vendredi 30 novembre 2018

Renouer avec soi-même

Statuettes béninoises en bronze au musée du quai Branly.
Crédits: © Olivier Laban Matte
Durant la traite négrière, puis la colonisation, l’on se persuada que le Noir était à peine un homme. Il le fallait pour que des chrétiens, comme les Européens se définissaient, puissent en faire des esclaves et les traiter de façon totalement inhumaine comme ils le firent sur les terres d’Amérique puis en Afrique par la suite.
C’est ainsi que Montesquieu, qui était l’un des esprits les plus brillants de son époque, écrivit ces lignes : « On ne peut se mettre dans l’esprit que Dieu, qui est un être très sage, ait mis une âme, surtout une âme bonne, dans un corps tout noir… Il est impossible que nous supposions que ces gens-là soient des hommes; parce que, si nous les supposions des hommes, on commencerait à croire que nous ne sommes pas nous-mêmes chrétiens ».
La traite négrière consista à enlever le Noir de sa terre et à l’envoyer dans un autre monde. La colonisation, elle, se passa en Afrique. On ne déplaça pas le Noir, mais on détruisit tout ce qui faisait de lui un homme autonome, à savoir sa spiritualité et sa culture. On réussit à convaincre une bonne partie des Africains qu’ils étaient naturellement inférieurs aux maîtres blancs, et que tout ce qui faisait leur spécificité, à savoir leur couleur, la forme de leur nez, leurs cheveux, leurs cultes et leur culture étaient sauvages, démoniaques.
Alors, on nous débarrassa de tous nos objets cultuels et culturels pendant que nous-mêmes détruisions le reste. Il y eut des prédicateurs chrétiens africains qui sillonnèrent des villages pour détruire par le feu ce qu’on appelait les fétiches. Une bonne partie fut emportée par les Européens chez eux, souvent offerte ou bradée par nous-mêmes. Des musées entiers leur ont été consacrés et ces objets leur ont servi à faire progresser leur art.
Pablo Picasso, qui fut certainement l’un des plus grands artistes européens de tous les temps, n’a jamais caché qu’il fut influencé par ce qu’on appelait l’art nègre. Il ne fut pas le seul.
Pendant ce temps, en Afrique, nos musées dits des « civilisations africaines » sont désespérément vides et souvent mal entretenus. Parce que personne n’a envie d’aller voir ce qui symbolisait la « sauvagerie» de sa race. Nous sommes encore nombreux à croire au fond de nous que nos cultures sont les manifestations de notre barbarie. Nous préférons emplir les églises, temples et mosquées, hauts lieux où se manifestent les « vraies civilisations ».
L’Africain a renoncé à tout ce qui fait sa spécificité d’être humain au milieu des autres. Certains vont jusqu’à récuser leur couleur, leurs cheveux et la forme de leur nez. Nous nous excitons cependant de temps en temps, lorsque nous apprenons que certains de nos objets emportés par les Européens sont vendus à des millions de dollars ou d’euros. Nous découvrons alors qu’ils ont de la valeur. Nous réclamons leur retour. Mais le souffle retombe bien vite. Nous ne réalisons pas que c’est une partie de notre âme et de notre histoire, c’est-à-dire une partie de nous-mêmes, que nous avons laissée partir avec ces objets.
Nous ne réalisons pas encore que l’Afrique ne retombera jamais sur ses deux pieds tant qu’elle n’aura pas renoué avec elle-même. Nous continuerons de patauger et d’être la proie de tous les prédateurs, tant que nous ne serons pas redevenus nous-mêmes. Etre soi-même ne signifie nullement être fermé à toutes les autres cultures. L’Africain qui a su apprivoiser une bonne partie des cultures européennes, arabes et asiatiques serait l’être le plus complet et le plus à même de faire face aux défis qui nous attendent, si seulement il acceptait d’être d’abord lui-même.
Le président français a accepté de restituer aux Africains une partie des objets cultuels et culturels dont ils ont été spoliés. Prenons toutes les dispositions pour les accueillir afin que les générations actuelles et futures puissent réellement renouer avec cette partie d’elles-mêmes.

Venance Konan

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Sous cette rubrique, nous vous proposons des documents de provenance diverses et qui ne seront pas nécessairement à l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu'ils soient en rapport avec l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et des Ivoiriens, ou que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à faciliter la compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la « crise ivoirienne ».

Source : Fraternité Matin 29 novembre 2018

jeudi 22 novembre 2018

« Servir dans la police est un honneur »


École Nationale de Police de Bégoua, samedi 17 Novembre 2018.
Le professeur Faustin Archange Touadera, président de la République Centrafricaine,
a présidé la cérémonie de fin de formation des élèves gardiens de la Paix. © Présidence par DR 

Allocution du président Faustin-Archange Touadera lors de la cérémonie de fin de formation des élèves gardiens de la paix.

Mesdames et Messieurs, Distingués invités,

Je suis heureux de présider personnellement aujourd’hui la cérémonie de fin de formation des jeunes centrafricains recrutés pour renforcer les rangs de nos forces de sécurité intérieures, affaiblies des suites des dures épreuves qui ont ébranlé les fondements de notre chère patrie.
En accédant à la magistrature suprême de l’Etat, je me suis engagé à faire de la sécurité l’une de mes priorités.
C’est pourquoi, j’ai instruis le gouvernement de renforcer, redéployer et redimensionner nos forces de sécurité intérieures en vue d’un maillage territorial.
Grâce au concours des partenaires, un recrutement a été organisé, prenant en compte toutes les sensibilités régionales, ethniques, religieuses ainsi que la question de genre.
L’objectif recherché est de permettre au pays de disposer d’une police républicaine, professionnelle, inclusive, de proximité et respectueuse des droits humains.
Ainsi, cinq cent (500) élèves policiers et gendarmes ont été sélectionnés parmi les candidats pour intégrer les deux écoles.
Je viens de présider une cérémonie similaire qui marque la fin de la formation des élèves gendarmes.
Nous sommes réunis ici, à l’Ecole Nationale de Police pour la cérémonie de sortie des élèves gardiens de la paix.
M’adressant à vous, jeunes Gardiens de la Paix, vous avez librement choisi de servir votre pays, la République Centrafricaine. Vous avez librement choisi, et je l’espère par vocation, de revêtir l’uniforme de la Police centrafricaine afin d’assumer les risques pour la sécurité de vos concitoyens, pour maintenir l’ordre public, pour garder la paix.
Comme l’indique la devise de la police centrafricaine, « Servir dans la police est un honneur ». Vous devez être fiers de votre choix.
Servir dans la police est un honneur reviendrait à observer scrupuleusement la discipline, la déontologie policière ainsi que les valeurs et les devoirs qui contribuent à la reconnaissance du métier par la population.
Vous avez décidé de consacrer votre vie à la protection des personnes et des biens. C’est un sacerdoce.
Vous n’avez pas choisi de servir dans la Police pour devenir riches.
Vous avez plutôt choisi la Police pour assurer entre autres, le maintien de l’ordre public, pour assurer la sécurité quotidienne de vos concitoyens, pour lutter contre l’insécurité routière, les drogues et les stupéfiants, les violences de tout genre et la délinquance qui constituent aujourd’hui des causes de nombreux accidents de circulation et de mortalité dans notre pays.
Les écarts de conduite ne seront plus tolérés. Comme je l’ai rappelé aux nouveaux promus de la Gendarmerie, les rackets sur les paisibles [populations] déjà ruinées par la crise, les abus d’autorité et tout acte de nature à compromettre la tranquillité des citoyens seront sévèrement punis.
A l’occasion, j’instruis fermement les supérieurs hiérarchiques d’appliquer sans complaisance les règles de l’art qui régissent la Police centrafricaine.
Je félicite le comité d’organisation et le cadres qui n’ont ménagé aucun effort pour la réussite de cette formation. Je les exhorte à poursuivre dans la même dynamique pour les prochains recrutements.
Je tiens à remercier les partenaires internationaux, en l’occurrence la France, les Etats-Unis d’Amérique, la Chine, la Russie, la MINUSCA, le PNUD, l’Union Européenne et Peace Building Fund pour leur appui multiforme.
Nous comptons toujours sur la solidarité internationale agissante pour renforcer les capacités de nos forces de sécurité intérieures.
Jeunes promus, nous comptons sur vous pour rétablir l’ordre et la sécurité, pour rechercher et garder la paix. C’est une grande responsabilité qui vous attend, dans le contexte particulier de notre pays.
Mais le Gouvernement ne ménagera aucun effort pour vous accompagner dans cette mission.
Je vous souhaite bonne chance dans votre carrière.
Je vous remercie.

Source : https://centrafriqueactu.com 21 novembre 2018

mardi 20 novembre 2018

Les impressions de lecture d’Habib Kouadja


A propos d’Un pompier pyromane…

Si les audiences du procès de la Haye continuent de replonger les Ivoiriens  dans la crise politique qu’a connue leur pays, la production de livres qui lui sont dédiés, continue de nourrir le débat sur cette dernière.

Le  dernier de cette série, Un pompier pyromane, écrit par Raphaël Granvaud et David Mauger, et publié aux éditions Agone, semble s’être donné pour objectif de présenter, comme un autre livre[1] avant lui, un dérouler de la crise ivoirienne.

A part quelques poncifs qui semblent avoir la vie dure chez les Occidentaux, et quelques informations qui pourraient créer le doute chez le lecteur peu prudent, ce livre qui se lit facilement, pourrait faire l’objet de discussions, entre observateurs de la situation politique du pays des éléphants.

*
Dans l’installation du décor dans lequel devait se développer leur récit, les auteurs ont essayé de faire un résumé de l’histoire politique de la Côte d’Ivoire. Malheureusement, la reprise par eux de certains poncifs et mensonges, comme « La très grande majorité adopte la ligne « réaliste » définie par Houphouët,… »[2], pourrait laisser le lecteur un peu penaud. En effet il peut paraître bizarre que l’on se donne pour objectif de faire la lumière sur les mauvais agissements de la France en Côte d’Ivoire, et par la même occasion, justifier les causes de ces agissements. La période passée sous silence, pour ne pas dire zappée, par ces auteurs est bien la période 1949-50. En ce début d’année 1949, au cours du 2ème[3] Congrès  interterritorial du RDA[4], Houphouët et sa ligne « réaliste » furent déjà mis en minorité. Il arriva à ses fins, après l’arrestation des dirigeants pro-indépendantistes de la section ivoirienne[5] du RDA, tombés dans ce qui ressemble bien à un  traquenard[6], le 6 Février 1949. Les « irréductibles » en prison, l’exposition de cette soit disant ligne réaliste, née de ce que son géniteur appellera euphémiquement « repli tactique »[7], sera le milieu de culture dans lequel se développeront les relations ivoiro-françaises, objet de ce livre, et dont la quête d’un nouveau « masque » est à la base de la vraie-fausse crise ivoiro-ivoirienne de 2002. Il ne s’agissait donc pas d’une quelconque très grande majorité, mais tout simplement de la branche collaborationniste du mouvement indépendantiste ivoirien. Si cette grande majorité, avait existé, comment s’expliquer alors la naissance de la JRDACI[8] ; la défaite du candidat de la  très grande majorité, Auguste Denise, face au candidat de la minorité, et ancien prisonnier du 6 Février 1949, Jean Baptiste Mockey, au 3ème Congrès du PDCI-RDA de 1959 ? L’usage de la force par les pseudo-majoritaires, par le biais des complots de 1963 pour remettre en prison les pseudo-minoritaires ? Non, s’il y a eu majorité à cette période de l’histoire de la Côte d’Ivoire, elle était forcément du côté des indépendantistes ivoiriens.

Le lecteur pourra aussi constater que la facilité avec laquelle les auteurs acceptèrent cette version française des évènements du 6 février 1949, semble être la même avec laquelle la supposée xénophobie des Ivoiriens est acceptée et avalisée d’eux. Grâce à quelques phrases glissées ici et là dans leur texte, l’on a l’impression que la version européenne de l’ivoirité à valeur d’axiome pour ne pas dire de dogme. Sinon comment peut-on s’expliquer qu’avec tout ce temps passé, des journalistes d’investigation n’aient pu démêler le vrai du faux de cette affaire d’ivoirité et donc de xénophobie des Ivoiriens ? Lire des phrases comme : « Il n’empêche que chacune de ces dispositions ne vise qu’à exclure Ouattara du prochain scrutin, et qu’on recourt pour les justifier à une rhétorique et une politique de plus en plus xénophobes »[9] ou encore « Sous Bédié est remis à l’honneur le concept d’« ivoirité », par opposition aux étrangers d’abord, puis pour distinguer les vrais Ivoiriens, ou Ivoiriens de souches, des faux Ivoiriens ou Ivoiriens de circonstances. »[10] C’est croire que Boa Ramsès, universitaire ivoirien, n’a jamais rien écrit[11] sur le sujet. On a même l’impression que tout le monde doit et peut parler de ce sujet, surtout les étrangers, mais pas les Ivoiriens. D’ailleurs, cette histoire d’« ivoirité » fait penser au débat sur la déconnexion de l’économiste marxiste Samir Amin. Ayant défini ce concept comme un devoir pour les pays de la périphérie de soumettre leurs relations économiques internationales aux besoins de leurs économies nationales, les tenants du discours libéral, au nom de leur appartenance au cercle de la raison, dénièrent au concepteur la définition de son concept pour faire de ce dernier le synonyme de l’autarcie. Malgré la sortie, en 1985, par cet économiste, d’un livre ayant même pour titre la déconnexion, la définition mensongère de ses adversaires libéraux continua à  exister dans nos amphithéâtres.

Pour un livre riche en anecdotes sur la Françafrique, et qui s’est donné pour objectif de montrer les rôles de pyromane et de pompier de la France, le lecteur, se fut notre cas, aura parfois l’impression que dans la description du rôle de pyromane, une place est faite à la nuance. Plus précisément, on a l’impression que la rébellion qui endeuilla la Côte d’Ivoire depuis le 19 Septembre 2002 est l’œuvre d’un monsieur, Blaise Compaoré, et que cette macabre entreprise ne sera récupérée par la France qu’au fil du temps. Affirmer que « Pour comprendre les raisons qui ont amené les autorités françaises à susciter ou laisser faire un coup d’État contre Gbagbo, il est d’abord nécessaire de revenir sur les intérêts français que ce dernier menaçait de bousculer »[12], c’est laisser entrevoir l’existence d’une autonomie de Blaise Compaoré, et cela est trop gros pour être avalé. Pour ce que représente la Côte d’Ivoire dans l’économie régionale, la modestie des moyens financiers du Burkina-Faso, et à voir la manière dont la France exfiltra ce monsieur de son pays après sa chute, insinuer que Blaise Compaoré a pris de façon autonome la décision d’attaquer la Côte d’Ivoire sans l’autorisation de la France est impossible. Pour aller même plus loin, en ce temps de débats sur le Franc CFA, la remarque suivante pourrait aider le lecteur à nous saisir : si la zone CFA d’Afrique de l’Ouest, jouissait d’une autonomie dans la gestion de cette dernière, le 20 septembre 2002, c’est à dire le lendemain du début de la crise, tous les autres pays de cet ensemble, auraient fondu sur le Burkina-Faso pour lui régler son compte[13]. Si ça n’a pas été le cas, c’est tout simplement parce que ces derniers et surtout le cogérant de cette zone, ont avalisé ce projet de déstabilisation. A vrai dire, l’avis du cogérant français est le seul requis dans cette zone, au regard du « spectacle » proposé lors de la dévaluation de 1994.

Passé cette escale dans la sphère économique, nous continuons à affirmer que la France est l’instigatrice de cette rébellion et ce ne sont pas des  histoires comme celles du sieur Christian Dutheil de la Rochère à Lomé qui pourraient nous faire changer d’avis. Selon nos auteurs, « Dans la foulée, la France annonce qu’elle dépêche un « observateur » aux négociations : Xavier[14] Dutheil de la Rochère, ancien ambassadeur de France en Côte d’Ivoire. Mais ce dernier n’est pas sur la longueur d’onde souhaitée : dans ses comptes rendus confidentiels, il dénonce le rôle du « président Blaise Compaoré, qui veut mettre “l’un de ses frères” au pouvoir à Abidjan, à savoir Alassane Dramane Ouattara !, rapporte La Lettre du continent »[15]. De deux choses l’une : soit M. Dutheil de la Rochère n’est pas un diplomate et il est allé à Lomé à son propre compte, soit cette anecdote tirée de La Lettre du Continent est une fake news, qui avait pour objectif de détourner les regards rivés vers la France des observateurs avertis. Ça ne pourrait pas être la première hypothèse, car ce monsieur est un ancien ambassadeur de France, dont le CV[16] nous dit qu’il est tout sauf un nouveau venu en diplomatie. Surtout,  dans celle de son pays en Afrique. Ne l’aurait-on pas briefé avant de lui confier cette mission sur Lomé ? Incroyable ! Nous optons pour la deuxième hypothèse, c’est-à-dire pour le mensonge, présenté sous l’apparence d’une information diplomatique.

La lecture de ce livre, nous a aussi permis de dissiper des doutes et de renforcer certaines convictions. A l’époque du déroulement de cette funeste entreprise, nous avions certains doutes quant aux capacités militaires de cette bande de bidasses, venue endeuiller la Côte d’Ivoire. L’on présentait l’un des comzone[17] de la rébellion, Chérif Ousmane, comme celui-là qui avait « débarrassé » l’Ouest ivoirien des rebelles libériens. Nous trouvions à l’époque cette histoire surfaite, au regard des informations, sur les capacités intellectuelles du personnage. Nous fûmes rassurés de savoir que nos doutes se justifiaient en lisant que « L’Ouest ivoirien est « nettoyé » par les rebelles des éléments libériens et sierra-léonais récalcitrants, avec l’aide discrète de l’armée française »[18]. Et pour ceux qui douteraient encore du caractère politique de la dette, lire que : « Bercy laisse entendre que des arrangements pourront être trouvés concernant la dette ivoirienne et que les discussions avec le FMI vont pouvoir reprendre »[19] pourrait les aider à saisir le caractère politique de la dette.

Le lecteur pourra enfin, à l’occasion de sa lecture, se remémorer, des évènements qui se sont passés au cours de cette guerre franco-onusienne contre la Côte d’Ivoire. Pour  notre part, la lecture dans ce livre, de deux  histoires, nous ont permis d’analyser notre démarche pour le reste du chemin à parcourir. Ces deux histoires sont relatives à « l’affaire Julia » et à la gestion de notre ascendant juridique sur l’agresseur de Novembre 2004. On peut lire : « On apprend ainsi début octobre qu’il a aidé à l’organisation de la "mission Julia", du nom du député français qui a tenté de faire libérer les journalistes Christian Chesnot et Georges Malbrunot retenus en otage en Irak. À la manœuvre, "quelques anciens des réseaux Foccart qui circulent entre la Côte d’Ivoire et la France et qui poussent à la réconciliation entre Paris et Laurent Gbagbo" »[20] et, « En 2006, Gbagbo disposait notamment d’un rapport d’enquête sud-africain comprenant entre autres une expertise balistique à charge pour les militaires français. Il a également embauché un cabinet d’avocats britannique qui aurait "réuni suffisamment d’éléments pour entamer une procédure devant une juridiction indépendante". Mais le dossier restera à l’état de moyen de pression diplomatique. En 2010, Gbagbo a proposé à la France un règlement à l’amiable au sujet des massacres de civils commis par les forces françaises et a mandaté un cabinet canadien qui a remis à Paris un mémorandum dans lequel il était proposé de constituer une commission mixte chargée d’évaluer les réparations dues aux victimes. Cette proposition est restée lettre morte et, comme on le sait, le président ivoirien a été déposé par l’armée française l’année suivante »[21]. Ces évènements, qui peuvent paraître anodins, posent un problème, celui de la place de la rectitude dans la marche vers l’indépendance. Les coûts de cette marche s’évaluant malheureusement et habituellement en vies humaines, il importe de ne pas avoir au cours de cette marche des comportements qui frisent l’inconstance, voire la peur de se couper des causes de notre dépendance, de nos malheurs. L’indépendance de la Côte d’ Ivoire, n’étant pas encore chose acquise, sachons-nous servir de ces erreurs, pour le reste de la lutte.

H. KOUADJA 


[1]- France Côte d’ivoire. Une histoire tronquée, Fanny Pigeaud,  Editions Vents d’ailleurs, 353p,
[2]- P16
[3]- Du 3-6 Janvier 1949 à Treichville
[4]- Rassemblement Démocratique Africain
[5]- PDCI (Parti Démocratique de Côte d’Ivoire)
[6]- Marcel Amondji, Côte d’Ivoire le PDCI-CI et la vie politique de 1944 à 1945, Editions l’Harmattan, p51 et p58
[7]- Ibid., p51
[8]- Jeunesse R.D.A de Côte d’Ivoire
[9]- P24-25
[10]- P27
[11]- L'IVOIRITÉ ENTRE CULTURE ET POLITIQUE, Editions Harmattan 264p ; lire aussi article Ivoirité, Identité culturelle et intégration africaine : logique de dédramatisation d’un concept du même auteur en accès libre sur la toile.
[12]- P61
[13]- La traque de l’ETA (Organisation armée basque indépendantiste, opérant des deux côtés de la frontière franco-espagnole)  par la France  et l’Espagne, pourrait aider le lecteur à saisir le niveau de coopération qu’exige l’existence d’un instrument, réel, commun, et aussi important comme une monnaie
[14]- Il s’agit plutôt de Christian et non de Xavier Dutheil de la Rochère
[15]- P102
[16]- http://www.academieoutremer.fr/academiciens/fiche.php?aId=210
[17]- Néologisme de rebelles, signifiant commandant de zone
[18]- P173
[19]- P178
[20]- p191
[21]- P223

samedi 17 novembre 2018

« Force aux peuples » : Tout savoir sur le dernier-né des partis politiques ivoiriens


Vazoumana FONDIO
Interview de Vazoumana Fondio, « secrétaire général national » et porte-parole de « Force aux peuples ».

A quel besoin répond la création d’un nouveau parti politique ? Quelles offres politiques nouvelles proposez-vous ? N’est-ce pas un parti de trop ?
La Côte d’Ivoire vie manifestement une crise sociale et politique qui n’est pas nouvelle, mais qui s’aggrave gouvernance après gouvernance. La majorité des offres politiques existantes semblent tendre vers leurs limites en ce sens qu’elles n’arrivent pas à sortir la Côte d’Ivoire des crises systémiques et s’installent progressivement dans l’acceptation du clanisme, du clientélisme, de la corruption, du tribalisme etc.… il va bien falloir en sortir. C’est justement pourquoi, le 18 août 2018, nous avons créé « Force aux Peuples », qui est une initiative que nous voulons prendre avec les peuples en vue de la réalisation d’un Etat moderne et démocratique, dans leurs intérêts.

Pourquoi l’appellation « Force aux Peuples ». A-t-on besoin de force, là où les Ivoiriens ont vraiment trop souffert ?
Ils continueront justement de souffrir si la force appartient aux groupes qui gouvernent dans leurs seuls intérêts et de ceux de leurs amis et soutiens. En tant que le peuple ne devient pas le véritable souverain, le contrôle de la gestion publique est inexistant et la mauvaise gouvernance devient la norme. Rassurez-vous, nous parlons de force légitime, républicaine et souveraine, qui est au centre du sens profond de la démocratie et au cœur de la constitution.

Il y a déjà des partis se réclamant de la gauche en Côte d’Ivoire, le FPI, par exemple. Qu’est-ce qui peut bien faire la différence entre ces partis et le vôtre ?
La gauche est un grand ensemble qui comporte en son sein  plusieurs courants idéologiques. Nous, nous sommes de la gauche progressiste parce que nous avons décidé de remettre l’Etat au centre de la gouvernance avec pour ambition de réguler la société dans le but de réaliser les conditions du bien-être de nos populations. Nous croyons au libre marché dans une économie qui protège socialement ces populations. Nous pensons également que c’est à partir d’un peuple suffisamment protégé qu’on peut réaliser une économie dynamique, prospère et où les intérêts de tous sont sécurisés.

Quel bilan faites-vous de la gestion de la gauche au pouvoir de 2000 à 2010 ?
Le bilan de la gauche est aussi celui de la classe politique entière car le PDCI et le RDR ont participé à la gestion de grands ministères pendant cette période. Mais la responsabilité du FPI est plus grande. Il y a eu des insuffisances dues à la mauvaise gouvernance en bien des secteurs, le non-respect des droits de l’homme et les  quelques fondamentaux sociaux qui n’ont pas été mis en œuvre durant ces dix ans. Il en va ainsi de l’accès au logement, de l’égalité des chances dans le cadre du système éducatif et de l’accès pour tous aux soins de santé… Mais l’échec au niveau social résulte en partie de la crise militaro-civile déclenchée en 2002, qui a diminué les possibilités économiques du Pays.

Quel bilan faites-vous de la gestion des libéraux du RDR depuis 2011 à aujourd’hui ?
Le libéralisme est l’économie de marché avec une disparition progressive de la réglementation. Le parti au pouvoir et ses alliés auraient pu tenir compte du contexte social de l’après-guerre de 2011 avant de faire le choix de la gouvernance qui a été la leur, notamment les premières années. Seulement, tous les secteurs ont subi une libéralisation excessive, c’est le cas de l’éducation et de la santé. Dans un contexte ou la pression fiscale asphyxient les consommateurs et le monde des affaires. Notons également flambée plus qu’à l’ordinaire du prix du logement et des loyers. Le régime actuel est donc dans un libéralisme excessif, une mal gouvernance faite norme, et une absence de volonté d’une réconciliation inclusive et participative.

Monsieur Fondio, vous étiez Président du Comité Ivoirien des Droits de l’homme (CIDH). Votre casquette de militant des droits de l’homme peut-elle s’accommoder avec celle d’homme politique sous nos tropiques ?
Les premiers défenseurs des droits de l’homme sont en vérité les politiques. Les Partis politique sont des organisations transversales, donc qui touchent à toutes les questions inhérentes à la vie de la nation. Ils œuvrent pour le bien-être de la cité, ils sont donc au cœur de la défense des droits de l’homme. C’est donc une suite logique seulement a un niveau plus élevé. Le respect des droits de l’homme et l’effectivité de l’État de droit sont des exigences pour notre pays. Force aux peuples en fera, des priorités.

Si vous êtes le Secrétaire général, c’est qu’il y a un Président. Peut-on avoir son nom ?
Désolé. Vous devrez patienter jusqu’au lancement officiel des activités du Parti, prévu le 08 décembre.

Est-ce une personnalité déjà bien connue ?
Oui, c’est une personnalité connue des peuples en lutte. Il a pour mérite de connaître les Ivoiriens et leurs souffrances. C’est un enfant du grand peuple qui fréquenté nos écoles, dormi dans nos quartiers et qui travaille au quotidien aux côtés des populations.

A quelle coalition politique (RHDP unifié, PDCI-FPI, EDS, etc.) « Force aux Peuples » va-t-il s’affilier ?
La  politique obéit naturellement aux jeux  d’alliances mais notre organisation se reconnaîtra dans toute alliance qui mettra au-devant de son action les préoccupations majeures de nos peuples, à savoir l’emploi, le pain, le toit et les intérêts de la Côte d’Ivoire. En conséquence, nous sommes ouverts pour le travail de la transformation sociale de notre pays et nous travaillerons  avec toutes les formations qui s’y intéressent.

Dites-nous pour finir, le lancement de votre Parti est pour le 08 décembre 2018, qui est ce que vous attendez ?
Je vous remercie. Effectivement, le 8 décembre 2018, au Plateau, de 9h à 13h, nous lançons officiellement les activités de notre parti. Pour cela nous attendons, nos invités, les partis politiques, la société civile, les syndicats, la chefferie, la presse, nos militants et sympathisants. « Force aux peuples » se met à la disposition de  l’ensemble des Ivoiriennes et Ivoiriens et les invite à venir y militer massivement pour qu’ensemble nous travaillions pour notre chère Côte d’Ivoire.
Propos recueillis par Elvire Ahonon

EN MARAUDE DANS LE WEB
Sous cette rubrique, nous vous proposons des documents de provenance diverses et qui ne seront pas nécessairement à l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu'ils soient en rapport avec l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et des Ivoiriens, ou que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à faciliter la compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la « crise ivoirienne ».

Source : https://www.ivoiresoir.net 16 novembre 2018

vendredi 16 novembre 2018

Daniel Anikpo, ancien ministre du Commerce et de l’Industrie : « Les Ivoiriens doivent industrialiser la Côte d’Ivoire maintenant pour éviter l’apocalypse qui s’annonce ».


«Je vous appelle à être des courageux !»

L’ancien ministre du Commerce et de l’Industrie, Daniel Anikpo, qui prône le développement de la Côte d’Ivoire par l’industrialisation, a fait une conférence de presse, le jeudi 15 novembre 2018, à sa résidence (Riviera 3) pour appeler ses concitoyens à changer le système actuel qui « appauvrit les Ivoiriens et qui profite aux étrangers ».
Daniel Anikpo est sorti de son silence. L’ex-ministre du Commerce et de l’Industrie a animé une conférence de presse, le jeudi 15 novembre 2018, à son domicile, à la Riviera 3 pour annoncer son plan pour sortir la Côte d’Ivoire du sous-développement.
Pour le conférencier, le développement du pays passe par l’industrialisation. « Nous faisons ce point de presse citoyen pour faire l’annonce suivante. Que les Ivoiriens doivent industrialiser la Côte d’Ivoire maintenant pour éviter l’apocalypse qui s’annonce, mais aussi pour éviter cette guerre électorale que les ennemis de la paix de la Côte d’Ivoire veulent nous imposer en 2020. Nous sommes prêts et nous avons les moyens de réussir ce pari », a-t-il déclaré.
Pour lui, le système actuel profite seulement aux étrangers et non aux Ivoiriens. « On donne des marchés aux multinationales étrangères. Nos PEM sont disqualifiées d’avance parce qu’on pense qu’elles n’ont pas l’expérience ni la surface financière et tout autre élément qui les disqualifient. Du coup, on installe une concurrence déloyale en défaveur de nos PEM qui sont priées de prendre la porte de la faillite. Pendant que les grands marchés des africains brûlent, on pousse rapidement des multinationales à mettre en place leurs supermarchés pour faire envahir le pays des marchandises étrangères. Conséquence, on bloque la production nationale. Si on bloque la production nationale, à quel moment les Ivoiriens vont pouvoir produire suffisamment, épargner, investir pour industrialiser leur pays ? Impossible. C’est pour ça que nous avons fait 60 années d’indépendance et que nous sommes restés toujours sous-développés. Donc nous sommes sur la voie du sous-développement perpétuel ».
Daniel Anikpo pense que la Côte d’Ivoire doit suivre l’exemple de la Corée du Sud. « La Corée du Sud qui était au même niveau de développement en 1960 que la Côte d’Ivoire et le Ghana, n’a mis que 19 années pour devenir un nouveau pays industrialisé. Il y a donc un problème chez nous ici. C’est pour ça que nous avons lancé le mouvement citoyen pour l’industrialisation parce que si nous continuons comme ça, avec tant de chômeurs, tant de pauvres », a-t-il prévenu avant de donner une idée de la situation des Ivoiriens : « …En 2017, c’est 5 Ivoiriens sur 10 qui ne peuvent pas manger à leur faim, qui sont incapables de s’offrir un repas par jour… Quand un pays est indépendant et n’a pas le savoir développer, c’est un pays candidat à la pauvreté. Donc plus le temps avance, plus les populations deviennent pauvres. Aujourd’hui en Côte d’Ivoire, c’est 50% d’Ivoiriens qui sont pauvres. Dans 50 ans, c’est 99% d’Ivoiriens qui seront pauvres. C’est la loi du système actuel. Et c’est ce système qu’il est temps de décapiter. Et nous sommes prêts maintenant pour décapiter ce système. Pour quelles raisons nous voulons décapiter le système ? C’est parce que nous avons un long retard de développement. Cela veut dire que les problèmes qu’on devait résoudre en 1960 n’ont pas été résolus. Ceux de 1990 n’ont pas été non plus résolus. Ceux de 2000 n’ont pas été résolus. Et nous sommes en 2018, tous les problèmes s’accumulent ».
Le conférencier est convaincu que le système actuel a embrigadé les Ivoiriens. « La méga économie et l’économie endogène pour remplacer l’ancien modèle néoclassique qui n’a fait qu’appauvrir les Ivoiriens pendant 60 ans. Vous pensez que c’est parce que vous ne travaillez pas que vous êtes pauvres. Non ! Il y a tout un ensemble de mécanisme en jeu en Côte d’Ivoire. Ils vous ont préparés comme des canards qu’on a mis dans un centre d’élevage. On sait que vous ne pouvez pas sortir de là et on sait ce que vous devez faire pour enrichir l’étranger. Tout ce mécanisme est en mouvement. Tout ce que vous faites ne vous profite pas. Ça profitera qu’à l’étranger », a-t-il fait remarquer.
Ce grand économiste pense que l’industrialisation est à la portée de la Côte d’Ivoire et demeure la seule et unique voie du développement du pays. « Nous ne savions pas que l’industrialisation était la seule et unique voie qui permet à un pays sous-développé de se développer et de prospérer de génération en génération. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. L’industrialisation est maintenant à notre portée… Les gens meurent comme des mouches. Est-ce que nous sommes en guerre ? Nous ne sommes pas en guerre. Les gens sont pauvres. Ils sont mal nourris, mal soignés parce qu’ils ne produisent pas assez. Ils sont mal payés. La pauvreté en Côte d’Ivoire, c’est organisé. Comment un pays peut-il fixer le salaire de base à 36 000 francs cfa pendant 60 ans ? Et, deuxièmement, bloquer ce salaire de base pendant presque 40 ans. Pendant ce temps, les prix, eux, augmentent ! Que doivent faire les populations. Elles doivent voler, il n’y a pas deux solutions. Elles doivent agresser ceux qui ont l’argent. Les populations doivent se livrer à la prostitution parce que ce sont les solutions les plus faciles. L’immigration… Aller à l’étranger pour chercher un ciel accueillant. Voilà ce à quoi on a condamné nos populations. Ce temps est révolu. Nous avons le savoir développer. Mieux, nous avons le savoir développer global, c’est-à-dire que nous allons industrialiser non seulement nos villages, mais aussi nos villes et nos régions ».
Au terme de sa rencontre avec les journalistes, Daniel Anikpo a déclaré qu’il animera une autre conférence de presse dans la matinée du mercredi 21 novembre 2018, au musée national.

Adolphe Angoua
Titre original : « Daniel Anikpo sort de sa réserve : "Il est temps de décapiter ce système" ».

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Source : linfodrome 15 novembre 2018