La grogne monte de plus en plus au sein du parti au pouvoir. Après
la vague des anciens du Rjr, qui donnent de la voix parce que s'estimant oubliés,
ce sont d'autres militants de première heure qui crient leur frustration. N'en
pouvant plus de ruminer leur mécontentement, certains se lâchent en privé.
D'Abobo à Adjamé, en passant par Koumassi, des « anciens », ceux qui étaient là
aux premières heures de la lutte, sont gagnés par le blues, se sentant
aujourd'hui oubliés par leurs anciens compagnons d'aventure. « Ils ont un besoin de reconnaissance », confie une dame proche de l'un de ces « guerriers de l'aurore ».
Quand le parti d'Alassane Ouattara, le Rassemblement des
Républicains (Rdr), faisait ses premiers pas, ces « fous » de Ouattara se sont
lancés corps et âme dans la lutte. C'est le cas de Cissé Idrissa à Koumassi.
Militant de base, l'homme était avec Abou Cissé (l'« oncle » qui
fustige Ouattara régulièrement en manchette des journaux proches de l'opposition),
l'un des premiers « apôtres » du leader du Rdr. « C'est Abou Cissé qui a envoyé les premiers bulletins du Rdr
à Koumassi », se
souvient-il. Cet activiste du Rdr dit connaître Alassane Ouattara depuis qu'il
était Premier ministre d'Houphouët-Boigny. « C'est depuis cette époque que j'ai
décidé de le suivre », confie-t-il à des proches. Pour faire aboutir
la cause du Rdr, Cissé Idrissa a décidé de mettre sur le marché le journal « La
Patrie », puis « voire ». Et cela, sur
fonds propres. Il en a fait les frais, puisqu'à la suite d'un article sur les
salaires des militaires à l'époque, il a été convoqué par le ministre de la
Défense d'alors, Léon Konan Koffi, qui l'aurait promené à travers les casernes
une semaine durant.
Pour bien montrer qu'il a une histoire avec l'actuel chef de l'Etat
et président du Rdr, le doyen Cissé ne manque pas d'anecdotes. Il se souvient avoir
convoyé des militants à la résidence d'Alassane Ouattara, quand il fallait
constituer un bouclier humain autour de leur leader, qui était alors menacé d'arrestation.
Il se souvient également du mémorable voyage qu'il a effectué avec Alassane
Ouattara à Aboisso avant la présidentielle de 2000. Voyage après lequel, lui et
bien d'autres ont été molestés par des partisans de la junte alors au pouvoir,
pour s'être engagés aux côtés de Ouattara. « Depuis qu'Alassane est au palais, j'ai cherché à le voir, mais
on m'empêche d'accéder à lui », confie-t-il à des proches. « 2015 ne peut pas se préparer dans un tel contexte. C'est maintenant
qu'il doit commencer à mettre de l'ordre dans son troupeau », ajoute-t-il, philosophe.
Comme Cissé Idrissa, dame Tenin Sylla, épouse Kouyaté, se sent
oubliée par ce parti auquel elle aussi a beaucoup donné. Militante active à Koumassi,
elle a donné de son énergie aux côtés de bien d'autres animateurs du Rdr dans
cette commune. Et en a subi les conséquences, au point de s'être exilée aux
Etats-Unis où elle a aujourd'hui le statut de réfugié politique. Revenue au
pays après l'accession au pouvoir de Ouattara, elle a mis six mois pour essayer
de rencontrer le chef de l'Etat. En vain. Finalement, elle est retournée au
pays de l'Oncle Sam. Un autre officier supérieur, qui était à l'époque en poste
à la DST (Direction de a surveillance du territoire), n'aurait pas été assez
valorisé, lui qui aurait pris de gros risques pour éviter le pire aux militants
du Rdr au plus fort de la traque à Ouattara. Selon des confidences, il était
pressenti pour être le patron de la police, avant d'être coiffé au poteau par
le l'actuel directeur général. Depuis, il attend lui aussi que sonne son heure.
A l'instar de cet officier supérieur, Fofana Mamadou ne cache pas sa déception.
Militant engagé durant les années de braise, il est de ceux qui ont porté le
Rdr à bout de bras à Koumassi. Mais, les premières années de gestion du pouvoir
par son parti le laissent perplexe. « Je
suis un grand déçu. Je ne reconnais plus Ouattara. Son entourage est pourri,
ils sont pires que ceux qui entouraient Gbagbo (…). Les valeurs pour lesquelles
nous nous sommes battus n'existent plus au Rdr. Le parti est devenu un club d'amis
(…). S'il ne fait pas un nettoyage complet autour de lui, je ne serai plus un
pro-Ouattara », fulmine-t-il.
Assane Niada - l’inter 21 juin 2013
Titre original : « Oubliés, des pionniers du
rdr grognent. »
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