lundi 31 décembre 2018

Le Billet d'Habib Kouadja

EN ATTENDANT 2020, 
BONNE ANNÉE 2019 !


Abidjan s’apprête à rentrer tout doucement dans la nouvelle année avec ses hommes politiques qui mériteraient d’être momifiés un jour, tant ils sont atypiques. Maurice Guikahué nous a informés qu’il a déjà eu des contacts – trois ! – avec  ses nouveaux « amis » du Front populaire ivoirien (FPI). Ce que ces messieurs semblent avoir oublié, c’est qu’une élection se prépare longtemps en amont du jour fixé pour le scrutin. Je m’explique : nos cartes d’identité produites sous Laurent Gbagbo arrivent toutes à expiration en 2019. L’Office national d’identification (ONI) nous dit qu’il est prêt pour leur renouvellement et que nous aurons une carte d’identité format CEDEAO à partir de 2019. Soucieux avant tout de manger avec l’Usurpateur, depuis 2011 Maurice Guikahué et les autres pontes du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) ont fermé les yeux sur le découpage électoral, la modification des règles d’établissement du certificat de nationalité par le soi-disant gouvernement et la curieuse promotion de la lutte contre l’apatridie, soutenue par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). D’ailleurs, la semaine dernière, l’OIM a lancé la deuxième édition du Prix de la Presse contre l’apatridie. On aura tout vu !!! Quand je fais le mix de toutes ces données avec la violence dont fait preuve ce régime, je me dis que 2020 promet.
Entre temps, certains de ces hommes politiques semblent avoir le sommeil plus ou moins troublé. A l'Union pour la démocratique et la paix en Côte d'Ivoire (UDPCI), le président Toikeusse Mabri, habitué à manger à tous les râteliers et à s’asseoir le cul entre deux chaises, n’est pas enchanté par cette idée de dissolution de partis après le 26 janvier. Côté PDCI non plus, la situation n’est pas stable. Après la création des mouvements Sur les traces d’Houphouët-Boigny et  Pas à Pas vers notre destin, on vient d’assister à la création de PDCI-Renaissance, de Daniel Kablan Duncan. Je ne sais pas si c’est le dernier étage de la fusée avant de se poser sur la planète « Éclatement du PDCI », mais je sais une chose : l’Usurpateur et ses adorateurs, ne veulent pas de ce divorce. Cette alliance ayant éternellement été le cœur de leur stratégie de communication, comment dire à l’opinion internationale qu’ils peuvent maintenant gagner sans le PDCI ? Tel est leur problème. Je pense qu’au-delà  de tous ces bruits de scène de ménage, la France cherche à se débarrasser en douceur de l’Usurpateur et de ses hommes tout en gardant le contrôle du jeu politique sur la scène ivoirienne. Connaissant l’égoïsme du Sphinx de Daoukro, je doute qu'il aurait osé contrarier l'Usurpateur s'il n'avait pas reçu l’aval et de sérieuses garanties de leur propriétaire commun, la France.
En attendant 2020, j’observe une lente privatisation du système sanitaire qui ne dit pas son nom. J’ai observé trois mouvements : on observe une détérioration incroyable des structures sanitaires du secteur public, en même temps que l’on voit l’ouverture de structures sanitaires privées détenues par des étrangers. Pour couronner le tout, on continue d’enfumer les Ivoiriens avec l’assurance maladie universelle (AMU). Comment parler d’assurance maladie universelle dans un pays incapable de contrôler son flux migratoire ? Aujourd’hui, dans notre pays, malheur au pauvre et à celui qui n’a pas une police d’assurance privée. Et puis, à considérer que cette assurance soit possible, quel serait le choix, pour une femme enceinte, par exemple entre l’hôpital public de Bingerville et l’hôpital mère-enfant de Fanta-Gbè[*], situé juste derrière ? Voilà comment la boucle se referme sur l’Ivoirien lambda : souscris à l’assurance maladie universelle que je te propose, et tu pourras aller te soigner dans ma structure ou dans celles de mes amis.
Bonne Année 2019 à toutes et à tous.

Habib Kouadja


[*] En français : Fanta la Blanche. c’est ainsi que les « rattrapés ethniques » reconnaissants surnomment affectueusement Dominique Nouvian, l’épouse d’Alassane Ouattara.

mercredi 26 décembre 2018

SÉRY BAILLY, LE PONTIFE, S’EN EST ALLÉ

Séry Bailly en visite chez le doyen Bernard Dadié
le 15-7-2013 
(Photo de G. Toualy)

L’hommage de Jean-Claude Djéréké
L’un des titres portés par le pape est « le souverain pontife ». Pontife vient de deux mots latins : pons, pontis = pont et facere = faire, construire. Le « pontifex » est celui qui fait ou construit des ponts. Séry Bailly était à sa façon un pontife parce qu’il était un jeteur de ponts entre les générations, parce qu’il voulait que les jeunes sachent ce que les aînés avaient écrit/fait et inversement.
L’ouvrage « Porteurs d’espoirs » (L’Harmattan, 2013) a ainsi pour but de porter à la connaissance de ceux qui sont nés dans les années 60, 70 et 80, le parcours et les combats des Christophe Wondji, Harris Memel-Fotê, Christophe Dailly, Barthélemy Kotchy, Georges Niangoran-Bouah, Laurent Aké-Assi, Benié Tanoh ou Coulibaly Yédiety. En acceptant de préfacer les ouvrages de quelques jeunes auteurs, il souhaitait probablement envoyer aux anciens le message suivant : « Lisez vos petits frères et vous saurez comment ils voient le monde, la Côte d’Ivoire, les hommes et femmes politiques du pays, etc. Ça vaut vraiment la peine de connaître leurs rêves, passions, indignations et colères ».
Bailly désirait ardemment que ces deux univers, le monde des Charles Nokan et celui des Macaire Etty, se découvrent, se rencontrent et se parlent car, pour lui, seule la rencontre peut permettre aux humains de se débarrasser des « préjugés [qui] ont toujours la peau dure [et] influencent les jugements qu’on porte sur les autres, quelle que soit leur performance ». Il ne parlait ni d’être ensemble ni de vivre ensemble, peut-être parce que le second concept cher au Rassemblement des Républicains était devenu autre chose (vivre chez les autres sans eux) que ce qu’il devrait être dans notre pays. Au « vivre ensemble » Séry préférait le « faire chemin ensemble ».
Le 12 janvier 2010, la République d’Haïti fut dévastée par un tremblement de terre. De nombreux cadres et hauts cadres perdirent la vie dans cette tragédie. Pour Séry Bailly, il était hors de question que les Africains abandonnent ce pays meurtri à son triste sort. Il préconisait que l’Afrique subsaharienne fasse chemin avec les Haïtiens, qu’elle les aide à panser leurs blessures, bref qu’elle leur apporte l’aide dont peut avoir besoin un pays qui vient d’être frappé par un violent séisme parce que Haïti est une partie de nous-mêmes tout comme la Martinique, la Guadeloupe et la Guyane, parce que « nous sommes fils du même village ».
C’est le message central de l’ouvrage « Paroles de Côte d’Ivoire pour Haïti. Notre devoir de solidarité » (Ceda/Nei). Le message est toujours d’actualité car le pays souffre cruellement d’un manque d’enseignants et de médecins. Cela montre que Bailly n’était pas replié sur son pays, mais qu’il pouvait voir loin et grand. Indiscutablement, il y avait du Camus chez lui car, comme l’auteur de « La Peste », il était révolté par la souffrance, la mort, les injustices qu’il ne se contenta pas d’expliquer car le plus important et le plus utile, à ses yeux, était le combat contre le mal sous toutes ses formes. Combattre par la solidarité et le partage.
Il était bien conscient que le « faire chemin ensemble » devait commencer dans son propre pays. C’est tout le sens de l’expression « Ne pas perdre le Nord » dans l’essai qui porte le même titre et fut publié par Educi en 2005. L’expression est à la fois une prise de position contre la partition du pays et une invitation à savoir raison garder. Même si la cause qu’on défend est juste, on doit demeurer raisonnable, c’est-à-dire qu’on doit se garder de faire sécession, de quitter la famille avec une partie du pays, estimait-il.
Séry Bailly n’a eu de cesse de cheminer avec la tradition pour en recueillir le meilleur. Il s’intéressait à ses proverbes, contes et légendes parmi lesquels « Le mythe de Babo Naki », ouvrage du poète Josué Guébo dont il rédigea la préface. De ce mythe, il tira la leçon que la Côte d’Ivoire avait besoin de la contribution de tous ses enfants pour renaître. Lui qui était ouvert à la tradition, la philosophie et le langage des adeptes du Zouglou et du Nouchi n’avaient cependant pas de secret pour lui.
Il savait aussi cheminer avec les mots. On lui doit, dans ce registre, des formules heureuses et croustillantes comme « les décideurs doivent avoir en face d’eux des gens décidés », « ils [les jeunes patriotes] n’habitent pas la rue, la rue les habite » ou encore « ce n’est pas parce que vous avez raison qu’on vous donnera raison ». Cette dernière formule se trouve dans sa préface à mon essai « L’Afrique et le défi de la seconde indépendance » paru chez L’Harmattan en 2010.
Cet homme, qui savait produire de belles choses avec les mots et les images, était-il pour autant coupé des choses de la Cité ? Comment s’est-il comporté pendant la guerre de la France contre la Côte d’Ivoire ? Quel rôle assignait-il aux littéraires ? Les médias français, dont les propriétaires ont des atomes crochus avec le gouvernement, pensaient qu’il suffisait de moquer les jeunes patriotes et de les qualifier de désœuvrés pour discréditer leur résistance et leur lutte pour une Côte d’Ivoire libre et souveraine. Bailly, lui, parlait de jeunes qui ont « bravé le feu et les plombs de l’adversaire» (S. Bailly, « La résistance patriotique des jeunes et installations dans la rue » in Les Cahiers du Nouvel esprit, 1er avril 2006, p. 41). Si « s'engager, c’est quitter l’état de spectateur pour rejoindre celui d'acteur » (Lionel Jospin, le 2 février 2000 à l’Université de Louvain après la réception du titre de docteur honoris causa), on peut affirmer que Séry Bailly n’était pas partisan de « l’art pour l’art » mais qu’il était un écrivain et un penseur engagé.
Aujourd’hui encore, il se trouve des gens qui prétendent que seuls les scientifiques sont engagés dans la transformation du monde et qu’eux seuls font avancer une société. Pour eux, philosophes, sociologues, psychologues, historiens, linguistes, etc. sont aussi inutiles qu’inefficaces. Voici la réponse de Bailly aux auteurs de ces prétentions ridicules : « Le littéraire pose la question de l’utilité à quoi ou à quelle fin ? … À force d’être dans l’utilitarisme, on est dans une soumission aveugle au principe du profit et c’est en vain qu’on parle de bonne gouvernance. Pour atteindre la destination sans voyage, on n’a pas besoin de gouvernail. L’homme de lettres travaille à l’avènement d’une société de solidarité afin que dans le partage chacun puisse mener une vie de dignité. Le littéraire donne mauvaise conscience à ceux qui sont rassasiés seuls et jettent même leurs surplus ». Pour Séry Bailly, il ne s’agit donc pas de mettre les sciences au-dessus des arts mais de considérer que les deux sont complémentaires et que « la science satisfait les besoins tandis que d’autres, notamment la littérature en particulier et les arts en général, doivent prendre en charge le désir qui représente la dimension de l’aventure et de la liberté [car] l’homme est plus que son estomac ».[1]
Bailly pensait que les Africains francophones et anglophones devraient faire chemin ensemble pour la simple raison qu’ils font partie d’une seule et même famille. Il ne comprenait pas que des peuples, qui partagent la même histoire marquée par l’esclavage, la colonisation et le néo-colonialisme, se laissent diviser par les langues du colonisateur. Pour démontrer que les Africains sont fils et filles de la même mère et que leur histoire commune compte plus que la langue dans laquelle ils s’expriment, il choisit, pour sa thèse de doctorat, de travailler sur « Le désenchantement dans les romans des écrivains africains anglophones de la deuxième génération (A. K. Armah, K. Awoonor, W.T. Ngugi, W. Soyinka) ».
J’avais déjà lu et aimé « Enfant, ne pleure pas » du Kenyan James Ngugi et « Les Tribulations de frère Jéro » du Nigérian Wole Soyinka mais c’est Séry Bailly qui me fera entrer dans la pensée du Ghanéen Ayi Kwei Armah à travers son livre culte « L’âge d’or n’est pas pour demain » (The beautiful ones are not yet born). C’était dans le cadre du Certificat d’études africaines que nous devions décrocher en même temps que la licence ès Lettres Modernes à la fin de l’année académique 1986-1987.
C’est en 2011, soit 24 ans plus tard, que nous nous revîmes. À l’époque, j’enseignais les techniques d’expression écrite et orale à l’ENA et je donnais un coup de main au prof. Amoa Urbain comme vice-recteur de l’université Charles-Louis Montesquieu. J’avais appelé le prof. Séry Bailly pour le saluer et lui, spontanément, se proposa de venir me chercher à la Rue des Jardins de Cocody pour un déjeuner chez lui à La Riviera-Les Rosiers. Ce déjeuner n’était qu’un prétexte car lui et moi avions en réalité envie d’échanger sur cette Côte d’Ivoire où la tension était extrêmement vive, la « République du Golf » ne reconnaissant pas le président de la vraie République. Au cours du repas, il évoqua notre affrontement de 2006 dans les colonnes de « Le Courrier d’Abidjan ».
Cette année-là, en effet, j’avais rompu des lances avec lui. Pourquoi ? J’avais exprimé mon étonnement devant le fait que des enfants issus de familles pauvres étaient obligés de débourser 1 à 2 millions de F. CFA pour entrer à l’ENA.
Cela me semblait non seulement contraire aux valeurs de la gauche mais contradictoire avec le « gouverner la Côte d’Ivoire autrement » prôné par le FPI quand il était dans l’opposition. Mon étonnement ayant été mal accueilli par le prof. Séry Bailly, je dus produire une autre tribune pour défendre mon point de vue. Bailly revint sur cette disputation mais pour admettre que c’est moi qui avais vu juste et que c’est pour cette raison qu’il ne donna pas de réplique à ma tribune. Cette humilité, touchante et désarmante, est incontestablement le propre des grands hommes.
Un grand homme, un pontife, un bâtisseur de ponts, s’en est allé. Par-delà les ponts qu’il s’attela à jeter entre les générations, entre la tradition et la modernité, entre le discours et l’engagement, Bailly aura surtout travaillé pour que ses compatriotes prennent conscience de ce qui se passe autour d’eux et des dangers qui les guettent. Ce travail est immense et inestimable car « un individu conscient, éveillé et debout est plus dangereux pour le pouvoir en place que 10.000 individus endormis et apeurés » (Gandhi).

Jean-Claude Djéréké

Source : IvoireBusiness 7 Décembre 2018.


[1] - cf. : https://www.fratmat.info/index.php/sports/pr-sery-bailly-le-litteraire-donne-mauvaise-conscience-a-ceux-qui-sont-rassasies).


jeudi 20 décembre 2018

ET DEMAIN S’ÉLOIGNE !


L'hommage de Tiburce Koffi au Pr Séry Bailly
Séry Bailly (à gauche) et Bernard Zadi
Avertissement : « Dédié au Pr Séry Bailly. En guise d’excuses publiques pour la réaction inélégante que j’aie eue à son encontre au cours d’un colloque sur Bernard Zadi. Université de Cocody/Houphouët-Boigny, en 2012 ». Telle est la note d’avertissement que j’avais écrite en octobre dernier, depuis les Usa, pour camper cet article qui fut publié sur des supports numériques dont lebanco.net. Près de six semaines après, la nouvelle de la disparition de l’illustre intellectuel ivoirien pose la glace sur le cœur de tous ceux qui l’ont connu. Je souhaite partager avec les lecteurs ce papier écrit en son honneur, mais que la cruelle actualité dédie désormais à sa mémoire. Une manière à moi d’honorer de nouveau le Pr Séry Bailly, en attendant d’autres occasions moins pénibles de le faire.
« L’âge d’or n’est pas pour demain » ― traduction française du titre original « The beautyful ones are not yet born ». J’ai refermé, il y a peu de temps, ce fabuleux roman de l’écrivain ghanéen Ayi Kwei Armah (…). Souvenir joyeux : c’est au cours d’une année académique (1978-1979, je crois) qu’alors étudiant, j’eus connaissance de ce merveilleux texte, à l’occasion d’un séminaire sur la littérature négroafricaine. La communication du jour portait sur ce roman inconnu de la plupart des étudiants que nous étions. L’exposant, un jeune assistant au département d’anglais, répondait au nom de Séry Bailly. Non, ce nom ne disait vraiment rien à nous autres des Lettres modernes qui pouvions nous vanter d’avoir des enseignants de renom : Barthélemy Kotchy, Bernard Zadi, Emmanuel Groga, Gérard Lezou, Jean Dérive, Madeleine Borgomano, Léonard Kodjo.
Le « standing ovation » qui salua la fin de la prestation oratoire de Séry Bailly en dit long sur la qualité de cette intervention qui, de l’avis des étudiants que nous étions, fut la plus brillante de tous les exposés que nous avaient livrés nos professeurs. Et, depuis ce jour, l’admiration qu’étudiant j’eus pour ce jeune assistant brillant et d’un commerce agréable ne s’est jamais émoussée ; ce, malgré nos divergences politiques — il n’est pas inutile de le signaler. C’est que le professeur Séry Bailly est, outre un intellectuel de stature académique impressionnante, un homme de qualité exceptionnelle aussi, dans ses rapports avec l’autre. Bref, revenons au texte d’Ayi Kwei.
« L’âge d’or n’est pas pour demain », c’est 227 pages de prose originale dont la modernité esthétique continue d’émerveiller le lecteur averti. Ici, la forme et le fond s’alertent sans cesse sur la toile d’écrits captivants qui s’interpellent, se conjuguent pour nous offrir un roman de haute qualité. Et quel récit ! L’habile romancier ghanéen écrit, décrit et décrie les tourments de la société ghanéenne des années 1950-60. Elles correspondent aux temps décisifs de la lutte émancipatrice (les années 1950) et au règne de Kwame Nkrumah (1958-1968). Dix années d’un règne historiquement marqué par l’échec du chantre du panafricanisme africain dans son incapacité à faire le bonheur de son peuple, à plus forte raison, promouvoir un idéal de solidarité entre les peuples africains, et d’éveil du peuple noir. (…)
La caractéristique des œuvres est d’être reconnues effectivement belles ; celle des chefs d’œuvre est d’échapper aux morsures du temps en survolant les époques et les espaces pour, toujours, questionner les esprits et servir de mode d’évaluation du réel. « L’âge d’or n’est pas pour demain » appartient à cette dernière catégorie, très sélective, de textes élus (sur la base de leurs qualités esthétiques et cognitives) pour figurer sur la liste des écrits immortels. C’est un texte qui résonne de nos actualités africaines, ivoiriennes notamment. La société, les espaces, les personnages, les intrigues exposées ici par Ayi Kwei ressemblent, à maints égards, à l’actualité désespérante de la société ivoirienne (…)
L’homme qui m’a fait découvrir et aimer ce livre délicieux n’est plus depuis quelques heures. Je l’ai davantage connu en dehors de l’espace universitaire, durant ces trois dernières décennies. Nous entretenions des rapports cordiaux, même après le « clash » entre nous qu’à tort, j’ai provoqué. C’était, je peux le dire, un homme délicieux, au savoir remarquable et au sens de la répartie tout aussi remarquable. Essayiste, poète, habile chroniqueur de presse, homme politique doté d’un sens précieux de la mesure, pédagogue plaisant, intellectuel à la prose élégante et convaincante, le Pr Séry Bailly aura été un homme accompli, voire un modèle. C’était un homme humble, comme tous les (vrais) hommes de savoir. On retiendra surtout de lui cette sobriété en tout, ce sens (hautement intelligent) de la recherche du compromis et de l’entente. J’ai surtout eu de lui l’honneur d’avoir suscité une réaction de sa part sur la notion de héros — un concept qui me tient à cœur — dans un débat que mes insuffisances intellectuelles ne m’autorisaient pas vraiment à poursuivre avec lui : c’était un grand dans le savoir, un peu l’alter ego de Bernard Zadi. Suprême honneur de sa part à mon endroit : il a préfacé un ouvrage (à paraître) dont j’ai hautement contribué à la rédaction : « Anoma Brouh Félix, un guitariste de légende », signé de Zacharie Acafou. Merci cher professeur et Maître. Tu as à présent droit au repos. Nous te saluons. Sonnez, olifants et attougblan ! Un grand vient de se coucher. Il y a brume sur la cité. Et nous avons tous froid, car les temps sont aux disparitions étranges. Bientôt le pays sera habité par des morts. Et les cimetières seront occupés par les morts-vivants qui peuplent la Cité qui grelotte. Didiga !
Tiburce Koffi
Ayi Kwei Armah, L’âge d’or n’est pas pour demain, Paris, Présence africaine, 1976.
Source : Fraternité Matin 04 décembre 2018

mercredi 19 décembre 2018

Les ennemis de mon ennemi… (L’éditorial de Venance Konan)

« On la vu esquisser quelques pas de danse... »

Dans linterview quil a accordée à la chaîne française France 24, le président du Parti démocratique de Côte dIvoire-Rassemblement démocratique africain (PDCI-RDA) a déclaré vouloir prendre la tête dune plateforme comprenant « tous les partis politiques qui partagent les valeurs de la non-violence, de la tolérance et de l’État de droit ».
Cette plateforme devrait comprendre le Front populaire ivoirien (FPI) de Laurent Gbagbo et le clan de Guillaume Soro. En clair, ceux qui ne sentendent pas avec Alassane Ouattara, en ce moment ou depuis longtemps.
À propos de Guillaume Soro, il sest rendu hier à Daoukro et on la vu esquisser quelques pas de danse en compagnie du président Bédié ; ce qui est plutôt rare. Que ne ferait-on pas pour lennemi de son ennemi.
Donc, pour nous résumer. Le président du Pdci-Rda a quitté lalliance avec Alassane Ouattara, parce que, semble-t-il, en tout cas, si lon lit bien entre les lignes de son interview, ce dernier naurait pas vu dun bon œil lenvie du président Bédié de vouloir revenir au pouvoir.
On se souvient que le Président de la République la, à deux reprises, invité à se joindre à lui pour transmettre le pouvoir à une autre génération. Le président Bédié compte donc maintenant sur la nouvelle alliance avec le FPI et Guillaume Soro pour le porter à nouveau au pouvoir. Doù lappel à la libération de Laurent Gbagbo, pour lequel sept ans de punition seraient amplement suffisants selon Bédié, et les pas de danse pour Soro.
Il ny a pas longtemps, on se félicitait de larrestation et de l’éloignement du même Laurent Gbagbo. Autre temps, autre appréciation. De Laurent Gbagbo, lon attend évidemment les voix de ses militants, ces voix qui ont fait saliver tant dopposants au président Ouattara. On se souvient quen 2015, tout bon adversaire de Ouattara se devait daller saluer le célèbre prisonnier de La Haye et clamer haut et fort quil est son frère. On disait quil possédait environ 40% des voix de l’électorat ivoirien et que celui à qui il les donnait ne pouvait que gagner l’élection.
Après la présidentielle de 2015, on na plus vu grand monde à La Haye, sauf ces derniers temps où lon prépare l’élection de 2020. Laurent Gbagbo est donc redevenu très précieux. Qui ne le serait pas, sil est crédité de détenir environ 40% dun électorat ? On a donc oublié tout ce que lon lui reprochait, et il est devenu un apôtre de la non-violence, de la tolérance et de lEtat de droit. Oui, Laurent Gbagbo ! Et cest Bédié qui le dit ! Blé Goudé avait bien dit, en son temps et lors de son procès, quil était en quelque sorte la réincarnation de Gandhi. Et vous ne vouliez pas le croire. Aujourdhui, tout le Pdci-Rda est prêt à témoigner, la main sur le cœur, quil ny avait pas plus gentil, plus pacifiste, plus gentil, plus charmant et mieux éduqué que Blé Goudé. Cest comme cela. Il a lui aussi sa part dans les 40% de voix attribuées à Gbagbo. De Guillaume Soro, lon attend surtout quil divise le Rassemblement des républicains (Rdr) ou Rassemblement des Houphouétistes pour la démocratie et la paix (Rhdp), et quil vienne à la plateforme avec beaucoup de monde. Comme cela, Pdci plus Fpi plus les gens de Soro sera égal à victoire. Cela vaut bien une déclaration damour à Laurent Gbagbo et des pas de danse à Guillaume Soro.
Et Soro, quest-il allé chercher à Daoukro ? Peut-être de la protection. Bédié navait-il pas dit quil était son protégé ? Et ne dit-on pas que les relations entre lui et le Bravetchè sont plutôt exécrables ? Ou peut-être est-il allé, lui aussi, chercher des voix, puisque lon dit quil vise aussi le fauteuil présidentiel. En tout cas, il y a des gens qui lui ont demandé de se présenter, et peut-être quil y pense, et pas seulement en se rasant le matin. Et cela vaut bien un voyage à Daoukro et une déclaration damour à Laurent Gbagbo et Blé Goudé, lancien camarade de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte dIvoire (Fesci), dont il a dit souhaiter la libération. Donc, si Soro est lui aussi candidat, cela fera deux candidats sur la même plateforme. Cela ne fait-il pas trop ?
Et de Gbagbo quattend-on ? Je lai déjà dit : quil donne ses voix pardi ! On dit donc que lon souhaite sa libération. Et si les juges le libéraient vraiment ? Ceux qui seront fâchés ne seront pas forcément ceux à qui lon pense. Parce que, si jen crois le journaliste français qui vient de publier un livre dentretien avec lui, Laurent Gbagbo se verrait bien candidat à la présidentielle de 2020. Cela ferait donc trois sur la même plateforme. Kabako !, comme dirait mon parent dOdienné. Qui seffacerait au profit de qui ? Eh bien, dans la prochaine chronique nous essaierons de voir ce qui se passerait si Gbagbo était vraiment libéré et revenait en Côte dIvoire. Ça risquerait d’être comme furoncle sur tibia de margouillat’’, comme lon dit dans mon quartier.

Venance Konan

EN MARAUDE DANS LE WEB
Sous cette rubrique, nous vous proposons des documents de provenance diverses et qui ne seront pas nécessairement à l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu'ils soient en rapport avec l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et des Ivoiriens, ou que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à faciliter la compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la « crise ivoirienne ».



COMMENTAIRES DES INTERNAUTES
Yako et du courage à Venance Konan dans ses nouveaux habits de répondeur automatique.
NUL tout ça. Cher Monsieur, mangez, taisez-vous et oubliez vos écrits des années 1990 en faveur du même Bédié contre le même "pacifiste Alassane Dramane Ouattara, l'Ivoirien de fibre multiséculaire".
NUL et TRISTE journaleux du ventre dont les opinions prennent la couleur du tablier de celui qui détient la marmite de soupe !
Merci V.K, c'est clair et net. Je me demande si Bédié croit naïvement qu'il sera le candidat de sa plateforme ? Il refuse les primaires au RHDP pour choisir le meilleur et crée une nouvelle plateforme où il pense qu'il sera le candidat naturel. Huuuuum, c'est mal connaitre le FPI et ses alliés (LMP), qui attendent de diviser le RHDP pour porter l'estocade. 2020 ce n'est pas loin et tous on verra que les ambitions sont divergentes dans cette nouvelles alliance. La seule convergence, c'est chasser ADO du pouvoir et puis en 2025, on créera à nouveau une alliance avec le RHDP qu'on aura chassé en 2020.
Encore toi Venance ? Franchement sa pue l'aigreur et la rancœur chez toi mais comme d'hab on se fiche pas mal de ce que tu peux dire. Sinon dis-moi, cher Venance Konan, comment ça se passe la gestion de FRAT-MAT, pardon du PATRIOTE-BIS que tu contribues à achever ? Parce que t’es tellement nul que de par ta mauvaise gestion des parents se trouvent au chômage. Pitié, FERME-LA, Venance ! Merci Mr Joseph Kouakou
Que signifie cette divagation de Venance Konan ? C'est probablement le trou qui est en train de se creuser sous ses pieds qui le fait divaguer. Il se rend compte que son petit poste de dg de Frat-Mat ne sera pas garanti en 2020.
Venance doit avoir un pétard mental. Un sot intellectuel qui a horreur de la contradiction ? Ou bien est-ce la haine contre GBAGBO qui fait qu'il en veut à BEDIE de vouloir aller avec ce dernier ? Venance, vas travailler à L'Expression, au Patriote, etc., pour y déverser ta sale bile remplie de haine.
Je le dis Monsieur Venance Konan déçoit fort bien le lecteur qui pense de lui grand journaliste, écrivain et PDG du journal gouvernemental. Quelque fois nous autres petits commentateurs qui aimons bien nous produire sur les apports de nos éminents analystes, tombons à la renverse quant à la pauvreté de leurs analyses.
Monsieur Konan Venance dit lui-même et je le cite : « A déclaré vouloir prendre la tête d’une plateforme comprenant "tous les partis politiques qui partagent les valeurs de la non-violence, de la tolérance et de l’État de droit" ».  Parlant de Bédié Plus loin, il écrit : « Donc, pour nous résumer. Le président du Pdci-Rda a quitté l’alliance avec Alassane Ouattara, parce que, semble-t-il, en tout cas, si l’on lit bien entre les lignes de son interview, ce dernier n’aurait pas vu d’un bon œil l’envie du président Bédié de vouloir revenir au pouvoir ». Monsieur Venance, de l'un ou l'autre, quelle est la raison pour vous analyste ? Vous semblez être plus royaliste que le roi. Si vous écrivez : ... a déclaré vouloir prendre la tête d’une plateforme comprenant « tous les partis politiques qui partagent les valeurs de la non-violence, de la tolérance et de l’État de droit ». En tant que journaliste patron de Frat-Mat, pourquoi ne pas faire comme vos collègues français, demander dans une interview au président Bédié, qu'est-ce qu'il veut dire par « tous les partis politiques qui partagent les valeurs de la non-violence, de la tolérance et de l’État de droit ». C'est là la première compréhension à chercher. Est-ce que le RHDP ne partage pas les valeurs de la non-violence, de la tolérance et de l’État de droit. Pour que le président Bédié quitte cette coalition pour aller chercher ses valeurs avec d'autres partis politiques fussent-ils des monstres. Vous ne pouvez pas vous résumer pour avancer que le président du Pdci-Rda a quitté l’alliance avec Alassane Ouattara, parce que, semble-t-il, en tout cas, si l’on lit bien entre les lignes de son interview, ce dernier n’aurait pas vu d’un bon œil l’envie du président Bédié de vouloir revenir au pouvoir. Nous les ivoiriens qui aimons bien les intrigues politiques voudrions que votre journal nous éclaire sur les vrais motivations ou raison du président Bédié que de faire des supputations et nous promener dans la rumeur, les on-dit ou les semble-t-il... Maintenant vous semblez accuser Bédié de ruse pour attirer Soro et Gbagbo dans sa plateforme. La ruse n'est-elle pas préférable aux menaces, divisions de partis politiques, chantages, achats de conscience. Etre un monstre hier et se confesser pour ses torts aujourd'hui n'est-il pas mieux qu'être un ange hier et devenir un ogre aujourd'hui. Dans la bible, le chef des apôtres de Jésus, St Pierre l'a une fois renié, mais il s'est rattrapé par la confession. En plus Bédié force-t-il Soro et le FPI à adhérer à sa plateforme. Soro et le FPI ne sont-ils pas des Ivoiriens qui pensent au bien-être de leurs concitoyens ? Enfin, Soro et Gbagbo sont-ils des novices en politique. Vous devriez arrêter et quitter cette prison de haine dans laquelle vous semblez vous plaire. Souffrez que les autres puissent avoir aussi des ambitions pour leur pays. Il n'y a pas de personnes présidentiables et d'autres non présidentiables. La cible, c'est le peuple ; si le peuple vous aime, il vous donnera sa confiance. Je vous conseille vous-même de vous retrouver au milieu du peuple et de tendre l'oreille, vous saurez ce que ce peuple pense de vous.
Venance Konan, moi je ne dirai pas que tu es nul, mais tu es tout simplement pitoyable. Quand en 2010, le PDCI était au RHDP, le RHDP avait présenté combien de candidats à l'élection présidentielle ? Comment le choix du candidat du RHDP au 2e tour face à Laurent Gbagbo s'est-il fait ? A moins que vous ne modifiiez la constitution pour faire une élection à un seul tour !
Un gars comme ça à la tête de Frat Mat, je comprends pourquoi Frat Mat n'arrive plus à vendre ces journaux et renvoie ses employés.

Source : connectionivoirienne.net 18 décembre 2018


NOTRE COMMENTAIRE

Et si tout ce cirque n’était qu’une pauvre ruse dans la plus pure tradition françafricaine pour nous habituer, nous les pauvres « Y-VOIENT-RIEN », à l’idée d’une candidature « naturelle » de Guillaume Soro à l’élection présidentielle de 2020 ? Vous ne comprenez donc pas que ceux qui sont derrière cette affaire de nouvelle plateforme sont très probablement les mêmes qui, en 2005, poussèrent à la création du soi-disant RHDP ? Qu’est-ce qu’un Soro, et qu’est-ce qu’un Bédié, sans la France ? Ô frères, avez-vous oublié 2002, 2004 et 2011 ? Avez-vous oublié Marcoussis ? Avez-vous oublié que Soro et Bédié se prélassaient au Golf Hôtel sous la protection des armées de l’Onu et de la France qui, au même moment, bombardaient la résidence de Laurent Gbagbo et massacraient sans état d'âme des milliers de nos jeunes compatriotes militaires et civils ? La bonne question à se poser, ce n’est donc pas de se demander si Bédié et Soro sont vraiment fâchés avec leur (ancien) complice Ouattara ou non, mais est-ce que lui et eux sont devenus indépendants de la France ? Et depuis quand ?
Alors, à votre avis, Venance Konan ?

La Rédaction