mercredi 10 juillet 2013

L’AUTRE FACE DE L’IMPOSTURE

Epiphane Zoro Bi Ballo, Directeur général de l’Agence Ivoirienne de la Coopération Francophone (AICF), vient, dit-on, de déposer ses valises et sa robe de juge au Rassemblement des Républicains (Rdr). Cet acte d’adhésion au
Les décorés du 7 août 2012
parti au pouvoir d’Alassane Ouattara, a été présenté comme un fait majeur. Mais que recherchait le Rdr en communiquant sur ce que nous considérons comme un non-évènement ?
 
 

A la vérité, le pouvoir Rdr voulait nous présenter un homme qu’il dit être indépendant, libre, insoupçonnable. Un homme qui n’a ni flirté avec le Rdr, ni travaillé sous cape pour ce  parti.  Dès lors, l’adhésion d’un tel homme devient un grand coup frappé par le parti au pouvoir. Il fallait donc brandir le « nouveau membre » de « la case verte » afin d’espérer que son recrutement attire d’autres illuminés. Mais dans sa stratégie, le Rdr fait fausse route. En effet, il tente d’ignorer que Zoro Bi Ballo est aussi appelé « le petit juge de Dimbokro ». Cette périphrase forgée par le défunt régime  Bédié est la clé qui nous permet de comprendre que ce « petit juge » nageait depuis plus d’une décennie dans les eaux saumâtres du Rdr.
Comme on le sait, en Septembre 1999, Zoro Bi fut celui qui signa le certificat de nationalité d’Alassane Dramane Ouattara. Cet acte le porta au-devant de la scène dans un contexte politique extrêmement tendu. C’était l’époque où le régime Bédié, démontrait par maintes gymnastiques l’origine Burkinabè du président du Rdr. On avait appris officiellement, par les soins de Bédié, que Ouattara était « Burkinabé de par son père ». Henri Konan Bédié avait mis à notre disposition une importante littérature portant sur la nationalité burkinabè de Ouattara (in Les chemins de ma vie, page 147-150). Les pontes du régime Bédié riaient de l’incapacité de Ouattara à fournir « un tout petit papier ». Il fallait donc un « courageux » pour braver Bédié et ses thuriféraires. Comme par une extraordinaire coïncidence, se trouvait à Dimbokro, le colonel Issa Diakité, préfet du département de  Dimbokro et militant Rdr-Mpci. On notera au passage qu’après le renversement du régime de Bédié, Issa Diakité fut nommé pour le compte du Rdr, Ministre d`Etat, ministre de l`Administration du territoire dans le premier gouvernement de la junte (Janvier 2000). En 2003 le préfet militant qui a entrepris Zoro Bi, est nommé Ministre d`Etat, ministre de l`Administration du territoire pour le compte des Rebelles-Mpci, dans le gouvernement Seydou Diarra, après les accords de Marcoussis.
L’heureuse coïncidence fit du juge adjoint de la section du tribunal de Dimbokro, le signataire du certificat de nationalité tant réclamé à Ouattara. Mais nous ne sommes pas dupes. « Le petit juge de Dimbokro » savait le risque qu’il prenait : il a donc incontestablement reçu toutes les garanties de protection de la part de ses mandants. Les jours qui ont suivi son «  acte héroïque  », précisément en Novembre 1999, le militant du Rdr quitta la Côte d’Ivoire pour un exil doré en France. On se souvient également qu’après avoir reçu des garanties de sécurité de la part de Sarkozy (lettre adressée à Youssouf Bakoyoko le 1er Décembre 2010), Youssouf Bakayoko déclencha la crise postélectorale et alla aussi se reposer en France. Bref, pour tenter d’expliquer son acte militant, Zoro Bi publia un ouvrage intitulé « Être juge en Côte d’Ivoire, désarmer la violence». En pénétrant l’ouvrage paru en 2000, dans lequel il distille des concepts confus sur la nationalité, Zoro-Bi tenta de s’offrir l’étoffe du juge qui désarma la violence en Côte d’Ivoire (sic).
« Le petit juge de Dimbokro » ne fut pas seulement celui qui brava Bédié pour son maître Ouattara. Une fois le pouvoir Bédié « frappé », ou encore après la « révolution des œillets » selon les termes de Ouattara et après que l’objectif de Zoro-Bi et ses maîtres fut contrarié, Zoro Bi alla encore au charbon. Il monta dès Octobre 2000 avec Me Ibrahim Doumbia, le Mouvement Ivoirien des Droits de l’Homme (MIDH). L’organisation en apparence apolitique pour contrer la Ligue Ivoirienne des Droits de l’homme  (LIDHO,) était en réalité, une échelle politique aux pieds de Ouattara et un dard orienté contre le régime de Laurent Gbagbo. Ce mouvement fut l’organisation ressource de l’Onu lors des enquêtes sur les évènements d’Octobre et Novembre 2000. De la rébellion armée pro-Ouattara de Septembre 2002 au renversement de Laurent Gbagbo en Avril 2011, l’ONG du « petit juge de Dimbokro » s’employa à faire une sélection en termes de dénonciation. Les rebelles étaient logiquement mieux traités que le pouvoir légal attaqué, contraint de se défendre contre les agresseurs. Aujourd’hui plus qu’hier, on comprend que Zoro-Bi était dans un parfait jeu de rôle. Il poussait son pion selon le moment choisi par ses parrains. On se croirait dans une mafia !
Zoro-Bi n’a pas fait que monter une ONG pour servir son maître Ouattara. Il a aussi été un acteur central du documentaire de propagande de l’obscur sociologue Belge Benoit Schauer : « Côte d’Ivoire poudrière identitaire ». « Le petit juge de Dimbokro » voulait démontrer que le président Laurent Gbagbo planifiait un génocide en Côte d’Ivoire. Naturellement, en le faisant, il pensait à la loi sur la compétence universelle des tribunaux belges. N’est-ce pas pour cela que le Rdr fit appel à l’ONG « préventions génocides  » pour ce fameux documentaire ? En tout cas, la présence de cette ONG n’est pas fortuite. Par ailleurs, le documentaire fut utilisé par les hommes de Ouattara pour salir la Côte d’Ivoire dans les grands forums, lors des sommets africains et européens, auprès des diplomates occidentaux et africains. Zoro Bi ne peut donc pas prétendre être un homme indépendant, un « super juge intègre » et traîner dans de tels actes ignobles. D’ailleurs Zoro-Bi a été récompensé par son maître Ouattara une fois au pouvoir.
Le 07 Août 2012, Zoro-Bi a été décoré par Ouattara. Pour quel haut fait ? Tout simplement pour avoir été un « petit juge militant » au service de Ouattara. Ce même jour, Ouattara décora une cinquantaine de militants RHDP. Il fut également nommé Directeur général de l’Agence Ivoirienne de la Coopération Francophone (AICF). Mais cela ne suffit certainement pas. Zoro-Bi voulait aussi diriger la Mairie de Sinfra sous le manteau du Rdr. Pour atteindre son objectif, il monta dès  2012, une équipe à Sinfra avec pour mission principale, œuvrer à offrir la commune au « petit juge de Dimbokro ».
Là-bas, on se souvient en cette année-là de l’annonce faite au domicile du chef de tribu Mathias Zagouta Bi Kalé, devant les chefs de village de la Tribu Sian réunis, de sa volonté de briguer la mairie de Sinfra sous l’étiquette du RDR. Le  « juge indépendant » a dû se rétracter par la suite parce qu’il ne figure pas sur la liste électorale de la commune. Alors, peut-on prétendre être neutre lorsqu’on tente d’être élu sous la bannière d’un parti politique ?
Voici donc le défenseur des droits de l’homme, le juge extraordinairement intègre, qui se retrouve brusquement au palais avec ceux qui, hier et aujourd’hui, ont violé et continuent de violer abondamment les droits humains. Zoro Bi Ballo qui affirmait haut et fort qu’« Une justice sélective et aux ordres est source potentielle d’insurrection et de rébellion » (In L’intelligent d’Abidjan, octobre 2011) est aujourd’hui un défenseur acharné d’un régime qui fait de la justice sélective un système de gouvernance.
En allant donc poser devant les caméras les mains chargées de sa carte « renouvelée » et le cœur grisé par le discours flatteur d’Amadou Soumahoro, « le petit juge militant » ne faisait rien d’autre que montrer l’autre face de l’imposture.

Alain Bouikalo, Juriste.
Titre original : « Adhésion du petit juge militant Zoro Bi Ballo au RDR : L'autre face de l'imposture ». 

EN MARAUDE DANS LE WEB
Sous cette rubrique, nous vous proposons des documents de provenance diverses et qui ne seront pas nécessairement à l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu'ils soient en rapport avec l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et des Ivoiriens, et que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à faciliter la compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la « crise ivoirienne ».

Source : CIVOX. NET 1er Juillet 2013

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire