mardi 18 août 2020

Pascal Affi N’Guessan : « Alassane Ouattara, il est encore temps de renoncer ! »

Au pays des aveugles, le borgne n’est-il pas roi ?

Pascal Affi N’Guessan a ouvert une tribune dans laquelle il s’est prononcé sur l’actualité politique. Le président du Front populaire ivoirien (FPI) attire l’attention d’Alassane Ouattara sur sa candidature à l’élection présidentielle. Selon Pascal Affi, cette candidature est porteuse de conflits et invite Ouattara à y renoncer.

En 2020, dans notre cher pays, des marches pacifiques sont réprimées dans le sang. Face à ces violences, face à cette insulte faite à la liberté d’expression, j’éprouve une colère infinie. Je m’incline devant les familles endeuillées. Ma colère est en réalité à la mesure du risque que court une fois encore la Côte d’Ivoire, celui d’une nouvelle déflagration, d’un retour brutal à ces années de déchirements, ces années de feu, ces années de haine encore dans toutes nos mémoires.

Oui, le risque est désormais tangible. Risque d’une exacerbation des tensions sur fond d’ethnicisation mortifère, risque de déstabilisation de notre pays dans un contexte sous-régional éminemment inflammable. Personne ne le souhaite, je ne le souhaite pas, convaincu depuis toujours que les alternances doivent s’arracher dans les urnes. C’est le fondement de mon engagement politique.

La responsabilité de ce risque incombe à un seul homme, le président sortant. Ce samedi 22 août, Alassane Ouattara devrait être investi candidat du RHDP, ou plutôt ce qu’il en reste, le RDR, à l’élection présidentielle. Arrivé au pouvoir il y a dix ans avec la bénédiction des grandes puissances, il démontrera une fois encore cette imposture démocratique que nous n’avons cessé de dénoncer. Il foulera aux pieds la constitution dont il est le garant, reniera sa propre parole et donnera à la face du monde l’image d’un pays en totale régression. Viendra pour lui le temps du déshonneur !

Cette candidature est à l’image de ses dix années de gouvernance : une grossière mystification. Dix ans d’occasions ratées et de dévoiement de notre loi fondamentale. Parce qu’il était le produit d’institutions internationales prestigieuses, il s’est longtemps abrité derrière cette façade pour revêtir le masque d’un démocrate aimable et policé.

En piétinant notre constitution, il prouve qu’être un technocrate zélé ne vous transforme pas en homme d’Etat. Le leadership nécessite des qualités d’âme qui impliquent de savoir effacer les intérêts d’un clan au profit de l’intérêt général. Le leadership, ce n’est pas l’exacerbation des différences, mais la construction de l’unité à travers la réconciliation. Le sort tragique réservé à Laurent Gbagbo, Charles Blé Goudé et tant d’autres nous a alertés dès l’origine sur la réalité de cette présidence.

En dix années de pouvoir, Alassane Ouattara n’a hélas rien appris. Il n’a pas appris qu’une candidature au pouvoir suprême ne peut s’inscrire dans une seule volonté de revanche ou dans la peur de lendemains qui déchantent mais doit répondre à la volonté de servir. Servir et non se servir car le pouvoir n’est pas une entreprise d’enrichissement personnel d’un homme et d’un clan mais le service du peuple.

En dix années de pouvoir, il n’a pas appris que le temps du pouvoir n’est pas infini et qu’il faut savoir céder la place et passer le relai. Il n’a pas appris qu’une élection peut se gagner ou se perdre et qu’elle doit se jouer sur le terrain des idées et des projets, en toute loyauté.

Parce qu’il n’a pas su construire cette démocratie mature et exemplaire qu’il avait promise au monde, Alassane Ouattara semble aujourd’hui acculé, retranché dans une tour d’ivoire, prisonnier des siens. C’est pourquoi je demande solennellement aux grandes puissances qui l’applaudissaient le 5 mars dernier d’être à nos côtés pour contrer sa volonté de trucage, sa tentation de tripatouillage des opérations électorales.

Nos compatriotes sont las de ces crises pré-électorales, électorales, post-électorales récurrentes qui charrient leur lot de deuils et d’irrémédiables douleurs. Leur fatigue est immense, leur soif d’alternance aussi, une alternance tranquille au service d’une démocratie apaisée et inclusive.

Cette candidature est porteuse de conflits, je ne ferai pas l’injure à Alassane Ouattara d’imaginer qu’il n’en a pas pleinement conscience. Alors, je lui demande instamment de faire preuve d’esprit de responsabilité. Si ce n’est pour notre pays, qu’il le fasse pour son image personnelle … Il est encore temps de renoncer !

Pascal Affi N’Guessan, Ancien Premier Ministre de Côte d’Ivoire, Candidat du Front Populaire Ivoirien à I’élection présidentielle;

 EN MARAUDE DANS LE WEB

Sous cette rubrique, nous vous proposons des documents de provenances diverses et qui ne seront pas nécessairement à l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu'ils soient en rapport avec l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et des Ivoiriens et que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à faciliter la compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la « crise ivoirienne ».


Source : https://www.afriksoir.net 17 août 2020

vendredi 14 août 2020

Ange Olivier Grah : « Il est malhonnête d’affirmer que la Constitution de 2016 a fait naître un nouvel ordre juridique qualifié de 3e République ».

J’ai lu avec amusement la tentative des députés du RHDP de justifier la forfaiture d’Alassane Ouattara en se fondant sur le principe de la non-rétroactivité des lois. Pour atteindre leur objectif, ils en donnent une signification volontairement tronquée en affirmant que « la loi ne dispose que pour l’avenir et n’a d’effet rétroactif que si cela y est clairement indiqué ».

Par conséquent, « la nouvelle constitution de 2016 ne comportant aucune disposition claire qui l’a fait rétroagir, elle ne peut donc disposer que pour l’avenir à compter de sa promulgation ». Ce qu’ils omettent malicieusement d’expliquer c’est que le principe de la non-rétroactivité de la loi n’a vocation à s’appliquer qu’en cas de conflit de lois dans le temps, c’est-à-dire dans l’hypothèse où une nouvelle contredit totalement ou partiellement l’ancienne. Le principe signifie pour garantir la sécurité juridique, que la loi nouvelle n’efface pas les actes ou les faits juridiques antérieurs qui ont déjà produits leurs effets, et qu’elle ne va s’appliquer qu’aux situations qui vont naître après sa promulgation.

Ainsi, lorsque dans un pays ou la polygamie était autorisée, si une nouvelle loi intervient pour l’interdire, cela n’aura pas d’effet sur la situation de celui qui était déjà marié à plusieurs épouses au moment où la nouvelle loi intervient, mais va interdire à ceux qui ne sont pas dans cette situation de pouvoir en prendre plusieurs.

Dans l’hypothèse où il n’y a pas de conflit de lois parce que la loi nouvelle dit exactement la même chose que l’ancienne, comme les articles 33 de la Constitution de 2000 et l’article 55 de celle de 2016, tout va se passer comme s’il n’y a pas une nouvelle loi qui est intervenue en vertu du principe de la continuité de l’Etat. Il est faux d’affirmer qu’une loi nouvelle crée un nouvel ordre juridique fût-elle la Constitution qui est la loi qui est au sommet de la hiérarchie des normes juridiques.

Voilà pourquoi, le Président Henri Konan Bédié continue de bénéficier après les Constitutions de 2000 et 2016 de ses avantages d’ancien chef d’Etat. Pourquoi pour accorder les avantages à un ancien Président de la République, on tient compte du passé et pour apprécier son éligibilité, on ne doit pas le faire ? Par quelle magie, seuls les mandats du Président de la République sont effacés par le nouvel ordre juridique et pas les dettes, les droits de propriété ou encore les mariages.

Il est malhonnête d’affirmer que la Constitution de 2016 a fait naître un nouvel ordre juridique qualifié de 3e République. S’il y a quelque chose de détestable dans la vie, ce n’est pas de se tromper mais c’est de vouloir tromper les autres. Il est vrai que l’imposture qu’est le RHDP ne peut produire autre chose que ce à quoi le prédestine sa nature.

Ange Olivier Grah

Titre original : « Un juriste avoue : "Il n’est pas bon de vouloir tromper les autres" ».

Source : Le Quotidien d’Abidjan 12 août 2020

samedi 8 août 2020

« Vous parliez d’un homme de parole et d’un homme d’Etat », par Geneviève Goëtzinger.

S’adressant à la Nation lors d’une allocution télévisée dans la nuit du jeudi 06 août 2020, veille de la fête de l’indépendance, le président de la République, Alassane Ouattara, a officialisé sa candidature pour un troisième mandat, après la mort brutale de son dauphin, le premier ministre Amadou Gon Coulibaly.

« Face à ce cas de force majeure et par devoir citoyen, j’ai décidé de répondre favorablement à l’appel de mes concitoyens me demandant d’être candidat à l’élection présidentielle du 31 octobre 2020. Je suis donc candidat à l’élection présidentielle du 31 octobre 2020 », a déclaré Alassane Ouattara. Expliquant que cette décision, mûrement réfléchie, est un devoir qu’il accepte dans l’intérêt supérieur de la Nation. Une annonce diversement appréciée dans l’opinion publique et sur les réseaux sociaux.

Pour l’ancienne directrice de Radio France internationale (RFI), Geneviève Goëtzinger, l’argumentaire donné par le chef de l’Etat ne tient pas et renvoie plutôt à un homme qui ne respecte pas la parole donnée. « Consternante image donnée ce soir par la Côte d’Ivoire, celle du reniement de son propre engagement, celle d’une constitution bafouée, celle d’un exemple catastrophique pour ses voisins, celle d’un parti incapable d’avoir fait émerger de dauphin. Triste 60 ans d’indépendance ! », a-t-elle réagi sur Twitter.


Avant d’interpeller le président français Emmanuel Macron qui avait félicité son homologue ivoirien, en mars 2020, quand ce dernier avait annoncé son intention de ne pas briguer un troisième mandat jugé anticonstitutionnel par certains observateurs. « Et donc aujourd’hui ? Votre réaction intéresse toute la Côte d’Ivoire », s’est-elle adressée à Emmanuel Macron, qui lui semble occupé par la situation au Liban. « Vous parliez d’un homme de parole et d’un homme d’Etat. Un homme de parole tient ses engagements. Un homme d’Etat ne s’estime pas irremplaçable car il a su instaurer une démocratie inclusive », a taclé Geneviève Goëtzinger.

Miss Touré

Titre original : « L’ancienne directrice de RFI tacle Ouattara et interpelle Macron ».

 

Source : https://www.afriksoir.net 7 août 2020