mercredi 25 avril 2018

Que Signifie aujourd’hui la fête de la liberté… ?



Que Signifie aujourd’hui la fête de la liberté, lorsque le président Gbagbo est injustement enfermé dans une prison néocoloniale ?

Que signifie aujourd’hui la fête de la liberté, lorsque la liberté provisoire est refusée au prisonnier Gbagbo ?

Que signifie aujourd'hui la fête de la liberté, lorsque des centaines de prisonniers politiques croupissent dans les geôles du pays ?

Que signifie aujourd’hui la fête de la liberté, lorsque des milliers d’Ivoiriens sont entassés dans des camps de réfugiés insalubres dans la sous-région Ouest africaine ?

Que signifie aujourd’hui la fête de la liberté, lorsque les droits de l’homme et les libertés démocratiques sont chaque jour menacés ?

Que signifie aujourd’hui la fête de la liberté, lorsque la justice n’est pas équitable ?

Que signifie aujourd’hui la fête de la liberté, lorsque le pouvoir ne laisse pas la liberté de choix aux citoyens d’élire leurs représentants ou leur président ?

Que signifie aujourd’hui la fête de la liberté, lorsque des  millions d’Ivoiriens n’arrivent plus à se soigner et manger correctement ?

Que signifie aujourd’hui la fête de  la liberté, lorsque des mères de famille retrouvent dans les broussailles les corps de leurs enfants sacrifiés ou égorgés chaque jour ?

Que signifie aujourd’hui la fête de la liberté, lorsque l’école de la République est dans la rue ?

Que signifie aujourd'hui la fête de la liberté, lorsque plus de 90 % d’Ivoiriens croupissent sous le poids de la pauvreté et la misère ?

Que signifie aujourd'hui la fête de la liberté, lorsque plus de 60 % des jeunes de moins de 35 ans sont frappés par un taux de chômage le plus élevé au monde ?

Que signifie enfin la fête de la liberté pour  le FPI lui-même qui, n'arrête pas de dénoncer sur les radios internationales et réseaux sociaux, l’absence de démocratie, de liberté de manifester, de justice équitable, de sécurité, etc… ?

Voici ce que pense  le président Gbagbo à propos de la liberté dans son pays, après son arrestation : « …Faire bouger les choses, s'opposer au diktat, ce n'est pas facile, ce qui m'arrive en est l'illustration...Nous ne sommes libres qu'en apparence, à l’intérieur de la cage où l'on nous a mis… ».

C’est pourquoi, J’invite le FPI à remplacer la dénomination actuelle (Fête de la liberté)  par le thème suivant : « Journée de la reconquête des libertés perdues ».

Fêter la liberté, c'est encourager Ouattara à présenter la Côte d'Ivoire à l'opinion internationale comme un pays démocratique et libre. C’est de l’incohérence.

Continuons le combat là où le président Gbagbo l’a laissé et, abandonnons la fête de la liberté qui crée beaucoup de confusion dans les esprits des Ivoiriens et de la communauté internationale !

Liade Gnazégbo, militant du FPI
Titre original : « Fête de la liberté au FPI. Peut-on fêter la liberté dans un pays où les libertés individuelles et collectives sont confisquées ? »


EN MARAUDE DANS LE WEB
Sous cette rubrique, nous vous proposons des documents de provenance diverses et qui ne seront pas nécessairement à l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu'ils soient en rapport avec l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et des Ivoiriens, ou que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à faciliter la compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la « crise ivoirienne ».


Source : CIVOX. NET 25 Avril 2018

mardi 17 avril 2018

« Le mensonge te défigure, sois honnête ou tais-toi ».


Intervention de SEM al-Jafari, représentant de la République Arabe Syrienne, au Conseil de Sécurité
Monsieur le Président,
A ceux qui veulent quitter la salle, je vais leur accorder un peu de mon temps précieux. Je comprends qu'ils soient effrayés de ne pouvoir contre argumenter et qu'ils soient paniqués d'entendre des opinions qui vont à l'encontre de leurs allégations mensongères (fake news).
Ceux qui viennent de partir ont déclaré que ce jour est un triste jour pour le régime de non-prolifération des armes de destruction massive. Je voudrais quelque peu leur rafraîchir la mémoire en leur rappelant que la violation de ce régime est une spécialité de ces mêmes pays occidentaux. Les Etats-Unis d'Amérique ont utilisé l'arme nucléaire au Japon, les armes biologiques et chimiques au Vietnam et l'uranium appauvri en Irak. La France a utilisé des cobayes humains algériens lors de son premier essai nucléaire dans le désert algérien en 1960.
La France a attaché des Algériens vivants à des poteaux et a lâché sur eux sa première bombe atomique. Et, bien sûr, la Grande Bretagne a effectué tous ses essais nucléaires dans les îles de ses anciennes colonies. Et puis, l'ambassadrice britannique vient nous gratifier de sa tristesse pour le peuple de Douma. L'Anglais n'est pas ma langue maternelle mais je sais qu'il y a des habitants à Douma et non un peuple. Il y a un peuple syrien et non un peuple de Douma. Quoi qu'il en soit, loin de Marx, Engels, Lénine qui ont été cités aujourd'hui, je voudrais citer un écrivain britannique, Shakespeare, qui avait dit un jour : « le mensonge te défigure, sois honnête ou tais-toi ».
Ma collègue britannique a affirmé que la Russie n'est pas apte à aller à Douma et faire la lumière sur l'utilisation ou non d'armes chimiques. Elle trouve que nos amis Russes, qui sont déjà sur le terrain, ne sont pas qualifiés pour examiner la zone. Etrange ! Pourquoi la Grande Bretagne ne se l'est-elle pas dit lorsqu'elle a envoyé ses services de renseignement à Khan Cheikhoum et s'est autorisée à y prélever des échantillons ? C'est ce qu'ils ont prétendu alors ainsi que les Français ; qu'ils se sont permis d'aller à Khan Cheikhoun et de prélever des échantillons qu'ils auraient envoyés à des laboratoires britanniques et français, sans coordination aucune avec le Mécanisme d'enquête conjoint (JIM) ni la Commission d'enquête Fact Finding Mission (FFM). Etrange contradiction ! Ils se permettent ce qu'ils refusent à d'autres.
Comme vous le savez, il y a à peu près deux semaines, la Grande Bretagne a signé avec le prince héritier saoudien un accord pour lui vendre des armes d'une valeur de 100 milliards de dollars. US$ 100 milliards ! C'est beaucoup plus important que le fameux deal « Al Yamama ». 100 milliards pour continuer à tuer les Yéménites, provoquer d'autres conflits dans la région contre l'Iran et la Syrie et impliquer toute la région dans des guerres sans fin. C'est ce que peut faire la Grande Bretagne. Le Mahatma Gandhi, qui connaissait bien les Britanniques, avait raison de dire : « si une dispute venait à éclater entre deux poissons au fond des mers, sachez que les Britanniques en sont la cause ».
La collègue américaine a déclaré qu'il n'y a qu'un monstre qui s'oppose aujourd'hui au monde et ce monstre a financé et armé les terroristes en Syrie durant 7 ans. Moi j'affirme que ce monstre est les USA, la Grande Bretagne et la France, qui ont soutenu le terrorisme dans mon pays pendant 7 ans, et avant cela en Irak, en Afghanistan et en Libye. Ils ont créé des organisations terroristes de al qaida aux talibans, de daech à ennosra et jaych al islam et faylak errahman et les casques blancs. Ces casques blancs sont la dernière création du MI6 britannique. Le monstre dont elle parle est celui qui ment pour détruire, qui agresse et qui colonise, qui envoie ses troupes à des milliers de miles partout dans le monde pour menacer la stabilité, la sécurité et la paix internationales. Le monstre est cet Américain qui refuse encore de détruire son arsenal d'armes chimiques mais qui ne se gêne pas pour prodiguer aux autres les leçons de morale en la matière.

Monsieur le Président,
Mon collègue français a quant à lui affirmé qu'il a été horrifié par les images qu'il a vues. Toutefois, il n'a pas été horrifié par les images des centaines de victimes civiles tuées en 2016 par des raids aériens français sur Tokhar, un village dans la province de Manbij. 200 victimes civiles dont des familles entières ont été décimées par la France. Leurs images n'ont pas horrifié l'ambassadeur français. Même l'expression « double standard » devient faible pour ces gens.

Monsieur le Président,
En réponse à la campagne calomnieuse initiée par certains pays occidentaux contre mon pays, sous prétexte d'utilisation d'armes chimiques à Douma en date du 7 avril 2018, le Ministère Syrien des Affaires Etrangères a adressé ce jour, le 10 avril 2018, une invitation officielle à l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) pour dépêcher une mission de la Commission d'enquête à Douma qui sera chargée d'enquêter sur les allégations d'utilisation d'armes chimiques. Comme je vous l'ai dit hier, la République Arabe Syrienne est prête à accueillir l'équipe d'enquête, assure sa détermination à coopérer pleinement avec elle pour remplir sa mission dans les meilleures conditions, lui garantit sa sécurité et la liberté de ses mouvements, dont toutes les facilités pour toute rencontre et pour tout prélèvement conformément aux conditions référentielles en la matière. La Syrie aspire à ce que la mission accomplisse son travail en toute transparence et avec professionnalisme, en s'appuyant sur des preuves tangibles et crédibles. Et lorsque la commission d'enquête arrivera, si elle arrive, elle trouvera que Douma a été libérée et qu'elle pourra y circuler sans contrainte aucune pour aller là où elle voudra.

Messieurs,
A la lumière de ce qui a précédé, le tableau est très net. Ceux qui ont présenté le projet de résolution américain ne recherchent aucunement la vérité car elle les confondra tout simplement, ainsi que leurs outils terroristes. Au lieu d'attendre la visite de la commission d'enquête relevant de l'OIAC et ses conclusions quant à l'utilisation d'armes chimiques à Douma, ils poussent à l'adoption de projets de résolution non consensuels et qui ne visent pas à ce que la vérité éclate. Mais ils visent la création de mécanismes non objectifs aboutissant à des résultats préétablis qui confirment leurs allégations et leurs accusations pour les besoins de leur agenda politique, tout en sachant que reproduire l'expérience de ce qu'on appelle le JIM sera inacceptable pour les pays qui veulent vraiment savoir qui utilise l'arme chimique contre les civils syriens.
Dans ce contexte, je confirme que les Etats-Unis, la Grande Bretagne et la France sont ceux qui ont mis en échec le JIM et qui l'ont rendu caduc, de par leur entêtement à politiser son travail, l'exercice des pressions et des chantages sur ses membres qui ont renoncé à leurs principes d'objectivité, de crédibilité et de professionnalisme pour fabriquer des rapports accusateurs contre le gouvernement syrien, en s'appuyant sur ce qu'on appelle des « sources ouvertes » dont les casques blancs bien entendu, pour produire de faux témoignages et de fausses preuves dont les sources sont les groupes terroristes, le front ennosra à leur tête et son aile médiatique propagandiste britannique, les casques blancs.

Monsieur le Président,
Ce que nous voyons aujourd'hui dans ce Conseil ressemble fort à ce que nous avons vu il y a exactement un an, lorsque les Etats-Unis ont déclenché une violente agression contre la base aérienne Chouayrat, reposant sur des preuves inexistantes et de faux prétextes d'utilisation d'armes chimiques à Khan Cheikhoun par l'Armée Arabe Syrienne. La fausseté de ces allégations est aujourd'hui prouvée ; les USA et ses obligés ont en effet empêché les experts à se rendre à Khan Cheikhoun, comme ils ont empêché les membres du JIM de procéder à des prélèvements sur la base Chouayrat.
Oui messieurs, le tableau est clair. L'approche agressive des USA et de ses alliés demeure inchangée à travers l'histoire et repose sur le mensonge, la désinformation, l'hégémonie et la loi du plus fort. De par sa nature sauvage, cette approche n'a jamais respecté la force de la loi et ne la respectera jamais, n'a jamais pris en considération la légalité internationale et ne le fera jamais. Ce que vit mon pays depuis 7 ans est l'exemple criard de la continuité de cette approche faite de mensonges, de désinformation, de scripts fabriqués que les USA et la Grande Bretagne ont appliqué dans cette même salle pour détruire l'Irak et l'occuper, sous le faux prétexte d'armes de destruction massive. Je me trouve obligé de vous rappeler à chaque fois les déclarations de l'ex-ministre américain des affaires étrangères Colin Powell. J'y étais, j'occupais même le siège de mon collègue le vice-représentant chinois lorsque Colin Powell présentait des films enregistrés, des documents, des cartes, des images qui se sont avérés être faux et fabriqués par la CIA pour accomplir leur invasion de l'Irak, un agenda déjà prêt à l'époque. La même scène s'est reproduite pour la Libye.
Veuillez porter votre attention, chers collègues, sur une vérité amère ; pendant des siècles, notre monde a connu des périodes répétées de colonisation et d'hégémonie dont le but était d'occuper des territoires ou de spolier les richesses des peuples ou d'imposer des agendas géopolitiques. Mais aujourd'hui, la bassesse a atteint un tel degré d'immoralité politique que ces pays vont jusqu'à détruire un pays comme la Libye et assassiner son peuple pour couvrir une affaire de corruption et de malversation financière dans laquelle est impliqué le président d'un pays membre permanent de ce conseil, pays qui se targue des valeurs de la démocratie et de la liberté. Un autre pays membre permanent de ce conseil va jusqu'à contraindre des pays pétroliers, arabes malheureusement, à payer les factures de ses agressions et de ses interventions militaires dans mon pays la Syrie. C'est un rapport qu'on ne peut qualifier que de relation entre un corrompu fortuné et un mercenaire musclé et armé. Les choses arrivent à un point tel que des pays membres permanents veulent aujourd'hui déclencher des agressions contre des pays souverains uniquement pour couvrir leurs crises internes et les luttes de leurs propres élites politiques.

Monsieur le Président,
En Syrie, après 7 ans de guerre terroriste sale qui nous a été imposée, nous croyons que nos choix sont clairs et constituent un grand défi pour les membres de ce conseil qui ont l'obligation de s'opposer à tous ces mensonges et cette désinformation et de se confronter à cette immoralité politique vers laquelle les USA, la Grande Bretagne et la France tentent de vous tirer. Aujourd'hui, la décision vous appartient, messieurs, aujourd'hui et demain ; et soyez assurés que l'opinion publique mondiale, vos peuples et les peuples libres du monde seront les juges de l'exercice de vos responsabilités pour la victoire de la légalité internationale et la protection de la paix et la sécurité dans le monde, sa protection contre le terrorisme noir exploité par ces 3 pays membres permanents pour ébranler la stabilité des Etats et le droit de leurs peuples à l'autodétermination.
Messieurs, je vous invite à adopter le choix victorieux d'appartenir à un modèle politique universel, moral, multipolaire, qui croit aux lois internationales, au droit des nations et des peuples à déterminer leur avenir, et de rejeter les politiques d'hégémonie militaire, économique et politique.
Finalement, monsieur le Président, mon pays condamne fermement toute utilisation d'armes chimiques par qui que ce soit et dans toute circonstance, partout dans le monde et assure sa détermination à coopérer pleinement avec l'OIAC pour découvrir la vérité et exposer toutes les allégations et la désinformation exercées par certains pays occidentaux pour justifier leurs intentions belliqueuses dans le but de réaliser leurs objectifs politiques. Leur flotte se trouve en ce moment-même dans les eaux orientales de la Méditerranée et ils savent que durant cette session, ils obtiendraient un veto pour commencer leur agression.

Je dis à ces pays occidentaux, et qu'ils m'écoutent bien : vos menaces d'agression, vos manouvres, votre désinformation, vos mensonges et votre terrorisme ne nous empêcheront pas, en tant qu'Etat fondateur de cette organisation internationale, et en conformité avec sa charte et notre constitution nationale, d'exercer notre devoir et notre droit de préserver la souveraineté de notre pays et l'unité de nos territoires, et de repousser toute agression quelle que soit sa provenance. Nous ne permettrons à personne, grande ou petite soit-elle, membre permanent ou non permanent, de refaire chez nous ce qu'ils ont fait à l'Irak et à la Libye.

Merci monsieur le Président.

Source : http://www.lebanco.net 16 avril 2018

lundi 16 avril 2018

« Il ne s’est rien passé en Syrie ; l’Occident est perdu »

Une analyse top niveau d’Emmanuel Todd sur la situation en Syrie et dans l’empire après les bombardements de la coalition occidentale sur Damas.
Je suis un peu rassuré parce qu’il ne s’est rien passé. Quand on suivait la presse anglo-américaine, ce que je fais tous les matins, on était dans une séquence antirusse. En fait ce qui montait depuis les affaires d’Angleterre, ce qui montait dans le discours, c’était une sorte de montée en puissance d’une sorte de russophobie absolument mystérieuse et qui mériterait analyse. Et les derniers développements diplomatiques, c’était les Américains et Trump faisant des tweets menaçant d’une frappe massive, etc. Et les Russes disant : eh bien écoutez, si c’est ça, nous allons utiliser notre défense anti-aérienne et ce système qui fait peur à tout le monde, le système S400 qui est paraît-il le meilleur système de défense sol-air du monde.
Et là, on avait simplement la possibilité d’une guerre majeure et d’une sorte de showdown, c’est-à-dire la révélation de la fin d’une partie de poker, puisqu’en fait on ne sait pas ce dont les Russes sont capables. Les S400 sont peut-être capables de détruire en l’air tout ce qui vole et ça aurait été en dix minutes la fin de l’imperium américain. Ou ça aurait été l’échec du S400 et c’était de nouveau les États-Unis déchaînés.
Or là, on a tiré des pétards, on a négocié avec les Russes. Il y avait une dynamique anti-russe qui montait et puis finalement, les Américains, les Britanniques et les Français ont tapé là où les Russes les autorisaient. Donc on est revenu dans le rien. Au stade actuel de l’information, je suis plutôt rassuré.

La Russie est une puissance d’équilibre face aux États-Unis sur le plan militaire
Je parle d’un point de vue a priori très favorable au monde anglo-américain. Je suis français, mais comme la France est prisonnière d’un euro qu’elle ne contrôle pas et que son action ne compte plus beaucoup, ça n’a pas tellement d’importance. Alors, ce qui me préoccupe actuellement, quand on lit la presse occidentale, pour moi, c’est que c’est une presse folle. C’est-à-dire que la vision du monde dans laquelle on entretient les citoyens du monde occidental, la vision d’une Russie hyperpuissante, menaçante, tentaculaire, totalitaire, etc., est en fait une vision hallucinatoire.
La Russie a un régime que j’appelle démocratie autoritaire. Poutine est élu. Il y a un certain type de contrôle des organes de presse, mais les Russes sont informés. Tout le monde est d’accord sur le fait que les Russes sont favorables à la politique de Poutine. La Russie est un pays qui doit avoir un peu plus de 140 millions d’habitants, c’est-à-dire dix fois moins que le monde dit occidental. C’est un pays qui vient de retrouver un certain type de stabilité et de sécurité sociale. Le taux de suicide s’y effondre. Le taux d’homicide s’y effondre. Un certain type de confiance sociale vient d’être rétablie en Russie. La vraie raison de la popularité de Poutine, c’est simplement qu’après la crise de sortie du communisme, les Russes se sentent mieux. Ils ont un avenir. La fécondité est un peu remontée, quoiqu’elle rebaisse un petit peu. Et, ça c’est vrai, ce pays est revenu à parité sur le plan des technologies militaires. Il ne fait aucun doute qu’ils ont fait une remontée technologique. Et de fait, la Russie se trouve être la seule force au monde qui puisse faire face, être une puissance d’équilibre face aux États-Unis sur le plan militaire.
Si on pense en terme d’équilibre des pouvoirs, si on respecte la Constitution américaine, on doit se dire que c’est mieux, quand même ! Parce que l’idée qu’un seul pays au monde serait capable de faire ce qu’il veut n’est pas un bon concept du point de vue libéral. Même si on n’aime pas la Russie, l’existence d’un pôle de stabilité qui n’a pas de vrai capacité d’expansion – c’est trop petit en terme de population – on devrait prendre ça pour une bonne nouvelle.
Et là [en Occident, ndlr], la Russie, pas seulement Poutine, est un monstre, situé en plus par rapport à des critères anthropologiques et familiaux qui ne doivent rien avoir à faire avec la géopolitique, comme le statut des homosexuels ou quelque chose comme ça. Il y a une vision extrêmement négative de la Russie. Toutes les interventions russes, tout ce que disent les Russes est considéré comme la parole de Satan, du mensonge, etc.

La fébrilité absolument incroyable des grandes démocraties occidentales
Et puis nous, on fait comme si on était normaux. Mais la vérité, c’est que le monde le plus occidental, les trois démocraties occidentales originelles – la France, l’Angleterre et les États-Unis, c’est-à-dire les nations qui ont construit la démocratie – peuvent être considérées comme dans un état de fébrilité absolument incroyable. C’est un monde en crise. […] La vérité, c’est que dans ces trois démocraties, on est dans une situation d’instabilité et de schizophrénie.
[…] Je lis les textes de Poutine, ou de Lavrov1, ou qu’il s’agisse des contacts que j’ai pu avoir encore récemment à l’ambassade de Russie, le niveau intellectuel des diplomates russes et des dirigeants russes est très supérieur à celui des Occidentaux. Vous ne pouvez pas comprendre la situation si vous ne voyez pas cette asymétrie. C’est-à-dire, une interview de Lavrov ou une discussion avec Orlov, ambassadeur russe à Paris, c’est des gens qui sont très supérieurs aux gens du quai d’Orsay. Ils ont une vision de l’histoire, une vision du monde, une vision de la Russie, une vision de l’équilibre des puissances, une vision du contrôle de soi, ce qu’ils appellent professionnalisme.
[…] Si vous arrêtez de lire Le Monde et de croire ce qu’il y a dedans, vous vous dîtes : ben écoutez, où est la rationalité, ou est l’intelligence, où est le contrôle de soi ? C’est ça qui est important.

Emmanuel Todd

Source : http://lucien-pons.over-blog.com 16 Avril 2018

dimanche 15 avril 2018

Discrimination sociale, justice des vainqueurs, impunité… Les trois piliers du système Ouattara.


LE RIDEAU DE FER COUPE LE PAYS EN DEUX
Par Bally Maurice Ferro

Dans ce pays, la crise postélectorale est du pain béni. Les opposants sont pourchassés dans leurs derniers retranchements et, alors que les ressortissants du Nord du pays sont les chouchous du pouvoir, une campagne effrénée est menée pour faire du RHDP le parti-État.  
Après la grave crise politico-armée du 19 septembre 2002 au 11 avril 2011, le pays a été administrativement réunifié. Il n’y a plus deux armées antagonistes, deux autorités rivales et deux territoires opposés. La Côte d’Ivoire est redevenue une et indivisible avec une seule autorité et une seule armée.
Mais s’il n’y a plus de zone de confiance entre le Nord alors aux mains des forces rebelles et le Sud administré par les autorités légales et régulières, un solide rideau de fer s’est forgé au triple plan social, juridique et politique. Les Ivoiriens sont ensemble mais, selon leur appartenance régionale ou politique, ils évoluent parallèlement.
Dès son accession au pouvoir, Alassane Ouattara a donné le ton de la discrimination sociale. Au concept d’« Ivoirité » vomi parce qu’il catégoriserait les Ivoiriens, il a porté sur les fonts baptismaux son clone : le « Rattrapage ethnique », c’est-à-dire la nomination et la promotion des ressortissants du Nord du pays aux postes clés de l’administration publique et de l’armée.
« Il s’agit d’un simple rattrapage. Sous Gbagbo, les communautés du Nord, soit 40 % de la population, étaient exclues des postes de responsabilité », s’est expliqué Ouattara dans l’hebdomadaire français L’Express du 25 janvier 2012.
Il prenait le contre-pied de ses propres déclarations, le 25 novembre 2011, devant les Ivoiriens du Benelux : « Nous savons ce que c’est que la paix. N’acceptez pas l’exclusion, la marginalisation. ADO est le président de tous les Ivoiriens. Il n’y aura pas d’exception ni d’exclusion. Je veux panser les plaies du passé ». Le ciel ne lui tombe pas sur la tête.
Si le premier concept, l’Ivoirité, a été férocement combattu même au niveau international au point que Bédié (renversé par un coup d’Etat le 24 décembre 1999) et Gbagbo (renversé lui aussi par un coup d’Etat le 11 avril 2011) sont devenus des parias, le second, le Rattrapage, est mieux que toléré.
Devant le silence coupable de la bien pensante communauté internationale, Yodé et Siro, deux artistes de la musique urbaine ivoirienne appelée zouglou, moquent cet apartheid ivoirien dans une de ses chansons : « Quand on passe concours, on attend résultat, résultat attend nom : Fofana, Coulibaly, Bakayoko ».
Cette politique de deux poids deux mesures concerne également la justice. La main sur le cœur, Pouvoir ivoirien et Justice internationale ont soutenu que l’épée de Damoclès était suspendue sur la tête de tous les acteurs de la crise postélectorale. Mais on se rend aujourd’hui à l’évidence que la « Justice des vainqueurs » dont les autorités se sont longtemps défendues est une réalité tangible.
Sept ans après la fin de la guerre civile et les dizaines de milliers de morts, seuls l’ancien président de la République Laurent Gbagbo et ses partisans ou supposés tels sont entre les mains de la justice nationale et internationale.
Quant à Ouattara et les com’zones, des chefs de guerre de l’ex-rébellion armée, qui ont pris une part active aux crimes commis notamment à Duékoué (capitale de la région du Guémon, à l’Ouest), au quartier Carrefour et au camp des déplacés de Nahibly, ils passent entre les mailles du filet.
Le plus grave, c’est qu’en violation de l’article 29 de la Constitution, aucune manifestation de l’opposition, assimilée systématiquement à des campagnes de déstabilisation du régime, n’étant autorisée, la répression, exercée par une justice aux ordres, ne cesse pas. Elle continue de s’abattre sur tous les indésirables proches du pouvoir déchu. Dernier exemple, 18 manifestants arrêtés à l’occasion d’une manifestation déclarée interdite le 22 mars 2018, boivent le calice jusqu’à la lie.
Ils ont été condamnés à douze jours d’emprisonnement, délai qui couvre le temps de leur détention pour « troubles à l’ordre public » et « discrédit sur décision de l’État ». Mais, comme nombre de condamnés avant eux, ils sont privés, durant cinq ans, de leurs droits civiques et interdits, pendant trois ans, de circuler sur toute l’étendue du territoire national en dehors de leur lieu de naissance.
Cerise sur le gâteau, Jean-Gervais Tchéidé, vice-président du FPI-tendance Sangaré Abou Drahamane qui faisait partie des marcheurs arrêtés, a été maintenu en détention.  Motif ?  Cet homme libre jusqu’à la marche serait visé par un mandat d’arrêt délivré par la justice en… 2013, donc il y a cinq ans car soupçonné d’avoir financé des actions de « déstabilisation » du pouvoir Ouattara à l’Ouest.
Hubert Oulaye, président du Comité de contrôle du FPI, a été victime de cet arbitraire et de cette insécurité juridique. Alors qu’il est rentré d’exil du Ghana en novembre 2014, sans aucun problème, il a été arrêté au lendemain du Congrès extraordinaire de la tendance dissidente du FPI, ex-parti au pouvoir, le 30 avril 2015. C’est là alors que l’Etat s’est souvenu qu’il serait impliqué dans l’assassinat, en juillet 2012 à Guiglo (capitale de la région du Cavally, sa ville d’origine), de 18 personnes dont 7 Casques bleus.
Il a été condamné, le 26 décembre 2017, à 20 ans de prison pour « complicité d’assassinat » sans mandat de dépôt. Au grand dam de Romain-Francis Wodié, président démissionnaire du Conseil constitutionnel : « Cette décision monstrueuse aurait frisé, par son énormité, le ridicule en d’autres circonstances, tout en n’oubliant pas que le monstrueux (le monstre) menace, constamment, de nous dévorer tous, y compris ses propres géniteurs ».
C’est ce scénario de la totale instrumentalisation des Institutions qui se joue sur le plan politique. L’alinéa 1 de l’article 54 de la Constitution de la IIIe République dispose : « Le président de la République est le chef de l’Etat. Il incarne l’unité nationale ». Alors qu’il est censé être le président de tous les Ivoiriens, sans esprit d’exclusive,  Ouattara, dans « la mentalité de clan » que lui reprochait Mgr Joseph Spiteri, nonce apostolique qui vient d’être affecté au Liban, continue de se comporter comme le chef d’une partie des Ivoiriens.
Et ce qu’il a commencé socialement pour installer l’hégémonie des ressortissants du Nord du pays, il veut le continuer politiquement pour faire du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP, coalition politique au pouvoir) le parti-État. Il ignore donc royalement l’opposition qu’il veut voir disparaître. D’une manière ou d’une autre.
Au cœur donc de sa campagne politicienne et de toutes les rhétoriques propagandistes, sa chapelle politique que l’on présente à profusion comme garante de « stabilité » et de « paix ». Et alors, partout et en toutes occasions, le RHDP.
Dans son message à la nation du 6 août 2017, à l’occasion du 57è anniversaire de l’indépendance du pays, Ouattara n’a eu aucun scrupule à consacrer un chapitre aux bisbilles dans cette alliance. Au troisième Congrès ordinaire du RDR (9-10 septembre 2017), il est revenu à la charge en exigeant le parti unifié du RHDP et faisant de cette question privée une affaire nationale.
De ce fait, il a brûlé tous les feux rouges en annonçant, devant les militants heureux, des mandats d’arrêt internationaux contre deux partisans de Laurent Gbagbo : Stéphane Kipré, président du parti Union des nouvelles générations (UNG), qui vit en Europe, et Damana Adia Pickass, vice-président de la Coordination du FPI en exil au Ghana.
Ayant rompu toutes les amarres, Ouattara ne s’interdit désormais rien. Il s’autorise à recevoir, sans aucun risque d’être interpellé, Henri Konan Bédié, président du PDCI-RDA, et signer de son titre de « président de la République de Côte d’Ivoire » un communiqué partisan en relation avec une activité politique privée du RHDP.
C’est le comble. Car face à lui, détenteur d’un pouvoir d’État sans partage, c’est le vide, avec une Opposition sinistrée et privée de tous ses droits. Aussi, Ouattara fait-il la pluie et le beau temps.
Et demain n’est pas la veille. Car au début de son mandat, il était formel : « Nous avons confiance et la Côte d’Ivoire surprendra l’Afrique et le monde ».

Bally M. Ferro

EN MARAUDE DANS LE WEB
Sous cette rubrique, nous vous proposons des documents de provenance diverses et qui ne seront pas nécessairement à l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu'ils soient en rapport avec l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et des Ivoiriens, ou que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à faciliter la compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la « crise ivoirienne ».

Source : Page FBK de Michèle Pépé 12 avril 2018

samedi 14 avril 2018

Le communiqué Ado-Bédié sur le projet de parti unifié analysé par Jean Bonin.

un enfumage politico-médiatique et dramatico-comique
Contrairement à l'ancienne constitution de 2000 qui disposait clairement qu'un président de la République ne pouvait pas être président d'un parti politique (cf. Art 54), la nouvelle constitution a supprimé cette disposition (cf. art 61), reprenant in extenso l'article 25 de la constitution de 1960. 
Évidemment, c'est un recul démocratique (de 56 ans) car il n'est pas convenable que dans un environnement politique de multipartisme, le chef de l'Etat, qui incarne la nation dans toutes ses composantes et est donc censé être au-dessus des partis politiques, prenne des positions clairement partisanes.
Malheureusement, le président de l'Assemblée nationale, emboîtant le pas au Chef de l'Etat, s'est également laissé aller dans un communiqué où, en sa qualité de président de cette institution de la République, il se félicite de la signature de ce communiqué. Il est particulièrement préoccupant que ceux qui ont prêté le serment de respecter et de protéger notre constitution (cf. art 58) soient ceux-là même qui la piétinent avec autant d'insouciance alors que les temps du parti unique sont révolus. Mais ce n'est pas notre sujet du jour. On y reviendra. 
Pour l'heure, ce qui retient mon attention c'est la valeur juridique de la signature du président de la République apposée sur un document associatif. En effet, au terme de la loi N° 93-668 du 9 Août 1993 relative aux partis et groupements politiques, ceux-ci ont le statut d'associations (art 1) et sont des personnes privées (art 2). 
Quel est donc la nature juridique du document (communiqué) signé par le chef de l'Etat dans la mesure où ledit document n'a pas valeur juridique d'un acte présidentiel ou administratif (décision, décret ou ordonnance) ? 
La question est essentielle car le régime juridique des actes administratifs présidentiels est bien établi en droit public et nulle part il n'apparaît qu'un président de la République puisse engager la Côte d'Ivoire toute entière dans le cadre de ses activités politiques privées en signant un document qui, de fait, n'engage exclusivement que sa formation politique. C'est une hérésie juridique. 
Ce document ne peut naturellement pas faire l'objet d'un recours contentieux ou gracieux car n'ayant pas la nature juridique d'un acte administratif. En conséquence, d'un strict point de vue juridique, ce document est nul et de nul effet. Juridiquement il est considéré comme inexistant. 
Dès lors, ce document peut-il engager le RDR ? Manifestement non, vu que dans le principe seul le président du RDR devrait pouvoir engager la formation politique qu'il préside (les statuts du RDR sont curieusement introuvables sur le net). Or, à moins que je ne me trompe, le président du RDR se nomme Henriette Dagri Diabaté et je n'ai pas vu sa cosignature sous ce communiqué. 
D'autre part, M. Ouattara, en l'espèce n'ayant pas non plus signé « par délégation » ou « par ordre » de la présidente statutaire du RDR, il appert que la signature querellée n'engage que lui et non le RDR, encore moins l'Etat de Côte d'Ivoire qui n'est pas partie prenante dans les affaires internes et privée d'une coalition politique. 
Bédié est juriste. J'imagine donc qu'il n'ignore rien des règles fondamentales et élémentaires du droit. Il sait donc qu'une signature qui n'engage pas le RDR, réciproquement, ne l'engage pas non plus dès lors qu'en droit ce communiqué est nul et de nul effet. 
Au surplus, tout militant du PDCI pourrait, autant et en tant que de besoin, contester devant les instances statutaires de son parti ce communiqué en ce qu'il n'a produit aucun effet de droit à l'endroit de son parti. 
À cet effet, il pourrait s'appuyer sur la nullité absolue de ce communiqué, d'une part, mais également sur l'absence d'une résolution statutaire des instances du PDCI mandatant son président (art 33-2 des statuts du PDCI) à prendre un tel engagement, d'autre part ; sauf à prouver qu'au PDCI les instances (bureau politique...) n'ont qu'un rôle décoratif et sans aucun réel pouvoir et qu'en toute matière un blanc-seing est donné au président Bédié... ad vitam aeternam. Ce que je ne crois pas car il s'agit quand même du parti DÉMOCRATIQUE de Côte d'Ivoire. Quoique...
Au final, ce communiqué est un enfumage politico-médiatique et dramatico-comique qui fait l'affaire du PDCI, vu que, in fine, le président Bédié n'y a pris aucun engagement de nature juridique. Dès lors, c'était probablement le but de la manœuvre, lui et ses collaborateurs pourront continuer paisiblement à jouir de certains privilèges que leur confèrent leur présence au gouvernement, pardon au RHDP. 
Quand on voit comment récemment le droit a été violemment piétiné dans la mise en place du Sénat et quand on constate qu'il l'est encore dans ce communiqué, ne sommes-nous pas légitimement en droit de nous demander s'il y a des juristes au palais... présidentiel.

Jean Bonin, citoyen Ivoirien, Juriste.


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Source : www.lebanco.net 12 avril 2018