Epiphane
Zoro Bi Ballo, Directeur général de l’Agence Ivoirienne de la Coopération
Francophone (AICF), vient, dit-on, de déposer ses valises et sa robe de juge au
Rassemblement des Républicains (Rdr). Cet acte d’adhésion au
parti au pouvoir
d’Alassane Ouattara, a été présenté comme un fait majeur. Mais que recherchait
le Rdr en communiquant sur ce que nous considérons comme un
non-évènement ?
Les décorés du 7 août 2012 |
A
la vérité, le pouvoir Rdr voulait nous présenter un homme qu’il dit être
indépendant, libre, insoupçonnable. Un homme qui n’a ni flirté avec le Rdr, ni
travaillé sous cape pour ce parti. Dès lors, l’adhésion d’un tel
homme devient un grand coup frappé par le parti au pouvoir. Il fallait donc
brandir le « nouveau membre » de « la case verte » afin d’espérer que
son recrutement attire d’autres illuminés. Mais dans sa
stratégie, le Rdr fait fausse route. En effet, il tente d’ignorer que Zoro Bi
Ballo est aussi appelé « le petit juge de Dimbokro ». Cette périphrase forgée
par le défunt régime Bédié est la clé qui nous permet de comprendre que
ce « petit juge » nageait depuis plus d’une décennie dans les eaux saumâtres du
Rdr.
Comme
on le sait, en Septembre 1999, Zoro Bi fut celui qui signa le certificat de
nationalité d’Alassane Dramane Ouattara. Cet acte le porta au-devant de la
scène dans un contexte politique extrêmement tendu. C’était l’époque où le
régime Bédié, démontrait par maintes gymnastiques l’origine Burkinabè du président
du Rdr. On avait appris officiellement, par les soins de Bédié, que Ouattara
était « Burkinabé de par son père ». Henri Konan Bédié avait mis à notre disposition
une importante littérature portant sur la nationalité burkinabè de Ouattara (in
Les chemins de ma vie, page
147-150). Les pontes du régime Bédié riaient de l’incapacité de Ouattara à
fournir « un tout petit papier ». Il fallait donc un « courageux » pour
braver Bédié et ses thuriféraires. Comme par une extraordinaire coïncidence, se
trouvait à Dimbokro, le colonel Issa Diakité, préfet du département de
Dimbokro et militant Rdr-Mpci. On notera au passage qu’après le renversement du
régime de Bédié, Issa Diakité fut nommé pour le compte du Rdr, Ministre d`Etat,
ministre de l`Administration du territoire dans le premier gouvernement de la
junte (Janvier 2000). En 2003 le préfet militant qui a entrepris Zoro Bi, est
nommé Ministre d`Etat, ministre de l`Administration du territoire pour le compte
des Rebelles-Mpci, dans le gouvernement Seydou Diarra, après les accords de
Marcoussis.
L’heureuse
coïncidence fit du juge adjoint de la section du tribunal de Dimbokro, le
signataire du certificat de nationalité tant réclamé à Ouattara. Mais nous ne
sommes pas dupes. « Le petit juge de Dimbokro » savait le risque qu’il prenait :
il a donc incontestablement reçu toutes les garanties de protection de la part
de ses mandants. Les jours qui ont suivi son « acte héroïque »,
précisément en Novembre 1999, le militant du Rdr quitta la Côte d’Ivoire pour
un exil doré en France. On se souvient également qu’après avoir reçu des
garanties de sécurité de la part de Sarkozy (lettre adressée à Youssouf
Bakoyoko le 1er Décembre 2010), Youssouf Bakayoko déclencha la crise
postélectorale et alla aussi se reposer en France. Bref, pour tenter
d’expliquer son acte militant, Zoro Bi publia un ouvrage intitulé « Être juge
en Côte d’Ivoire, désarmer la violence». En pénétrant l’ouvrage paru en 2000,
dans lequel il distille des concepts confus sur la nationalité, Zoro-Bi tenta
de s’offrir l’étoffe du juge qui désarma la violence en Côte d’Ivoire (sic).
«
Le petit juge de Dimbokro » ne fut pas seulement celui qui brava Bédié pour son
maître Ouattara. Une fois le pouvoir Bédié « frappé », ou encore après la «
révolution des œillets » selon les termes de Ouattara et après que l’objectif
de Zoro-Bi et ses maîtres fut contrarié, Zoro Bi alla encore au charbon. Il
monta dès Octobre 2000 avec Me Ibrahim Doumbia, le Mouvement Ivoirien des Droits
de l’Homme (MIDH). L’organisation en apparence apolitique pour contrer la Ligue
Ivoirienne des Droits de l’homme (LIDHO,) était en réalité, une échelle
politique aux pieds de Ouattara et un dard orienté contre le régime de Laurent
Gbagbo. Ce mouvement fut l’organisation ressource de l’Onu lors des enquêtes
sur les évènements d’Octobre et Novembre 2000. De la rébellion armée
pro-Ouattara de Septembre 2002 au renversement de Laurent Gbagbo en Avril 2011,
l’ONG du « petit juge de Dimbokro » s’employa à faire une sélection en termes
de dénonciation. Les rebelles étaient logiquement mieux traités que le pouvoir
légal attaqué, contraint de se défendre contre les agresseurs. Aujourd’hui plus
qu’hier, on comprend que Zoro-Bi était dans un parfait jeu de rôle. Il poussait
son pion selon le moment choisi par ses parrains. On se croirait dans une
mafia !
Zoro-Bi
n’a pas fait que monter une ONG pour servir son maître Ouattara. Il a aussi été
un acteur central du documentaire de propagande de l’obscur sociologue Belge
Benoit Schauer :
« Côte d’Ivoire poudrière identitaire
». « Le petit juge de Dimbokro » voulait démontrer que le président Laurent
Gbagbo planifiait un génocide en Côte d’Ivoire. Naturellement, en le faisant,
il pensait à la loi sur la compétence universelle des tribunaux belges.
N’est-ce pas pour cela que le Rdr fit appel à l’ONG « préventions
génocides » pour ce fameux documentaire ? En tout cas, la présence
de cette ONG n’est pas fortuite. Par ailleurs, le documentaire fut utilisé par
les hommes de Ouattara pour salir la Côte d’Ivoire dans les grands forums, lors
des sommets africains et européens, auprès des diplomates occidentaux et
africains. Zoro Bi ne peut donc pas prétendre être un homme indépendant, un «
super juge intègre » et traîner dans de tels actes ignobles. D’ailleurs Zoro-Bi
a été récompensé par son maître Ouattara une fois au pouvoir.
Le
07 Août 2012, Zoro-Bi a été décoré par Ouattara. Pour quel haut fait ?
Tout simplement pour avoir été un « petit juge militant » au service de Ouattara.
Ce même jour, Ouattara décora une cinquantaine de militants RHDP. Il fut
également nommé Directeur général de l’Agence Ivoirienne de la Coopération
Francophone (AICF). Mais cela ne suffit certainement pas. Zoro-Bi voulait aussi
diriger la Mairie de Sinfra sous le manteau du Rdr. Pour atteindre son
objectif, il monta dès 2012, une équipe à Sinfra avec pour mission
principale, œuvrer à offrir la commune au « petit juge de Dimbokro ».
Là-bas,
on se souvient en cette année-là de l’annonce faite au domicile du chef de
tribu Mathias Zagouta Bi Kalé, devant les chefs de village de la Tribu Sian
réunis, de sa volonté de briguer la mairie de Sinfra sous l’étiquette du RDR.
Le « juge indépendant » a dû se rétracter par la suite parce qu’il ne
figure pas sur la liste électorale de la commune. Alors, peut-on prétendre être
neutre lorsqu’on tente d’être élu sous la bannière d’un parti politique ?
Voici
donc le défenseur des droits de l’homme, le juge extraordinairement intègre,
qui se retrouve brusquement au palais avec ceux qui, hier et aujourd’hui, ont
violé et continuent de violer abondamment les droits humains. Zoro Bi Ballo qui
affirmait haut et fort qu’« Une justice sélective et aux ordres est source
potentielle d’insurrection et de rébellion » (In L’intelligent d’Abidjan, octobre 2011) est aujourd’hui un défenseur
acharné d’un régime qui fait de la justice sélective un système de gouvernance.
En
allant donc poser devant les caméras les mains chargées de sa carte «
renouvelée » et le cœur grisé par le discours flatteur d’Amadou Soumahoro, « le
petit juge militant » ne faisait rien d’autre que montrer l’autre face de
l’imposture.
Alain Bouikalo, Juriste.
Titre original :
« Adhésion du petit juge militant Zoro Bi Ballo au RDR : L'autre face de
l'imposture ».Alain Bouikalo, Juriste.
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crise ivoirienne ».
Source : CIVOX.
NET 1er Juillet 2013
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