lundi 28 mai 2018

Une passagère tunisienne débarquée de l'avion pour avoir traité une hôtesse de "sale pute noire"


Ghofrane Binous, Mehdi ben Gharbia, Mounir Ajlani (de g à d)
Le commandant de bord du vol Tunisair qui reliait Istanbul à Tunis a choisi de retarder le vol le temps d'éjecter une passagère de son vol.
Lors de l'embarquement une passagère a pris à parti une des hôtesses de l'air qui tentait de régler un problème de bagage. La passagère lui a dit qu'elle n'avait pas besoin de l'aide d'une « sale pute noire ».
Quand le commandant de bord a appris l'incident il n'a pas hésité à faire débarquer la passagère. L'ensemble de l'équipage a d'ailleurs fait front aux côtés de Ghofrane Binous.
L'hôtesse de l'air a indiqué sur Facebook : « Mes collègues sont venus spontanément m'exprimer leur solidarité, ainsi que les passagers, quasiment tous Tunisiens comme la femme qui m'avait insultée, qui ont tous protesté contre ce qu'elle m'avait dit. Le commandant de bord, informé de ce qui s'était passé, a immédiatement exigé que cette passagère descende de l'avion et m'a exprimé son soutien ».
Al-Mehdi bin Gharbia, ministre tunisien des Relations avec les organes constitutionnels, la société civile et les droits humains, a reçu lundi matin, le 21 mai 2018, le commandant de bord, Mounir Ajlani, qui a décidé de débarquer la passagère sur un vol de Tunisian Airlines.
Le ministre a salué la position du commandant qui reflète l'unité des tunisiens et des tunisiennes face à tous les aspects de la discrimination raciale, soulignant que la reconnaissance de l'existence de ce phénomène constitue une bonne manière de l'éliminer et de promouvoir une culture d'égalité.
A cette occasion, le ministre a souligné que le gouvernement s'engageait à compléter les procédures de ratification de la loi sur l'élimination de la discrimination raciale et travaillait à renforcer son partenariat avec les composantes de la société civile pour lutter contre ce phénomène incompatible avec le leadership de la Tunisie dans le domaine des Droits de l'homme.
Ben Gharbia a déclaré que la Tunisie ne serait pas neutre face au racisme, espérant que le Comité des droits et libertés de l'Assemblée populaire discuterait bientôt du projet de loi fondamentale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale et le soumettrait à la plénière.
Une réponse parfaitement [adaptée] a une attitude intolérable, le racisme et le harcèlement sexuel n'ont pas de place dans les avions, ni même ailleurs...
Freedom.fr

COMMENTAIRES
Forestier de Lahou (Dimanche 27 Mai 2018) : C'est une très bonne chose. Je ne sais pas pourquoi les gens sont toujours aussi énervés quand ils montent dans un avion (alors qu'on y risque beaucoup moins sa vie que dans un gbaka ou un woro-woro !), s'ils étaient plus zen les choses se passeraient mieux et les avions partiraient plus souvent à l'heure. C'est très désagréable d'embarquer avec des gens hystériques, qui, pour la plupart, ne se rendent pas compte des risques qu'ils courent et font courir à tout le monde par leur attitude irresponsable et leur mépris des consignes de sécurité. Le commandant de bord a très bien agi, même si cela n'est pas une affaire qui met en cause directement la sécurité du vol et des passagers.
Odile Boga Sylla (Dimanche 27 Mai 2018) : Le racisme anti-Noirs est un véritable fléau en Tunisie... Ceux qui étaient avec la BAD en Tunisie le savent bien et ne diront pas le contraire... Les agressions multiples et discriminations au quotidien ne visent pas uniquement les étudiants d'Afrique noire en Tunisie, mais aussi les citoyens tunisiens noirs. Selon les associations qui luttent contre le racisme, ils représentent au moins 15% de la population nationale tunisienne, sinon plus... En raison de leur couleur de peau, ces derniers sont encore assimilés à des esclaves. D'ailleurs « les actes de naissance des personnes habitant Djerba, connue pour sa concentration d'habitants noirs, portent toujours la mention "esclaves affranchis" », dénonçait déjà en 2013 Maha Abdelahmid, cofondatrice de l'Association de défense des droits des Noirs à Tunis, au micro de RFI. Saadia Mosbah, présidente de l'Association tunisienne M'nemty, partage cette analyse : « Le racisme est enraciné dans nos sociétés d'Afrique du Nord. Le Noir est pour beaucoup un Nègre, un être inférieur. Beaucoup réagissent différemment envers les immigrés selon leur couleur de peau. L'Européen est ainsi le bienvenu, il est respecté en Tunisie, pas le Noir... ».
Fatou Diagne (Dimanche 27 Mai 2018) : « Nier l'existence de la discrimination raciale en Tunisie ne permettra pas de l'éliminer ». Les Tunisiens sont-ils racistes ? Oui, sans nul doute. Il est d'ailleurs paradoxal que ces mêmes maghrébins qui dénoncent le racisme à leur égard en Europe, le pratiquent dans leurs pays d'origine à l'encontre de leurs compatriotes marocains noirs, Tunisiens noirs et Algériens noirs ou Égyptiens noirs. Le racisme en Afrique du Nord est lié aux séquelles de l'esclavage. Il ne faut pas oublier qu'il est historiquement ancré dans les pays de la région. L'esclavage n'était pas pratiqué seulement pas les occidentaux en Amérique du Nord, en Amérique Latine et aux Antilles, mais aussi par les peuples de la région Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Une mentalité esclavagiste qui a laissé des traces dans l'imaginaire commun malgré l'abolition officielle de l'esclavage.
Lago Tape (Dimanche 27 Mai 2018) : Bravo au commandant de bord et ses collaborateurs... Dommage que tous les Tunisiens ne soient pas comme vous... Cependant c'est un pas dans la bonne direction. Bravo encore !

 Source : http://www.lebanco.net 27 mai 2018

vendredi 25 mai 2018

« On se frottait parfois les yeux »… et « On tendait également une oreille »…*

E. Macron accueillant son homologue rwandais P. Kagame le 23 mai 2018
© Ludovic MARIN
Quand le chef d’un Etat libre et souverain sachant se faire respecter est reçu à l’Elysée, cela se voit et cela s’entend aussi. Ce n’est pas comme lorsque Nicolas Sarkozy ou Emmanuel Macron reçoivent leur petit Alassane Ouattara…

Pour aller plus loin, voir sur ce blog le post auquel renvoie le lien suivant :
https://cerclevictorbiakaboda.blogspot.fr/2017/09/apologie-du-fantochisme-eloge-de_2.html

La « visite de travail » du président rwandais Paul Kagame à Paris consacre le réchauffement des relations franco-rwandaises particulièrement tumultueuses depuis le génocide de 1994 au Rwanda, dans lequel Paris est soupçonné d'avoir joué un rôle nocif.

C’est donc officiel : la France soutient la candidature de Louise Mushikigwabo, actuelle ministre des Affaires étrangères au Rwanda, pour remplacer Michaëlle Jean à la tête de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), lors de l’élection qui aura lieu en octobre à Erevan en Arménie. « Elle a toutes les compétences et les titres pour assurer cette fonction », a déclaré sans détour Emmanuel Macron à l’issue de sa rencontre ce mercredi avec le président rwandais Paul Kagame. L’annonce n’a rien d’anodin et la conférence de presse commune des deux Chefs d’Etats ne l’était guère plus.
On se frottait parfois les yeux en observant les leaders de deux pays aux relations si conflictuelles depuis un quart de siècle, réunis côte à côte dans cette salle de l’Elysée, où Kagame n’était pas revenu depuis 2011, lors d’une brève embellie sous Sarkozy. On tendait également une oreille guère habituée à entendre de tels échanges d’amabilités entre les représentants officiels de la France et du Rwanda. Kagame se félicitant d’un « nouveau partenariat », Macron renchérissant sur « le rôle essentiel du Rwanda » notamment dans la gestion des crises du continent et sur « les priorités partagées » avec le chef de l’Etat rwandais qui est également depuis janvier le Président en exercice de l’Union Africaine (UA). Visiblement les deux hommes s’apprécient et ils l’ont encore manifesté lors de cette troisième rencontre en tête à tête depuis un an.

Réactions passionnelles

Pourtant une partie de la classe politique française, et surtout la vieille garde mitterrandienne, mais aussi une partie de l’armée, voue à Kagame une haine tenace. Et aucun pays africain ne suscite en France, encore aujourd’hui, autant de réactions passionnelles, voire hystériques, que le Rwanda.
Pourquoi un tel déchainement, et en particulier contre Paul Kagame ? Le malaise remonte à 1994, l’année du génocide des Tutsis du Rwanda. Un million de morts en trois mois. Un massacre orchestré sous les yeux de la communauté internationale, par les alliés de Paris, qui aura bien du mal à prendre ses distances.
A la tête d’un mouvement rebelle crée dans l’Ouganda voisin, pays anglophone de surcroît, où de nombreux Tutsis s’étaient réfugiés lors des premiers pogroms après l’indépendance du Rwanda, Kagame va alors reprendre le contrôle du pays et faire fuir les forces génocidaires. Mettant également en déroute, les manœuvres de ceux qui à Paris ont jusqu’au bout espéré préserver l’influence de la France dans ce petit pays de l’Afrique des Grands Lacs. Depuis, Kagame a plusieurs fois rappelé la complicité de Paris dans la préparation et le déroulement du génocide. Provoquant à chaque fois des réactions indignées chez ceux qui refusent toute évocation d’une complicité française dans les évènements de 1994. Et n’ont eu de cesse d’attribuer à Kagame la responsabilité de l’événement déclencheur du génocide : l’assassinat du président Juvénal Habyarimana. Une accusation formulée par le juge Jean-Louis Bruguière qui provoquera la rupture des relations diplomatiques avec le Rwanda en 2006 puis sera largement démentie par le successeur de Bruguière, le juge Marc Trévidic. L’instruction désormais achevée après de multiples rebondissements, devrait être en principe clôturée par un non-lieu prochainement. Il y a donc bien des fantômes dans les placards des relations franco-rwandaises.

Déclassification des archives

Ce mercredi cependant, on était très loin de ces polémiques. « Il faut avancer de manière pragmatique sans rien enlever à la complexité des histoires du passé », a déclaré Emmanuel Macron qui a refusé cependant de se prononcer sur le retour d’un ambassadeur français à Kigali, poste vacant depuis 2015. « L’essentiel c’est de reprendre notre coopération », a martelé le président français qui a promis de poursuivre la déclassification des archives françaises sur le génocide. Alors que Kagame, lui, singulièrement évasif, s’est refusé à s’exprimer sur ce passé qui hante toujours les relations entre les deux pays.
Certains se réjouiront de ce réchauffement évident des relations franco-rwandaises : après tout, le Rwanda est aujourd’hui un pays qui s’est miraculeusement redressé et fait même figure de pôle de stabilité dans une région tourmentée. Certains déploreront qu’on tende ainsi la main à un homme qui a certes réussi à faire renaître son pays de ses cendres, mais ne donne pour l’instant aucun signe de vouloir quitter le pouvoir, après avoir modifié la Constitution pour se représenter aux élections. La France est-elle cependant la mieux placée pour donner [de telles] leçons ?
En invitant le président rwandais à l’inauguration d’un salon consacré aux start-up, Viva Technology, qui ouvre ses portes ce jeudi avec pour la première fois un coup de projecteur porté aux entreprises africaines, Emmanuel Macron impose un nouveau virage aux relations franco-rwandaises.
Il est encore trop tôt pour savoir s’il sera définitif. Et s’il se fera, en réalité, en enterrant le passé, comme le craint l’association Survie qui déclarait ce mercredi soir : « Comme avec Nicolas Sarkozy, on assiste à un rapprochement stratégique entre Paris et Kigali dont pourrait pâtir la vérité sur le soutien de l’Etat français au camp génocidaire. (…) C’est le "en même temps" macronien : il évoque la place du génocide des Tutsis dans notre mémoire collective pour suggérer une forme de reconnaissance de la tragédie, mais laisse aussitôt entendre qu’on manquerait d’informations sur le rôle des uns et des autres. C’est oublier que l’implication française est déjà documentée, et qu’il a la clé de la plupart des secrets restants ! ».

Maria Malagardis
(*) - Titre original : « France-Rwanda : A Paris, Macron et Kagame enterrent la hache de guerre ». 
Source : France 24, 25 mai 2018

dimanche 20 mai 2018

Une sortie de crise sans fin ?



État des lieux des défis sécuritaires en Côte d’Ivoire

  • Contexte historique
A la proclamation de son indépendance, le 7 août 1960, la Côte d’Ivoire entreprend de construire une armée républicaine, en signant notamment des accords de défense avec la France. Des accords dans lesquels la France s’engageait à apporter l’aide nécessaire à la constitution des forces armées ivoiriennes. C’est dans ce cadre que l’Etat ivoirien a envoyé les cadres de l’armée se former dans les grandes écoles de guerre françaises, notamment à Saint-Cyr.
L’Etat ivoirien va également créer des écoles de formation sur le territoire ivoirien pour donner à ceux qui veulent embrasser le métier des armes les rudiments nécessaires à l’exercice de ce métier. Ont ainsi vu le jour, l’école militaire préparatoire et technique de Bingerville (EMPT), les écoles nationales de Police et de Gendarmerie, l’école des Forces armées (EFA), l’école nationale des sous-officiers d’active (ENSOA). Ces différents efforts en matière de formation des hommes ont permis de donner à l’armée ivoirienne d’asseoir une organisation et une cohésion en son sein.
Mais la fin de ce que l’on a qualifié de « miracle ivoirien » et la sévère crise économique des années 80, ainsi que les bouleversements survenus dans le paysage sociopolitique et la succession des crises militaro-politiques de la fin des années 90 aux années 2000, ont fortement ébranlé les fondements de la société ivoirienne dans son ensemble et de l’armée en particulier. Une armée qui, dès lors, devait faire face en son sein aux maux qui traversaient la société ivoirienne, en l’occurrence, les divisions ethno-politiques et le clanisme, entre autres.

  • Des défis sécuritaires
L’après-crise de 2002 à 2011
Pour tenter de résoudre la crise politico-militaire et la partition de fait du pays consécutives à la rébellion armée de septembre 2002, les différents accords de paix qui s’en sont suivis ont préconisé l’intégration dans l’armée de contingents d’ex-forces nouvelles.
Après la crise postélectorale et la réunification des deux armées, les soldats des ex-Forces Armées des Forces Nouvelles (FAFN) ont été intégrés à la nouvelle armée baptisée FRCI. Au sein de cette armée la plupart des anciens chefs de guerre et des Com-zones ont été promus à des grades supérieurs et ont intégré le haut commandement des FRCI. Certains d’entre eux ont  été placés à la tête des unités et des corps d’élites. Certains de ces chefs ont maintenu les contacts avec leurs anciens éléments afin de garder une certaine influence sur cette armée en reconstruction, favorisant ainsi une chaîne de commandement parallèle.
La reconstruction d’une armée républicaine
La reconstruction de l’armée a connu bien des difficultés, et occasionné des frustrations ainsi qu’un déficit de cohésion au sein des troupes recomposées. En effet, l’armée actuelle est le fruit de la fusion entre les Forces armées régulière de Côte d’Ivoire (ex-FDS) et les Forces armées des Forces nouvelles (ex-FAFN), l’ex-rébellion. Créant un profond malaise dû à la division et à la méfiance au sein de l’armée, rebaptisée quelques années plus tard, à la faveur de la Réforme du secteur de la sécurité (RSS), Forces Armées de Côte d’Ivoire (FACI). Cela, pour, d’une part, tenter de créer un sentiment d’appartenance à un même corps. L’appellation FRCI (créées en pleine crise postélectorale) étant en effet perçue par les ex-FDS et une partie de la population comme étant le prolongement de l’ex-rébellion. Et d’autre part, tenter de redresser l’image d’une armée assimilée à des maux tels que la division, le clanisme, l’indiscipline, l’impunité...
La RSS
Pour remédier de manière plus globale et durable à tous ces maux, le gouvernement a initié en 2012 une réforme du secteur de la sécurité, mise en œuvre à travers le Conseil National de Sécurité (CNS), présidé par le Président de la République. La RSS a été couplée au processus de désarmement, démobilisation, réintégration (DDR), mis en œuvre par une Autorité créée à cet effet, l’ADDR.
Au terme de sa mission et de trois années d’activités, le 30 juin 2015, l’ADDR a dressé le bilan suivant : sur 74 028 ex-combattants inscrits dans la base de donnée de 2012, ce sont 57 791 qui ont effectivement été réintégrés ou en cours de l’être, soit 90% de la base de données réactualisée. L’ADDR a toutefois indiqué que 10 000 ex-combattants ne se sont pas manifestés, parce que pas intéressés par le processus. Toutefois, une Cellule de Coordination, de Suivi et Réinsertion (CCSR) a été créée à la fermeture de l’ADDR, pour gérer ces ex-combattants résiduels. La CCSR a depuis lors réorienté ses missions vers la prise en charge et la resocialisation des « enfants en conflit avec la loi » communément appelés « microbes ».
Le DDR
Concernant le processus de désarmement, de 2012 à 2015, l’ADDR a indiqué avoir collecté 12 474 fusils d’assaut (Kalachnikov) dont 76,6% fonctionnels, 9 695 grenades, 1051 roquettes, 2018 obus, 2 667 741 munitions de petit calibre, 12 492 armes marquées au niveau des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) qui ont été collectées par l’ADDR et 2958 armements collectés par l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire (ONUCI), soit un total de 37 942 armements collectés. 
La Commission nationale de lutte contre les armes légères et de petit calibre (ComNat-ALPC), a 2012 à 2017, le bilan suivant : 12 913 armes collectées, 39 975 armes marquées, 18 216 armes détruites, dont 1526 mines anti-personnel.

  • Un bilan mitigé
Cinq années après le lancement de la RSS et deux ans après la fin officielle du DDR, la résolution des défis qui ont sous-tendu la mise en œuvre de ces processus interrogent quant à leur efficacité. Car la RSS, qui intégrait le DDR, se voulait holistique, et ambitionnait d’impulser l’émergence d’une Côte d’Ivoire nouvelle. Par la mise en œuvre, à court, moyen et long terme, de 108 réformes axées autour de six piliers que sont : la Sécurité nationale; la Reconstruction post-crise ; l’Etat de droit et les relations internationales ; le Contrôle démocratique; la Gouvernance économique ; la Dimension humaine et sociale.
Malgré les nombreux efforts fournis par le gouvernement au sortir de la crise postélectorale de 2011 pour normaliser la situation au niveau sécuritaire, politique, économique et social. Avec de nombreux voyants au vert au niveau macro-économique notamment, avec des taux de croissance tournant autour de 8%. Et un indice général de sécurité qui est passé de 3,8% en janvier 2012 à 1,2 en décembre 2016. Force est de constater que de nombreux défis perdurent avec acuité, créant un sentiment de confusion et de grande incertitude alimentées notamment par les mutineries et mouvement d’humeur à répétition des soldats et des ex-combattants en mal de resocialisation. En effet, les mutineries de janvier et de mai 2017 du contingent des 8400, et la tentative réprimée du contingent des 2600, sont venues mettre en lumière la délicatesse du processus de sortie de crise en Côte d’Ivoire.
D’autant que les défis auxquels la Côte d’Ivoire doit faire face sont nombreux. Ce sont, pêle-mêle : Le déficit de contrôle des armes ; la redistribution inéquitable des richesses ; la question de la terre ; les rivalités politiques au sommet de l’Etat ; l’immigration ; la question identitaire ; la réconciliation nationale ; la corruption endémique ; la défaillance du système judiciaire ; la question des dozos ; le phénomène des « microbes » ; le phénomène des coupeurs de route ; le chômage des jeunes avec plus de 6.000.000 de jeunes en situation de sous-emploi ou de non-emploi ; les processus électoraux qui sont sources de tensions et de violences ; la violence comme moyen d’expression ; le délitement de l’autorité de l’Etat…

  • Conclusion
A ces défis, qui s’apparentent à de véritables périls, la réponse doit résider dans la justice sociale, le respect de la diversité ethnique, culturelle, politique et religieuse. Dans une gouvernance politique, sociale, économique, sécuritaire inclusive et responsable.

Michèle Pépé

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Sous cette rubrique, nous vous proposons des documents de provenance diverses et qui ne seront pas nécessairement à l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu'ils soient en rapport avec l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et des Ivoiriens, ou que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à faciliter la compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la « crise ivoirienne ».

Source : http://serentinews.com 18 avril 2018

mercredi 9 mai 2018

Que reste-t-il d’Houphouët et de l’houphouétisme ?

N'Datien Séverin Guibessongui
L’avenir politique de la Côte d’Ivoire semble graviter autour du personnage d’Houphouët-Boigny. Lapalissade pour certains, erreur pour d’autres. Les premiers, qui prennent pour vérité absolue l’houphouétisme comme étant le sens de l’histoire, considèrent que les idées d’Houphouët sont vivantes, actuelles et futuristes. Selon ces derniers, l’houphouétisme seraient un facteur de rassemblement politique de nature à constituer un socle intemporel de stabilité politique et institutionnelle nécessaire pour assurer un développement durable de la Côte d’Ivoire. Dans ce sens, les disciples de « l’apôtre du dialogue et de la paix » pensent que les idées houphouétistes sont cohérentes et suffisantes pour être érigées au rang d’idéologie politique.
Les seconds considèrent que l’houphouétisme est un ensemble d’idées mortes, anachroniques ou qui encourent la caducité. Pour eux, il est temps que la messe de requiem de l’houphouétisme ou du système houphouétiste soit dite pour que s’ouvre une nouvelle ère plus adaptée à la sociologie politique et à l’évolution du temps.
Cette tribune n’a pas vocation à faire une incursion même furtive dans « la famille des houphouétistes ». Elle vise à observer les péripéties idéologiques de l’extérieur et non de l’intérieur et à regarder dans les entrailles de la société ivoirienne, les lignes idéologiques latentes ou patentes, naissantes ou en gestation.
Au-delà de l’élan de rassemblement des « enfants spirituels d’Houphouët », on peut observer des prémisses de voies idéologiques embryonnaires parallèles à l’houphouétisme. Ce bouillonnement politique est-il idéologique, doctrinal ou générationnel ?
On peut observer que les idées houphouétistes ont un terreau plus favorable dans le cercle des sexagénaires, septuagénaires et octogénaires. Les membres de ce cercle ont en commun d’être nés avant ou pendant l’indépendance de la Côte d’Ivoire. Dans ce cercle, l’houphouétisme est concentré ou exacerbé. Une maxime pourrait le résumer : « Point de salut hors de l’houphouétisme ». Selon eux, l’houphouétisme serait le seul chemin qui mène au paradis politique. Ici, l’idéologie houphouétiste aurait son berceau au sein d’une génération. On peut donc percevoir le lien étroit entre l’idéologie et la génération.
On peut toutefois observer dans cette génération des fêlures idéologiques apparues dès les années 90. Les tenants de ces lignes idéologiques aux antipodes de l’houphouétisme ou qui étaient les maîtres à penser d’une alternative idéologique de gauche, avaient pour leaders Laurent Gbagbo, Bernard Zadi Zahourou, Francis Wodié et bien d’autres. Tous ont par la suite connu des fortunes politiques diverses dont la tiédeur contrastait avec la vigueur de leur idées politiques.
Par ailleurs, les années 90 ont pu faire apparaître une autre mouvance politique nourrie au syndicalisme et pétrie d’un syncrétisme idéologique. Élèves ou étudiants à cette époque, ce qu’il convient d’appeler la génération du multipartisme n’a pas été nourrie aux idées houphouétistes. Cette génération, à peine sortie de l’adolescence a, dans un élan juvénile ou s’entremêlait insouciance et désir de se forger un esprit politique, combattu Houphouët en rejetant en cœur ses idées. On observe d’ailleurs que cette génération, devenue quadragénaire et quinquagénaire, ne soit pas appâtée par l’houphouétisme ou soit de marbre face à l’houphouétisme. Si l’houphouétisme est introuvable dans cette génération des années 90, dite génération zouglou, peut-on en conclure à une absence d’idéologie ? À l’analyse, on peut observer à travers les affinités politiques et générationnelles qu’il se susurre une idéologie en gestation aux contours non définis. Vous aurez encore perçu le lien entre idéologique et génération.
Enfin, quid de la génération née après la mort d’Houphouët-Boigny ? Cette génération des moins de trente ans qui constitue soixante-cinq pour cent (65%) de la population ivoirienne semble avoir décroché de la politique pour se réfugier dans la virtualité du numérique. Sans doute veut-elle développer une idéologie numérique. Qu’elle soit une génération numérique parce que vivant dans le tout connecté ou une génération « coupé-décalé » parce qu’ayant eu son enfance ou son adolescence bercée par ce rythme musical, il semble qu’elle n’a pas pris la pleine mesure de son poids démographique et politique.
On peut observer toutefois que s’il y a « quelque chose » d’Houphouët-Boigny, même dilué, dans la « génération du multipartisme », il n’y a rien d’Houphouët-Boigny dans la « génération coupé-décalé ». On aurait donc trois cercles : celui de l’houphouétisme concentré ou exacerbé, celui de l’houphouétisme dilué et celui de l’houphouétisme inexistant ou introuvable. Mais ces trois cercles, qui ne sont pas entourés de cloisons étanches, peuvent s’interpénétrer et se féconder idéologiquement. Dans ce contexte, l’idéologie triomphante qui devra orienter le devenir de la Côte d’Ivoire peut-elle demeurer l’Houphouetisme ? Ou, quelle serait l’offre idéologique concurrente ?

N’Datien Séverin Guibessonui, Docteur en Droit, Avocat.
Titre original : « Héritage de l’houphouétisme. L’honorable Guibessongui prend position ».

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Source : https://news.abidjan.net 3 mai 2018

vendredi 4 mai 2018

« Maduro a derrière lui le parti le plus important d'Amérique latine »


INTERVIEW DE JORGE RODRIGUEZ, MINISTRE DE L'INFORMATION DU VENEZUELA
Photo Ricardo Rojas. Reuters
Ministre de l’Information du gouvernement bolivarien (socialiste) du Venezuela, Jorge Rodríguez, 52 ans, est un des personnages les plus médiatiques du régime fondé par le défunt Hugo Chávez. Psychiatre de formation, il anime chaque semaine le talk-show télévisé la Politique sur le divan. Il est aussi directeur de campagne de Nicolás Maduro, candidat à sa réélection pour la présidentielle du 20 mai. Libération la rencontré lors de sa récente visite à Paris.

Le président Nicolás Maduro se dit certain de sa réélection le 20 mai. Partagez-vous cet optimisme ?
L’élection de l’Assemblée constituante, en juillet 2017, a permis de mettre fin à un cycle de violences qui a fait 139 morts. Le président Maduro a proposé la paix, et la paix est arrivée. Cela a généré dans la population le sentiment que, malgré toutes les difficultés que nous rencontrons, malgré la guerre économique brutale que nous subissons, la seule proposition crédible pour résoudre nos problèmes est celle du président Maduro. Nos victoires ces derniers mois lors des élections des gouverneurs et des maires l’ont confirmé. Tous les sondages montrent une hausse très nette des opinions favorables au Président. Nous disposons en outre d’une machinerie politique très puissante : le Parti socialiste unifié du Venezuela (PSUV), présidé par Nicolás Maduro. Avec plus de 6,5 millions dadhérents, sur une population de 30 millions et 20,5 millions de votants, nous sommes le parti politique le plus important dAmérique latine. Toutes les forces de gauche sont unies derrière Nicolás Maduro, soit neuf partis : communistes, évangéliques, sociaux-démocrates Par conséquent, nos possibilités de victoire en mai sont très élevées.

L’opposition boycotte le scrutin, en invoquant des obstacles qui auraient empêché les candidatures de ses principaux dirigeants. En outre, la MUD, coalition de l’opposition, n’est pas autorisée à présenter un candidat. Pourquoi ?
Au Venezuela, il y a dix-huit partis inscrits au registre national. Quinze d’entre eux seront représentés le 20 mai. On prétend que certains partis ou candidats ont été empêchés de participer. Si c’est arrivé, ce n’est pas du fait du gouvernement. Le chargé d’affaires de l’ambassade des Etats-Unis, Todd Robinson, a fait du porte-à-porte, s’est rendu chez Henry Ramos Allup, précandidat d’Action démocratique [droite, ndlr], et lui a dit : « La position de mon pays est que vous ne preniez pas part à l’élection ». Plusieurs témoignages laccréditent. Enfin, certains partis ne peuvent pas participer car, ayant boycotté un scrutin précédent, ils devaient passer par une formalité très simple : recueillir les signatures de 0,5% des votants inscrits. Ils ne lont pas fait.

Mais pourquoi les principales figures de l’opposition seront-elles absentes du scrutin ?
De quels candidats me parlez-vous ? Leopoldo López et Henrique Capriles ? López [du parti Voluntad Popular] a lancé des appels publics à la violence en 2012, avec le résultat de 42 morts. La procureure de l’époque, et elle seule puisque laction pénale est exercée par le parquet, en aucun cas par le pouvoir politique, a inculpé López et un tribunal la condamné. La commission vérité de lAssemblée constituante a recommandé lan dernier daccorder à Leopoldo López une mesure de substitution à lemprisonnement. Il finit de purger sa peine chez lui, entouré des siens. Le cas de Capriles n’a rien à voir ni avec la justice ni avec la politique. La Cour des comptes a mis au jour des manquements importants dans son activité de gouverneur, et il a été puni comme la loi le prévoit. Tous les autres responsables de l’opposition pouvaient être candidats. Dont Ramos Allup, qui en a été empêché par Robinson.

L’opposition pointe le manque de transparence du système électoral…
Un accord auquel nous sommes parvenus lors des pourparlers avec l’opposition en République dominicaine assurait toutes les garanties électorales, dont seize audits indépendants du système de vote automatique. C’est le système de vote le plus transparent et efficace du monde, ce n’est pas nous qui le disons mais [l’ancien président des Etats-Unis] Jimmy Carter et sa fondation.

Se mesurer à une opposition affaiblie, vous trouvez que c’est sain pour une démocratie ?
Je ne crois pas que l’opposition soit affaiblie. Un pourcentage important des Vénézuéliens est contre le modèle chaviste et la candidature de Maduro. L’appel des chefs de l’extrême droite à la non-participation est une manœuvre détestable. Leurs électeurs veulent participer. Quelle alternative proposent-ils au vote ? La violence ? Un coup dEtat militaire ? Lagression dun pays étranger ? Toutes les garanties sont réunies pour un vote propre, pourquoi refuser daller aux urnes ?

Vous êtes ministre de la Communication et de l’Information. Or plusieurs journaux non-gouvernementaux ont dû cesser de paraître faute de papier.
Il est vrai que nous rencontrons des difficultés d’approvisionnement. Ça n’a rien à voir avec la politique, ou alors c’est à cause de celle de Donald Trump et de Mariano Rajoy. Les sanctions unilatérales des Etats-Unis et de l’Europe nous empêchent de payer nos fournisseurs, en Espagne et au Canada. Mais je peux vous assurer qu’un chargement important arrive ces jours-ci. Ce papier sera vendu à des prix subventionnés à tous les journaux privés, pour la plupart d’opposition.

…On a brûlé vifs des gens parce que leur peau foncée les rendait suspects d’être chavistes

Pourquoi le Venezuela a-t-il une si mauvaise image à l’extérieur ?
Parce que nous sommes victimes d’une brutale agression de la part de certains acteurs médiatiques internationaux. Nous avons publié des données il y a quelques jours. Certains médias ont consacré 77% de leur espace à agresser le Venezuela. Lan passé, en Espagne, ont été publiés 3 880 articles contre le Venezuela. Le quotidien El País publie un article défavorable toutes les 36 heures. Cest à se demander si pour ces médias espagnols, le Venezuela nest pas plus important que leurs affaires internes.

Dans quelle mesure votre gouvernement accepte-t-il les critiques ? Pour prendre un exemple, dans l’émission de télévision Con el mazo dando (« je frappe avec la massue »), les attaques verbales contre toute forme d’opposition sont d’une violence inouïe.
Ne confondez pas la diatribe politique, avec des mots durs et parfois, peut-être, inconvenants, et des actes qui se rapprochent dangereusement du fascisme. Nous, chavistes, n’avons jamais tenu de discours de haine en raison de l’appartenance politique, de la condition sociale ou raciale, du genre. Ces facteurs de haine ont été propagés par la droite. On a créé une situation de guerre psychologique où le moindre fonctionnaire de l’Etat devient une cible désignée à la vindicte publique, ainsi que sa famille. Cette violence-là a atteint des niveaux hallucinants, on a brûlé vifs des gens parce que leur peau foncée les rendait suspects d’être chavistes. Ce racisme brutal et avéré aurait dû être dénoncé par tous les gens de bien dans le monde.

Mais vous donnez l’impression de voir un complot impérialiste derrière la moindre critique…
Critiquer le gouvernement est une chose. Nous acceptons et prenons compte des critiques, et Dieu sait que nous avons le cuir tanné à force d’en entendre. Mais la manipulation et le mensonge, c’est autre chose. « Des millions de Vénézuéliens manifestent ». Faux ! « La population meurt de faim ». Faux ! « Urgence humanitaire ». Faux ! Lintention derrière tout ça, cest créer le climat propice à une intervention étrangère.

Selon vous il n’y a pas d’urgence humanitaire au Venezuela ?
Non. En droit international, l’urgence humanitaire correspond à deux cas : une guerre civile ou une catastrophe naturelle. Le Venezuela n’est dans aucune de ces situations.

Quand la presse parle de graves pénuries d’aliments et de médicaments, elle ment ?
Les problèmes existent et nous ne les nions pas. Le prix du baril de pétrole, qui avait atteint 120 dollars, sest effondré, passant au-dessous des 30 dollars, notre prix de revient. Malgré cela, nous navons jamais cessé de protéger la population. 34% du budget national est investi dans l’éducation, la santé, lalimentation. On n’a pas fermé une seule école au Venezuela, ni une université, ni un hôpital. La pénurie d’aliments s’explique par la contrebande. 60% de la nourriture achetée par lEtat pour satisfaire aux besoins de la population était détournée vers la Colombie mais aussi les Caraïbes, et ça n’est pas fini. Le combustible vendu par les stations-service de Colombie provient de la contrebande. Si nous pouvions disposer de largent qui nous appartient, toutes nos nécessités en matière dalimentation seraient pourvues. Mais de fortes sommes sont sous séquestre, comme les 1 500 millions de dollars que retient [lagence financière] Euroclear.

La Colombie est un bouc émissaire facile.
Pas du tout. 12% des Colombiens vivent sur notre territoire, soit 5,8 millions de personnes. Nous les avons accueillies à bras ouverts, leur avons offert la santé, l’éducation gratuite pour leurs enfants, le logement… Nous avons demandé mille fois au président Santos qu’il agisse contre la contrebande d’aliments, de combustible et de médicaments, mais il continue à fermer les yeux.

Mais ni la Colombie ni les Etats-Unis ne sont responsables de la faible production nationale d’aliments.
Nous sommes d’accord, le pays doit produire davantage, et le nouveau schéma que propose le président Maduro repose sur la substitution du modèle rentier pétrolier par une économie diversifiée. Aujourd’hui, la situation s’améliore, les étagères des supermarchés, fréquentés par la classe moyenne, sont pleines. Quant aux classes populaires, celles qui souffrent le plus de l’inflation induite, nous leur apportons à domicile, chaque mois, un colis avec 18 produits de base. Six millions de foyers en bénéficient.

Des produits exportés. N’est-il pas dramatique qu’après dix-neuf ans de chavisme, le pays soit si loin de la souveraineté alimentaire ?
En dix-neuf ans de pouvoir chaviste, nous avons fait passer le taux de pauvreté de 74% à 26%, la mortalité infantile de 23 à 12 pour mille, la scolarisation de 74% à 94%. Avant 1999, la moitié de la population navait jamais bénéficié de soins de santé publique. Aujourd’hui ils sont quasiment 100% à avoir un médecin près de leur domicile.

Des médecins cubains, la plupart du temps…
Non, la grande majorité sont désormais vénézuéliens, car Hugo Chávez avait lancé un vaste programme de formation. Sans nier l’aide immense que nous ont apporté dans les missions médicales les présidents Fidel et Raúl Castro, que nous ne remercierons jamais assez. Je reprends. Nous avons construit deux millions de logements en sept ans. Et pour identifier les besoins de la population, nous avons créé la « carte de la patrie », qui utilise la technologie du code QR. Voilà pour le bilan du chavisme.

Est-il vrai que la «carte de la patrie», utilisée comme carte électorale électronique, garde la trace de chaque vote ?
C’est absurde. 16,8 millions de personnes en bénéficient, et il y a vingt millions dinscrits sur les listes électorales. Nous naspirons pas à obtenir seize millions de voix. La carte est distribuée à tous ceux qui y ont droit sans la moindre considération partisane.

Comment voyez-vous l’avenir ?
Nous sommes en passe de résoudre de façon définitive les pénuries. Le problème alimentaire est en bonne voie, en quelques mois nous aurons résolu le manque de médicaments. Avec la correction des déséquilibres macroéconomiques en cours, la réforme monétaire qui va intervenir dans les trois mois [création d’un nouveau peso pour combattre l’hyperinflation], l’émission de la cryptomonnaie petro, la nouvelle loi dinvestissement étranger, je suis persuadé que nous allons redresser la situation. Les mesures que prépare le président Maduro vont parachever la stabilisation de l’économie, et nous nous dirigeons vers une période de profonde prospérité économique. Souvenez-vous de mes paroles.

Et si vous perdez l’élection du 20 mai ?
[Rires.] Dans ce cas je compte sur les pays occidentaux pour ne pas reconnaître les résultats ![i]

Propos recueillis par François-Xavier Gomez

Source : http://www.liberation.fr 6 avril 2018

([i]) Plusieurs pays ont annoncé qu’ils ne reconnaîtraient pas le résultat d’un scrutin qu’ils estiment truqué.