mardi 30 juin 2015

Meeting de la CNC à Koumassi : Banny et Michel Gbagbo comme au théâtre…

On se croirait au théâtre ou dans un film où le cynisme et l’hypocrisie constituent la règle d’or. Charles Konan Banny s’est bien amusé de la souffrance de Laurent Gbagbo enfermé entre les 4 murs de la Cpi. Et Banny a bénéficié pour cela de la contribution de Michel Gbagbo, qui a accepté de jouer le très triste rôle aux côtés de son « papa » du jour. Suivez la scène offerte par les deux au meeting de la Cnc, le samedi dernier, à Koumassi. Charles Konan Banny monte sur le podium. Avant de faire son adresse, il s’adresse en ces termes à Michel Gbagbo qui était à ses côtés : « Qui suis-je pour toi ? En d’autres termes qui suis-je pour ton père ? Je suis le frère de ton père Laurent Gbagbo et j’espère que tu ne diras pas le contraire ». Et Michel Gbagbo de répondre à Banny : « Tonton, tu es mon père ». Ainsi donc Michel Gbagbo apprend aux Ivoiriens que Banny est son père parce que ce dernier est le frère de son père Laurent Gbagbo. Faut-il en rire ou verser des larmes ? Les deux personnes se moquent-elles de Laurent Gbagbo ? Charles Konan Banny a-t-il oublié toute la misère faite à Gbagbo ? N’est-ce pas Banny qui a suscité le Groupe de travail international (Gti) pour ne pas reconnaître l’Assemblée nationale sous Gbagbo ? Tout ce que Banny entreprenait sous Laurent Gbagbo, c’était dans le but de le dépouiller de ses pouvoirs, le fragiliser pour mieux l’abattre. Durant tout son séjour à la primature, il n’a pas arrêté un seul instant de contester à Laurent Gbagbo son autorité allant jusqu’à réclamer la signature des décrets. Dans cette logique, il est même arrivé que Banny suspende de leurs fonctions Pierre Djédji Amondji, gouverneur du district d’Abidjan, Gnamien Konan, directeur général des douanes et Marcel Gossio, directeur général du port autonome d’Abidjan. Outrepassant ainsi ses prérogatives institutionnelles dans le cadre de l’affaire des déchets toxiques. On connaît la suite. Charles Konan a donc été celui qui aura le plus nui au président Gbagbo. Et comme couronnement de sa guerre contre Gbagbo, il a décidé de conduire la campagne d’Alassane Dramane Ouattara contre Gbagbo dans le pays Baoulé. C’est cet homme-là qui s’autoproclame aujourd’hui frère de Gbagbo après avoir savamment contribué à sa chute. Charles Konan Banny, qui a aidé Alassane Ouattara à prendre le pouvoir par la force, ne peut aujourd’hui refuser d’assumer la responsabilité de la déportation du président Gbagbo à la Haye. Drôle de fraternité cautionnée par Michel Gbagbo !

Benjamin Koré 

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Sous cette rubrique, nous vous proposons des documents de provenance diverses et qui ne seront pas nécessairement à l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu'ils soient en rapport avec l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et des Ivoiriens, ou que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à faciliter la compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la « crise ivoirienne ».  

Source : Notre Voie 29 juin 2015  

samedi 27 juin 2015

L’adresse d’Alexis Tsipras au peuple grec.

afp
Nous avons livré un combat dans des conditions d’asphyxie financière inouïes pour aboutir à un accord viable qui mènerait à terme le mandat que nous avons reçu du peuple. Or on nous a demandé d’appliquer les politiques mémorandaires comme l’avaient fait nos prédécesseurs. Après cinq mois de négociations, nos partenaires en sont venus à nous poser un ultimatum, ce qui contrevient aux principes de l’UE et sape la relance de la société et de l’économie grecque. Ces propositions violent absolument les acquis européens. Leur but est l’humiliation de tout un peuple, et elles manifestent avant tout l’obsession du FMI pour une politique d’extrême austérité. L’objectif aujourd’hui est de mettre fin à la crise grecque de la dette publique. Notre responsabilité dans l’affirmation de la démocratie et de la souveraineté nationale est historique en ce jour, et cette responsabilité nous oblige à répondre à l’ultimatum en nous fondant sur la volonté du peuple grec. J’ai proposé au conseil des ministres l’organisation d’un référendum, et cette proposition a été adoptée à l’unanimité.
La question qui sera posée au référendum dimanche prochain sera de savoir si nous acceptons ou rejetons la proposition des institutions européennes. Je demanderai une prolongation du programme de quelques jours afin que le peuple grec prenne sa décision.
Je vous invite à prendre cette décision souverainement et avec la fierté que nous enseigne l’histoire de la Grèce. La Grèce, qui a vu naître la démocratie, doit envoyer un message de démocratie retentissant. Je m’engage à en respecter le résultat quel qu’il soit. La Grèce est et restera une partie indissoluble de l’Europe. Mais une Europe sans démocratie est une Europe qui a perdu sa boussole. L’Europe est la maison commune de nos peuples, une maison qui n’a ni propriétaires ni locataires. La Grèce est une partie indissoluble de l’Europe, et je vous invite toutes et tous à prendre, dans un même élan national, les décisions qui concernent notre peuple. 
Traduction de Vassiliki Papadaki
Publié par Vangelis Goulas (Syriza Paris / France, 27 juin 2015). 

Source : Facebook, Journal de Rosa Moussaoui 27 juin 2015

jeudi 25 juin 2015

« …Le regard des officiels français sur les pays africains autrefois colonisés par la France n’a guère évolué en 60 ans. »

Interview de Fanny Pigeaud, journaliste française, auteur de « France Côte d’Ivoire, une histoire tronquée »[*].
Vous venez de publier aux éditions Vents d’ailleurs, un livre intitulé « France Côte d’Ivoire, une histoire tronquée ». Après le Cameroun, qu’est-ce qui vous a amenée à vous intéresser à l’histoire récente de la Côte d’Ivoire ?
Après avoir été basée au Cameroun puis au Gabon, j’ai pris la décision en 2012 de m’installer en Côte d’Ivoire comme journaliste free-lance : quelques médias français pour qui je travaillais déjà étaient preneurs d’articles en provenance de ce pays. Mais avant cela, j’étais convaincue qu’il y avait quelque chose à écrire, au moins à comprendre, sur ce qui venait de se passer en Côte d’Ivoire : j’avais trouvé totalement surréaliste la crise postélectorale de 2010-2011 et surtout le fait que la France et l’ONU en viennent à bombarder Abidjan en mars 2011. J’ai retrouvé récemment des messages échangés avec des amis à l’époque dans lesquels nous nous demandions ce que cachait tout le cinéma auquel nous assistions.
A vous lire justement, on a le sentiment que le 11 avril 2011 était l’épilogue d’une opération lancée depuis 2002 contre Laurent Gbagbo.
Quand on reconstitue minutieusement les événements de ces vingt dernières années, on se rend compte en effet que Gbagbo a gêné un certain nombre d’intérêts, en particulier français, dès son arrivée à la présidence en 2000. L’histoire montre qu’il y a eu plusieurs tentatives pour le faire partir au cours de ses dix ans comme président. Ce qui s’est passé en 2011 apparaît comme l’aboutissement d’un long processus qui visait à l’écarter durablement du pouvoir.
Et vous mettez directement en cause la France officielle et sa politique en Afrique, qui n’a pas changé selon vous des années 60 à nos jours.
La France a joué en effet un rôle majeur dans la crise ivoirienne, comme le détaille le livre. Et c’est très frappant de voir comment les méthodes qu’elle a utilisées en 2010 et 2011 en Côte d’Ivoire ressemblent à celles qu’elle avait employées par exemple au Cameroun à la fin des années 1950 pour écarter du jeu politique l’Union des populations du Cameroun (UPC), un parti indépendantiste, et son leader, Ruben Um Nyobe : on avait aussi assisté à des processus électoraux truqués et à l’emploi de la violence armée. On a l’impression que le regard que portent aujourd’hui la plupart des officiels français sur les pays africains autrefois colonisés par la France n’a guère évolué en 60 ans.
Vous détaillez l’implication de la France dans votre livre, sans pour autant vider le contentieux électoral de 2010. Vous semblez plutôt laisser le lecteur se faire sa propre opinion…
Le livre montre qu’il était évident bien avant la tenue de l’élection de 2010 qu’elle ne pouvait pas se dérouler correctement : la Commission électorale indépendante était sous le contrôle du RDR, le parti de Ouattara, les Forces armées des Forces nouvelles étaient toujours armées (et s’étaient même largement réarmées en prévision de l’élection, comme le prouve un rapport longtemps caché par l’ONU), empêchant un déroulement normal du scrutin dans toute la zone sous leur contrôle, etc. Par la suite, il y a eu des bourrages d’urnes, les chiffres du premier tour n’ont visiblement pas correspondu à la réalité, le mandat de certificateur donné au représentant de l’ONU en Côte d’Ivoire n’a pas été respecté, etc. Lorsque l’on regarde les faits, on se rend compte que la manière dont cette élection présidentielle s’est déroulée donne à celle-ci une crédibilité extrêmement faible, mais aussi que des grandes puissances occidentales voulaient à tout prix que Ouattara en soit le vainqueur. Ces dernières ont d’ailleurs fait comme si tout s’était déroulé normalement. Or jamais l’élection n’aurait dû se tenir dans les conditions dans lesquelles elle a eu lieu, comme l’a souligné Thabo Mbeki en avril 2011.
Le recomptage des voix proposé à l’époque par Gbagbo ne pouvait donc pas être une alternative à la solution militaire, vu que, selon vous, le processus était vicié depuis le premier tour ?
Il me semble que le recomptage n’aurait pas pu résoudre tous les problèmes : comment aurait-on par exemple recompté les voix dans la zone CNO (centre-nord-ouest ivoirien), sachant que le scrutin avait eu lieu sous contrôle armé des FAFN (Forces Armées des forces nouvelles, ex-rébellion) ? Quand on étudie de près cette période, on voit aussi que l’option militaire était privilégiée et préparée par une partie des acteurs avant même l’élection.
Nous sommes à moins de 4 mois d’un nouveau scrutin présidentiel, pensez-vous qu’il y a des risques d’une nouvelle crise postélectorale ?
Je me suis concentrée avec ce livre sur l’histoire récente. C’est toujours difficile de prédire l’avenir ! On peut cependant craindre qu’il y ait dans un futur proche d’autres troubles violents pour au moins une raison : la guerre de 2011 a laissé sur le terrain des dizaines de milliers d’armes et autant d’ex-combattants, dont certains estiment n’avoir pas été correctement rétribués pour les services rendus en 2011. Il y a d’autres problèmes que je relève dans le livre qui indiquent qu’il y a de quoi être inquiet pour le futur de la Côte d’Ivoire si rien n’est fait pour les résoudre. 

David Youant (Alerte info) 

Source : connectionivoirienne.net 25 juin 2015


[*] Editions Vents d’ailleurs 2015.

mercredi 24 juin 2015

QUAND RANTANPLAN RETROUVE SON CHER LUCKY LUKE*

Quand Sangaré sort de prison, la première personne à recevoir ses piques se nomme Mamadou Koulibaly ! Préférence pour Affi où déception après la trahison du fils aimé ?
parabd.bdfugue.com
Mamadou Koulibaly ? Je l’ai suivi de très près dans une autre vie quand il élaborait les théories de la souveraineté. La « résistance » n’ayant pas de Charte, il a fallu suivre les tribunes de Mamadou Koulibaly pour voir « dans le ventre de la pile » ! Une qui aura marqué plus d’un suscitera « l’affaire Tagro », du nom de l’ancien ministre de l’intérieur de l’ère Laurent Gbagbo. D’ailleurs, tous ceux qui ont une fois rêvé de transformer l’univers entier rue par rue, ont dû suivre Mamadou Koulibaly et Ahoua Don Mello un certain moment de l’histoire de la Côte d’Ivoire.
Alors qu’on le croyait définitivement enterré, on le retrouve depuis le mois de mai en pleine manœuvre sur le terrain politique ivoirien. Et s’il s’y prend bien, il fera certainement rêver encore d’autres Ivoiriens. Le terrain politique s’y prête d’ailleurs. Affi n’arrive pas à « endiabler » les foules orphelines d’un Laurent Gbagbo. Sa maitrise de divers sujets laisse à désirer. Sangaré n’a jamais été un bon orateur. Lui-même doit se savoir faiseur de Roi.
Mamadou Koulibaly se retrouve dans son rôle favori de stratège. Bon, le plus grand problème du FPI de tous les temps, c’est le déficit d’analyse stratégique. « Sous-traitance dans sous-traitance » : Le FPI de Sangaré sous-traite avec Mamadou Koulibaly sa capacité à faire des analyses profondes. Mamadou Koulibaly sous-traite avec le FPI sa capacité à mobiliser. Mamadou Koulibaly a également l’avantage d’être Ivoirien tout court. Aucune tendance régionale ou ethniciste. Sangaré a peut-être retrouvé le fils adoré qui s’était aventuré sur les traces de… Lucky Luke !
Simple mariage de Raison ? 

Sylvain N’Guessan
(*)Titre original : « Petite chronique sur le… couple Sangaré-Mamadou Koulibaly ». 

 
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iciAbidjan.net 24/06/2015

lundi 22 juin 2015

Notre histoire avec le colonialisme français (suite)


 
Nous dédions exceptionnellement ce post au citoyen Jérôme Kablan Brou, qui, dans son intervention lors du meeting de la CNC, le 20 juin, n’oublia pas de rendre hommage à toutes les victimes du colonialisme et du néocolonialisme français depuis que les peuples dont nous sommes les descendants et les légitimes héritiers ont perdu la maîtrise de leur destin et, de ce fait, se trouvent sans cesse sous la menace de perdre aussi tous leurs droits naturels les plus sacrés. Il y est question d’un temps où ceux qui deviendront malgré eux les Ivoiriens d’aujourd’hui n’entendaient pas se laisser spolier sans réagir, et savaient le faire savoir aux spoliateurs, au péril de leur vie.
 
La Rédaction
 

Répression d'une révolte en Côte d'Ivoire
 
Côte d'Ivoire 1904
On écrit de Bassam au Temps :

Le gouverneur de la colonie, M. Clozel, après avoir assisté au conseil de gouvernement à Dakar, est arrivé à la Côte d'Ivoire le 6 janvier. Il est parti le 22 pour le pays de Kong et de Baoulé, dont il compte obtenir la pacification définitive.

Mais tandis que la situation est beaucoup meilleure dans cette région et parfaitement calme dans le reste de la colonie, un seul point est troublé, et c'est justement le district de Bingerville, le nouveau chef-lieu de la colonie. Les Ebriés-Akués[1], indigènes de cette région, population grossière et portée à la violence, continuent à faire preuve d'un mauvais esprit qui ne laisse pas de préoccuper les autorités et les habitants du chef-lieu.

En janvier 1904, l'administrateur du cercle des Lagunes, M. Lamblin, était tombé dans un guet-apens, au village Ebrié de MBadon[2], à quelques kilomètres à peine de Bingerville, et avait dû livrer un combat où il avait été blessé. Des otages avaient été emmenés. On nous apprend de Bingerville qu'ils viennent d'être enlevés de vive force par un groupe d'indigènes armés, opérant en plein jour, sur la voie principale, presque devant l'hôtel du gouverneur.

Cet audacieux coup de main cause une vive émotion dans la colonie européenne, d'autant que les dispositions nettement hostiles des indigènes les plus voisins de Bingerville ne laissent d'illusion à personne. Les autorités locales ont déployé jusqu'alors toutes les ressources de leur diplomatie pour éviter une intervention armée ; il est à se demander si celle-ci ne va pas devenir sous peu de toute urgence.

La situation sanitaire est bonne, malgré les grandes chaleurs de la saison sèche. Les prix du caoutchouc se sont relevés et les recettes douanières s'accroissent. Les postes de surveillance douanière sur la lagune Tendo et la rivière Tanoé ont été considérablement renforcés à la suite d'une tournée faite en août par le lieutenant-gouverneur intérimaire, M. Merwart. Le creusement d'un chenal ne poursuit à Biano, sur la lagune Aby, pour faciliter aux vapeurs du commerce l’accès d’Aboisso.  

 
Source : L’Ouest-Eclair (Rennes) 6 mars 1905
 
 


[1] - prononcer « Akwê ».
[2] - prononcer « NGbadon ».

samedi 20 juin 2015

Dominique Ouattara et ses bons plans

"Les femmes du canton Folon remercient Fanta Gbê
pour ses actions généreuses en faveur des femmes et des enfants."
(Le Conseil régional)
Mme Dominique Ouattara lutte contre le travail des enfants : c'est bien, mais depuis que Laurent Gbagbo a été « remplacé », le travail des enfants aurait dû diminuer en Côte d'Ivoire, puisque l'une des accusations du clan Ouattara à l'égard de son prédécesseur, c'était d'avoir, paraît-il, fermé les yeux sur ce scandale des temps modernes. Fort heureusement, Madame Ouattara s'est levée, dénonçant le travail des enfants dans les plantations de café-cacao, à l'époque ténébreuse qui précéda son ère de lumière. Et pourtant quand on fouille un peu le net pour déterrer les fameux « diamants du sang », ce sont plutôt les noms liés à la rébellion qui émergent : Soro et ses com'zone et, dans l'ombre, la future « Première Dame » elle-même...
Or aujourd'hui, au printemps 2015, ces enfants qui travaillent sont partout, et pas seulement dans les mines du Nord : ils hantent les rues des villes, y dorment même parfois, exposés à toutes les dérives de la délinquance illustrées par ces fameux gangs de « microbes » qui font régulièrement la une à Abidjan. Pourtant, la blanche Dame aux mille sourires et à la poitrine d'ordinaire si accueillante pour serrer contre elle toute la misère du monde n'est pas au rendez-vous. A quoi lui sert donc le budget colossal de 300 milliards mis à sa disposition – à elle, la richissime femme d'affaires ! – dans le cadre de la lutte contre le travail des enfants, et leur déscolarisation ?
Il est vrai qu'entre ses nombreux voyages en France, ses sorties gâteries pour ses « chères sœurs Dioula », l'accompagnement des tournées de son « cher époux, votre papa », pour proposer aux femmes, en bonne « petite sœur du FMI » – comme l'appelle Gregory Protche –, sa juteuse formule de soi-disant microcrédit ; les visites solennelles aux grandes familles alliées de la « Famiglia » touchées par le deuil, sur l'air de « que la terre leur soit légère », comment lui resterait-il du temps pour s'enquérir du sort des prisonniers, de celui de Simone Gbagbo, cette première dame qu'elle s'honorait de fréquenter avant que les voyous au pouvoir en France ne lui donnent sa place, les photos souvenir en témoignent.
 
Il faut excuser madame Ouattara : elle n'a pas le temps, bien qu'elle ait paraît-il renoncé à ses charges de femmes d'affaires pour se consacrer à ses fonctions officielles. Toujours entre deux avions, peut-être encore davantage que son époux, perpétuellement entourée d'une foule de gardes du corps et d'accompagnateurs, comment pourrait-elle se laisser distraire par le spectacle de rue donné par ces enfants à la dérive, condamnés à travailler pour aider leurs familles à survivre. L'obséquieux fan-club entourant la fondatrice de Children of Africa contribue sans aucun doute à lui boucher la vue, empêchant notre mère Thérésa nationale de regarder au-delà du cercle de silhouettes serviles qui se bousculent à son service ; imaginez le dévouement de ministres-carpettes comme l'institutrice Anne Ouloto, reconvertie en bulldozériste avant de se retrouver accompagnatrice de « Première Dame » ; la sportive Kandia Camara, renonçant au basket pour se pencher sur les petites têtes frisées d'écoliers abandonnés par de méchants instituteurs en grève, insuffisamment créatifs pour nourrir leurs familles sans percevoir de salaire ! Le Dr Raymonde Goudou Coffie, plus apte à porter le cabas de dame Ouattara lors de ses déplacements, qu'à prendre des mesures concrètes pour améliorer la qualité des soins et la prise en charge des familles démunies ; rajoutez à cela l'infatigable chancelière, l'épingle à la main, toujours prête à médailler quelques poitrines de valeureux Ivoiriens, fiers d'arborer leurs belles décorations devant un panier vide : celui de la ménagère.
Dons de Dominique Ouattara-Nouvian (DON) la bien nommée
Nous comprenons aisément que « Première Dame » n'ait guère le temps d'aller sur le terrain pour voir tous ces enfants en rupture d'école, marchands à la sauvette, contraints de porter des charges trop lourdes pour leur âge, soumis à des efforts hypothéquant leur futur développement. Elle qui ne se déplace qu'en véhicule climatisé, escortée d'une foule de larbins aux petits soins, n'a pas même la possibilité de faire appel à ces milliers de vendeuses d'eau glacée, de marchands de pain, de boys-portefaix.
Mais rassurez-vous, ces derniers n'ont pas été totalement oubliés : ils ont très certainement été répertoriés quelque part au sein du fameux million de nouveaux emplois d'ores et déjà créés dans la fertile imagination d’Alassane Ouattara, au titre de « travailleurs indépendants » ; et ils seront encore plus nombreux dans les semaines et les mois à venir, à apporter sur le terrain, dans la rue, la preuve de l'accomplissement des promesses d'Ado-Solutions devenu Ado-Emergence.
Malheureusement, notre dame blonde ne les connais pas, ne les voit pas ; hors du champ des caméras, les enfants, ne font pas partie de son domaine de prédilection ; jamais je n'ai lu qu'elle avait envoyé des émissaires – ou s'était rendue – dans un camp de réfugiés, pour s'enquérir des conditions de vie de ces enfants en exil, de leur scolarité en dents de scie. Au Togo, il n'y a pas de « Première Dame » ; c'est peut-être la raison de l'indifférence de notre blonde mère Thérésa, qui ne voit pas la nécessité de se rendre dans le camp d'Avezopo, où 1200 réfugiés ont besoin d'aide, de soins, d'écoles, et craignent de faire les frais des débordements liés aux élections du 25 avril prochain.
Quand des quartiers entiers sont liquidés par les bulldozers, notre chantre de l'amour maternel ne se préoccupe nullement du sort des déguerpis, de la scolarité de leurs enfants ; des écoles viennent d'être rasées, mais aucune solution de rechange n'a été proposée pour réintégrer les enfants et leurs professeurs, et manifester un peu de respect envers les parents qui jusqu'ici abritaient leurs familles dans des logements de fortune, mais s'efforçaient de régler les frais de scolarité de leurs enfants, veillant ainsi à ce qu'ils aient un avenir meilleur !...
Loin de se soucier de questions aussi marginales que celles de la survie des populations, « Première Dame » semble par contre s'intéresser de près à l'avenir prometteur de ces terrains redevenus « vierges », en raison de leur fort potentiel lucratif. « Première Dame » aurait déjà pensé à de bons plans de rentabilisation, en y bâtissant, – grâce à ses sociétés immobilières et autres sociétés-écran, de vastes complexes immobiliers ; tout cela avec l'aide de son copain Mohamed VI, ce « bienfaiteur » de la Côte d'Ivoire à qui Ouattara vient de dédier le nouveau tronçon de voie express Abobo-Anyama.
Nous avons déjà évoqué ces gangs d'enfants microbes qui n'en finissent plus de défrayer la chronique. Eux aussi se rappellent au bon souvenir de « Première Dame » : en effet les 14-17 ans qui ont marché sur Abidjan depuis Bouaké avec les rebelles, et prêté main forte à ces derniers, ont été oubliés dans le partage du butin ; quatre ans plus tard, leurs rangs s'étant enrichis de jeunes recrues, ils continuent leur métier de détrousseurs, sous la vigilante autorité d'ex-rebelles non réorientés, de policiers et de militaires qui arrondissent leurs fins de mois en jouant les souteneurs.
« Première Dame » est donc la mieux placée pour connaître les tenants et aboutissants de cette situation. Nous ne pouvons que l’encourager à mettre les bouchées doubles afin d'aider ses – « chers » ? – enfants rebelles non encore « rattrapés » à sortir de leur délinquance ; et, dans le même mouvement, exhorter son cher époux, le papa de la nation, à régler au plus vite – quitte à rogner un peu sur les petites économies du couple milliardaire – les arriérés d'honoraires dus à ceux qui lui ont permis d'usurper le siège qu'il occupe depuis mai 2011, et ce avant d'invoquer leur soutien pour octobre 2015.
Femmes du ministère de l'Éducation nationale
et de l'Enseignement technique (MENET) manifestant
leur reconnaissance à Mme DON.
Les bons comptes faisant les bons amis, un bon père et une bonne mère trouvent toujours le temps de redresser la barre : les quelques mois qui nous séparent des élections suffiront donc amplement à ces parents modèles pour remettre ces chers petits et leurs aînés dans le droit chemin, pour le plus grand bonheur de tous.
Et, qui sait, le prix Nobel de la paix tellement espéré par notre Mama Africa ivoirienne pourrait enfin venir couronner le fruit de tant de sourires transformés en rictus, de tant de travail persévérant dans l'ombre des mines et des cachots, de tant de sacrifices consentis au prix de la vie des autres...

Shlomit Abel 

 
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Source : IvoireBusiness 25 Avril 2015.

vendredi 19 juin 2015

République de Côte d'Ivoire, ou Dominique Ouattara Business Corporation ?

Il semble que c'était ça la raison de la précipitation du lancement de ce projet mal ficelé, mal conçu, mal expliqué, et pour lequel personne dans ce pays n'est prêt... sauf, bien sûr, ceux qui vont se sucrer dessus, se gaver, sans aucun effet pour le pays ni ses populations qui devraient en bénéficier : la fameuse assurance maladie universelle (AMU) de Laurent Gbagbo aurait été lancée par le régime Ouattara...
Et tout à coup, Dominique Ouattara, sa patronne, rachète des assurances privées et des cliniques ? Vous ne voyez pas le lien avec leur prétendue AMU ? Cette vache à lait va creuser un trou profond dans les caisses de l'Etat, au profit des activités d'assureuse et de soigneuse de Dominique-la-patronne.
Elle vient d'élargir son portefeuille d'affaires avec l'acquisition de l'ex-Colina Assurance, qui avait été achetée par des Marocains, qui ne l'ont pas gardée bien longtemps. Et comme la dame ne s'arrête à rien, elle vient de boucler l'acquisition de 5 cliniques privées, dont l'Indénié, 2 Plateaux… La Pisam n'aurait pas accédé à son offre, mais ça va durer combien de temps, cette résistance ?
Ainsi positionnée avec ces acquisitions au cœur du dispositif de la santé du pays devenu un grand chantier d'affairisme qui viole tous les principes de gouvernance, dame Dominique s'établit comme la principale bénéficiaire d'un système embryonnaire de sécurité sociale dont tout le préjudice sera à la charge d'un Etat vache à lait d'une clique sans foi ni loi. N'est-ce [pas] d'ailleurs ce qui milite en faveur de la présence de son obligée à la tête du ministère de la santé ?
La Côte d'Ivoire n'est pour eux qu’une source intarissable d'enrichissement sans bornes, quitte à fragiliser les piliers de la poule aux œufs d'or, car « après eux, qui se souciera du déluge qui en découlera » ?
L'expérience d'autres pays le montre, même déficitaire et sans source de revenus fiables, la sécurité sociale paie ses prestataires. Il suffit que les populations y soient enregistrées nombreuses et qu'elles l'utilisent. D'ailleurs, la Mutuelle Générale des Fonctionnaires en témoigne avec éloquence. Bientôt, quand ils auront tout bouclé (car il ne faut rien créer pour enrichir les autres, sous les Ouattara ; la vraie charité, c'est celle qui sert celui qui la fait... Apprenons, donc), les ivoiriens seront littéralement forcés et menacés d'aller s'y inscrire, sinon, le plan ne marchera pas !
Donc, les Ouattara, Dominique en particulier, n'en ont cure que le système ainsi mis en place profite aux populations, ou soit rentable, tant que les ressources de l'Etat sont pompées vers leurs comptes sous des apparences structurées, et tant qu'ils sont bien cachés derrière des prête-noms divers. Dans le cas présent, les cliniques et assurances achetées le sont sous les noms des belles familles libanaises de Dominique, notamment.
Ainsi, contrôlant le ministère qui ordonne les paiements, détenant les prestataires qui émettent les factures, et actionnant les prestataires qui déclenchent les dépenses, qui contrôlera qui pour s'assurer que l'Etat n'est pas spolié ? Certains diront : tant que les inscrits sont bien soignés, peu importe, mais, bon.
En attendant, nous ne sommes plus en Côte d'Ivoire, mais au sein de l'entreprise Dominique Ouattara Business Corporation (DOBC), officiellement établie comme la République de Côte d'Ivoire.
Les Ouattara nous divisent pour mieux nous spolier, et hélas !, ça marche.

Ba Bemba avec Ferro Bally 

 
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Source : Facebook 25/02/2015

jeudi 18 juin 2015

Une victoire de l'Afrique !

Le suspens n'a pas été long. La machine néocoloniale nommée Cour pénale internationale (CPI) n'a pas réussi son coup : la République d'Afrique du Sud et, plus globalement, tout le continent africain n'ont pas cédé !
Petit rappel. Ladite CPI, devenue la cour de jugement pour les Africains, tout comme son « frère » le fameux Tribunal pénal pour l'ex-Yougoslavie l'est lui pour les Serbes, avait émis un mandat d'arrêt contre le président soudanais, Omar el-Béchir, accusé de crimes de guerre (mandat émis depuis mars 2009). Des accusations fortement douteuses. Connaissant parfaitement la politisation de cette cour, une politisation qui a été reconnue à maintes reprises, ne serait-ce que par les experts russes et chinois. Et surtout connaissant parfaitement les pseudo-accusations ayant visé un autre leader africain, le président ivoirien Laurent Gbagbo, dont le procureur en charge de ce dossier n'a pas pu présenter jusqu'à maintenant ne serait-ce qu'un élément valable de sa culpabilité. De même qu'à l'encontre de l'ex-ministre de la Jeunesse de Côte d'Ivoire, Charles Blé Goudé. Le tout en épargnant entièrement le camp des pro-occidentaux, dont pourtant les crimes massifs (ne serait-ce qu'à Duékoué) ont été reconnus, y compris par des organismes non-gouvernementaux occidentaux.
Le Soudan ne reconnait pas la CPI et le président Omar el-Béchir a plusieurs fois lancé des défis audit organisme en voyageant librement et en participant à divers grands forums aussi bien sur le continent africain qu'ailleurs. Jusqu'ici tout allait assez bien. Mais les derniers jours, la République d'Afrique du Sud accueillait un sommet de l'Union africaine. A noter qu'en juillet 2009, après le lancement du mandat d'arrêt de la CPI à l'encontre d'el-Béchir, les Etats de l'Union africaine ont voté une résolution indiquant qu'ils n'exécuteront pas le mandat d'arrêt de la CPI émis contre le président soudanais.
Mais on connait les Occidentaux, ou plutôt leurs « élites ». Ils ne s'arrêteront devant rien. D'autant plus lorsque la mentalité coloniale est ancrée si profondément dans les têtes de ces dites élites. Ils ont lancé donc une demande à la justice sud-africaine d'arrêter Omar el-Béchir en terre sud-africaine compte tenu du fait que l'Afrique du Sud est signataire du Statut de Rome et reconnait donc (pour le moment) la CPI. Immédiatement, un juge sud-africain d'origine allemande, Hans-Joachim Fabricius, vraisemblablement un nostalgique de la sinistre période d'apartheid (dont l'un des ancêtres selon certaines sources était un haut cadre politique de l'Allemagne nazie), émet une interdiction au président soudanais de quitter le territoire sud-africain.
Le suspens peut commencer. Les Occidentaux pensaient déjà crier victoire en pensant que le gouvernement sud-africain allait appliquer à la lettre leurs exigences. Plus encore, certains représentants occidentaux et leurs valets locaux ont eu le culot de lancer des phrases du genre « je crois que la fidélité de l'Afrique du Sud à l'Union africaine ne peut pas faire le poids face à ses obligations envers la CPI ». C'est vrai, on avait oublié. Les machins néocoloniaux, ça vaut « bien plus » qu'une organisation réunissant les Etats de tout un grand continent, en la qualité de l'UA.
Mais le suspens n'a pas duré. Le gouvernement sud-africain n'a pas appliqué les prérogatives néocoloniales de la CPI. Omar el-Béchir est rentré au Soudan où il a été accueilli par une foule en liesse. Bravo donc aux Sud-Africains, membres à part entière de l'alliance des BRICS, de ne pas avoir cédé aux tentatives d'une extrême minorité de notre planète, vivant encore dans leurs rêves unipolaires, ainsi qu'aux traitres locaux – héritiers de l'apartheid.
A ce titre, on a pu particulièrement apprécier la réaction du parti historique de Nelson Mandela, le principal parti politique du pays, le Congrès National Africain (ANC), via sa porte-parole Khusela Sangoni, ayant fustigé les tentatives de faire arrêter le leader soudanais en leur sol. « Le gouvernement sud-africain, lorsqu'il a invité son excellence Omar el-Béchir et les autres participants à venir au sommet de l'UA, a dans le même temps adopté une mesure légale pour accorder l'immunité à tous les participants. Cette notice a fait l'objet d'une publication, et personne ne l'a contestée, donc nous trouvons très étrange qu'une organisation décide maintenant de saisir la justice pour obtenir que Béchir soit arrêté en Afrique du Sud, et nous avons encouragé le gouvernement sud-africain à faire en sorte que cette démarche n’aboutisse pas ».
Il fut très intéressant également de connaître la réaction du chef du département juridique de l'Union africaine, le professeur Vincent O. Nmehielle, qui considère que l'Afrique du Sud a entièrement raison du point de vue juridique.
Voici ce qu'il a répondu à RFI : « Le sommet n'est pas une réunion organisée par le gouvernement sud-africain. Dans le règlement de l'Union africaine, et conformément à l'accord signé entre l'Afrique du Sud et l'UA, l'Afrique du Sud ne peut pas violer l'accord faisant de lui un pays hôte. Et donc el-Béchir n'est pas ici pour visiter l'Afrique du Sud, il visite un site sous contrôle de l'Union africaine, aussi longtemps que se tient le sommet. Et donc, les lois de l'Afrique du Sud ne s'appliquent pas dans ce cadre ». Selon lui,  « cet accord est aussi un traité international entre l'Afrique du Sud et l'Union africaine pour lui permettre de tenir ce sommet. Si l'Afrique du Sud ne peut pas garantir le libre passage de tous les participants à ce sommet, il ne peut pas être pays d'accueil. Il n'y a eu dans cette affaire aucune violation d'aucune sorte. Si l'Afrique du Sud avait écouté ce que n'importe qui avait à dire, ce serait une violation de cet accord qui lui permet d'être l'hôte de ce sommet ».
Très drôle aujourd'hui de voir tout le mainstream occidental, anglophone comme francophone, crier au scandale, tout en donnant la parole à d'anciens cadres de l'administration du régime raciste de la période apartheid, qui expriment également leur « révolte ». Sans commentaires.
Quant à l'Afrique, elle vient effectivement de remporter une mini-bataille, mais fort symbolique. Surtout à l'heure où la plupart des pays africains, membres de l'UA, ont exprimé le désir de quitter la fameuse et trop controversée CPI (merci, en passant, à la présidence du Zimbabwe à l'UA). La guerre, elle, est bien loin d'être gagnée et les efforts ne doivent aucunement être relâchés. Tout ne fait véritablement que commencer. Mais, cette petite victoire de l'Afrique du Sud (et donc des BRICS), ainsi que de tous les Africains en général, prouve que lorsque l'Afrique veut – elle peut beaucoup de choses. A suivre !

Source : Sputnik France 16 juin 2015

mercredi 17 juin 2015

« Regardez-moi. Je mesure 1,66m. On fait comme si j’étais extraordinaire. »

Le commandant Jean-Noël Abéhi devant le tribunal militaire d’Abidjan, le 09 juin 2015.
 
Le Cdt J.-N. Abéhi dans le box des accusés

M. Abéhi, vous avez la parole pour dire ce que vous avez à dire relativement au fait de désertion
- Merci M. le président. On me reproche d’avoir déserté. On m’accuse d’avoir fui mon pays. Depuis l’école de gendarmerie où j’ai fait mon application, j’ai prêté serment pour la patrie et pour la loi. Ce serment que j’ai eu à faire, je l’ai assumé du début jusqu’à la fin. On m’accuse de désertion comme si j’avais une assistance à apporter à mon pays. Je n’ai pas quitté mon pays pour fuir par plaisir. Je suis parti car j’étais extrêmement menacé par une mauvaise compréhension du travail réalisé conformément aux lois de mon pays. C’est la peur de me voir assassiner qui m’a fait partir de mon pays. Mes enfants étaient dans la même école que ceux de Wattao (surnom d’Issiaka Ouattara, ancien chef de guerre, aujourd’hui lieutenant-colonel des Frci). Ses enfants disaient aux miens que leur papa tuait les femmes d’Abobo et que leur papa allait me tuer. Mon épouse était enseignante au lycée de Locodjoro. Là-bas, les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (Frci) de la base navale lui ont rendu trois fois visite. Moi-même, après les titres incendiaires des journaux me qualifiant de sanguinaire, il était impossible pour moi de sortir de la caserne d’Agban.
J’ai avisé mes chefs. Lorsque le commissaire du gouvernement a envoyé les premières convocations me demandant de me présenter au tribunal militaire, j’ai vu que c’est parce que ma vie est menacée, sinon je n’avais pas de problèmes à me présenter devant la juridiction de mon pays.
M. le président, si vous-même qui prêtez serment pour la protection des personnes et des biens, n’êtes plus en sécurité, qu’est-ce que vous faites ? Après avoir informé mes chefs, précisément au général Kassaraté, de la menace qui planait sur ma vie, il m’a dit de voir mon parent Banny pour m’aider à régler cette situation. C’est la réponse de mon chef hiérarchique. J’ai vu qu’elle n’était pas mauvaise dans son ensemble. J’ai suivi ses conseils et j’ai informé le Premier ministre Banny pour lui dire qu’il y avait une rumeur qui affirmait que je refuse de me rallier. J’ai dit que je veux parler au Président Ouattara. Regardez-moi, je mesure 1,66m. On fait comme si j’étais extraordinaire. Je voulais parler au Chef d’Etat, pour lui dire que la désignation d’un Président de la République n’appartient pas à Abéhi. Ce n’est pas moi qui désigne. Je ne fonctionne qu’à partir des ordres et je suis prêt à me mettre au service de mon pays. J’ai fait cette démarche. On m’a dit que c’est le Premier ministre Guillaume Soro qui doit me recevoir. J’ai été reçu par lui. Après mon discours liminaire devant M. Soro, ce dernier est intervenu pour dire qu’il n’avait pas de problème particulier avec moi. Qu’il reconnait que j’ai contribué à le sortir du feu lorsqu’on voulait l’assassiner à la Rti. Mais ce qu’il me reproche c’est qu’on dise que c’est Abéhi qui a tué les femmes à Abobo. Je lui ai dit que l’accusation sur la tuerie des femmes d’Abobo n’est pas juste. Les chars qui sont dans la vidéo, aucun char appartenant au Geb n’est dedans. Les chars appartiennent à la Bae et à la garde républicaine. Pourquoi on m’accuse toujours ? On m’a donné des explications. On raconte que je refuse de me rallier car je serais le bon petit de Laurent Gbagbo. Comme je suis le bon petit de Laurent Gbagbo, je n’ai que 4 millions F dans le compte saisi. C’est cela être le bon petit d’un Président de la République ? Je vous en supplie. Cette histoire me fatigue. Si on veut me tuer qu’on le fasse et ce sera fini. Parce que j’ai fait mon travail qu’on veut me tuer ?
Pour vous que signifie désertion ?
- Le fait d’avoir quitté son pays sans autorisation.
Cela est votre cas ?
- Oui M. le président.
Reconnaissez-vous avoir commis cette infraction de désertion ?
- Oui.
Etes-vous officier de gendarmerie ?
- Oui
En plus de la désertion on vous reproche aussi la violation de consigne. Êtes-vous de cet avis ?
- M. le président, sur le fait de violation de consigne, je vous demande d’éclairer ma lanterne.
Au camp d’Agban, le commandant supérieur de la gendarmerie avait-il laissé des consignes particulières ?
- Par rapport à quoi, par exemple.
Il a dit : « Les gendarmes vous restez en caserne et vous êtes neutres ».
- Non je n’ai pas entendu pareille consigne.
Que pouvez-vous dire au sujet de la consigne de ralliement ?
- Lorsque la crise a été déclenchée, nous étions à l’intérieur du camp. C’est le général Kassaraté qui m’a ordonné de prendre le coffre-fort de la gendarmerie nationale pour l’escorter et le déposer à son domicile à Agban. Il a donné des instructions fermes pour la défense du site. Je suis resté dans cette position. Je ne suis pas allé en dehors de ma caserne. Je n’ai violé aucune consigne. Lors de la bataille, c’est moi qui suis allé avec le commandant Pamphile et le capitaine Noukpo pour lui dire que nous n’avions pas de paramètres dans cette crise. Il y avait un pilonnage aérien alors que nous n’avons pas d’hélicoptères. Il faut que nous demandions un cessez-le-feu. Nous avons appelé l’Onuci qui nous a demandé d’appeler le Premier ministre Guillaume Soro. Nous l’avons fait. Après cela, les autres officiers sont allés voir le commandant supérieur pour qu’il parte au Golf hôtel à l’effet de communiquer aux nouvelles autorités notre allégeance. Le général Kassaraté l’a fait. Malgré cette démarche, on dit que je refuse de me rallier.
A quel moment avez-vous entendu parler de l’ordre de ralliement ?
- Je n’ai jamais entendu parler de cela. C’est nous qui avons fait la démarche.
A quelle hiérarchie obéissez-vous ?
- J’obéis au général Kassaraté.
Etes-vous sûr que quelqu’un vous donnait des ordres ?
- Oui, c’est le général Kassaraté.
Alors que c’est lui qui a parlé de ralliement ?
- Je ne sais pas à quel moment il a parlé de ralliement.
N’avez-vous jamais entendu de tels propos venant de lui ?
- On est ensemble. Nous étions avec lui. C’est en notre nom qu’il a fait le ralliement. Il ne m’a jamais dit : « Abéhi, il faut te rallier ».
J’insiste : à quel moment avez-vous entendu de ralliement ?
- M. le président, je n’ai jamais entendu parler de ralliement. C’est nous qui sommes allés vers lui pour aller faire allégeance. A ce moment, la communication était mauvaise. L’électricité était interrompue. Les radios ne marchaient pas.
Votre ralliement a eu lieu à quelle date ?
- C’est le jour où le général s’est rendu au Golf.
Avez-vous en souvenir votre message qui dit : « Personne ne sort de la caserne. Celui qui sort abattez-le » ?
- Je vous en prie. Ce n’est pas vrai. J’ai entendu ce genre de propos. Ce sont des accusations infondées. Les premières heures de mon arrestation, l’un des arguments était que le général Kassaraté n’est pas arrivé tôt au Golf. Car Abéhi l’aurait empêché de sortir de la caserne. Moi je suis commandant. Lui, il est général. Je ne peux avoir la capacité militaire et les hommes pour bloquer une caserne à l’intérieur de laquelle il y a plusieurs unités. Ce n’est pas vrai. Ensuite, j’aurai tellement bloqué la caserne que la femme du général Kassaraté a été évacuée par IB (feu Ibrahim Coulibaly), l’ex-commandant du commando invisible, pour l’envoyer au Bénin. Ce n’est pas vrai.
Vous avez dit dans votre déclaration que vous avez lancé des obus sur le cimetière de Williamsville. Confirmez-vous cela ?
- Nous avons essuyé deux types de tirs d’obus dans l’attaque que l’ennemi a perpétré contre nous. Ces obus sont venus dans la direction du lycée technique de Cocody, qui ont détruit la maison du Colonel Konan, directeur du fond de prévoyance militaire. Des obus sont venus d’autres directions et qui ont eu des impacts sur ma maison. Ces obus étaient tellement nombreux qu’en termes de dissuasion, lorsqu’on regarde la contexture, cela ne pouvait que venir du niveau du cimetière de Williamsville. C’est dans ce contexte qu’on nous a donné l’ordre d’envoyer des obus sur le cimetière de Williamsville. C’est ce que nous avons fait pour permettre l’évacuation des policiers qui étaient encore à la Crs de ce quartier.
Quel était votre cible ?
- Seul le cimetière. Lorsque vous recevez les obus, c’est dire qu’il y a un espace ouvert à partir duquel l’ennemi vous envoie ces obus. Après calcul, seul ce site pouvait être le lieu de départ des obus. C’est pourquoi nous avons ciblé là-bas.
Êtes-vous sûr que vous n’avez pas provoqué des dégâts collatéraux ?
- Non. Nous sommes sûrs.
Comment ?
- C’est un tir de mortier. Le cimetière de Williamsville a un périmètre vaste. Nous avons visé le centre.
Revenons sur la désertion. Êtes-vous allé seul ?
- Oui
Comment avez-vous réussi à sortir ?
- J’ai attendu une forte pluie. Je sais que lorsqu’il pleut les forces de défense rentrent dans leur tanière. C’est à la faveur d’une pluie que je n’ai pas pu être contrôlé sur le circuit.
Comment l’avez-vous préparé ?
- Je n’ai pas préparé ce départ. Quand j’ai senti qu’on voulait m’entendre forcément à l’extérieur du camp, j’ai décidé de partir. Je suis sorti du camp. J’ai emprunté un taxi compteur pour arriver à la gare de Bassam, à Treichville. Puis, j’ai pris un autre véhicule qui rallie cette commune à Noé. C’est comme cela que je suis parti tranquillement.
Vous confirmez que c’est la dernière convocation qui vous a fait partir ?
- Effectivement. J’étais menacé. Mes éléments me disaient toujours de partir. Je n’avais pas peur de la convocation. Si c’était m’entendre à la caserne, je serais venu répondre. Je suis parti parce que, malgré les assurances du Premier ministre, la convocation de m’auditionner dehors persiste. C’est la seule raison de la menace de me voir buter par quelqu’un qui m’a fait fuir du pays.
Buter par qui ?
- C’est pourquoi je reviens toujours sur des détails. Les menaces n’étaient pas imaginaires. De 2002 à 2011, je suis le seul officier qui a eu le maximum de convocations auprès du tribunal militaire. Le commissaire du gouvernement peut témoigner. Et j’ai répondu à toutes ces convocations. J’ai refusé de répondre à celle-là car les conditions de sauver ma vie n’étaient pas réunies.
Pourquoi avez-vous choisi le Ghana ?
-En termes de distance, c’est le pays qui est plus proche de nous. En peu de temps on peut y arriver.
Quelque part dans votre déclaration, vous avez dit que vous vous êtes désolidarisés des personnes au Ghana qui étaient prêtes à poser des actions subversives à l’endroit des autorités ivoiriennes ?
- Tout à fait. Lorsque je suis arrivé au Ghana, la première personne que j’ai pu joindre est Konan Boniface pour lui donner l’information de ma présence dans ce pays. Il m’a dit de ne parler à aucune autorité politique. J’étais dans mon coin. Un jour j’essaie d’appeler Konan Boniface. Il était fermé et je suis passé par d’autres personnes pour avoir de ses nouvelles. Un jour le Colonel Gouanou me contacte pour une réunion avec les autorités politiques. On a échangé avec Koné Katinan. Il y avait des solutions diplomatiques et militaires pour notre retour. A la seconde réunion on nous demande de faire le point des matériels militaires. C’est à ce niveau que j’ai dit non, car je n’avais pas de moyens et d’hommes à mettre à leur disposition. Je n’étais pas d’accord avec l’esprit de la chose. C’était sur la base tribaliste. On devait commencer à nettoyer à l’Ouest tous les Baoulés et Burkinabè. J’ai marqué mon désaccord.
N’êtes-vous pas membre de la plateforme qui doit renverser Alassane Ouattara ?
- C’est Gouanou qui m’a envoyé là-bas.
Etiez-vous informé de l’existence de la plateforme avant votre départ ?
- Non, je n’avais pas connaissance de la mise en place de cette structure. Elle est née plusieurs semaines après mon arrivée au Ghana. Après mon refus j’étais menacé par mes amis du Ghana.
Mais pourquoi êtes-vous resté là-bas ?
- J’attendais la fin de l’année scolaire pour aller au Bénin. J’ai été obligé de changer de quartier à Accra.
Est-ce que vous avez demandé au général Kassaraté de vous accompagner répondre à la convocation ?
- Oui je l’ai fait. C’est à cet effet qu’il m’a dit d’aller voir mon parent Banny. Lors de la rencontre avec le Premier ministre Soro, je suis monté dans le véhicule de mon parent Banny. Là, si on veut me tuer, on mourra ensemble.
Quelle était votre relation avec Séka Séka pendant la crise ?
- Nous ne nous sommes pas vus. On ne s’est pas eu aussi au téléphone. 

Jean Pierre Fieglo 

 
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Source : IvoireBusiness 12 Juin 2015.