept mois, soit un million de nos francs par mois.
Entre temps, face aux tensions de trésorerie de l’État, «Wari fatchè» a réquisitionné des chefs religieux musulmans pour calmer les mutins qui piaffaient d’impatience de ne pas recevoir leur dû. La montagne a, semble-t-il, accouché d’une souris. 
Ce 11 mai 2017, les 8.400 soudards avouent avoir renoncé aux prétendues «primes Gbagbo». Des soldats qui y ont été présentés comme leurs représentants ont «demandé pardon» à leur «papa Ouattara». C’est ce qu’on appelle en Côte d’Ivoire le «Sabary Day». «Devant tant de sacrifices consentis en ces temps difficiles, nous soldats, renonçons définitivement à toute revendication d’ordre financière», ont-ils déclaré.
Mais à peine ont-ils fini de prendre cet engagement que des démobilisés (ex-combattants qui n’ont eu aucun point de chute), en furie, ont repris leurs manifestations à Bouaké, ex-épicentre et siège de la rébellion armée. C’est le «Diminan Day». 
Ils avaient donné soixante-douze heures au Gouvernement pour répondre à leurs revendications : 18 millions de nos francs pour chacun des 6.900 démobilisés, la reconnaissance du grade de caporal, l’intégration des plus jeunes dans l’armée nationale. Des commissariats de la ville ont ainsi été pris d’assaut, les corridors d’accès à la ville, brièvement fermés et des tirs sporadiques ont été entendus au troisième bataillon de Bouaké.
 
Le pays est gouverné mais la situation volatile devient ingouvernable, malgré le calme apparent observé sur le théâtre des opérations. Car, le mouvement qui «ternit, selon Alassane Ouattara, l’image de notre pays après tous nos efforts de développement économique et de repositionnement diplomatique», a contaminé d’autres localités (Man, Guiglo, Bondoukou, Odienné) dont Abidjan où des tirs ont été entendus le jeudi 12 mai autour des casernes d’Abidjan (Galliéni, nouveau camp d’Akouedo, ministère de la Défense).
Le jour du 11 mai est, en effet, celui de l’expression de la colère. De son côté, le FPI-tendance légale, est monté en première ligne. En janvier 2017, Pascal Affi N’Guessan, son président, avait prêché dans le désert en exigeant la démission d’Alassane Ouattara pris dans la tourmente des revendications des soldats mutins et de la grève des fonctionnaires.
 
Dénonçant le chaos avec lequel flirte la Côte d’Ivoire, il a invité militants, sympathisants et habitants de ce pays à descendre, le 17 juin 2017, dans la rue pour protester et crier leur ras-le-bol. Ouattara n’a pas qu’échoué, il conduit le pays à la faillite totale.
Au plan atmosphérique, les météorologues auraient redouté la formation de tornades qui sont le résultat de la rencontre d'une masse d'air chaud instable et d'une masse d'air froid. C’est pourquoi les observateurs de la scène politico-sociale ivoirienne sont perplexes face à ces perturbations tourbillonnantes qui, à force de devenir récurrentes malgré les fermes condamnations du chef de l’État qui est en même temps le ministre de la Défense du gouvernement, traduisent l’impuissance d’un pouvoir aux abois et de plus en plus sans réelle autorité.

Bally Ferro (Titre original : « Ouattara à la croisée de vents contraires »)
Source : page FBK de Bally Ferro 12 mai 2017


2
«Brave Tchê» se découvre tel qu’en lui-même : un «Tchê Mougouni». Ne sachant sur quel pied danser face à ses combattants de tout acabit qui l’ont porté au Pouvoir, ni quelle décision prendre pour rester le maître de la situation, Alassane Ouattara est désormais la marionnette des maîtres chanteurs de l’ex-rébellion armée.
Ces derniers lui font subir, depuis novembre 2014, leurs humeurs massacrantes. Celles-ci, comme en novembre 2014 et janvier 2017 après de nouveaux paiements que l'on rejetait du bout des lèvres, viennent d'être seulement différées en attendant les prochains et immanquables accès de fièvre, surtout que 6900 démobilisés, ces ex-combattants laissés sur les carreaux et porteurs d’autres revendications, ruminent leur colère.
Avec son autorité bafouée et sa crédibilité mise en pièces, ses sorties directes ou par personnes interposées (le ministre délégué Alain Donwahi Richard, le CEMAG Sékou Touré…) qui sont désormais objets de risée, Alassane Ouattara, descendu de son piédestal, se trouve dans la peau du roi nu.

Bally Ferro (Titre original : « Le roi est nu »)

 Source : page FBK de Bally Ferro 16 mai 2017

EN MARAUDE DANS LE WEB
Sous cette rubrique, nous vous proposons des documents de provenance diverses et qui ne seront pas nécessairement à l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu'ils soient en rapport avec l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et des Ivoiriens, ou que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à faciliter la compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la « crise ivoirienne ».



lundi 15 mai 2017

Fayotage en règle : comment les médias ont couvert l’intronisation de Macron

« L’investiture la plus romanesque de la Vème République », « personnes réfugiées dans ses bras », « physique de l'emploi »… Particulièrement mielleux, les commentaires des médias sur l’investiture d’Emmanuel Macron ont été presque plus remarquables que la cérémonie elle-même. Une extase qui frise le fayotage, selon des internautes…
« Vous l’avez voulu ! Vous l’avez voulu, George Dandin ! Vous l’avez voulu !
Cela vous sied si bien et vous voilà ajusté comme il faut : vous avez justement ce que vous méritez… ».
(Molières, George Dandin. Acte I, scène 9)
Bien que l'investiture d'Emmanuel Macron tenue ce dimanche à Paris n'ait pas attiré de foules en délire inondant les rues afin de saluer le nouveau président français, elle semble avoir été particulièrement appréciée du côté des commentateurs politiques. Pendant que les journalistes de France 2 et de BFMTV rivalisaient d'éloquence pour décrire la cérémonie, les internautes exprimaient sur Twitter leur mécontentement et leur dégoût à propos de telles dithyrambes.
Ainsi, les internautes n'ont pas manqué de relever ces paroles prononcées sur le plateau de France 2 : « C'est l'investiture la plus romanesque de la Ve République », « On est véritablement dans le roman, et même, osons le mot, dans l'épopée ».
Les paroles des commentateurs ne laissent guère planer de doutes sur l'amour voué à Emmanuel Macron au sein de ces derniers, la seule montée des marches au pas de course du nouveau chef de l'État ayant plongé les journalistes dans une extase presqu'amoureuse.
« Il a monté les marches quatre à quatre, à une vitesse incroyable. Ça rappelle Jacques Chaban-Delmas », apprécie le journaliste Franck Ferrand.
On a aussi entendu s'extasier l'éditorialiste de BFMTV Ruth Elkrief après le premier discours du nouveau président.
« C'est le personnage Macron qui parle, sa jeunesse, son énergie, sa volonté de rendre les choses différentes ».
L'apogée étant atteinte quand Emmanuel Macron prend une femme en larmes dans ses bras.
« Des personnes se sont réfugiées dans ses bras. Autrefois, les rois touchaient les écrouelles le lendemain du sacre, il y a un peu de ça », s'exclame un intervenant, comparant sans rougir Macron aux monarques d'antan.
De son côté, un internaute voit dans cette intervention la preuve que « le ridicule ne tue pas ».
Nathalie Saint-Cricq, la responsable du service politique de France 2, s'est même permis de remarquer qu'Emmanuel Macron « avait le physique de l'emploi ». Une remarque qui dénotait pour certains « la médiocrité des médias ».
Selon certains internautes, c'est la première fois qu'on assiste à un « fayotage médiatique » d'une telle ampleur.
Ces qualificatifs plus élogieux les uns que les autres ont provoqué de la déception chez de nombreux internautes

Source : Sputniknews.com 15 mai 2017

dimanche 14 mai 2017

Pétition pour Venance Konan (rappel)

Ce qui est bien avec Venance Konan, c’est qu’il est capable de dire tout et le contraire de tout dans le même article. Si bien que toute son œuvre – du moins son œuvre journalistique car c’est la seule que je connais au jour d’aujourd’hui – n’est qu’un tissu de contradictions, de paradoxes, de sophismes, de lapalissades et même de contre-vérités, le tout asséné avec un sang-froid qu’on pourrait admirer si le journalisme était l’un des beaux-arts, ou s’il ne s’agissait pas de sujets aussi graves que tous ceux sur lesquels cet écrivain dévoyé exerce depuis ses débuts une plume inutilement talentueuse. Inutilement ? Oui… Car quand on réfléchit à son parcours à la lumière de ses reportages, interviews, billets d’humeur et éditoriaux, on se rend vite compte que ce journaliste « recherché » n’a jamais fait que suivre l’opinion dominante. Et quand nous disons « opinion dominante », nous ne voulons pas dire l’opinion de la majorité des citoyens de notre pays, mais l’opinion de ceux qui nous dominent… Ainsi, V. Konan était naturellement tayloriste durant la guerre civile libérienne, parce que dans cette guerre, Charles Taylor était le bras armé de la Françafrique, alors représentée par l’ambassadeur Michel Dupuch et par un certain Robert de Saint-Pai, peut-être un des alias du très entreprenant Jean Mauricheau-Beaupré, un résidu de la Maison Foccart. Ainsi, sous Bédié, s’il était furieusement « ivoiritaire », c’était parce que le « gouverneur » Guy Nairay régnant et Michel Dupuch étant toujours à son poste, Alassane Ouattara n’apparaissait pas encore comme le choix de la Françafrique. Ainsi, sous Robert Guéi, quoique le contexte eut changé du fait du décès de G. Nairay et du rappel de M. Dupuch, qui facilitèrent le renversement de Bédié sans ouvrir à Ouattara la voie royale qu’il espérait, il demeura « ivoiritaire ». Ainsi, pendant le mandat de Laurent Gbagbo, même s’il avait déjà mis beaucoup d’eau dans son vin, question « ivoirité », depuis que Bédié et Ouattara avaient fait leur paix sous l’égide de la Françafrique,  et pratiquement jusqu’à ce que tout se gâte vraiment entre ladite Françafrique et Gbagbo au lendemain du 2e tour du scrutin présidentiel de 2010, V. Konan n’était pas vraiment le farouche opposant qu’il deviendra à partir du 3 décembre 2010. La seule chose qui ne varie pas dans cette trajectoire, c’est que V. Konan n’apparaît chaque fois que comme la cinquième roue du carrosse ou, si vous préférez, comme la mouche du coche.
Inutilement talentueuse, disions-nous ? En fait, cela dépend pour qui. Car V. Konan est l’un des très rares Ivoiriens qui vivent très bien de leur plume, et probablement le seul parmi les journalistes qui ne sont pas devenus autre chose. Mais, même dans cette « mangécratie » que la Françafrique nous impose depuis le 11 avril 2011, et s’agissant d’une telle poche de moralité, l’argent n’est pas tout ! Un Venance Konan peut certainement, et avec raison, ambitionner beaucoup plus que ce rôle d’imprécateur que personne n’écoute et que peut-être ceux qui le payent méprisent en secret, comme dans la légende, Cassandre la Troyenne éternellement vouée à prêcher dans le désert. Quand on voit avec quelle assurance il dénonce l’anarchie, l’insalubrité, l’anomie, l’insécurité, l’incivisme, l’irresponsabilité, la corruptibilité des hommes et la corruption des mœurs, la gabegie, toutes ces « nègreries » comme il aime à dire, peut-on douter que ce nouveau Savonarole serait aussi compétent sinon plus, par exemple, que tel maire, tel gouverneur de district, tel préfet, tel député, tel ministre, tel ministre d’Etat, voire le Premier ministre ou le président de la République lui-même, pour éradiquer tous ces maux dont la Côte d’Ivoire n’a que trop souffert…
Voilà pourquoi, chers membres et chers amis du Cercle Victor Biaka Boda, nous vous soumettons encore une fois le dernier éditorial de Venance Konan, qui est un peu la quintessence de sa pensée, et qui se lit comme un catalogue ou un inventaire de tous les projets dont il pourrait faire bénéficier cette Côte d’Ivoire qui lui est si chère, pourvu qu’elle lui en donne les moyens. Que diriez-vous d’une pétition en sa faveur, à soumettre à ses employeurs actuels, pour les exhorter à mieux l’utiliser qu’ils ne le font aujourd’hui ? Etant donné l’étendue des centres d’intérêts de V. Konan et l’immensité de ses talents, on pourrait envisager de lui confier au minimum une fonction de conseiller spécial à compétence universelle, avec droit de regard sur l’activité de toutes les autorités depuis le sommet de l’Etat jusqu’au dernier détenteur de la moindre parcelle de pouvoir… Quelque chose comme la présidence de ce truc bizarre qu’Houphouët imagina, en 1990, pour mettre sur orbite un certain Alassane Ouattara. Ça s’appelait le « Comité interministériel de coordination du programme de stabilisation et de relance économique ». Sans être et sans jamais avoir été membre du gouvernement ivoirien, Ouattara avait été bombardé président de cet organisme, avec plusieurs ministres à ses ordres au grand scandale de Camille Alliali, qui ne put s’empêcher de faire observer à Houphouët – c’est dire s’il fut scandalisé ! – « Qu’il n’était pas habituel qu’une personnalité qui n’était pas membre du gouvernement puisse être nommée à la tête d’un comité composé de ministres »
Mais ça, c’était avant. Une époque où, s’il faut en croire V. Konan, l’urgence n’existait pas encore. Aujourd’hui, c’est autre chose. On n’a pas le temps de chipoter. Et pas question de limiter le champ d’intervention du nouveau sauveur de la patrie au seul domaine économique comme ce fut le cas pour Ouattara. Au contraire, il faudra lui confier tous les leviers de décision existant dans le pays, sans excepter ceux qui appartiennent au chef de l’Etat. En un mot, il faut créer V. Konan dictateur, comme ils faisaient dans l’ancienne Rome lorsqu’ils étaient confrontés à une crise d’une telle gravité que seul un homme d’exception nanti de tous les pouvoirs pouvait sauver la république.
Si cette proposition vous agrée, faites-le-nous savoir. Et si elle ne vous agrée pas, faites-le-nous savoir également, en précisant les raisons de votre désaccord.
Donc, chers membres et chers amis du CVBB, à vos plumes !

Marcel Amondji (24 avril 2013)

* * * *

Soldat nouveau égal Ivoirien nouveau


Un ami, ivoirien d’origine et américain aujourd’hui, qui est commandant dans l’armée américaine, m’a envoyé ces quelques lignes hier matin, à l’annonce de la nouvelle mauvaise action de certains de nos militaires qui tiraient en l’air pour manifester leur mauvaise humeur : « Quelqu’un de tordu à l’origine qui entre dans l’armée devient un militaire tordu. Quelqu’un d’exemplaire qui entre dans l’armée devient un militaire exemplaire. L’armée n’est que l’extension de ce que tu es dans le fond ». Qui avons-nous fait entrer dans notre armée ? Essentiellement des gens tordus.
On nous dira qu’il fut un moment où nécessité faisait loi, où pour vaincre celui qui usurpait le pouvoir et menaçait de tuer notre jeune démocratie, il fallut faire avec ce que l’on avait sous la main. Soit !
Mais après, qu’avons-nous fait pour rendre exemplaires et droits les tordus que l’on avait fait entrer dans notre armée ? Qui pouvait les redresser et les rendre exemplaires ? Nous entrons là dans la problématique du fameux Ivoirien nouveau après lequel nous courons.
Le soldat nouveau que nous aimerions voir ne sera rien d’autre qu’une partie de l’Ivoirien nouveau que nous aurons créé. Qu’avons-nous fait pour faire advenir cet Ivoirien nouveau ? Ce que nous, nous reprochons à l’Ivoirien actuel, c’est, entre autres, son goût pour la facilité, son aversion pour le travail et l’effort, l’inversion qu’il a fait de toutes les valeurs dans lesquelles nous autres de près de soixante ans avons été élevés, et l’argent qu’il a érigé au statut de dieu.
Depuis que nous parlons d’Ivoirien nouveau, avons-nous réellement commencé à inverser les choses ? Avons-nous commencé à apprendre à nos enfants à travailler dur, plutôt qu’à chercher à tricher ? Avons-nous renoncé à chercher des passe-droits, des interventions pour la moindre démarche administrative, pour le moindre concours ? Avons-nous renoncé à exiger des bakchichs pour faire le minimum du travail pour lequel nous sommes payés ? Nous, journalistes, avons-nous renoncé à exiger des « per diem » pour écrire le moindre article ? Nos pasteurs ont-ils renoncé à faire les poches des personnes en détresse qui fréquentent leurs temples ? Nos policiers ont-ils renoncé à racketter les conducteurs ? Les magistrats ont-ils renoncé à vendre leurs jugements ? Avons-nous intégré le fait que la sanction fait aussi partie de l’éducation ? Lorsque nous commencerons à lutter réellement contre les maux que nous connaissons tous et qui minent notre société, nous aurons alors le droit de nous étonner que nos soldats se comportent comme ils le font. Ils ne sont que le reflet de notre société.
Houphouët-Boigny disait, avec raison, qu’il préférait l’injustice au désordre. Lorsqu’une société veut avancer, elle doit sanctionner ceux qui se conduisent mal, quitte à commettre parfois de l’injustice. Au temps des Romains, lorsque des soldats commettaient des fautes, on les alignait et on les comptait par groupes de dix. Les dixièmes étaient mis à mort sans discussion, qu’ils soient coupables ou pas. D’où le verbe décimer qui signifiait tuer le dixième. Ils savaient, les Romains, qu’une mutinerie, une désertion, ou l’indiscipline étaient des fléaux pour toute armée.
Tant que nous ne comprendrons pas que si nous voulons une vraie armée, nous ne devrons plus tolérer certains comportements, sans aller jusqu’aux extrémités des Romains, nous connaîtrons ce genre d’actes qui ruinent tous les efforts faits pour remettre ce pays sur les rails. Il est plus qu’urgent d’inculquer à nos soldats le vrai sens de leur métier, qui comprend l’amour de la patrie, et le don de soi qui peut aller jusqu’au sacrifice de leur vie.
Mon ami, l’Américain d’origine ivoirienne, me disait aussi dans un mail que notre pays devrait envoyer plus souvent nos soldats dans les missions de l’Onu. Parce que là-bas ils apprendraient leur travail de militaires ainsi que tout ce qu’il implique, se frotteraient à d’autres soldats et acquerraient de l’expérience. Ils gagneraient en plus de l’argent, mais cette fois-ci après avoir fourni réellement de l’effort. C’est sans doute parce qu’ils sont oisifs ici qu’ils ne voient aucun inconvénient à bloquer l’activité économique du pays.
Un contingent de nos soldats a récemment été envoyé au Mali. C’est peut-être un début qui devrait être élargi. Il ne faudrait cependant pas oublier de leur payer ce qu’on leur devra lorsqu’ils reviendront de leur mission. C’est la revendication d’une telle dette qui déboucha sur le coup d’État de décembre 1999.
Fraternité Matin a reçu hier, pendant que certains militaires jouaient à terroriser les populations civiles, le ministre Sidi Tiémoko Touré qui est en charge de l’Emploi des jeunes et du Service civique. Le constat est clair qu’une importante partie de notre population manque terriblement de sens civique. Il ne s’agit pas seulement de militaires. Cela concerne avant tout nous les civils.
Et un mauvais civil qui endosse l’uniforme ne sera qu’un mauvais soldat. Il est plus que jamais temps de nous remettre au service civique, comme cela se faisait par le passé, en sachant que si nous voulons tricher aussi avec cela, c’est-à-dire faire juste semblant d’inculquer du civisme aux populations, nous en paierons un jour le prix. Comme nous payons en ce moment le prix de tous nos mensonges, de tous nos faux-semblants.

Venance Konan - Fraternité Matin 13 mai 2017