jeudi 25 juin 2020

Qu’est-ce que l’État ? D’où ça vient ? Depuis quand ? Et à quoi ça sert ?

Une lecture commentée de notre collaborateur Habib Khouadja. 

Il y a des lectures desquelles vous sortez épuisé, tout simplement parce que l’auteur n’a pas su transmettre son message, ou parce que vous avez décelé une volonté d’abrutissement de sa part. Par contre il y en a d’autres d’où vous sortez heureux, car vous sentez avoir appris quelque chose. C’est dans ce dernier cas que nous pouvons nous situer après avoir lu L'Etat moderne et l'organisation internationale de David Jayne Hill, paru en 1912 chez Flammarion. David J. Hill, fut un diplomate et universitaire américain, né en 1850 et décédé en 1932. Dire qu’il a eu une vie professionnelle bien remplie, ne serait pas exagéré. En effet, après avoir servi comme enseignant et dirigeant à l’université de Bunkenell, il commença en 1898, sa carrière diplomatique, comme adjoint du Secrétaire d’Etat américain John Hay. A ce poste, il servi deux présidents républicains comme lui, William McKinley et Theodore Roosevelt, avant de se voir respectivement confier les ambassades américaines de Suisse (1903), de Hollande, du Luxembourg (1905), et enfin d’Allemagne (1908). Passionné d’écriture, depuis le début de sa vie professionnelle, il consacra le reste de son temps, à cette passion, à son parti politique, et à l’enseignement de la diplomatie.
Le moins qu’on puisse dire, c’est que D.J. Hill a une bonne compréhension et surtout une bonne transmission de ce qu’est l’État à un public non averti. Pendant la lecture et surtout après la lecture de ce livre, le lecteur pourrait être amené à se demander si l’État dans lequel il vit, en est un ou en est un ersatz. D’ailleurs, en ce qui nous concerne, en tant qu’Ivoirien, nous nous sommes soumis à cet exercice. Pas parce que nous le voulions, mais parce que certaines affirmations de l’auteur, la réalité et l’histoire de notre pays nous y obligeaient. En effet, quand l’on est ressortissant d’un pays où un président peut facilement dire : « Nous avons hérité de la France, non pas d’une nation – la nation se construit, c’est une œuvre de grande haleine… » [1] ; ou qu’un autre encore dise : « Souvenez-vous, nous avons des Etats, nous n’avons pas encore des nations totalement construites »[2] ; chercher à se faire une opinion de L’Etat, aiderait à saisir la nature de l’Etat ivoirien. Etat où, est prévue une élection présidentielle en Octobre 2020 ; et surtout où, une simple observation de faits, mis côte à côte, laisse subodorer l’existence d’un Etat colonial en Côte d’Ivoire.
Pour Hill, l’idée de l’État naît de la volonté de l’Homme de se donner des lois adossées à la raison et aux réalités locales, pour organiser ses relations sociales et faire face à ses problèmes locaux. Dit autrement, « la conscience juridique »[3] devient donc le dénominateur commun à tous les Etats, institutions locales. C’est pour ces raisons que pour notre auteur, l’État devrait être pour le citoyen l’incarnation de la justice, car lui seul lui offre, d’une part, la meilleure protection de ses droits et, d’autre part, le meilleur instrument pour poursuivre la construction d’une société plus juste. S’il voit en l’État le meilleur garant des droits du citoyen, Hill n’oublie pas de préciser que ce dernier est obligé de se donner tous les moyens, y compris celui de la force armée, pour protéger les droits de ses citoyens, tout en prenant garde de ne pas porter atteinte à son indépendance : « Le danger qui menace la paix et les intérêts pacifiques ne vient pas de ce que l'État est fort. Le danger serait plus grand si l'État était positivement faible ; car, alors, il ne pourrait remplir ses obligations, il devrait avoir recours à l'intervention étrangère, et, par là même, il mettrait peut-être son existence en péril ».[4] Dit autrement, il n’y a donc pas de fierté à avoir des 6ème BIMa[5], 23ème BIMa[6], 43ème BIMa[7], etc, sur son sol ; ou encore, il serait inutile de se demander si présentement, le débat politique au Mali ou au Niger pourrait se faire sans un avis français.
Parce qu’il lui reconnait ce rôle de protecteur des droits de ses citoyens, D.J. Hill attire notre attention sur le fait que cette fonction, ne devrait pas être considérée par l’État, comme une licence pour la violation de ses propres lois. Si cette tentation de se mettre au-dessus des lois, qu’on lui connait, est grande, l’État devrait bien se garder d’y céder. Au risque de manquer à son devoir principal, à savoir, celui de protecteur des droits. Cette envie de se mettre au-dessus des lois, naîtrait selon notre auteur, d’une mauvaise conception de la souveraineté. Pour éviter de céder à cette mauvaise tentation, Hill suggère qu’il serait préférable que l’État voie dans la souveraineté, le droit qu’ont un ensemble de personnes formant société, liées entre elles par un droit commun et vivant sur un territoire bien défini, de créer, d’administrer et de conserver de façon autonome, l’existence de leur État. Cette souveraineté apparaît quand la société formée par ces personnes, prend conscience de ses droits et de la nécessité de soumettre sa conduite à ses propres lois. Car, il faut aussi le préciser, cette souveraineté, est le siège de tous les droits possédés par l'État. Droits qui, au passage, sont relatifs et limités par des mesures constitutionnelles.
Certaines personnes pensent que les Etats n’ont pas à se soumettre à la loi morale : « des directions de conduite, impératives en tant que préceptes, mais non coercitives en fait. Elles servent de guide à notre développement individuel et social et nous indiquent la voie qui mène à la noblesse du caractère et aux plus belles ! Harmonies de l'association humaine ».[8] D.J. Hill pense le contraire, dans une certaine mesure. Car s’il reconnaît qu’un État « n'est pas capable de sentiment et d'émotion »[9], il devrait savoir que la loi morale à laquelle il a à se soumettre, se limite aux principes d’Égalité et d’Équité. Ne pas le faire exposerait ce dernier à des risques. Il se veut même plus précis en empruntant les propos de Funck-Brentano et Souei[10] , pour qui « … les États sont maîtres d'agir comme il leur convient, mais il n'est pas en leur pouvoir d'éviter que leurs actes ne produisent certains effets, parce que ces effets échappent le plus souvent à l'attention ou à la conscience des contemporains, ils n'en sont pas moins assurés. Si un État suit une politique violente et vexatoire à l'égard de ses voisins, il peut les contraindre à la supporter aussi longtemps qu'il demeure le plus fort, mais il provoque et excite des haines, qui tôt ou tard éclatent contre lui. Si un État conclut un traité de commerce et se sent assez fort pour imposer ses tarifs à un État plus faible, il le peut ; mais, si ses calculs sont erronés, il se ruine. Si un État impose à un adversaire vaincu un traité abusif, ce n'est pas la paix qu'il fonde, mais la guerre qu'il prépare. Il se peut, sans doute, que, dans l'espace d'une vie d'homme, le temps manque pour que ces conséquences éclatent au grand jour ; elles se manifestent plus tard, elles se manifestent infailliblement. Les hommes politiques peuvent quelquefois jouir de l’impunité, parce qu'ils meurent ; les nations ne le peuvent jamais, parce qu'elles vivent assez longtemps pour subir les conséquences de leurs actes ».[11] Et de personnellement ajouter que « la loi morale a sa sanction dans les effets ménagés par la nature, et, quoique le grain puisse mettre du temps à mûrir, la moisson vient à la fin, bonne ou mauvaise. Une politique de spoliation vicie le caractère national du peuple qui la pratique, et, lorsqu'un État n'est plus capable de voler ses voisins, celui qui est fort vient opprimer et dépouiller chez lui celui qui est faible, car l'extorsion est devenue la pratique commune. Une indemnité de guerre injustement prélevée sur un pays conquis, sera dépensée bien des fois, si l'on veut conserver les forces nécessaires pour empêcher les vaincus d'essayer de reconquérir ce qu'ils ont perdu. Le rétablissement de l'équilibre peut se produire lentement, d'une façon inaperçue, mais on peut toujours compter sur l'avenir pour redresser les torts du passé »[12].
Ces lignes appellent de notre part, trois observations. Les deux premières sont celles de l’Ivoirien et la troisième de l’Africain. La première remarque que nous faisons, est que cette mise en garde de l’auteur sur le fait que les générations futures sont toujours exposées à payer au prix fort les décisions de leurs devanciers se retrouve aussi dans les propos que tint un jour un illustre compatriote ivoirien, Jean-Baptiste Mockey. Conseiller territorial, il marqua, le 27 Novembre 1948, devant l’Assemblée Territoriale ivoirienne son opposition à certaines dispositions du décret du 15 Novembre 1948 relatif à la réglementation foncière en AOF[13] : « Il nous faut donc garder cette terre et faire en sorte qu'il soit désormais impossible, à toute personne ou à toute société venue de l'extérieur de se voir attribuer à tout jamais, définitivement, d'importants domaines. J'insiste sur le mot : définitivement. Car, voudriez-vous, mes chers collègues, que nos enfants, nos petits-enfants, nos arrière-petits-enfants rendent responsables leurs aïeux, aujourd'hui conseillers généraux siégeant sur ces bancs, des difficultés de vie auxquelles ils auraient à faire face parce que nous-mêmes n'aurions pas voulu les pallier ? Voudriez-vous aujourd'hui, délibérément, être les auteurs et les complices de nouvelles séquestrations domaniales, malgré que vous soyez persuadés que d'autres générations viendront après vous et auront à en souffrir ? Voudriez-vous, délibérément, hypothéquer l'avenir, l'avenir de votre sol, l'avenir de vos familles ? Je sais que vous m'en voudrez de vous prêter pareilles intentions. Mais, que voulez-vous ? Les hommes ont la vie courte et un siècle leur paraît une longue période. En réalité, cent ans, pour un peuple, c'est pourtant demain ».[14] Ces propos et ceux de Hill ne relèvent-ils pas simplement du bon sens ?
Seconde remarque, et comme pour confirmer les mises en garde de Hill et de Mockey, les Ivoiriens sont bien placés pour mesurer la véracité de ces propos dans la mesure où, aujourd’hui, ils payent les conséquences de la nature des relations ivoiro-françaises, forgées par leur premier président, Houphouët. Dernière remarque, ces lignes, particulièrement ici celles de Hill, nous informent en creux, que notre histoire, n’est pas prérédigée. Nous pouvons donc encore l’écrire, pourvu que nous nous en donnions les moyens. Preuve que rien n’est vraiment figé, le groupe indien Tata Mobile, n’est-il pas aujourd’hui le propriétaire des marques anglaises Jaguar et Land Rover ? Quand on sait que l’Inde fut une colonie de l’Angleterre, nous pensons que tout est ouvert, pour les pays d’Afrique, surtout les « anciennes » colonies noires de la France. Nominalement indépendantes, ces dernières devraient pour ce projet de libération, que nous appelons de tous nos vœux, fusionner réflexion et action. Par action, ces dernières se garderaient de s’interdire, cette fois-ci, certains moyens, pour la réussite de ce projet. Qu’est-ce à dire ? Au regard de l’Histoire et des relations internationales, on ne peut pas nourrir un projet de libération nationale, en ne voyant pas dans la violence armée, orientée vers l’adversaire, un moyen ; surtout quand celui-ci, n’éprouve aucun scrupule à en faire usage.
Poursuivant son développement, D.J. Hill pense que c’est parce qu’il peut faire payer à sa population les conséquences de ses décisions, que le gouvernement d’un État, devrait donc faire preuve de prudence dans les prises de ces dernières. Il peut être amené à choisir entre deux maux et même à tenir compte de l’intérêt d’un autre État. Dans le premier cas, Hill lui conseille de choisir la solution travaillant pour le plus grand bien des populations. Et, dans le second cas, il devrait privilégier l’intérêt de sa population tout en se gardant de faire de ce dernier un droit. Ce dernier point est important pour D.J. Hill, car pour lui, une société fondée sur la primauté des intérêts ou du moins sur la facile transformation des intérêts en droits, est une société où règne la loi du plus fort, c’est-à-dire une société où la loi morale est foulée aux pieds. Cette insistance sur la loi morale, de la part de notre auteur, pourrait paraître comme une preuve de sa naïveté, que nenni ! Puisqu’il reconnaît que la réalité des relations internationales relevait d’une « anarchie policée »[15], raison pour laquelle il  souhaiterait que prévale un important point, pour ne pas dire un acquis, des traités de Westphalie[16], à savoir que : « l'existence d'une société des États fondée sur le principe de la souveraineté territoriale ; et il établit cette doctrine, que chaque pays à sa loi et que chaque État est indépendant et possesseur d'un droit juridique que les autres Étals sont tenus de respecter ».[17] 
D.J. Hill, nous informe aussi qu’avec ses droits et ses devoirs, l’État est une « personne morale »[18], et même qu’il peut aussi être considéré comme une « personne juridique »[19]. Il le devenait, d’abord quand les membres de sa communauté avaient conscience des relations juridiques les liant, ensuite quand cet État était capable de se diriger et de se déterminer par des organes qu’il se serait librement donnés, et enfin quand il reconnaitrait d’autres entités semblables à lui. M. Hill ne s’arrête pas en aussi bon chemin dans son exposé.  Selon lui, en jouant bien son rôle de protecteur des droits de ses citoyens, un État participe d’une part à la prospérité de ces derniers et d’autre part à se prémunir des troubles internes et des attaques externes. Car, lorsque les citoyens sentent leurs droits et propriétés protégés, ces derniers laissent leur génie créateur s’exprimer dans sa plénitude ; par contre ils se rebellent quand ces derniers sont piétinés : « Les révolutions ont été presque toujours une protestation d'hommes lésés ou opprimés, contre quelque forme d'injustice ou de mauvaise administration. L'État n'a jamais échoué que lorsqu'il s'était détourné de sa destination normale et servait des desseins pour lesquels il n'est point fait ».[20] Ces lignes, que notre auteur consacre à expliquer la cause de la violence au sein d’un État, méritent que nous nous y intéressions. Une observation rétrospective de certains faits de l’histoire politique ivoirienne (naissance de la Charte du Nord, construction et entretien du discours victimaire nordiste par le biais de « spécialistes »[21] du Nord de la Côte d’Ivoire, l’hystérisation du débat sur le foncier par les mêmes « spécialistes » épaulés par des ONG[22] droits-de-l'hommistes, et les médias français, etc.) montre que depuis la décennie 90, la fabrication des « hommes lésés et opprimés » de la Côte d’ivoire et futur levier du 19 Septembre 2002, avait subrepticement bien commencé.
Avant de terminer son développement, D.J. Hill, prend soin de montrer, les dangers ou du moins les raisons de son opposition à la naissance d’entités supranationales. Les raisons avancées par Hill peuvent être résumées en trois points. Premièrement, l’indépendance des Etats est nécessaire à l’existence de la différence culturelle entre les peuples, véritable richesse universelle. Deuxièmement, vouloir agréger des peuples différents serait source de nivellement par le bas pour les uns et de nivellement par le haut pour les autres, de principes moraux et sociaux selon la société à laquelle on appartient. Enfin troisièmement, aucun État ne peut donner à un autre État ou à une structure quelconque des droits qui le placeraient automatiquement en-dessous de ce dernier. Ces remarques de D.J. Hill devraient interpeller les idéologues du marché. Pour les avoir ignorés, certaines personnes en Europe par exemple ne font que répéter, tel un mantra : « plus d’Europe », tout en feignant d’ignorer les messages d’opposition des peuples de cet ensemble. Leurs imitateurs africains gagneraient à en tirer des leçons. Aux Ivoiriens qui en font partie, et au regard de la réalité ivoirienne ; une relecture du processus devant aboutir à la prise du territoire romain par les Barbares au Vème siècle, ne serait pas de trop. Et, s’ils trouvaient cette histoire trop éloignée, ils pourraient s’intéresser aux sources de la crise entre la Serbie et le Kosovo.

Comme nous le disions plus haut, la compréhension de l’État par Hill n’est pas la référence, mais réfléchir à partir de sa réflexion, serait un très bon début et un véritable atout pour le citoyen et l’homme d’État.
Des caractéristiques de l’Etat ci-dessus exposés, des faits comme l’immixtion de la diplomatie française, dans les questions de politique nationale ivoirienne[23], ou l’existence d’infantilisants Accords dits de Coopération entre la France et la Côte d’Ivoire, ou encore l’existence en Côte d’Ivoire d’une économie d’exploitation contrôlée par des entreprises françaises[24], et enfin la présence d’officiers français à des postes de responsabilité au sein de l’armée ivoirienne ont une autre interprétation chez le lecteur Ivoirien, après avoir refermé le livre de Hill. Il comprend tout simplement que la nation ivoirienne, parce qu’elle existe, n’a pas d’Etat. C’est-à-dire qu’elle n’a pas l’instrument juridique, innervé par son histoire et ses réalités, par lequel elle exprime sa souveraineté à travers l’élaboration de lois, devant protéger les droits de ses citoyens et favoriser le bien-être de ces derniers.  Si cette souveraineté s’exprimait, il aurait été impossible de voir prospérer, après le 7 Août 1960, les aberrations susmentionnées. Mais, si ces faits sont toujours constatés, c’est que, leur générateur continue d’exister, à savoir, l’Etat colonial. C’est-à-dire, l’Etat a qui mission fut donnée de garantir les droits de la nation française sur un territoire appelé Côte d’Ivoire. La conséquence directe de cette existence de l’Etat colonial, c’est le caractère nominal de l’indépendance de la Côte d’Ivoire.
Loin d’être anachronique, rendre réelle cette indépendance devrait être la priorité des priorités des Ivoiriens. Car, de sa réalisation dépendent les solutions à certains de leurs problèmes apparemment inextricables.
Habib KOUADJA


[1]. Felix Houphouët dans Fraternité Hebdo du 15 Mars 1990
[2]. Laurent Gbagbo dans Notre Voie du 09 octobre 2002
[3]. Page 14
[4]. Page 20-21
[5]. 6ème Bataillon d'Infanterie de Marine (B.I.Ma) : Unité de l'armée française, située à Libreville (Gabon). Elle est devenue depuis 2015, une composante des Eléments Français du Gabon (E.F.G). Dans ces Eléments, elle répond au nom de Centre de la Coopération Opérationnelle en Afrique Centrale.
[6]. 23ème Bataillon d'Infanterie de Marine (B.I.Ma) : Unité de l’armée française, située à Dakar (Sénégal). Elle est devenue depuis 2011, Éléments français au Sénégal (E.F.S).
[7]. 43ème Bataillon d'Infanterie de Marine (B.I.Ma) : Unité de l’armée française, située à Abidjan (Côte d’Ivoire). Elle est devenue depuis 2015, Forces Françaises en Côte d'Ivoire (F.F.C.I).
[8]. Page 9-10
[9]. Page 58-61
[10]. FUNCK-BRENTANO et SOUEI., Précis du Droit des Gens, Paris, 1877, Introduction, p. 7-8.
[11]. Page 58-59
[12]. Page 59-60
[13]. A.O.F : Afrique Occidentale Française : De 1895-1958, c’était l’ensemble des 8 colonies (Côte d’Ivoire, Sénégal, Niger, Mali, Bénin, Guinée, Togo, Burkina-Faso) françaises d’Afrique de L’Ouest.
[14]. https://cerclevictorbiakaboda.blogspot.com/2012/01/il-y-31-ans-disparaissait-jean-baptiste.html
[15]. Page 22-23
[16]. Les traités de Westphalie signés en octobre 1648 mettent fin à la guerre de Trente Ans.
[17]. Page 140-141
[18]. Page 61
[19]. Page 61-62
[20]. Page 81-82
[21]. En majorité des chercheurs français à la retraite ou en activité, avec leurs sous-fifres africains et ivoiriens. Cette collusion décomplexée entre recherche et diplomatie, trouve sa meilleure illustration avec l’installation au sein de l’Université de Cocody du siège de l’IRD (Institut de Recherche pour le Développement), après l’installation au pouvoir à Abidjan de l’actuel régime par la France. A Abidjan on dirait : « ils sont dans notre sang »
[22]. Organisation Non Gouvernementale
[23]. Le comble de cette immixtion a été atteint après le second tour de l’élection présidentielle 2010. Après avoir refusé le verdict du conseil constitutionnel, elle fit usage de la force pour imposer un autre verdict favorable à son poulain.
[24]. Les entreprises ivoiriennes représentent 50% des recettes fiscales ivoiriennes, et 30% du PIB ivoirien.

mardi 9 juin 2020

Voici Gauz, l'homme qui réécrit l'histoire de la colonisation


 
Maintenant qu'ils font le buzz, je profite pour vous glisser un super article de VICE.COM sur mon dernier roman
toujours disponible dans toutes les bonnes libraires d'Abidjan et ailleurs dans le système solaire.

PS : je ne porte pas plainte, bonne semaine à tous.

GAUZ


Une discussion avec Gauz, écrivain, né Armand Patrick Gbaka-Brédé en 1971 à Abidjan, peut vite prendre les allures d’un cours d’histoire et/ou d’un meeting politique. Du business des casques bleus en Afrique à la tragédie du Koursk, l’écrivain balaie tous les sujets avec un bagou de prof émérite. Il défend ses idées, calé derrière son ordi portable, un poil bravache et carrément attachant.
Quatre ans après le succès de son premier roman « Debout-payé », dans lequel il parlait déjà de société de consommation et d’immigration en faisant s’imbriquer les aphorismes d’un vigile avec le récit de la décolonisation, Gauz est de retour avec « Camarade Papa ». Le roman aborde les liens entre la Côte d’Ivoire et la France à travers la voix d’un enfant noir des années 70 élevé par des parents communistes, et celle d’un colon blanc de la fin du XIXe.

« Il faut casser les classes sociales. Ce n'est pas une question de couleur, c'est une question de classe »
« Camarade Papa », c’est aussi le nom d’un daron qui a baptisé son fils Shaoshan Illitch Davidovitch Anouman — un peu comme on appellerait le sien « Kylian N’Golo Pavard Alphonse » si on était fan des derniers vainqueurs de la Coupe du monde autant que de Lénine et Mao. Gauz confie : « La voix de l’enfant, ce sont mes convictions les plus pures. Ce n’est pas du flan, ce n’est pas une posture. C’est pour ça que j’utilise ce langage particulier. Parce que j’aime bien fabriquer la langue. En plus, c’est une industrie africaine. Parfois, tu fais cent kilomètres et tu tombes sur dix dialectes différents ».
Résultat : une novlangue communiste — hommage à Romain Gary — à base de « bourgeoisie compradore » et de « Sacriprivilège » que le gamin trimballe des Pays-Bas à la Côte d’Ivoire en passant par Paname. Bienvenue dans la kolkhoze nation où « la maison devient camp révolutionnaire anticapitaliste » et les repas prévus par plans quinquennaux sont supervisés par le « ministre du Contrôle de la cuisson des pâtes et du riz ».
Gauz a forgé ses convictions politiques à la fin des années 80. « J’ai découvert le militantisme en Première. Je mélangeais bouquins et réflexions sociales. J’ai lu le manifeste du Parti communiste cinquante-deux fois — un défi avec un pote. Mais tout ça, c’est du folklore. Quand tu veux comprendre, tu essaies d’aller plus loin. C’est là que je me suis intéressé au fonctionnement de la Commune. Et ce n’était que le début ».
À la même époque, en Côte d’Ivoire, un opposant fait son retour d’exil. Il tient des conférences où son discours marxiste-léniniste fait mouche. « Laurent Gbagbo était une espèce d’idole underground. On se retrouvait dans ses discours contre la corruption et le tribalisme. En l’écoutant, tu apprends aussi ce qu’est la forfaiture de l’indépendance », ajoute Gauz avant de préciser. « En 1960 [7 août, date de l’indépendance de la Côte d’Ivoire, ndlr], la bourgeoisie a colorisé le pouvoir. Une administration blanche a été remplacée par une administration noire. Mais le code civil n’a pas changé. Le code pénal non plus ».
L’auteur insiste : « Il faut casser les classes sociales. Ce n’est pas une question de couleur, c’est une question de classe. Un négro bourgeois, c’est un bourgeois, tu peux enlever "négro". Un blanc bourgeois, c’est un bourgeois, tu peux enlever "blanc". Ils appartiennent à une classe qui concentre énormément de pouvoirs et qui continuent d’en amasser ». Tout en rappelant l’engagement de sa mère « qui parle comme une communiste mais qui n’en est pas une reconnue », partie soigner des victimes du conflit rwandais à Goma en 1994.
« Montrer ceux qui réussissent, c’est injurieux, c’est dire aux autres qu’ils sont des branleurs »
Pour Gauz, le capitalisme est un système basé sur la loterie. Pire, le storytelling qui l’accompagne a fini par oblitérer sa vraie nature. « Un pauvre qui réussit, c’est un miracle, pas un exemple », assène-t-il. « Montrer ceux qui réussissent, c’est injurieux, c’est dire aux autres qu’ils sont des branleurs. Un entrepreneur devrait être rémunéré à la hauteur de ses risques ? Mais ça ne veut rien dire. C’est de la poésie ».
Il gonfle les poumons et soupire. « Je te jure, j’ai mis en parallèle des discours qui justifiaient l’esclavage et ceux qui justifiaient l’exploitation dans les mines du nord de l’Angleterre et c’est flippant de ressemblance. Il y a des phrases entières qui sont les mêmes. Moi, j’encense les idées que je défends. Je n’ai pas les moyens de déconstruire le capitalisme. Il est là depuis trop longtemps. Mais si tu fabriques un petit truc, tu peux, par contamination, convaincre quelqu’un ».
Et pour convaincre, il y a le style Gauz. « Je ne lance pas le geste de l’écriture tant que je n’ai pas trouvé la langue et la forme », explique-t-il. « J’ai des idées qui traînent. Mais ça ne sert à rien de dire : "C’est l’histoire de tatata tatata". Deux voix pour raconter une seule et même histoire, c’est rare. Quand tu trouves ça, tu te dis : "Je suis un auteur". Pas parce que tu dis des choses extraordinaires mais parce que tu as un regard unique sur les choses ».
Dans « Camarade Papa », c’est la voix de Dabilly qui se superpose à celle de l’enfant et raconte « comment c’était avant ». Dabilly, jeune français issu de la campagne profonde pour qui Châtellerault symbolise le « bout du monde ». On est à la fin du XIXe et, à la mort de ses parents, il décide de tenter l’aventure sur le continent africain et plus précisément Grand-Bassam, comptoir colonial fondé par un négociant rochelais, Arthur Verdier.



« Camarade Papa », éditions Le Nouvel Attila, 192 pages


Gauz s’empare d’une tablette de chocolat fourré au caramel en guise de carte. « Tu vois, Grand-Bassam, c’est une langue de terre », dit-il en montrant la plaque. « Ce n’est pas très grand et c’est juste à côté d’Abidjan. La mère d’un ami était chargée de l’intendance d’un collège qui était sur la même plage où ont débarqué les premiers colons. Je m’y suis posé deux mois avant les partiels pour préparer ma licence de biochimie. Il y a beaucoup d’images de cette période-là qui sont ancrées en moi ».
L’histoire de Dabilly permet aussi à Gauz de réécrire le grand roman de la colonisation. « Je suis romancier de fiction. Je reconnais mon collègue romancier, Jules Ferry, qui dit "On va importer la civilisation". C’est une fiction qu’on accepte de fabriquer comme celles qui accompagnent Binger ou Livingstone, ces grands explorateurs qui ont découvert des coins accompagnés par des gars qui faisaient le même voyage deux fois dans l’année ».
À la fin de l’entretien, l’auteur dévoile son plan pour en finir avec les maux du capitalisme. « L’éducation. Pas l’embrigadement. L’éducation et la fabrication de l’intelligence. Le ravissement et les arts. Tout ce qui rend les gens bien. La première des choses que les humains ont fait quand ils se sont mis en société, c’est de fabriquer de la beauté ». Il se lève, sourit, tend la main et on a envie d’y croire.

Alexis Ferenczi

Source : http://www.vice.com 10 Septembre 2018

mercredi 3 juin 2020

« Gardez votre bouche fermée » : un chef de la police aux USA s'en prend en direct à Trump

Art Acevedo, le chef de la police de Houston (Texas)
https://fr.sputniknews.com/international/202006021043884958-gardez-votre-bouche-fermee-un-chef-de-la-police-aux-usa-sen-prend-en-direct-a-trump/

Alors que les États-Unis sont en proie à des violences urbaines, Donald Trump a dénoncé « des actes de terreur intérieure » et a promis des mesures. « S'il vous plaît, si vous n'avez rien de constructif à dire, gardez votre bouche fermée », lui a lancé Art Acevedo, chef de la police de Houston.
Le 1er juin, Art Acevedo, le chef de la police de Houston, ville du Texas, s’est adressé en direct sur la chaîne CNN au Président américain alors que les manifestations ne cessent de se poursuivre à travers les États-Unis suite au meurtre de George Floyd.
« Permettez-moi de dire ceci au Président des États-Unis, au nom des chefs de police de ce pays: s'il vous plaît, si vous n'avez rien de constructif à dire, gardez votre bouche fermée », a-t-il notamment dit, visiblement remonté contre le locataire de la Maison-Blanche. 
«Nous ne voulons pas que l’ignorance soit légion»
M. Acevedo a expliqué que les récentes déclarations du Président «mettent des hommes et des femmes, qui ont tout juste la vingtaine, en danger». Il a également appelé les policiers à être prudents. 
« Ce n’est pas qu’une question de domination, mais de gagner les cœurs et les esprits. Soyons clairs, nous ne voulons pas que les gens confondent la gentillesse avec la faiblesse, nous ne voulons pas que l’ignorance soit légion », a-t-il dit. 
Pendant son intervention, le chef de la police a également évoqué l'émission de téléréalité The Apprentice, présentée par Trump au début des années 2000.
« Je parle au nom de mes collègues de ce pays. Si vous n’avez rien à dire, alors ne le dites pas, c’est une des bases du leadership, et nous avons besoin de leadership à cet instant, plus que jamais. [...] C’est le moment de prouver que vous êtes Président, vous n'êtes pas dans The Apprentice. C’est la vraie vie, et nous appelons les citoyens américains à être du côté de la police », a indiqué M. Acevedo.
Violences urbaines aux États-Unis
Une semaine après le meurtre de George Floyd lors de son arrestation, la colère se propage aux États-Unis.
Donald Trump a promis le 1er juin de restaurer l’ordre, menaçant de déployer l'armée pour faire cesser les violences. Le Président a également annoncé que les autorités régionales et locales ne pouvaient pas protéger les civils contre les criminels qui provoquent les troubles.

Source : sputniknews.com 02 juin 2020