A travers cette adresse, je
voudrais interpeller mes sœurs et frères cadres du nord de notre patrie,
la Côte
d’Ivoire, que nous aimons tous et que nous partageons avec nos… frères des
autres groupes ethniques.
Masseny Bamba, ancienne députée |
En effet, pour
rappel, il est connu de tous que l’actuel chef de l’Etat, M. Alassane Dramane
Ouattara a fait son entrée véritable en politique en 1994. Face à la traque de
Bédié et de la justice ivoirienne qui le sommaient de fournir les preuves de sa
nationalité ivoirienne, l’homme, au cours d’une conférence à Paris en 1999,
prit le dangereux raccourci d’un discours justificatif au caractère ethno-religieux
: « On
ne veut pas que je sois candidat, parce que je suis musulman et du Nord ».
Ces propos
marquaient une grande première dans le jeu politique ivoirien. Le choc ressenti
dans le pays était à la mesure de la dangerosité et du caractère inédit du discours.
Depuis lors, malheureusement, cette phrase destructrice a fait son chemin en
Côte d’Ivoire.
Au début, les
Ivoiriens dans leur ensemble hormis les « initiés », avaient cru qu’il
s’agissait juste de propos politique pour rallier à sa cause les nordistes,
communauté alors majoritairement militante du PDCI-RDA. D’ailleurs cette vision
des choses se concrétisa, car la majorité des militants du RDR est aujourd’hui
constituée des ressortissants du Nord de la Côte d’Ivoire. Cette adhésion
massive à ce parti, il faut le reconnaitre, se manifesta de manière avérée à
l’arrivée du président Laurent Gbagbo au pouvoir, ce à deux niveaux :
D’abord, tout le
Nord de manière générale a servi de base à la rébellion qui a endeuillé les
Ivoiriens à partir de 2002. Cette rébellion, par son positionnement
géographique principal et l’origine de ses principaux leaders, donnait à penser
à un conflit du Nord majoritairement musulman contre le Sud chrétien, selon le
schéma décrit plus haut par M. Alassane Dramane Ouattara.
Les raisons servies
par ceux qui ont porté le coup meurtrier à la mère patrie, sont que l’on venait
pour restaurer la dignité du peuple du Nord longtemps bafouée, en plus de la promesse
d’un bien-être social. Hélas ! Souvenir pour souvenir, après neuf ans
d’occupation anarchique et d’exploitation incontrôlée de cette partie du pays,
de Touba à Korhogo, en transitant par Séguéla, Kong, Odienné pour ne citer que
ces localités, le constat est très amer : aggravation de la misère, décimation
de la population active, exode des jeunes vers le Sud, propagation du VIH/SIDA,
destruction de l’école avec l’utilisation des enfants comme des combattants,
aggravation des conflits éleveurs-planteurs, mévente des produits (coton,
anacarde), pauvreté généralisée…
Ensuite, avec les
élections de 2010, cette population semble prendre fait et cause pour le
candidat du RDR. Cette vision des choses est pourtant loin de la réalité, car
la brave population du Nord s’est trouvée prise en otage par les rebelles du
MPCI et contrainte par ces derniers, sous les armes, à voter « massivement »
et même abusivement pour leur mentor, comme en témoignent les scores staliniens
réalisés par le leader du RDR dans cette zone.
Après l’installation
de M. Ouattara au pouvoir dans les conditions que nous connaissons, les
Ivoiriens étaient légitimement en droit d’espérer en une véritable politique de
réconciliation, d’union et de reconstruction, au sortir de plus d’une décennie
de crise militaro-politique ponctuée par une terrible guerre postélectorale.
Que nenni ! Il leur sert à leur grand étonnement une gestion outrancièrement
ethno-tribale, conceptualisée et expérimentée sous le vocable de « rattrapage
ethnique ».
En effet, en
déclarant au journal français L’EXPRESS, à propos de sa politique de
recrutements et de nominations exclusifs de ressortissants du Nord : « Il
s’agit d’un simple rattrapage. Sous Gbagbo, les communautés du Nord, soit 40%
de la population, étaient exclues des postes de responsabilité », M.
Alassane Dramane Ouattara venait de jeter un autre pavé dans la mare déjà
boueuse du microcosme politique ivoirien. Après « l’ivoirité » dont
il s’est proclamé illustre victime, il venait, à son tour, de créer un concept
monstrueux et nocif en Côte d’Ivoire.
En fait, le
rattrapage ethnique accrédite la thèse selon laquelle le nord, grâce à Alassane
Dramane Ouattara, se «rattrape » des injustices qu’il aurait subi au détriment
des autres régions de la Côte d’Ivoire, particulièrement sous le règne du
président Laurent Gbagbo.
Les observateurs de
la vie politique dans notre pays et au-delà noteront que, c’est bien la
première fois qu’un dirigeant africain, à cet ultime niveau de responsabilité,
reconnait ouvertement et sereinement, qu’il fait ses nominations sur une base
purement tribale et communautaire. Ils noteront également la contre-vérité
flagrante qui accuse gratuitement le président Gbagbo de marginaliser les
nordistes. Les preuves contraires surabondent, mais nous en ferons l’économie
pour l’occasion, de peur de nous éloigner de la quintessence de notre sujet.
En réalité, avec la
politique de « rattrapage » initiée par l’actuel Chef de l’Etat, la
part belle est faite aux ressortissants du « Nord » dans
l’administration centrale comme dans l’armée. Jugeons-en nous-mêmes : le
gouvernement de la République de Côte d’Ivoire, les responsables
d’institutions, d’administrations centrales et d’administrations
décentralisées, les responsables des sociétés d’Etat sont tous majoritairement
d’origine nordiste. L’armée de Côte d’Ivoire (FRCI) ainsi que toute la
hiérarchie de cette armée qu’on peut sans risque de se tromper qualifier de
tribale, appuyée par les supplétifs « dozos » est dominée par les
anciens chefs de guerre, tous pratiquement de la même région.
Est-ce à dire que
les nordistes ont la primauté sur les autres populations ivoiriennes ? Sont-ils
les seuls dotés de compétences pour gérer ce pays ? Chacun conviendra que non.
De feu Félix Houphouët-Boigny jusqu’au président Laurent Gbagbo en passant par
les présidents Henri Konan Bédié et feu Robert Guéi, la Côte d’Ivoire a été
gérée en ne lésant aucune région. « Le Nord
n’est certainement pas moins développé que toutes les régions de la Côte
d’Ivoire. Il suffit de voir les voies d’accès aux zones productrices de cacao,
la principale source de devises du pays pour s’en rendre compte. Au sud, à
l’Est, à l’Ouest et au Centre, il y a des localités inaccessibles, non
électrifiées, sans centre de santé ni école » (Notre Voie n°4460 du 5 juillet 2013 P.2). D’où vient alors la
marginalisation des nordistes qui justifierait un « rattrapage » ?
La gestion du
pouvoir d’Etat à laquelle nous assistons aujourd’hui est loin de bâtir une
cohésion entre les filles et les fils de ce pays. Pire, M. Ouattara, avec sa
visite débutée le 02 juillet 2013 dans la Région des Savanes, affirme sans gêne
et je le cite : « le Nord n’a pas eu sa part de redistribution nationale (…) donc je suis
venu vous dire que j’ai de grandes ambitions pour le district des savanes (…)
».
Au-delà du discours
purement électoraliste et populiste à l’endroit des siens, il est malheureux
d’observer, de la part d’un chef d’Etat qui dit prôner « le vivre ensemble »,
l’apologie du tribalisme et du régionalisme. Ainsi, du rattrapage ethnique dans
les nominations dans l’administration publique et les sociétés d’Etat, monsieur
Ouattara vire au rattrapage régional par les investissements massifs annoncés
au Nord, au détriment des autres régions du pays.
Face à cette
situation qui fragilise notre nation depuis plusieurs mois, sœurs et frères
cadres du Nord, devons-nous, par notre mutisme, cautionner cette politique dite
de rattrapage ? Sous le prétexte que cette politique nous profite, allons-nous
fermer les yeux sur le danger que court la Côte d’Ivoire avec une ethnocratie
qui consiste à ne placer partout que des ressortissants du Nord de la Côte
d’Ivoire ? Quelle image renvoyons-nous aux dizaines de milliers d’Ivoiriens
licenciés de leurs services pour nécessité de rattrapage ? Et le sort des
femmes et des enfants de ces familles livrées à elles-mêmes ? Allons-nous
accepter plus longtemps que le Nord serve de « Goulags » et de camps
de tortures pour bon nombre de nos compatriotes non nordistes, sous la
surveillance d’une armée et d’une milice perçues comme tribales ?
BAMBA MASSENY
Commentaires de Sily Camara
La plupart des gens
qui s'agitent au le RDR sont d'un « Nord » qu'on n'arrive pas à
repérer sur la carte de la Côte d'ivoire. Un grand imam l'a dit : « Seuls
15 pour cent des gens qui fréquentent les mosquées en Côte d'ivoire sont des
ivoiriens ». Cela veut dire que seuls 15 pour cent
(approximativement) des musulmans de Côte d'ivoire sont des Ivoiriens. Le RDR
étant un parti ethno-tribal à 99,99 pour cent, il va sans dire que peu de ses
militants connaissent notre Nord et y sont attachés. La petite frange
originaire du Nord est constituée en majorité de « lèche-bottes » de
Ouattara. Ils l'ont applaudi depuis 2002 malgré les souffrances qu'endurent nos
parents. Cet appel peut-il, dès lors, être entendu ?
en maraude
dans le web
Sous cette
rubrique, nous vous proposons des documents de provenance diverses et qui ne
seront pas nécessairement à l’unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu
qu’ils soient en rapport avec l’actualité ou l’histoire de la Côte d’Ivoire et
des Ivoiriens, et aussi que par leur contenu informatif ils soient de nature à
faciliter la compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la
« crise ivoirienne ».
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