samedi 31 décembre 2016

La crise du FPI vue de l’intérieur…



Dans un texte qui circule actuellement sur Facebook, JEAN BONIN, un militant du FPI « proche de Pascal Affi N’Guessan », s’exprime sur les causes et les enjeux de la confuse et interminable crise de l’appareil dirigeant de son parti. Quoique son propos relève bien plus de la vaine polémique que de la saine et sereine analyse politique, nous croyons qu’il peut tout de même aider les observateurs neutres -- (neutres, certes, mais pas indifférents) -- que nous sommes à se faire une idée approchée de ce qui est réellement en jeu, aujourd’hui, dans le parti fondé par Laurent Gbagbo et dont il confia la direction à Pascal Affi N’Guessan lorsque, devenu président de la République en l’An 2000, lui-même se plaça au-dessus des partis. C’est pourquoi nous en publions ici l’intégralité, à l’intention de nos amis lecteurs.

La Rédaction

« AVANT GBAGBO, C’EST GBAGBO. APRÈS GBAGBO CE DOIT DONC ÊTRE GBAGBO ».
Comme beaucoup, moi aussi je me suis fait avoir. Je me suis fait rouler dans la farine. Je m’étais dit qu’il suffirait que Gbagbo mette Affi et Sangaré face à leur responsabilité politique pour que cesse la crise au FPI. Qu’il suffirait que Gbagbo désigne un médiateur entre Affi et Sangaré pour qu’ils s’asseyent et discutent.
Non, Gbagbo ne le fera pas car avant Gbagbo, c’est Gbagbo. Après Gbagbo ce doit donc être Gbagbo. D’ailleurs n’entendez-vous pas les uns et les autres dire que le FPI est la chose de Gbagbo ? Sa chose à lui seule et à personne d’autre ?
Dommage pour tous ces hommes et femmes qui sont morts pour et à cause du FPI. Tant pis pour tous ces exilés, ces handicapés, ces chômeurs qui, à cause du FPI, vivent l’enfer. On ne leur avait pas dit que le FPI était une propriété privée et non un parti politique.
Ne comptez pas sur Gbagbo pour régler un problème…
Dans cette propriété privée, nous autres n’y sommes que des faire-valoir et des manœuvres, corvéables à souhait qu’on peut éjecter comme on veut, suivant l’humeur du souverain ou des membres de sa famille biologique. Qu’il est beau un certain FPI !
Non, Gbagbo n’a pas intérêt à ce que le FPI ait des maires pour que tous ces jeunes jetés dans les rues par le RHDP puissent trouver du travail. Non Gbagbo ne veut pas que, comme lui en 1990, d’autres puissent être députés pour défendre les intérêts locaux de leur région. Non il ne veut pas qu’après lui quelqu’un d’autre soit président de la République.
D’ailleurs, n’est-ce pas lui le président légal de la Côte d’Ivoire actuellement ? Je me demande bien pourquoi le président légal et légitime de la Côte d’Ivoire voudrait encore lutter (sic) le poste de Affi. Vraiment l’homme n’est rien.
Oui, l’homme n’est rien. Vraiment rien. Sinon comment comprendre qu’alors que des Africains et même des Européens érigent Gbagbo au rang d’un Mandela, il veuille se rabaisser à lutter un poste de simple président de parti avec Affi. Qui va lutter le poste de Ouattara alors ? Les bras m’en tombent.
En réalité, ne comptez pas sur Gbagbo pour régler un problème. Ce n’est pas dans sa culture et dans ses habitudes. Il suffit de voir la cacophonie qui régnait au sommet de l’Etat et au sein de la fameuse galaxie patriotique pour s’en rendre compte.
PLUS LE CONFLIT DURERA ET MIEUX CELA SERA POUR GBAGBO
Le leader, le vrai, le sage, comme un bon père de famille, ne fait pas de différence entre ses enfants. Quand survient un conflit dans la famille, il les écoute tous puis il tranche. Il ne boude pas les uns au profit des autres.
Plus le conflit durera et mieux cela sera pour Gbagbo. En effet, il apparaît alors aux yeux de tous comme le seul capable de diriger le FPI et à faire l’unanimité. Donc ne comptez surtout pas sur lui pour mettre fin à cette absurde guerre de positionnement qui n’honore personne, sauf Gbagbo, le grand gagnant de cette confrontation.
Depuis près de trois (3) ans, à quoi assistons-nous au FPI ? La désacralisation des mythes, une foire d’empoigne, d’injures… tout y passe. Les détecteurs de traitres et de corrompus ne se sont jamais autant vendus et n’ont jamais [autant] eu la cote.
LÂCHETÉ ET DÉSORDRE
Préoccupés à débusquer des vendus dans leur propre camp, ils n’ont plus le temps d’affronter Ado. D’ailleurs c’est plus risqué de s’en prendre à Ado qu’à Affi. Au point que quand Ado en met un en prison, ils préfèrent attribuer cela à Affi. Quelle lâcheté !
Le désordre est devenu tel que ceux qui n’ont jamais pris une seule fois une carte du FPI de leur vie s’autorisent à s’ingérer dans les affaires internes du FPI au point où ils exigent que le président statutaire de ce parti aille créer un autre parti. Ils veulent décider à la place des militants du FPI de celui qui doit diriger le FPI, parti dans lequel ils rechignent à s’engager.
Mieux, certains appartiennent notoirement à d’autres partis politiques mais croient être ceux qui doivent décider pour et à la place des militants du FPI. Votre femme est enceinte et ce sont les voisins qui viennent vous dire dans quel hôpital vous devez l’emmener pour l’accouchement. Comme si vous-même ne savez pas ce qui est bien pour elle et votre enfant. Vraiment le monde à l’envers.
FPI, GBAGBO N’EST PAS LA SOLUTION
En quoi l’organisation interne du PDCI ou du RDR me concerne ? Pour ceux qui ne le sauraient pas, au FPI c’est à l’occasion d’un congrès qu’on élit le président du parti. Ce n’est pas sur Facebook.
Parce que le FPI n’est pas une secte avec un gourou qui s’appelle Gbagbo devant qui tout le monde doit se prosterner comme au RHDP. Ceux qui veulent le fauteuil de Affi, conquis à l’occasion d’un congrès en 2001, devront, parallélisme des formes, l’affronter au prochain congrès pour l’en déloger. C’est aussi simple que ça.
Personne ne dirigera le FPI sans l’onction électorale des militants du FPI exprimée lors d’un congrès électif. Et ce n’est pas un simulacre de congrès sous une lugubre paillote dans un village qui changera cela. Koh congrès de Mama.
Le prochain congrès devrait se tenir dans moins d’un semestre et il se tiendra au palais des sports. Ceux qui veulent diriger le FPI devront s’y conformer car personne ne dirigera le FPI par nomination ou amitié personnelle avec Gbagbo. Trop facile.
« AFFI NE CRÉERA PAS UN NOUVEAU PARTI. AFFI EST À LA BARRE ET POUR L’EN DÉLOGER, IL FAUDRA LE BATTRE AU CONGRÈS »
Que ce soit clair pour tous, Affi ne créera pas un nouveau parti. Affi est à la barre et pour l’y déloger il faudra le battre au congrès, ce qui devrait être une simple formalité pour les ultras « majoritaires sur Facebook ».
Ceux qui sont fâchés peuvent donc faire comme le RDR ou l’UPDCI, qui sont sortis du PDCI pour créer leur parti. Ils peuvent faire comme Anaky ou Koulibaly, qui sont partis du FPI pour créer le MFA et Lider. Affi n’est pas fâché, il est serein. Il dirige un parti pour lequel il a consacré 30 ans de sa vie. Il n’ira créer aucun autre parti. C’est celui qui est fâché qui s’en va.
Parce que Gbagbo est la matière grise de la fronde. Parce que la fronde n’a aucun projet politique pour la Côte d’Ivoire. Parce que ceux qui combattent Affi n’ont que les injures comme arguments. Parce qu’un parti politique qui combat le FPI est un adversaire du FPI…
Gbagbo doit être logiquement traité comme tel car il n’est pas neutre, il est l’instigateur, il est celui qui donne des instructions à ceux qu’il reçoit pour qu’ils aillent sur le terrain combattre Affi et le FPI. Sans lui, personne ne doit devenir quelqu’un. Malgré cette politique de la terre brûlée, le FPI vivra.

Jean Bonin (cadre du FPI)


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Sous cette rubrique, nous vous proposons des documents de provenance diverses et qui ne seront pas nécessairement à l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu'ils soient en rapport avec l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et des Ivoiriens, ou que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à faciliter la compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la « crise ivoirienne ».



Source : connectionivoirienne.net 30 décembre 2016

vendredi 30 décembre 2016

Déception



Après le raid barbare des mercenaires sur le camp de refugiés de Nahibly
« Notre société est-elle prête à recevoir les vérités contenues dans les témoignages ? Que va-t-elle en faire ? Que peut-elle en faire ? ».

C’est la première fois que j’entends exprimer sur la place publique une opinion sur le rapport de la CDVR. Une dame, liée au monde de la justice transitionnelle a dit : « Nous sommes un peu déçu du rapport de la CDVR ». La raison ? : « …il ne contient pas de témoignages sur ce que les victimes ont vécu ». Il est vrai qu’il y a des chiffres qui prétendent donner une comptabilité de la souffrance subie. Mais ils restent froids sans les personnes qui les incarnent et qui ont vécu les événements.

N’ayant pu retrouver le corps de son fils unique mort durant la guerre 14-18, le poète Kipling a écrit à propos des soldats inconnus : « Connus de Dieu seul ». Cela est vrai des souffrances inconnues.

Face au silence de notre société, il me faut dire merci. Mais il importe d’aller plus loin en posant deux questions. Pourquoi notre peuple ne s’intéresse pas à ces témoignages ? Notre peuple est-il prêt à supporter ces témoignages ? Ce silence nous parle. Faisons parler ce silence. Allons donc au-delà de la déception.

Entre la vérité et les dédommagements ou indemnisations, qu’est-ce qui peut mobiliser les nôtres ? J’imagine ce que certains peuvent dire. A quoi servira la vérité ? Est-ce qu’on mange la vérité ? La vérité n’est-elle pas un couteau qu’on veut retourner dans notre plaie nationale ? Il serait facile de critiquer nos compatriotes et leur matérialisme. Cependant, sans réparation symbolique ni indemnisations concrètes, nous savons tous que la réconciliation ne serait pas complète. Aucune douleur ne peut s’apaiser toute seule quand tous les jours le dénuement ou les besoins imposent leur présence et leur demande. Faute de les écouter, les ressentiments finissent par imposer leur voix. Là n’est donc pas la question. La vérité ou les indemnisations, voilà une fausse alternative. Aussi, dans leur grande sagesse, les nôtres se disent à bon droit : que j’aie au moins une indemnisation pour ce que j’ai perdu dans une tourmente nationale dont je ne suis pas l’auteur.

Il faut bien admettre aussi qu’existe une longue tradition de stoïcisme ivoirien. Nous sommes habitués à supporter et à nous en remettre à la sagesse de nos dirigeants. Nos parents disent même qu’un garçon pleure dans son ventre. Ces témoignages ne seraient-ils pas une manière de pleurer en public ? La catharsis est valable pour tous mais seules les femmes sont autorisées à pleurer en public à l’occasion des funérailles. L’homme qui pleure comme elles, est soupçonné de ne pouvoir le faire à la manière des hommes, c’est-à-dire en assumant les responsabilités qui viennent avec le malheur.

Mais plus fondamentalement, notre société est-elle prête à recevoir les vérités contenues dans les témoignages ? Que va-t-elle en faire ? Que peut-elle en faire ?

Une bonne intention est de protéger la société contre des vérités qu’elle ne peut supporter. Pourquoi la maintenir dans la crise en lui agitant sous les yeux et sous le nez ses conséquences ? Mais alors, qui doit décider de sa capacité ? Si elle n’est pas mûre pour supporter les vérités de sa propre histoire, faut-il la maintenir dans cette sorte d’infantilisme et même de pusillanimité ? Après ce que nous avons vécu, ne sommes-nous pas assez forts pour nous regarder dans le miroir de l’introspection ? Ne sommes-nous pas assez imaginatifs pour donner du futur à tous ceux qui redoutent le passé ?

Mais je comprends très bien que nous ne soyons pas prêts. Il faudrait pouvoir se regarder dans les yeux, entre quatre yeux diraient certains, mais en tout cas pas comme le feraient des borgnes. Quand je regarde comment la justice se fait, dans laquelle on ne poursuit qu’un seul camp, je comprends que nous ne sommes pas prêts car la vérité pourrait ébranler les piliers de la société. Au lieu de la conforter, elle s’effondrerait. Tel n’est pas évidemment le but de la justice transitionnelle. Qui veut connaître la vérité ? Qui a intérêt ou pas à ce qu’on la connaisse et la dise ?

Dans tous les cas, les témoignages des victimes sont remplacés par les réquisitions des procureurs et les avocats de victimes sont bien placés pour plaider leur cause.

Le guitariste et chanteur Anoma Brou Félix disait que la vérité rougit les yeux mais ne les casse pas. Ici, je crois qu’on a peur qu’elle ne les casse. Ceux qui ne veulent ni les rougir ni les casser savent qu’il suffit de les fermer ! Cela peut susciter de la déception, comme nous venons de le voir, mais cela a aussi un précieux avantage. On peut ouvrir les yeux à tout moment quand on le voudra.

Quand on ouvrira alors les yeux, j’espère que ce ne sera pas pour régler des comptes laissés en suspens. Nous venons de rendre hommage à Zadi Zaourou en mettant sur la place publique ses chroniques des temps qui tanguent. Il nous dit, au moins, deux choses importantes. Un : « Celui qui cherche un frère sans faute reste sans frère ». Deux : « Si tu veux la paix, digère la haine ». Avec quel estomac digère-t-on la haine ? Il nous laisse chercher et trouver !

Quelle sera alors le rôle de la vérité ? Comprendre pour réconcilier. En effet, si nous ne comprenons pas que nous sommes tous responsables de ce qui nous est arrivé, que notre histoire y est impliquée jusqu’au cou, nous trouverons quelques coupables à condamner. Ou, nous nous condamnerons mutuellement sans créer les conditions de la paix. C’est à nous de faire que la mémoire soit la mère qui accouche de l‘avenir, que la générosité soit sa tante bien aimée.
A défaut de naître de nouveau comme toute mort symbolique le propose, nous pourrions au moins être guéris. Or, sans vérité, aucune guérison durable n’est possible. Nos parents disent qu’une plaie qu’on soigne sans enlever la croûte qui la recouvre ne peut guérir.

Consolons-nous à l’idée que le temps qui est le père de la mémoire est l’autre nom de Dieu. Ceux qui ont parlé durant les auditions de la CDVR seront entendus un jour dans des conditions plus favorables.

Je me réjouis de ce que je viens de lire dans une église de la place. Le thème de l’année 2016-2017 est : « Toi, laisse là ton offrande et va d’abord te réconcilier avec ton frère ». Les offrandes, ce sont tous ces exploits que nous réalisons et offrons à notre ego national. Le « toi », c’est chacun de nous tous, du plus humble au plus puissant. Il nous interpelle et nous apostrophe. A chacun d’entendre la voix qui l’énonce. C’est avec une égale urgence et autorité que résonne le « d’abord » divin.

L’insistance presque stridente de ce thème ne provient-elle pas du fait que le thème de l’année dernière n’ait pas été entendu ? Il nous invitait à la miséricorde : « Soyez miséricordieux comme votre père céleste est miséricordieux ». « Suis-je le fils de mon père ? » précède « Suis-je le gardien de mon frère ? ».

On conviendra qu’être un peu déçu est une forme d’hommage. Celle-ci s’accompagne de ce que disaient nos bons vieux instituteurs : « Peut mieux faire ! ».

Il faut craindre que, n’ayant pas obtenu la vérité, nous soyons, en plus, déçus des indemnisations à venir. Devant l’ampleur des dégâts et la limitation des moyens matériels, la dimension morale aurait pu apporter beaucoup à la société dans son effort de reconstruction humaine. Hélas !



Pr Séry Bailly


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Source :  iciAbidjan.com 22 décembre 2016

vendredi 23 décembre 2016

Relire La Vie et demie de Sony Labou Tansi

Une contribution de Jean-Claude DJEREKE

La Vie et demie, avant de devenir le titre dun roman, est le nom dun hôtel où Chaïdana occupe la chambre 38. Que se passe-t-il dans cette chambre ? Cest plusieurs pages plus loin que lon a la réponse à cette question. Au commencement du roman, Sony Labou Tansi nous apprend que nous sommes dans la république de Katamalanasie. Mais sagit-il vraiment dune république au sens où ce mot est employé par Montesquieu pour qui « tout serait perdu si le même homme, ou le même corps, exerçait ces trois pouvoirs : celui de faire les lois, celui dexécuter les résolutions publiques, et celui de juger les crimes ou les différends des particuliers » (cf. LEsprit des lois, 1748) ? Non ! Ce qui est décrit ici ressemble plutôt à une monarchie car, dans ce pays imaginaire, le guide providentiel est lhomme à tout faire, dirige dune main de fer, nomme et dégomme qui il veut, arrête, emprisonne et torture ceux qui ne sont pas daccord avec lui. Tel est le cas de Martial, le principal opposant. Celui-ci finira par être assassiné. Et son corps sera atrocement mutilé. Chaïdana, sa fille, cherchera à venger sa mort.

Comment sy prend-elle ? Quelle stratégie met-elle en place pour atteindre son objectif ? Sachant que les collaborateurs du guide (ministres, généraux et colonels) sont friands des « belles femmes en dessous de vingt-cinq ans », la belle Chaïdana décide de séduire et de coucher avec chacun dentre eux dans sa chambre dhôtel. « Je suis un produit de leur main : je les aurai tous », jure-t-elle en effet. Mais Chaïdana nest pas une prostituée ordinaire. Ce quelle fait dans la chambre 38 de « La vie et demie », ce nest pas dabord pour gagner de largent mais pour punir le régime qui a tué son père. Elle ne se contentera donc pas doffrir son joli corps à ses clients. Elle leur donnera aussi la mort en leur faisant consommer du champagne empoisonné. Trente-six des cinquante ministres de la Katalamanasie mourront de ce champagne spécial.

Lun des messages que lécrivain congolais veut faire passer, ici, cest que ceux qui se croient forts ne sont pas invincibles et que, si les faibles le veulent, ils peuvent toujours trouver des voies et moyens pour leur faire payer leur cruauté. Récemment, Obama a laissé entendre que la Russie nétait quun petit pays. Possible que le pays de Poutine nait pas autant de moyens militaires que les États-Unis. Nempêche que, avec intelligence, il a réussi à chasser dAlep (Syrie) les rebelles « modérés » soutenus par Obama, Hollande, Cameron et Cie.

Publié en 1979 chez Seuil (Paris), le roman La Vie et demie ne se montre guère tendre avec les pouvoirs africains, 20 ans après les indépendances. Labou Tansi y exprime le désenchantement de tous ceux qui avaient cru quêtre député, ministre ou président de la République signifiait servir ses compatriotes sans discrimination, construire son pays comme les Blancs construisent les leurs, promouvoir lintérêt général. Nous sommes en 2016 et, excepté des pays comme le Ghana, le Botswana ou la Tanzanie, le pouvoir continue dêtre perçu ici et là comme un instrument denrichissement personnel et doppression. De plus, nombre de personnes ayant une parcelle dautorité et rétribuées avec largent du contribuable sont plus préoccupées daccumuler femmes, voitures et villas (même si on na jamais vu un homme dormir dans deux maisons en même temps) que de servir humblement et efficacement ceux à qui elles doivent leurs postes et titres. On est alors tenté de croire que nos pays ne sont pas si différents de la Katamalanasie de Sony Labou Tansi et quils sont condamnés à patauger dans la médiocrité. Nous ne devrions pas céder à une telle tentation pour la bonne et simple raison que Jerry John Rawlings a brillamment démontré quon peut changer le destin dun pays et que la corruption, la dictature, le laisser-aller ou les coups dÉtat ne sont pas une fatalité. Comment a-t-il transformé lex-Gold Coast ? En mettant ses compatriotes au travail, en sanctionnant ceux qui désobéissaient aux lois. Bref, Rawlings est parvenu à stopper la pagaille qui tuait le Ghana à petit feu. Avant son arrivée au pouvoir, le pays ne marchait pas bien, il était si mal en point que les Ivoiriens avaient inventé lexpression « être tombé comme le Ghana ». Mais, une fois aux commandes, Jerry Rawlings a redonné au pays un nouveau visage et aux Ghanéens leur fierté non seulement en usant de fermeté mais en donnant lui-même lexemple du travail bien fait, de la justice et du respect des lois de la République. Le désespoir est la pire des choses qui puisse arriver à un être humain ou à un peuple.
L'auteur
Autrement dit, celui qui n
espère plus est déjà mort. Or, déclare Cicéron, tant quil y a la vie, il y a lespoir (« Dum spiro, spero »). Parce quelle était convaincue que rien nest définitivement perdu tant quon est en vie, Chaïdana ne baissa pas les bras après que son père fut assassiné par le guide providentiel. Elle ne songea pas non plus à collaborer de quelque manière que ce soit avec le dictateur sous prétexte quil était trop fort et quon ne pouvait rien contre lui. Elle essaya plutôt de poursuivre le combat commencé par son père, finit par trouver, à force de chercher, la meilleure manière de détruire ce régime totalitaire et violent. Nulle part, dans le roman, on ne la voit résignée ni silencieuse. Peut-être avait-elle compris que « nos vies commencent à se terminer le jour où nous devenons silencieux à propos des choses qui comptent » (Martin Luther King). 
  
J.-C. Djereke

Source : CIVOX. NET 22 Décembre 2016

jeudi 22 décembre 2016

Crânes de résistants algériens : le président du Musée de l'homme de Paris évoque la complexité du processus de restitution

 Le président du Muséum national d'histoire naturelle,  Bruno David, a évoqué devant les députés de l'Assemblée [nationale] française la complexité du processus de restitution des crânes des résistants algériens réclamés par  l'Algérie.

« En tant que dépositaires des collections, nous devons évidemment en  prendre soin, mais nous n'avons pas le droit de les céder. Cela peut d'ailleurs poser des problèmes éthiques : nous conservons des crânes de résistants algériens du XIXe siècle que l'Algérie réclame, mais, dans la mesure où ils ne nous appartiennent pas, je ne peux pas les restituer sans suivre un processus assez compliqué », a-t-il expliqué lors de son audition par la Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, le 7 décembre, dont le compte-rendu a été publié mardi.
Il a précisé que le processus obéit à des règles, du point de vue éthique,  « afin de protéger la propriété intellectuelle et le patrimoine de chaque pays,  mais elles compliquent sensiblement la vie du Muséum », indiquant qu'il faut  « garantir la traçabilité des matériels et être prêt à les restituer en fonction  des situations ». Il a affirmé que « c'est loin d'être simple » pour les crânes humains.
Dans une interview accordée à l'APS, le 31 octobre dernier, le ministre  des Moudjahidine, Tayeb Zitouni avait indiqué que les démarches « vont bon train » pour récupérer ces ossements et les enterrer en Algérie, soulignant que « la dignité humaine est sacrée et doit être respectée même pour les morts et que rien ne justifie, ni moralement ni idéologiquement, que ces ossements soient laissés dans la situation déplorable actuelle ».
Pour sa part, le directeur des collections au Muséum national d'histoire  naturelle (MNHN) de Paris, Michel Guiraud, avait dit que son institution était  « prête » à examiner « favorablement » la demande de restitution des 36 crânes de chouhada, résistants algériens morts au champ d'honneur au début de la colonisation française, conservés depuis plus d'un siècle.
« Nous sommes prêts à examiner favorablement la demande de restitution  des crânes des Algériens, conservés dans notre musée », avait-il  affirmé dans un entretien à l'APS, indiquant qu'il y a cependant « un chemin à prendre » sur le plan procédural pour que la demande soit prise en considération.
« Pour leur restitution, il y a un chemin à prendre. Nous reconnaissons le droit de la famille et celui des descendants relayés par leur Etat », a-t-il  dit, soulignant que les demandes « doivent passer par le canal diplomatique et  non pas par une association qui n'a pas un droit particulier par rapport aux  restes humains ».
Une pétition a été lancée en ligne, rappelle-t-on, par un universitaire  algérien, Brahim Senouci, pour rapatrier en Algérie ces restes afin d'« y recevoir  une digne sépulture ».
Les 36 crânes, des dons provenant de médecins militaires à l'époque de la colonisation, sont effectivement conservés dans des boîtes de carton entreposés dans une armoire métallique au musée. C'était dans une déclaration à l'APS, en 2011, que le chercheur en histoire, l'Algérien Ali Farid Belkadi, avait révélé, rappelle-t-on, que les restes mortuaires d'Algériens, ayant résisté à la colonisation française au XIXe siècle, avaient été retrouvés au MNHN de Paris.
Les restes, des crânes secs pour la plupart, appartiennent à Mohamed  Lamjad Ben Abdelmalek, dit Cherif Boubaghla, au Cheikh Bouziane, le chef de  la révolte des Zaâtchas (région de Biskra en 1849), à Moussa El-Derkaoui et à Si Mokhtar Ben Kouider Al-Titraoui. La tête momifiée d'Aïssa El-Hamadi, qui fut le lieutenant du Cherif Boubaghla, fait partie de cette découverte, de même que le moulage intégral de la tête de Mohamed Ben-Allel Ben Embarek, lieutenant  de l'Emir Abdelkader.

Algérie Presse Service (APS)


Source : El Watan 14 décembre 2016

mercredi 21 décembre 2016

La prochaine « Assemblée nationale » ivoirienne ne sera pas monocolore


Quarante-huit heures après le vote des Ivoiriens pour l'élection des 255 députés, la lagune a parlé. Naufrage du Front populaire ivoirien tendance Pascal Affi Nguessan, qui n'obtient que trois sièges, et victoire du Rassemblement des houphouétistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP) qui se taille la part du lion, avec plus de 160 sièges. Mais on note tout de même quelques avaries pour le navire d'Henri Konan Bédié, le Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI) dont certains candidats et pas des moindre, ont été battus à plate couture par des indépendants qui font une percée fulgurante avec 75 sièges. Certes, ces résultats ne sont que provisoires, mais ils donnent déjà une indication sur le poids politique de chaque parti, formation ou candidat indépendant. Si les pontes du RDR d'Alassane Ouattara ont réussi à faire le plein des voix dans leurs fiefs respectifs, comme Amadou Gon Coulibaly, Secrétaire général de la présidence, élu avec 98% des voix à Korhogo, Guillaume Soro, président de l'Assemblée nationale, avec 98,7% à Ferkessédougou, ou Téné Birahima Ouattara, frère du chef de l'État, avec 99,76 % des voix, ou encore Hamed Bakayoko, ministre de l'Intérieur, avec 100 % des voix à Séguéla, cela n'est pas le cas de certains bonzes du PDCI. En effet, les ténors de ce vieux parti de Côte d'Ivoire n'ont pas gagné la bataille de la mobilisation dans leurs fiefs comme à Grand-Bassam où le taux de participation provisoire est de l'ordre de 27% ou à Yamoussoukro, où moins de 20% des électeurs se sont rendus aux urnes. Conséquences, c'est l'indépendant Kouassi Kouamé Patrice qui y a dicté sa loi à ses adversaires en rempotant le scrutin avec 62% des voix. Des ministres candidats comme Allah Kouadio Rémi, de l'Environnement et du Développement durable, n'ont pas pu se faire élire. On en compte également du côté du RDR, à l'image d'Affoussiata Bamba Lamine, ministre de la Communication [et porte-parole adjointe du gouvernement], qui a été taclée par la candidate indépendante Yasmina Ouégnin, écartée par la direction du PDCI.
Du côté du FPI, la situation est bien pire. Et l'on n'exagèrerait pas en disant que le parti de Laurent Gbagbo a bu la tasse. En effet, sur 180 candidats présentés avec  un objectif affiché de 30 sièges, ce parti n'avait obtenu, au moment où nous tracions ces lignes, que trois sièges arrachés par Kouman Yao Nguettia, Pascal Affi Nguessan et Gilbert Kouamé Amalaman. La défaite de ce parti est d'autant plus cuisante que des ténors comme l'ancien DG du port d'Abidjan, Marcel Gossio, l'ancien ministre des Affaires étrangères Alcide Djédjé ou encore le patron des jeunes du FPI, Konaté Navigué, ont mordu la poussière.
Les grands gagnants de ce scrutin sont sans conteste, les indépendants, excepté bien sûr Kouadio Konan Bertin, dit KKB, qui n'a pas pu préserver son mandat. Désavoués par leur parti, ils ont réalisé une prouesse en s'emparant de 75 sièges. Parmi eux, l'ex-ministre des Affaires étrangères Mabri Toikeusse et Gnamien Konan, ex-ministre de l'Habitat. En attendant que les résultats définitifs soient proclamés, l'on peut d'ores et déjà être sûr d'une chose : la prochaine Assemblée nationale ivoirienne ne sera pas monocolore. En tout cas, les résultats de ces législatives annoncent une véritable reconfiguration de la carte politique ivoirienne et c'est tant mieux pour la démocratie ivoirienne. Le président Alassane Ouattara qui espérait certainement disposer d'une caisse de résonnance, devra se raviser. Il devra désormais compter avec l'opposition et même avec les indépendants qui pourraient, au regard de leur nombre, se constituer en groupe parlementaire. Quoi qu'il en soit, les débats à l'hémicycle ne seront plus menés comme dans un zoo où tous les animaux chantent la gloire du lion. Il faut même craindre que certains sujets sensibles comme ceux relatifs à la nouvelle constitution, ne refassent surface et troublent le sommeil d'Alassane Ouattara à la prochaine rentrée parlementaire.

Dabadi Zoumbara, Le Pays (Burkina Faso) 21-12-2016
Titre original : « Législatives 2016 : Victoire du RHDP, naufrage du FPI ».


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Source : http://www.lebanco.net 21 décembre 2016

dimanche 18 décembre 2016

Les conséquences de la chute d'Alep pour l'Europe, par Jean-Bernard Pinatel*

Après la libération d'Alep, évacuation de la population civile
La Bataille d’Alep marque un tournant décisif dans le conflit syrien. Le maintien au pouvoir de Bachar el-Assad n’est plus un préalable à la fin du conflit. Les Russes ont désormais toutes les cartes en main pour imposer leur solution. Cette victoire des forces syriennes appuyées par la Russie contre les islamistes radicaux va avoir des conséquences géopolitiques considérables pour le Moyen-Orient et pour l’Europe. Le premier effet concret s’est traduit ce 10 décembre 2016 par la vente de 19,5% des actions de Rosneft au Qatar.
La Turquie avait anticipé cette victoire. Erdogan, dès le 9 août, était allé à Canossa, pardon à Saint-Pétersbourg, après avoir exprimé ses « regrets » à Vladimir Poutine fin juin concernant le sukkoi 24 abattu par son aviation. Poutine lui a rendu la politesse le 10 octobre en se rendant à Istanbul où les deux chefs d’Etat ont réaffirmé leur engagement à mener à bien le projet de gazoduc russo-turc TurkStream, qui doit acheminer le gaz russe vers l’Europe en passant par la mer Noire, ainsi qu’à la construction par la Russie de la première centrale nucléaire turque.
De leur côté, confrontés à l’efficacité de l’intervention militaire russe de septembre 2015 qui contrastait avec les atermoiements d’Obama en Syrie et le peu d’efficacité de son action de soutien militaire à l’Irak, les dirigeants qataris comprenaient que leur stratégie de soutien aux Frères musulmans et aux wahhabites en Syrie allait les conduire à leur perte. Et que dorénavant, pour vendre leur gaz à l’Europe, il faudrait trouver un accord avec la Russie car c’est elle qui a les cartes en main pour autoriser ou interdire la construction d’un gazoduc terrestre pour acheminer son gaz vers les pays de l’Union Européenne.[1]
Après une première visite de l’émir Tamim bin Hamad Al-Thani à Moscou en janvier 2016, ce rapprochement s’est traduit, le 6 septembre, par la signature d’un accord militaire entre les deux pays, au cours d’une visite du ministre qatari de la Défense, Khalid bin Mohammad Al-Attiyah, à l’occasion du Forum international militaire et technique « ARMÉE-2016 », à Moscou. « Nous avons signé un accord de coopération militaire avec la Russie, mais il ne comprend pas l’achat d’armes », a ainsi indiqué Saoud Bin Abdallah al-Mahmoud, l’ambassadeur du Qatar à Moscou. Toutefois, s’agissant d’éventuels contrats d’armement, rien n’est fermé du côté de Doha, le diplomate ayant assuré que son gouvernement examinerait cette « possibilité ».[2]
Mais l’acte majeur de ce rapprochement à la portée géopolitique considérable s’est traduit samedi 10 décembre 2016 par la conclusion d’un accord de vente de 19,5% des actions de Rosneft à la Qatar Investment Authority (QIA). Cette vente s’est faite au prix de 11,37 milliards de dollars qui rentrent dans les caisses de l’Etat russe qui en avait bien besoin. Le Qatar est désormais le second actionnaire de Rosneft après l’Etat russe.
Pour comprendre la signification géopolitique exceptionnelle de cet accord, un rappel historique et économique s’impose.
Trois pays – la Russie, l’Iran et le Qatar – possèdent 50% des réserves mondiales de gaz naturel(3).[3] Les trois sont désormais alliés économiquement et stratégiquement, ce qui marque l’échec de la stratégie de l’Union européenne de diversification de ses sources d’approvisionnement de gaz naturel inspirée et voulue par les Etats-Unis et l’Otan. En effet, la Russie est déjà le premier fournisseur de l’Union européenne avec 40% des importations, qui représentent 20% de la consommation totale de gaz de l’Union européenne. Compte tenu de la hausse de la consommation dans l’Union européenne et de l’épuisement du gisement gazier en Mer du Nord, cette dépendance énergétique de l’UE vis-à-vis de la Russie devrait fortement s’accroître dans les prochaines années. La Commission européenne estimait en effet que, d’ici 2040, 70% des besoins énergétiques de l’UE devraient être assurés par les importations, contre 50% aujourd’hui.
Cette dépendance était inacceptable pour les stratèges américains pour lesquels la création d’une Eurasie annoncerait la fin de leur suprématie mondiale et l’arrivée d’un troisième grand acteur sur la scène mondiale qui perturberait leur tête-à-tête d’adversaire-partenaire avec la Chine.
Pour les stratèges américains et les atlantistes européens, le Qatar, avec 24300 milliards de m3 de réserves prouvées qui lui assurent 154 ans de production au rythme actuel, était la solution. A condition toutefois de construire un gazoduc, car la liquéfaction et le transport en bateau via le détroit d’Ormuz et le canal de Suez rendaient le gaz qatari non concurrentiel avec le gaz russe. Selon des informations du journal libanais Al-Akhbar publiées en 2012, les Qataris avaient établi un plan, approuvé par l’administration Obama et l’UE visant à construire un gazoduc vers l’Europe via la Syrie. Ce gazoduc terrestre aurait traversé l’Arabie Saoudite, puis la Jordanie, en évitant l’Irak pour arriver à Homs en Syrie, d’où il aurait bifurqué dans trois directions : Lattaquié sur la côte syrienne, Tripoli au nord du Liban, et une troisième branche via la Turquie vers l’Europe. Mais Bachar El-Assad refusait d’autoriser ce transit.
Désormais, les cartes sont redistribuées et rien ne s’oppose plus à ce que le gaz qatari rejoigne en Turquie le gazoduc TurkStream et vienne alimenter les besoins énergétiques de l’Union européenne. Dans un proche avenir, parions que les Européens vont lever leurs sanctions économiques contre la Russie.
Il aura fallu une guerre de cinq ans, des centaines de milliers de morts en Syrie et des attentats terroristes en Europe pour que s’impose par la force ce qui aurait dû se décider par la raison. Car tant dans la lutte contre l’islam radical que sur le plan économique, l’alliance russe est vitale pour que la voix de l’Europe existe à nouveau sur la scène internationale.
J.-B. Pinatel (in Altantico 12 décembre 2016).
(*) - Général (2S) et dirigeant d’entreprise, Jean-Bernard Pinatel est un expert reconnu des questions géopolitiques et d’intelligence économique. Il est l’auteur de Carnet de Guerres et de crises, paru aux éditions Lavauzelle en 2014.

Source : IvoireBusiness 14 Décembre 2016.

[1] - Pour certains auteurs, ce projet de gazoduc et le refus d’Assad de le laisser traverser la Syrie aurait été l’un des facteurs déterminants de la guerre en Syrie.
[2] - En savoir plus ici.
[3] - Russie : 22,8% soit 47 500 milliards de m3 ; Iran : 15,9% soit 33 800 milliards de m3 ; Qatar : 11,7% soit 24 300 milliards de m3.

samedi 17 décembre 2016

Le procès « hors norme » des frères d’Adama Traoré

Assa Traoré (au centre) la sœur d'Adama, mort le 19 juillet, 
accompagné de Youssouf et de Bagui, le 22 novembre 2016 
devant la mairie de Beaumont-sur-Oise (Val-d'Oise). JULIEN MATTIA / AFP
Jugés mercredi pour menaces et violences contre personnes dépositaires de l’autorité publique, les deux frères d’Adama Traoré, mort en juillet lors d’une interpellation par la gendarmerie, ont été reconnus coupables. Outre les huit mois de prison ferme et l’interdiction de séjour à Beaumont-sur-Oise pour Bagui, les deux frères doivent payer 7390 euros d’intérêts civils aux forces de l’ordre.
L’ironie est d’une terrible cruauté : dans la nuit du mercredi 14 au jeudi 15 décembre, Bagui Traoré, grand frère d’Adama Traoré, mort asphyxié le 19 juillet dernier face contre terre et menottes dans le dos dans la cour de la gendarmerie de Persan (Val d’Oise), a été condamné à verser 5.740 euros de dommages et intérêts aux six policiers municipaux et deux gendarmes parties civiles dans son procès. Parmi eux, le commandant de la brigade de gendarmerie de Persan… Reconnu coupable d’outrages, menaces et violences contre personnes dépositaire de l’autorité publique, Bagui Traoré écope aussi d’une peine de huit mois ferme, assortie d’une interdiction de séjour à Beaumont-sur-Oise, commune où se trouve une grande partie de sa famille, dont sa mère avec qui il habite.
Cette condamnation aurait pu enflammer le quartier de Boyenval à Beaumont-sur-Oise, qui a déjà vécu plusieurs nuits d’émeutes depuis la mort d’Adama. Mais le sourire de Bagui a préservé la paix sociale ; un sourire éclatant et lumineux lorsqu’il a su que son petit frère Youssouf, depuis trois semaines à ses côtés en détention provisoire à la prison d’Osny, écopait, lui, de trois mois de prison sans maintien en détention. « Vous êtes libre ce soir », a signifié la présidente du tribunal au jeune homme de 22 ans, père d’une fillette de huit mois, reconnu coupable des seuls faits de menaces et outrages. Youssouf est aussi condamné à verser 1.650 euros d’intérêts civils aux forces de l’ordre. A eux deux, les frères Traoré doivent donc 7 390 euros aux deux gendarmes et six policiers municipaux. « J’m’en fous de moi, c’est lui qui compte », lançait Bagui à travers son beau sourire au public resté nombreux dans la salle d’audience jusqu’à cette heure tardive de la nuit.
Le procès des deux frères Traoré, qui s’est tenu hier devant le tribunal de Pontoise (Val d’Oise), était bien « hors norme » comme l’a qualifié l’avocate des policiers et gendarmes, Me Caty Richard, dans sa plaidoirie. « Une procédure de comparution immédiate malheureusement simple et ordinaire », pour le procureur adjoint de Pontoise, Francois Capin-Dulhoste, qui oublie que jamais les personnes poursuivies pour de tels faits n’ont droit à une audience fleuve de onze heure, avec huit parties civiles présentes au procès (et en uniforme s’il vous plait), onze témoins cités par la défense et autant entendus durant l’enquête...
Les faits remontent au 17 novembre 2016, aux alentours de 20h45. La maire UDI de Beaumont sur Oise, Nathalie Groux, souhaite mettre au vote du conseil municipal une prise en charge par la municipalité des frais de justice pour sa plainte en diffamation contre Assa Traoré. Cette dernière, accompagnée de sa famille et de ses soutiens, décide de venir assister à la séance. Une « provocation » pour le procureur adjoint. « Vous pensiez sérieusement que vous seriez autorisés à assister au conseil municipal avec la cinquantaine de personnes qui vous accompagnait ? », lance-t-il à Assa Traoré, venue déposer à la barre comme témoin. « Vous pensez que ce n’est pas normal que j’assiste au conseil municipal ?, lui répond, sans se départir de son calme olympien, la sœur d’Adama. On a le droit d’y assister, comme tout citoyen. Surtout sur une question qui nous concerne directement, puisqu’il s’agit de nos impôts. Je n’ai jamais demandé à ce que tout le monde puisse entrer ».
Pour vérifier cette affirmation, la présidente du tribunal a passé des heures à demander aux onze témoins cités par la défense comment ils avaient eu l’information, au cas où la famille Traoré aurait eu l’outrecuidance de pousser les Beaumontois à s’intéresser à la vie politique locale... A une maman venue avec ses enfants :
- Vous pensiez que vous pourriez rentrer dans la mairie avec vos enfants, la poussette, etc. ?
- Bah oui.
- Ça aurait été un peu difficile…
- Ma grande étudie la démocratie locale en ce moment à l’école, je me suis dit que ce serait instructif…
La fillette et son petit frère de huit mois gazés par les policiers municipaux n’ont sans doute pas apprécié le cours d’éducation civique… Car les choses dégénèrent rapidement. Pour l’occasion, tous les effectifs municipaux – six policiers dont deux maitres chiens – sont mobilisés, accompagnés de gendarmes en renfort. « Il y avait, en tout, 47 membres des forces de l’ordre, a calculé l’avocate des frères Traoré, Me Noémie Saidi-Cottier. Contre une quarantaine de personnes, avec des poussettes et des personnes âgées ». « Une foule hostile » d’après les policiers. Des gens « excédés » de se voir refuser l’entrée de la salle du conseil, disent les témoins, qui reconnaissent que les « insultes ont fusées ». Bagui Traoré aurait alors insulté et menacé des agents puis donné un coup de poing à une policière municipale. Devant le tribunal, il nie avec véhémence : « J’ai rien fait de tout ça ». Confronté aux policiers et gendarmes, il finit par exploser : « Ils portent les couleurs de la France et ils mentent devant vous ! Y avait tout le quartier ce soir-là, pourquoi y a que nous ici ? C’est un complot. Ils savent qu’ils vont avoir des problèmes juridiquement, après la mort de mon frère, c’est pour ça qu’ils s’en prennent à nous. Quand on a été emmenés en prison, un gendarme nous a dit : "Vous êtes ici parce que votre sœur fait trop de bruit" ».
A au moins trois reprises, policiers municipaux et gendarmes font usage de leurs grenades lacrymogènes …sans les deux sommations obligatoires. « Pour se protéger », se justifient-ils à la barre. Mais leurs dépositions sur les faits sont floues et contradictoires. La policière s’est pris un « coup de poing » ? Elle n’a pas vu son agresseur. Pourquoi, alors, porter plainte contre Bagui ?, s’étonne Me Bouzrou. « Un collègue m’a dit que c’était lui ». Ce collègue en question se trouvait pourtant à plusieurs mètres de la mêlée, au milieu des gaz lacrymogènes et a tenu à modifier sa propre déposition le surlendemain des faits... L’autre policière qui s’est fait cracher dans le dos ? Elle n’a pas vu les faits, mais a « très bien entendu » et c’est le même policier municipal qui assure que Bagui est l’auteur du crachat. La policière municipale qui a utilisé sa « gazeuse » ? Elle voulait « protéger » son collègue victime de coups de pied, alors que lui-même reconnaît qu’il n’a subit aucune violence. Quant au maître chien qui a déposé plainte contre X pour violences, il a été mordu par son propre berger allemand…
« C’est une enquête pourrie, minable, bidon ! », tonne Me Yassine Bouzrou qui met en cause l’absence de perquisition, d’auditions des élus de l’opposition et les « déclarations évolutives » des forces de l’ordre. « Le doute profite aux prévenus » rappelle-t-il au tribunal. « Il n’y a rien de tangible, aucun élément probant », renchérit sa consœur Me Noémie Saidi-Cottier, qui rappelle que Bagui Traoré, condamné douze fois, dont sept quand il était mineur, s’est amendé depuis sa sortie de prison en 2013 : « Il est devenu père, gagne sa vie, aide sa mère, il est parfaitement inséré ».  Depuis la mort de son frère Adama, « il fait des cauchemars terribles, prend des médicaments ». « Il l’a vu recousu et ne s’en remet pas ».
Mais pour le procureur adjoint François Capin-Dulhoste, la défense, en faisant citer onze témoins à l’audience, a « enfumé cette procédure » avec un « show à l’américaine ». Il requiert six mois de prison contre Youssouf, dix pour Bagui, avec interdiction de séjour à Beaumont pour les deux frères et maintien en détention. « Ça suffit, les amalgames sont insupportables, martèle-t-il. Ce ne sont pas des prisonniers politiques ! » Dans sa plaidoirie, l’avocate Noémie Saidi-Cottier lui répond : « Ce n’est pas un complot que nous craignons aujourd’hui, c’est une erreur judiciaire ». Elle n’a visiblement pas été entendue. 

MARIE BARBIER

Source : HUMANITE.FR 15 décembre 2016

jeudi 15 décembre 2016

La fin d’une époque


"Le système D … n’assure malheureusement pas tout."
La question a fini par se poser d’elle-même : l’embargo imposé à Cuba était-il seulement américain ou presque mondial ? Le constat, à vrai dire, semblait évident pas uniquement dans les statistiques du commerce mondial ou les annales internationales établissant les rapports entre Etats. Les visiteurs de cette île des Caraïbes le faisaient sur place.
Pas besoin de grand débat ou de laborieuse description pour relever que ce pays manquait de tout pour assurer son développement et subvenir aux besoins de sa population. Le système D qui a fini par se répandre au sein de la société n’assure malheureusement pas tout. Il en est ainsi de tout ce qui relève de la technologie dont Cuba était privée. C’est l’embargo, disait-on alors. Et quelle est son étendue ? L’on a fini par apprendre que les imbrications d’intérêts au sein de l’économie mondiale ont de fait dépassé le cadre américain. La décision était bien celle des Etats-Unis, mais son application était de fait bien plus étendue à partir du moment où le moindre produit intéressant Cuba comportait une certaine technologie américaine. L’explication paraîtrait ardue, mais pour les Cubains, c’était là la triste réalité qui leur était imposée.
Une telle page devrait être tournée depuis la normalisation des relations entre Cuba et les Etats-Unis. Un tel processus apparaît pourtant dans une autre étendue à l’occasion de la signature par Cuba et l’Union européenne (UE), lundi à Bruxelles, d’« un accord de dialogue politique et de coopération », le premier jamais conclu entre le bloc européen et l’île castriste qui normalisent ainsi leurs relations deux semaines après la mort de Fidel Castro.
Cuba était jusqu’alors le seul pays latino-américain à ne pas avoir d’accord de coopération internationale avec l’UE. A cette occasion, le ministre cubain des Affaires étrangères a évoqué un discours de 2003 de Fidel Castro dans lequel ce dernier saluait l’existence de l’UE et de l’euro comme des « contrepoids » à « l’hégémonie absolue » des Etats-Unis et du dollar. C’était avant la normalisation de leurs relations. Cette signature marque l’ouverture officielle d’une nouvelle ère dans la relation bilatérale, car elle se conjugue avec l’abrogation par les 28 d’un texte de 1996 qui fixait une série de préalables à la normalisation du lien, laquelle intervient surtout dans le sillage du rapprochement avec La Havane décidé par le président Barack Obama, qui avait mis un terme en juillet 2015 à 60 années de gel entre les deux pays. Il avait ensuite effectué une visite historique à Cuba en mars 2016.
Federica Mogherini, chef de la diplomatie de l’UE, avait annoncé, fin septembre, qu’elle allait soumettre aux 28 sa proposition d’abroger la « position commune » de 1996, un texte considéré comme le point culminant des dissensions entre Bruxelles et La Havane.
Le vice-ministre cubain des Affaires étrangères, Abelardo Moreno, a estimé qu’« il était impératif que cette relique du passé, en contradiction avec les bases de l’égalité, de la réciprocité et du respect (...), soit complètement abolie ». Le gouvernement cubain a rappelé qu’il avait toujours rejeté la « position commune » de l’UE en raison de son « caractère d’ingérence sélectif et discriminatoire ».
Un pas vient donc d’être franchi avec l’accord politico-commercial considéré comme « le nouveau cadre juridique des relations UE-Cuba », selon Bruxelles, afin notamment d’« encourager le développement durable, la démocratie et les droits de l’homme et de trouver des solutions communes aux défis mondiaux ».
Des barrières tombent, marquant ainsi la fin d’une époque mais aussi d’une politique qui avait pénalisé une population. Le processus est lent, mais des étapes ont déjà été franchies. En attendant la levée totale du blocus. En fin de compte, c’est bien de cela qu’il s’agit, car le développement de Cuba en dépend.

Mohammed Larbi

Source : Taille du texte normaleAgrandir la taille du texteEl Watan 13 décembre 2016