Une contribution de Donatien Robé*
Pour marquer le deuxième anniversaire de son parti
politique, Mamadou Koulibaly a fait une déclaration dans laquelle il revient
sur ses convictions politiques et les solutions qui sont les siennes pour la
Côte d’Ivoire.
Parmi les
propositions du leader de « LIDER », nous retenons celles sur les retraites et
la santé. Il a dit, en substance, sur les retraites : « Nous avons des projets de réforme de la retraite dont les principales
caisses sont aujourd’hui déficitaires dans notre pays à cause du système de
répartition adopté là où nous, à LIDER, nous proposons une retraite par
capitalisation ». Nous avons déjà donné notre avis sur cette proposition et
nous le réitérons : M. Koulibaly fait un mauvais diagnostic de la situation du
système de retraite en Côte d’ivoire. En réalité, le système de répartition qui
instaure la solidarité entre les générations et qui est résolument social en ce
sens qu’il garantit les retraites des petits salariés, n’est pas la cause des
déficits des caisses de retraite. C’est plutôt le travail informel, le chômage
important des jeunes et l’attitude cupide et malhonnête des employeurs qui ne
reversent pas les cotisations aux caisses sociales qui creusent les déficits.
Quand on fait ainsi un mauvais diagnostic, on a beau être un brillant
professeur d’économie, on proposera des remèdes inefficaces et inadaptés.
D’ailleurs, le système par capitalisation, s’il constitue le système de base
des retraites et non le système complémentaire, fragilisera les petits
salariés, donc les pauvres, en raison des bas salaires et des spéculations
financières inévitables sur les placements. Aussi, LIDER, justifie cette
proposition par le vieillissement de la population ivoirienne. Là encore, le
constat est erroné car l’espérance de vie tourne autour de 47ans. À moins que
le champion de LIDER nous impose l’idée selon laquelle on est vieux à cet âge.
Mamadou Koulibaly
a dit aussi sur la santé : « Pour une
meilleure couverture sanitaire, nous proposons une libéralisation des métiers
de la santé et des systèmes de facturation des soins ». En clair, le «
chauffeur » de LIDER veut privatiser la politique de santé en Côte d’ivoire,
désengageant ainsi l’Etat des dépenses sociales de santé. Cette proposition de
M. Koulibaly montre qu’il ignore (ce qui est grave pour un leader politique !)
la réalité du système de soins dans notre pays. En effet, depuis l’ «
initiative de Bamako », en 1987, qui a instauré le « recouvrement des coûts »,
notre système de soins est libéral. Car l’Ivoirien paye directement de sa poche
(paiement-direct ou user fees) pour se soigner. Depuis le début des années
1990, les dépenses privées de santé (dépenses des ménages et des assurances privées), sont
supérieures aux dépenses publiques de santé. Ceci entraînant des « dépenses
catastrophiques » (dépenses de santé plus élevées que les revenus) selon l’OMS,
appauvrissant encore plus l’Ivoirien et réduisant son espérance de vie. Mamadou
Koulibaly veut-il encore assommer un homme déjà à terre ? Mais allons plus loin
pour demander au chef de LIDER de nous citer un seul pays où le système libéral
de santé est satisfaisant ? Au contraire, les systèmes sociaux avec une forte
implication de l’Etat sont prisés pour une meilleure protection des plus
faibles. L’Angleterre, grand pays libéral, a opté depuis 1942 pour un système
national de santé (National Health Service) avec l’Etat dans les rôles de
producteur et d’acheteur de soins afin de protéger les pauvres. Et pourtant, le
concepteur de ce système (lord William Beveridge) est libéral. Pro-keynesien,
il estime que l’Etat doit intervenir pour canaliser le libéralisme et protéger
les plus faibles.
Le système
suisse d’assurance-maladie obligatoire, exécuté par des caisses privées, donc à
priori libéral, est régulé par l’Etat par l’encadrement des franchises, du
panier de soins et des primes d’assurance tout en subventionnant les soins des
pauvres. Le système libéral américain, quant à lui est remis en cause par la
réforme de la santé d’Obama, car 45 millions d’Américains n’avaient pas accès
aux soins de santé. L’Afrique du sud est en plein chantier pour abandonner le
système libéral et instaurer une assurance-maladie sociale. La quasi-totalité
des pays d’Europe ont des systèmes de santé que les Etats régulent et
soutiennent financièrement. L’OMS, dans son rapport 2010, révèle que dans les
pays où les dépenses publiques de santé sont supérieures à 50% dans les
dépenses totales de santé, les populations se soignent mieux. Les dépenses
publiques étant consacrées aux subventions des soins des démunis. Là où le
libéralisme sans frontières n’a jamais fait ses preuves, l’Etat a fait les
siennes. Même la gratuité des soins, bien que décriée en Côte d’ivoire, a sauvé
des vies, bien plus que la politique libérale de « recouvrement des coûts ». M.
Koulibaly devrait donc savoir qu’on ne change pas une équipe qui gagne.
En 2000, alors
ministre du budget du général Guéi, M. Koulibaly défendait la politique sociale
du gouvernement auquel il appartenait. Dans le numéro 77 de mars 2000 de la
revue « Politique africaine », il
disait ceci : « cette année (2000), la
Côte d’Ivoire met plus de 400 milliards dans le secteur social. Les 400
milliards de dépenses sociales doivent être destinés notamment à la santé et la
scolarisation en milieu rural ». Plus loin, il dit encore : « si les bailleurs de fonds veulent faire
passer le remboursement de la dette avant, qu’ils trouvent les moyens de
résoudre les problèmes sociaux ». Le libéral qu’il est n’a pas pu
s’accorder avec les économistes libéraux du FMI et de la banque mondiale,
surtout en raison du caractère théorique de ses propositions.
Hier défenseur
des investissements sociaux d’Etat ; aujourd’hui, promoteur d’une ligne
libérale effrayante… Les Ivoiriens apprécieront la constance le moment venu.
(*) - Président de « Orphelins Secours ».Titre original : « IIe anniversaire de Lider : Mamadou Koulibaly est-il l’ennemi des pauvres ? »
en maraude
dans le web
Sous cette rubrique, nous vous
proposons des documents de provenance diverses et qui ne seront pas
nécessairement à l’unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu’ils soient en
rapport avec l’actualité ou l’histoire de la Côte d’Ivoire et des Ivoiriens, et
aussi que par leur contenu informatif ils soient de nature à faciliter la
compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la « crise
ivoirienne ».
Source : presse.ivorian.net 16 juillet 2013
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