Lettre pastorale des évêques du Burkina Faso.
Dans leur lettre pastorale, les premiers responsables
de l’Eglise du Burkina interpellent l’ensemble des citoyens sur le malaise
social perceptible dans l’agitation que suscite la mise en place du sénat.
Après avoir établi le diagnostic d’une gouvernance de plus en plus déconnectée
de la réalité et de l’éthique sociale et une fracture sociale de plus en plus
béante, ils s’interrogent sur la valeur ajoutée réelle que le sénat peut
apporter à notre pays et à ses pratiques démocratiques. Ils rappellent enfin
que « les institutions ne sont légitimes que si elles sont socialement
utiles ».
Chers Fils et Filles de l’Eglise – Famille de Dieu qui
est au Burkina Faso !
Du 11 au 14 juin, selon le calendrier annuel, la
Conférence Épiscopale Burkina-Niger a tenu à Ouagadougou son Assemblée plénière
ordinaire.
1- A cette occasion vos pasteurs, les Évêques du
Burkina Faso ne sont pas restés insensibles à la situation politico-sociale qui
prévaut ces temps-ci, situation faite de tensions sociales et d’agitations,
notamment autour de la mise en place du Sénat ; institution
constitutionnelle dont la configuration vient d’être révélée avec l’adoption et
la promulgation de la loi organique sur l’organisation et le fonctionnement du
Parlement. L’agitation et les tensions sociales qui entourent cet événement
laissent transparaître un malaise social un mal être de la société burkinabè en
quête de repères. Voilà pourquoi vos Pasteurs les Évêques du Burkina Faso ont
tenu à vous adresser une parole sur la situation nationale.
2- En effet, notre pays traverse depuis déjà quelques
années une crise de société et connait des changements sociaux importants. Nous
en avions déjà parlé dans le message que nous vous avions adressé lors de la
célébration du cinquantenaire de l’indépendance de notre pays.
I)- La société burkinabè a profondément changé
Ce changement est perceptible au triple plan de la
démographie, de la structuration sociale et des valeurs de référence.
3- Au plan démographique, le changement s’affiche à
travers une population de plus en plus jeune.
En effet, 46,4% de la population burkinabé a moins de
15 ans, et 59,1% a moins de 20 ans. Cette jeunesse, non seulement se sent de
moins en moins dépendante des anciens, mais est surtout insatisfaite et perdue
à cause de l’absence de modèle social. L’image que leur renvoient tous ceux et
toutes celles qui exercent quelque pouvoir est plutôt négative car elle est
brouillée par la corruption et le clientélisme ; d’où la tentation pour
une partie de cette jeunesse de couver la violence fondée sur des
ressentiments, ou de s’engager dans des deals voire des relations
maffieuses pourvu que ça rapporte de l’argent rapidement.
4- Au niveau de la structuration sociale, force est de
relever une élévation du niveau de connaissance moyenne due à
l’alphabétisation ; celle-ci, qui était de 16,17% en 1985, a doublé et se
situe à 32% en 2012. On note, par ailleurs, un meilleur accès, sur une base
sociale de plus en plus large, à l’information du fait des technologies de
l’information et de la communication (téléphones portables, radios
communautaires, radios et télévisions privées, Internet). En outre l’on
constate un éveil de conscience des femmes de plus en plus alphabétisées. En
2012, 33% des femmes de 15 à 24 ans étaient scolarisées contre 47%
d’hommes ; celles-ci sont en outre impliquées dans les activités
rémunératrices de revenus, notamment en milieu rural, qui leur permettent de
prendre, très souvent, en charge les ménages (éducation, santé, habillement et
nourriture) et d’entretenir les familles. Quant à la jeunesse, absente de la
gouvernance, elle se sent peu concernée et peu impliquée dans la gouvernance du
pays.
5- En ce qui concerne les valeurs, l’analyse est celle
d’une société dans laquelle l’appétit est orienté moins vers le savoir, que
vers l’argent, devenu une valeur de référence au-dessus de la famille, de la
nation, de la république et de Dieu. L’argent est aujourd’hui un véritable
maître, une divinité idolâtrée par une jeunesse largement assoiffée de
biens matériels et prête à tout pour s’en procurer ; cette divinité
inocule le poison de la corruption dans le corps social à telle enseigne que la
corruption est devenue aujourd’hui une culture administrative aux pratiques
banalisées.
6- A côté de cette déliquescence des valeurs morales
et éthiques qui touche toutes les couches de la société, il y a lieu de
souligner le paradoxe de la religiosité dont est saisie la société burkinabè.
Un paradoxe dans la mesure où la montée en puissance de la pratique religieuse
ne s’accompagne pas d’une exigence à conformer les comportements sociaux aux
préceptes et commandements religieux. Ne risque-t-on pas là de verser dans une
pratique quantitative et formaliste de la religion qui se satisfait du paraître
et qui se contente des apparences sans lien avec les exigences éthiques des
vécus sociaux ?
7- Dans quelle mesure ces importants changements
sociaux sont-ils pris en compte ?
A l’analyse, il s’avère que le diagnostic est celui
d’une gouvernance de plus en plus déconnectée de la réalité et de l’éthique
sociale. D’ailleurs dès 2007, le Comité National d’Éthique soulignait dans son
rapport que « l’impunité, la politisation, la corruption engendrent des
frustrations et aboutissent à des révoltes, c’est-à-dire, au non-respect des
règles, au rejet de l’autorité et de ce qu’elle représente. C’est le terreau de
l’indiscipline, et de l’incivisme. Elles substituent aux valeurs positives,
d’autres valeurs qui sont à l’opposé de la morale comme l’argent et la position
sociale. C’est par elles que surviennent les dysfonctionnements et les
fractures sociales les plus graves ».
II)- La fracture sociale est de plus en plus béante
8- La fracture sociale est profonde du fait notamment
de :
ü la pauvreté de masse
lancinante ; celle-ci atteint en effet 43,9% de la population qui vit
en-dessous du seuil de pauvreté en 2010 contre 46,4% en 2003 ; cependant
la croissance de la population de 3,1% par an tend à maintenir au même niveau,
voire à faire croître, le taux de la pauvreté,
ü la polarisation de la richesse au niveau
d’un groupe qui se partage les pouvoirs politiques et financiers ;
ü la corruption et la
patrimonialisation de l’État.
9- L’espace socio-économique qui, normalement, doit
être le plus large possible pour éviter l’exclusion et la marginalisation d’un
grand nombre de personnes, s’est au contraire dangereusement réduit avec, en
sus, le développement de la ploutocratie (le gouvernement par les riches). De
nos jours, les ressorts de la démocratie sociale sont fragilisés, désamorcés
voire inexistants.
A la polarisation politique et clanique de la richesse
répond une pauvreté de masse qui voit plus des 2/5 (deux cinquièmes) de
burkinabè vivre avec moins d’un demi-dollar (250CFA) par jour. Pendant que la
base de la pauvreté s’élargit, le pouvoir financier est entre les mains d’un
petit groupe. On assiste ainsi à une dégradation de la solidarité et du sens du
bien commun au profit d’un individualisme prédateur.
10- C’est ainsi que, comme l’a constaté le Rapport
Général de l’Étude Nationale Prospective Burkina 2025 « […] On s’étonne
aujourd’hui qu’au Burkina Faso, malgré la croissance relativement soutenue qu’a
connue le pays ces dernières années, la pauvreté n’ait pas reculé d’un pouce
mais ait plutôt marqué une relative progression. Cela étonne parce qu’on a oublié
le facteur social, sa relative primauté sur, ou, en tout cas, forte liaison
avec le facteur purement économique ».
11- Cette situation conduit à des attitudes de rejet
ou de défiance, surtout de la part de la jeunesse, qui ne croit plus aux
discours populistes et électoralistes et à l’égalité de chances parce
qu’estimant vivre dans l’impasse, sans avenir, sans perspectives, et en qui
s’accroit le sentiment de l’injustice ; « si tu ne connais personne là-haut tu ne peux rien obtenir, tu ne
peux rien devenir », vont se répétant souvent bon nombre de jeunes.
Il s’ensuit un changement de mentalité et d’attitude
des populations dans l’appréhension de la réalité sociale. La plupart des
individus n’acceptent plus la pauvreté.
12- Dans un tel contexte de pauvreté de masse, on
constate une montée de la violence qui s’exprime parfois sous forme d’incivisme
et qui est la traduction d’un mécontentement profond. En effet, face à un
avenir qui apparaît bouché, sans perspective de solution, une aigreur, voire une
haine sourde, monte dans les cœurs et dans les esprits de la jeunesse. Cette
violence est en train de devenir une culture dont les formes d’expression sont
la justice vindicative et expéditive (véhicules brûlés), la montée de
l’intolérance, les attaques contre les symboles de l’État et de la réussite. Il
s’agit d’une vraie mutation qui refuse la résignation et qui s’inscrit dans le
rejet et dans l’initiative tendant à agir pour rétablir un certain ordre se
référant davantage aux principes moraux d’une justice proactive et d’une
solidarité sociale effective.
13- Dans un tel climat de grande pauvreté où les
besoins essentiels de base (santé, éducation, emploi, logement, nourriture) ne
sont pas suffisamment couverts et un contexte d’une montée de jeunes à l’avenir
incertain on peut s’interroger légitimement sur l’opportunité de la mise en
place d’un Sénat ? Cette question interpelle plus d’un citoyen. Quelle
valeur ajoutée un tel Sénat va-t-il apporter, réellement, à notre pays et à ses
pratiques démocratiques ? N’est-il pas possible de faire un meilleur
emploi des ressources financières limitées dont dispose le Burkina Faso pour
mieux couvrir les besoins fondamentaux des populations en santé, éducation et
emploi ? Ces questions sont, parmi d’autres, celles que se posent des
citoyennes et des citoyens de notre pays, classé par le PNUD selon l’indice de
développement humain (IDH) 183e sur 187 pays.
III)- Les institutions ne sont légitimes que si elles
sont socialement utiles
14- « Le
Burkina Faso est un Etat démocratique… ». Il pèse sur cette démocratie
plusieurs risques susceptibles de dénaturer ses idéaux ainsi que son
fonctionnement ; il en est ainsi notamment des mimétismes démocratiques ou
des despotismes juridiques, des majorités fictives, des clanismes et des
clientélismes et les corruptions financières qui leur sont attachées. Ils
constituent autant de maladies qui menacent sa vie, sa survie et ses
performances. En raison de cela, la démocratie doit être vécue par la
communauté nationale comme une vigilance collective en gardant mémoire
de l’intolérable, pour découvrir à temps les dangers invisibles et combattre
les périls évidents.
15- La prévention de tels risques et le traitement de
telles infections sociales requièrent que les acteurs qui animent la majorité
électorale (parlementaire ou présidentielle) soient suffisamment avisés et
sages pour rechercher à pratiquer des formes appropriées et des modes crédibles
de démocratie consensuelle, consultative et inclusive. Les différents forums et
journées nationales semblent vouloir répondre à ce souci mais un tel souci de
prévention est-il une forme volontariste de la vigilance collective ? Il
requiert des dirigeants du moment une assurance et une vision politiques. Ainsi
atteindront-ils le but escompté, une intégrité morale. L’ingénierie et l’appui
d’une communication ouverte la crédibilisent, notamment par rapport à
l’élaboration et à la mise en œuvre des stratégies fondamentales de sécurité
alimentaire, de l’éducation pour tous, de la santé de proximité, d’emplois pour
les jeunes, de l’eau potable accessible pour tous, des petites et moyennes
entreprises produisant notamment la technologie, etc.
16- A la vérité, la démocratie, en rendant possible et
en facilitant l’émergence de pouvoirs compensateurs et correcteurs, dans la
société civile (organisations non gouvernementales), renforce, ce faisant, ses
propres capacités de vigilance pour combattre et limiter l’avènement de
l’antidémocratisme dû aux ambitions égoïstes.
Les sociétés démocratiques, comme toutes les sociétés
humaines, ont besoin d’une rédemption divine, de prières et de grâces, pour une
transformation radicale et une guérison des âmes perturbées par le mal. Elles
ont besoin de conversion intérieure pour adhérer à la vérité qui fonde les
réconciliations sociales et porte les succès démocratiques…
17- Pour sa part, « L’Église respecte
l’autonomie légitime de l’ordre démocratique et elle n’a pas qualité pour
exprimer une préférence de l’une ou l’autre solution institutionnelle ou
constitutionnelle. La contribution qu’elle offre à ce titre est justement celle
de sa conception de la dignité de la personne qui apparaît en toute plénitude
dans le mystère du Verbe incarné » (Jean-Paul II, Centesimus Annus,
47). Elle considère que la politique est l’utilisation du pouvoir légitime pour
atteindre le bien commun de la société, bien commun qui, comme l’affirme le
Concile Vatican II, se concrétise dans « l’ensemble des conditions de
vie sociale qui rendent possible pour les hommes, les familles et les groupes
un accomplissement d’eux-mêmes plus plénier et plus aisé ». L’Eglise
et les chrétiens doivent mettre la priorité sur cette recherche éthique, à la
lumière de l’Évangile. Par des prises de position courageuses, ils doivent
constamment contribuer à mettre l’humain au centre de toute évolution sociale.
18- Ainsi, devant des propositions économiques ou
politique jugées bonnes par les gouvernants et par une partie de l’opinion, il
y a parfois lieu de s’interroger pour savoir : « C’est pour le bien de qui ? Quelles sont les conséquences
de telle ou telle décision ? ». Ce faisant, si les institutions
démocratiques ont pour rôle d’arbitrer les tensions et de maintenir l’équilibre
entre ces aspirations concurrentes que sont la diversité et l’uniformité,
l’individuel et le collectif, elles doivent le faire dans le but de renforcer
la cohésion et la solidarité sociales. En effet, une démocratie sans valeurs
éthiques se transforme facilement en un totalitarisme déclaré ou sournois, en
des despotismes légaux, comme le montre l’histoire. L’utilité sociale des
institutions doit constamment nous interpeler pour ne pas tomber dans les
dérives du légalisme moralisateur car, ainsi que l’écrit André Louf, « Se
contenter ainsi systématiquement et exclusivement de l’application des normes,
même justifiées en soi, nous conduirait facilement à ce légalisme moralisateur,
qui suffit sans doute pour asseoir une vie extérieurement honnête, mais dont
les conséquences seront funestes à l’expérience intérieure ».
19- Dans tout processus démocratique, la société, à
travers l’action de ses gouvernants, doit s’attacher tout particulièrement à
satisfaire les besoins économiques fondamentaux des couches défavorisées,
assurant ainsi leur pleine intégration au processus de la démocratie. Sans une
telle préoccupation qui pointe vers un type de société qui se veut plus juste,
la marginalisation d’une grande frange de la population, notamment les jeunes,
ne peut conduire qu’à une remise en cause du mode de gouvernance appliqué.
C’est en cela que l’Eglise catholique se laisse interpeler par le
positionnement des institutions dans la société.
20- Sur la question qui divise l’opinion burkinabè,
vos évêques tiennent à réaffirmer ici que l’Eglise catholique n’a pas à faire
obstacle aux choix institutionnels et à l’adoption du Sénat. C’est ce qui
explique qu’après avoir attiré l’attention des participants au CCRP sur
l’inopportunité de la création du Sénat au point d’apparaître comme un
empêcheur de tourner en rond, elle s’est rangée à l’opinion majoritaire non
sans avoir exprimé ses regrets que n’aient pas été définis au sein du CCRP le
contenu, la composition, les pouvoirs et les rapports d’une telle institution
avec l’Assemblée nationale, en somme, la configuration du futur Sénat.
21- Nous gardons en mémoire l’exposé des motifs du
projet de loi ayant conduit à l’adoption de la loi constitutionnelle
N°001-2002/AN du 22 janvier 2002 supprimant la Chambre des Représentants et
dans lequel il était écrit :
ü « […] Après dix ans de
fonctionnement régulier de nos institutions, notre processus démocratique a
aujourd’hui atteint sa vitesse de croisière et l’assemblée nationale fait
preuve d’une efficacité progressive incontestable.
ü En outre, l’institution de la
fonction publique parlementaire a permis aux députés de disposer d’un
encadrement suffisant pour les aider à émettre des avis conséquents à
l’occasion du travail législatif.
ü Il importe également de noter que le
Gouvernement, pour plus d’efficacité dans le travail législatif, s’est doté
d’une commission technique de vérification des avant-projets de loi avec pour
mission de procéder à un toilettage systématique et conséquent des textes des
avant-projets de loi avant leur soumission au Conseil des Ministres puis
éventuellement à l’Assemblée nationale.
ü Enfin, l’expérience des parlements
bicaméraux révèle une lourdeur administrative source de lenteur, en sus des
coûts de fonctionnement très élevés pour les fragiles économies de nos Etats.
ü Dans notre pays, l’option prise de
lutter contre la pauvreté commande que nous tenions compte de la question des
coûts tout en ne perdant pas de vue la nécessité d’élargir la base du débat
démocratique […] »
22- Aujourd’hui plus qu’hier, les arguments ayant
présidé au rejet du bicaméralisme sonnent encore plus vrais au regard de la
configuration donnée au Sénat et ce, d’autant plus qu’une telle configuration,
contrairement au principe de sa création, n’a nullement fait l’objet d’une
approbation consensuelle.
23- L’Eglise catholique ne peut s’opposer aux choix
institutionnels pour autant que les principes moraux et institutionnels sont
respectés. Elle se doit de prendre la parole lorsque des valeurs essentielles
de la vie sociale sont mises en cause. Se taire dans ces cas relèverait de
l’infidélité au message du Christ que l’Eglise se doit de « répéter à
temps et à contre temps » (Saint Paul). En effet, il est toujours du
devoir de l’Eglise de rappeler les lignes directrices d’un engagement politique
qui se veuille en accord avec les valeurs évangéliques que sont :
ü la valeur absolue de la personne
humaine parce que c’est elle qui est la fin véritable de toute politique et non
les lois de l’histoire ou de l’économie ;
ü l’attention particulière aux petits
et aux pauvres parce qu’ils ont le plus besoin d’attention vu qu’il est tentant
et facile de les laisser de côté ;
ü la recherche de la justice, parce
qu’elle est le minimum de l’amour et le fondement de la paix de la paix
sociale ;
ü la solidarité humaine parce que tous
les êtres humains sont créés à l’image de Dieu, d’où leur égale dignité ;
ü L’unité nationale qui exclut toute
tendance xénophobe, régionaliste, et ethniciste dans la gestion de la chose
publique.
ü Le dialogue inter-religieux et
culturel qui exclut tout fondamentalisme et tout fanatisme de quelque bord
qu’il vienne.
ü le souci du bien commun parce que ce que le chrétien est appelé à rechercher dans le domaine
politique, c’est le bien d’une communauté humaine concrète. Il s’agit d’une
communauté d’hommes et de femmes, jeunes et vieux, aimés de Dieu et pécheurs,
imparfaits et infiniment respectables.
IV)- Un sursaut éthique et moral est plus qu’impérieux
24- Ainsi que nous l’avons relevé, c’est le déficit de
démocratie sociale qui explique les tensions sociales qui agitent aujourd’hui
le Burkina Faso. La démocratie pluraliste, que nous étions censés construire,
s’est transformée en scepticisme, en désespoir, voire en colère, du fait que ce
changement politique ne rime pas suffisamment avec l’espoir d’un meilleur
devenir.
25- Il s’agit d’une situation qui fait craindre que le
Burkina Faso ne devienne une poudrière sociale, si rien n’est fait pour
conjurer ce danger. Dans ce contexte d’incertitude, rechercher la justice
sociale, œuvrer pour une transformation sociale et démocratique profonde,
promouvoir les valeurs cardinales de solidarité et de subsidiarité, doit être
aujourd’hui, plus qu’hier, la préoccupation majeure de ceux qui
gouvernent : séparation des pouvoirs, indépendance de la justice,
effectivité de la décentralisation etc… Il en est ainsi parce que, de plus en
plus avertis, les citoyennes et les citoyens attendent de leurs
gouvernants :
ü plus d’équité dans la redistribution
des richesses ;
ü plus de transparence dans la gestion
des affaires publiques ;
ü plus d’éthique dans les
comportements sociaux et politiques.
26- Toutes choses qui exigent une gouvernance qui
poursuive le bien commun car, comme le soulignait le Pape Jean Paul II, « L’exercice
du pouvoir politique doit se baser sur l’esprit de service qui, joint à la
compétence et à l’efficacité nécessaires, est indispensable pour rendre
« transparente » et « propre » l’activité des hommes
politiques, comme du reste le peuple l’exige fort justement. Cela requiert la
lutte ouverte et la victoire contre certaines tentations, comme le recours à
des manœuvres déloyales, au mensonge, le détournement des fonds publics au
profit de quelques-uns ou à des fins de « clientélisme », l’usage de
procédés équivoques et illicites pour conquérir, maintenir et élargir le
pouvoir à tout prix. ».
27- Il est plus qu’urgent d’enclencher un sursaut
éthique de la société car tout ce climat prépare un avenir incertain, un avenir
de tous les dangers. Il est temps que tout un chacun se ressaisisse et à tous
les niveaux afin d’aller, par une véritable introspection, vers plus de justice
sociale, l’acceptation de l’autre dans sa différence et plus de tolérance. Ce
n’est qu’à ce prix que se construiront une nation burkinabè harmonieuse et une
société véritablement démocratique au triple plan politique, économique et
social.
28- Le Burkina Faso a besoin de justice, de
réconciliation et de paix. Les protagonistes des tensions sociales actuelles
(partis politiques de la majorité et de l’opposition, mouvements et
associations, société civile), devraient éviter toute violence, tout
débordement et toute action qui seraient de nature à aggraver les tensions, à
porter atteinte à la dignité de la personne humaine et au bien commun, et à
conduire notre pays vers le chaos.
29- Vos Évêques sont animés par la volonté de
contribuer à l’édification d’un État de droit garantissant l’exercice des
droits collectifs et individuels, la liberté, la dignité, la sûreté, le
bien-être, le développement, l’égalité et la justice comme valeurs
fondamentales d’une société. Ils vous adressent à vous tous et toutes, fils et
filles de la Famille de Dieu au Burkina et à vous hommes et femmes de bonne
volonté ces paroles de Jésus-Christ, notre rédempteur :
ü « Heureux les
miséricordieux : il leur sera fait miséricorde. »
ü « Heureux les artisans de paix,
car ils seront appelés fils de Dieu ».
Ouagadougou, le 15 juillet 2013
Les Évêques du Burkina Faso
Source :
Lefaso.net 21 juillet 2013
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