mercredi 31 octobre 2018

30 ans après, la mort, à 53 ans, du gouverneur Abdoulaye Fadiga reste inexpliquée. Par Berthe Ipou Honga, ex-Directeur Adjoint, Conseiller du Directeur national de la BCEAO pour la Côte d’Ivoire


A. Fadiga (1935-1988) et son épouse Matiéni Doukouré (1943-2009)
Dieu m’a accordé la grâce et le privilège d’appartenir à la génération des premiers cadres africains de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), appelés à accompagner le gouverneur Abdoulaye Fadiga dans sa mission de réinvention de l’Institution.
Sa prise de fonction, le 10 février 1975, en qualité de premier gouverneur de la BCEAO, a coïncidé avec la fin de mes études au Centre de formation de cette banque centrale. Mon diplôme de fin de stage a été signé par le gouverneur Fadiga lui-même. Il avait une signature atypique, je dirai hiéroglyphique, qui contrastait avec celle de Robert Julienne, le dernier directeur français de la BCEAO.
Cette signature en disait long sur la personnalité de l’homme. Enfin, en tant qu’épouse de l’un de ses proches collaborateurs lorsqu’il présidait aux destinées de la Caisse de stabilisation et de soutien des prix des productions agricoles (CSSPPA), le gouverneur Fadiga m’honorait de son estime fraternelle et de son amitié. Ces circonstances me permettent donc de témoigner sur la portée historique de son œuvre.
A la BCEAO, le gouverneur Fadiga avait pour mission de moderniser la structure, l’organisation, le fonctionnement, la vision et les objectifs d’une institution déjà vieille de 20 ans, héritière de l’Institut d’émission de l’Afrique occidentale et du Togo créé en 1955 pendant la période coloniale. Il devait traduire, dans les faits, la vision des Chefs d’Etat de l’Union monétaire Ouest-africaine de faire participer plus activement l’institution au développement harmonieux et solidaire des Etats membres.

Une mort inexpliquée

La politique monétaire mise en œuvre dans ce but par le gouverneur fut un véritable succès. La banque centrale lui doit les bases de ses fondements. Malheureusement, le gouverneur Abdoulaye Fadiga fut brusquement arraché à notre affection le 11 octobre 1988, à 53 ans ! Sa mort inexpliquée a provoqué, en Côte d’Ivoire et en Afrique, une onde de choc insoutenable qui nous a hanté durant de longues années, à travers le regard éteint, le visage fermé et tourmenté de la jolie Maty, son épouse, demeurée elle aussi en état de choc jusqu’à la fin de sa vie, le 17 avril 2009.
De son vivant, le président Félix Houphouët-Boigny disait : « Le vrai bonheur, on ne l’apprécie que lorsqu’on l’a perdu ». Pour la BCEAO, ces paroles ont trouvé une illustration après le décès du gouverneur Fadiga, tant les vents contraires ont soufflé, avec acharnement, sur son héritage pour le détruire.
Le 11 mai 1989, sept mois après le décès du gouverneur Fadiga, le dispositif de gestion monétaire et les règles d’intervention de la BCEAO axés sur le développement des Etats membres de l’UMOA ont été abandonnés au profit, a-t-on prétendu, de nouvelles orientations visant à adapter la politique monétaire aux mutations de l’environnement international. En juin 1989, la CSSPPA, cet autre instrument de développement dont le gouverneur était l’architecte, a été démantelée.

Les raisons du démantèlement de la CSSPPA

Victime des fameux plans d’ajustement structurel (PAS) dénoncés et indexés comme « responsables de la persistance et de l’accentuation de la pauvreté sur le continent africain » (Alpha Oumar Konaré, devenu président de la Commission de l’Union africaine de 2003 à 2008 après avoir été président du Mali). La CSSPPA a été démolie, en réalité, à titre de représailles contre la Côte d’Ivoire. Le président Houphouët-Boigny ayant osé exprimer son ras-le-bol en s’appuyant sur sa déclaration historique « On nous a trop volé ! », pour refuser de brader le cacao ivoirien à des « spéculateurs sans visage ».
Cette guerre économique, véritable œuvre de destruction massive menée de tous temps contre l’Afrique, a fait dire au Pape François que « l’Afrique est confrontée à une nouvelle forme de colonialisme ». Marie de Béthanie, évoquant la mémoire de son frère Lazare, a dit à Jésus : « Rabbi, si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort » (Jean 11. 21). En évoquant la mémoire du gouverneur, je ne peux m’empêcher de lancer ce cri de résilience : « Gouverneur Fadiga, si tu avais été là, la CSSPA, véritable moteur de l’économie ivoirienne, artisan du miracle ivoirien magnifié à travers le slogan, "le succès de ce pays repose sur l’agriculture", n’aurait pas été démantelée La dévaluation du Franc CFA intervenue un mois seulement après le décès du président Félix Houphouët-Boigny, n’aurait pas été possible ».
Le Vieux s’opposait à cette opération injustifiée, imposée par la France et effectuée sans base juridique, en violation des articles 18-51 et 52 des statuts de la BCEAO (articles 17–76 et 77 des statuts modifiés) qui prévoient, en cas de baisse des avoirs extérieurs, une panoplie de mesures, notamment « le ratissage des ressources », avant toute mise en œuvre de la mesure extrême que constitue la dévaluation de la monnaie.
Oui, « Gouverneur Fadiga, si tu avais été là », le débat artificiel créé sur la problématique du Franc CFA n’aurait pas existé. Sous ta haute autorité, le processus engagé pour l’avènement de notre propre monnaie était irréversible, les études des experts étaient bouclées, le cahier des charges adopté par toutes les parties et sa date de mise en circulation était annoncée pour le 1er janvier 2003.
Déjà en 1966, suite à la création de l’Union monétaire Ouest-africaine (UMOA) en 1962, les chefs d’Etat membres avaient demandé au président Hamani Diori du Niger d’assurer la coordination des travaux nécessaires à l’aboutissement du projet. A sa demande, l’éminent économiste Samir Amin, qui a théorisé la relation de domination Nord-Sud et préconisé la suppression du FMI, avait accompli un excellent travail qui a abouti à l’acte fondateur du projet de création de la monnaie unique des Etats membres de l’UMOA en 1983…
« Gouverneur Fadiga, si tu avais été là », la BCEAO n’aurait pas délibérément piétiné les principes et les valeurs cardinales qui fondent sa crédibilité pour se transformer, ces dernières années, en déstabilisateur du système par la désorganisation du fonctionnement et de la sécurité des paiements (compensation interbancaire), la demande inconcevable de fermeture de ses agences et par les fermetures intempestives des banques, la perturbation des opérations financières des banques et de la clientèle, la mise à mal de la bancarisation de l’économie.
« Gouverneur Fadiga, si tu avais été là », les perspectives qu’offre le niveau record des avoirs extérieurs des pays membres de l’UMOA auraient été exploitées, les techniques de l’« assouplissement quantitatif ou hélicoptère monétaire » auraient été appliquées pour injecter dans nos économies une partie de nos avoirs extérieurs bloqués dans le Compte d’opération au profit du Trésor français et qui se chiffraient à 14 000 milliards de FCFA en 2015 ;
Ces avoirs auraient permis à l’argent de « circuler en travaillant » pour éviter le piège du surendettement et l’humiliation que nous fait subir l’Occident, en nous faisant passer pour d’éternels mendiants. Une perversion qualifiée par le président Thabo M’Beki de « Système mondial de domination du plus grand nombre par quelques-uns disposant de la prééminence du pouvoir politique, économique, militaire et médiatique ».
Le gouverneur Abdoulaye Fadiga a partagé ses choix moraux et éthiques avec des milliers de cadres africains. C’est pourquoi j’en appelle à la conscience de tous ces milliers de cadres de « l’aventure Fadiga » qui, comme Tiémoko Marc Garango, Intendant militaire, ministre burkinabé des Finances et coordonnateur de toute la réforme à l’époque, doivent réagir : Il nous faut, contre vents et marées, pérenniser l’héritage du gouverneur Fadiga, puisque « les choses semblent toujours impossibles jusqu’à ce qu’on les réalise », selon le président Nelson Mandela.

B. Ipou Honga

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Source : IvoireSoir

mardi 30 octobre 2018

UN PARTI FORT ET SÉRIEUX N'EST PAS ALLERGIQUE À LA CRITIQUE. Par Jean-Claude Djéréké

Quelqu’un, après avoir lu mon post sur « le FPI fait quoi si Gbagbo n’est pas libéré en 2019 ? », m’a interpellé, ce que je ne trouve pas anormal car, pour moi, tout amoureux de la démocratie devrait accepter d’être contredit ou critiqué, pourvu que ce qu’il a écrit ou dit soit bien compris et que la critique qui lui est adressée soit fondée et argumentée.
Mon interlocuteur m’a dit ceci :
1) mon post est politiquement incorrect parce que je laisse entendre comme Affi N’Guessan qu’il faut tourner la page Laurent Gbagbo ;
2) il est important d’attendre Gbagbo parce qu’il est un maillon essentiel de la réconciliation en Côte d’Ivoire.
Ni dans mon dernier post ni dans d’autres textes écrits précédemment, je n’ai soutenu qu’il fallait oublier Gbagbo à La Haye et passer à autre chose.
Ce que j’ai dit, c’est qu’on ne doit pas l’attendre pour mener le combat de la liberté et de la justice pour deux raisons :
la première, c’est que lui-même ne s'était pas croisé les bras quand Innocent Anaky et Martial Ahipeaud étaient en prison ou quand Houphouët refusa de sanctionner les militaires coupables de violences et de viols à la cité universitaire de Yopougon ;
deuxièmement, si nous menons et gagnons le combat de la liberté et de la justice, c’est tout le monde qui en profiterait : le Pasteur N’Goran Koffi Israël et l’étudiant Eddie Armel Kouassi (qui vient d’être déféré à la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan pour avoir relayé un post présentant Sawegnon et Ouattara comme des étrangers), mais aussi Laurent Gbagbo.
Macron et sa bande ne s’intéressent pas à l’affaire Gbagbo, ils vaquent tranquillement à leurs occupations, Dramane Ouattara peut sortir du pays et y revenir comme il veut, parce qu’Abidjan est calme, parce que le front social et la rue n’y sont pas en ébullition. Si Abidjan n’était plus calme, si la vie économique y était paralysée et le climat tendu, si les entreprises françaises commençaient à y perdre de l’argent (le dieu auquel bien des Blancs croient et qu’ils adorent), alors le gouvernement français chercherait à discuter avec les dirigeants du FPI.
Quiconque se place dans cette perspective comprendra aisément que le discours selon lequel on doit attendre Laurent Gbagbo est non seulement démobilisateur mais absurde. Démobilisateur car il ne pousse pas les militants à agir ; absurde car comment pouvons-nous compter sur un homme qui, lui, compte sur nous pour sortir de là où les Blancs l’ont mis avec la complicité de Ouattara, Bédié et Kigbafori Soro ?
Pour moi, il ne s’agit pas d’attendre que Gbagbo sorte de prison pour lutter avec lui contre l'oppression et l'injustice mais d’utiliser les stratégies et moyens que la démocratie met à notre disposition pour contraindre ceux qui l'ont pris en otage à le libérer.
Dire cela, ce n’est pas inviter les militants et les Ivoiriens en général à oublier Laurent Gbagbo qui est une pièce maîtresse de la réconciliation. Il est effectivement incontournable dans ce processus, d’abord parce qu’il a dirigé notre pays pendant 10 ans ; à ce titre, il sait des choses que nous autres ne savons pas ; sa parole est précieuse en ce sens qu’elle peut éclairer nos esprits et apaiser nos cœurs meurtris ; ensuite, parce qu’il a le droit de dire sa part de vérité ; enfin, parce qu’un bon nombre d’Ivoiriens se reconnaissent en lui ; ce que Gbagbo demandera à ces Ivoiriens-là peut faire tomber la colère et la tension.
Sur ce chapitre de la réconciliation, je conviens donc avec mon contradicteur qu’il est important d’attendre Laurent Gbagbo et que, sans lui, nous ne parviendrons pas à une réconciliation vraie et durable. Mais en quoi le fait de dire que nous n’avons pas besoin d’attendre la sortie de Gbagbo pour nous battre pour les libertés individuelles et collectives est-il politiquement incorrect ?
Cela signifie-t-il que tout le monde doit se taire quand manifestement on va droit dans le mur ?
Harris Memel-Fotê n’a jamais souhaité que les gens soient bâillonnés, ni que la parole soit confisquée au FPI. Il prônait plutôt la critique des élus, l’autocritique personnelle et collective et une amélioration ou une réactualisation du projet de société (cf. Laurent Gbagbo, Fonder une nation africaine démocratique et socialiste en Côte d’Ivoire, Paris, L’Harmattan 1998, p. 20). Il savait que c’est cela qui ferait la force du FPI et le distinguerait du PDCI et du RDR où les militants ont tendance à suivre comme des moutons de Panurge. Memel-Fotê revendiquait à juste titre le droit de critiquer, certainement parce qu’il croyait que « l’intellectuel, au sens où je l’entends, n’est ni un pacificateur ni un bâtisseur de consensus, mais quelqu’un qui refuse, quel qu’en soit le prix, les formules faciles, les idées toutes faites, les confirmations complaisantes des propos et des actions des gens de pouvoir et autres esprits conventionnels. Non pas seulement qui, passivement, les refuse, mais qui, activement, s’engage à le dire en public » (Edward W. Saïd, Des intellectuels et du pouvoir, Seuil, Paris, 1996).
Certains objecteront que nous pouvions emprunter un autre canal ou lieu que la place publique pour nous exprimer. Ils n’ont pas totalement tort mais qu’ils sachent que, si on est obligé de dire les choses en public, c’est parce qu’on a échoué à se faire entendre en privé.

Jean-Claude Djéréké

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Source : La Dépêche d'Abidjan 28 octobre 2018

mardi 23 octobre 2018

Le FPI fait quoi si Gbagbo n’est pas libéré en 2019 ?


On a dit aux militants du FPI que Laurent Gbagbo, injustement détenu à La Haye (Pays-Bas) depuis le 30 novembre 2011, serait libéré en 2017 et qu’il fallait se préparer à l’accueillir. Malheureusement, la « prophétie » ne se réalisa pas. Au début de cette année 2018, on entonna le même refrain : « Il sera là bientôt et c’est avec lui que nous irons à la reconquête du pouvoir ». Ainsi, il n’est pas demandé aux militants d’engager la lutte pour la liberté et la justice comme dans les années 1990 mais d’attendre Gbagbo. Or « attendre » signifie compter sur l’action de quelqu’un. Celui qui attend n’attend plus rien de lui-même ; il attend tout d’un autre (Dieu ou un autre homme). Il se croise alors les bras, se tourne les pouces, n’entreprend rien, s’installe dans l’inaction et l’immobilisme. Effectivement, entre 2011 et aujourd’hui, le parti se borna à faire le service minimum (2 à 3 tournées à l’intérieur du pays, quelques meetings, des points ou conférences de presse pour condamner ceci ou cela), ne mena aucune action d’envergure susceptible de bousculer le régime, de le faire reculer, de le contraindre à lâcher du lest ou de montrer à la face du monde, comme lors du 5e sommet Union africaine-Union européenne à Abidjan (29-30 novembre 2017), que le régime est anti-démocratique et liberticide. Même les camarades qui furent arrêtés et embastillés après le Congrès de Mama (Hubert Oulaye, Sébastien Dano Djédjé et Justin Koua) ou après une marche de protestation à Yopougon (Samba David), on ne fit rien pour qu’ils sortent vite de prison. Parce qu’il fallait attendre Gbagbo, les malheureux camarades étaient obligés de purger leurs peines de 3 ou 4 ans. Seul le satrape, content ou fatigué de les voir souffrir, pouvait décider du jour de leur élargissement. Certains moururent dans ces prisons infectes. Les plus chanceux en sortirent très affaiblis ou avec des maladies. Tout ceci arriva parce qu’on nous demanda d’attendre Gbagbo, attendre qu’il sorte de prison et se joigne à ceux qui l’attendent depuis 2011 pour « aller à la reconquête du pouvoir », pour battre le pavé, pour affronter Ouattara, pour faire ce que nous aurions dû faire sans lui, comme s’il ne s’était pas assez sacrifié comme ça, comme s’il n’avait pas donné suffisamment de son sang et de sa sueur, comme s’il avait encore la force de faire ce qu’il fit il y a 3 décennies.
Non, il ne fallait pas dire : « Attendons Gbagbo » mais « menons la lutte comme à l’époque où Houphouët affirmait arrogamment que le multipartisme était une vue de l’esprit et jetait en prison les étudiants qui réclamaient simplement de meilleures conditions de vie et de travail car il ne me semble guère normal qu’un parti attende tout et dépende à ce point de son leader qui a pourtant conseillé d’enjamber son corps et de continuer le combat s’il lui arrivait de tomber. Je trouve inacceptable que, sans Gbagbo, le FPI manque de stratégie et d’idées. J’ai du mal à admettre que les Refondateurs aient été incapables d’exploiter les situations qui, à un moment ou à un autre, provoquèrent la colère et la révolte des populations (enfants enlevés et assassinés, étudiants arrêtés et incarcérés, fonctionnaires chassés de leur travail, baisse du prix du cacao et de l’hévéa, augmentation du prix des denrées de première nécessité, quartiers précaires rasés, familles délogées, etc.) pour inquiéter le pouvoir. Je ne comprends pas pourquoi ils n’appelèrent jamais le peuple à boycotter les produits français (Orange, Canal plus, etc.) ou à occuper la rue dans toutes les villes jusqu’à la chute de ce régime sectaire et totalitaire.
Le parti s’est-il résigné à son sort ? A-t-il abdiqué ? A-t-il renoncé au combat ? A-t-il abandonné son rêve de gouverner la Côte d’Ivoire autrement ? Les enfants de pauvres ont-ils cessé de croire qu’ils peuvent et doivent améliorer la vie d’autres enfants de pauvres ? Ces questions, on ne peut pas ne pas les poser quand le FPI d’aujourd’hui donne l’impression que le prisonnier Gbagbo est son seul espoir. Or Gbagbo pourrait ne pas être libéré avant 2020. Car ceux qui l’ont envoyé à la Haye ont plus d’un tour dans leur sac ; ils savent faire passer le temps ; ils peuvent trouver toutes sortes de prétextes pour faire durer le procès, le temps que Ouattara finisse son second frauduleux mandat.
Bien sûr que mon vœu est que Laurent Gbagbo sorte de prison le plus tôt possible, cette année ou début 2019 mais, s’il ne sort pas, allons-nous attendre comme Vladimir et Estragon attendantGodotqui ne viendra jamais ou bien avons-nous un plan B ? Autrement dit, on fait quoi si le « chef » ne bénéficie pas d’un non-lieu ? De quels moyens le parti usera-t-il pour contraindre Ouattara à faire droit aux justes revendications de l’opposition (arriver à un consensus sur les listes électorales, le découpage électoral, la composition de la CEI, la sécurisation des électeurs et des candidats, la crédibilité du Conseil constitutionnel, etc.) ? Au cas où Ouattara acceptait finalement de soutenir Bédié en 2020 et que les deux hommes se remettent ensemble, comment le FPI compte-t-il les affronter et les battre ? Diriger, c’est anticiper. Voilà quelques questions sur lesquelles il serait bon de commencer à réfléchir au lieu d’attendre que Gbagbo sorte de prison. Si mes questions ont pu blesser quelqu’un, je m’en excuse d’avance mais telle n’était pas mon intention. Mon but était simplement de contribuer à la recherche de solutions capables de sortir le FPI de l’impasse dans laquelle il se trouve et qui n’empêche nullement nos valeureux camarades de nous quitter les uns après les autres.

Jean-Claude DJEREKE

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Source : https://www.connectionivoirienne.net 22 octobre 2018

lundi 22 octobre 2018

« Une nation qui ruse en permanence avec la vérité se destine à la violence », par Justin Katinan Koné, vice-président du FPI


J. K. Koné
Le message du Chef de l’Etat le 6 août dernier, la reprise de l’interminable procès du Président Laurent Gbagbo et du ministre Charles Blé Goudé, la rupture du PDCI d’avec son allié, l’organisation des élections locales meurtrières, la sortie du livre du Professeur Francis V. Wodié, ancien président du Conseil constitutionnel et la création d’une nouvelle plate-forme politique autour du PDCI-RDA sont les évènements majeurs qui ont marqué la vie politique au cours du trimestre écoulé.
Même s’ils n’ont pas tous la même portée nationale, ces évènements ont eu l’avantage d’exposer, au monde entier, toutes les incohérences de la vie politique en Côte d’Ivoire.
Ces incohérences, qui ne faiblissent pas malgré le drame qu’elles engendrent depuis plusieurs décennies dans le pays, tirent leur vitalité d’une seule source : la ruse permanente avec la vérité. Nous avons érigé en norme nationale et en référent de réussite politique le mensonge et tous ses avatars.
Le 6 Août, le Chef de l’Etat a fait la traditionnelle adresse à la nation à la veille de la fête nationale. Cette adresse a été accueillie avec assez d’enthousiasme parce qu’elle ouvrait une lucarne d’espoir dans l’épaisse incertitude qui enveloppe la vie politique depuis septembre 2011.
L’on a cru voir dans la mesure d’amnistie suivie de l’élargissement des hautes personnalités du FPI injustement incarcérées depuis plus de 7 ans, et la promesse de la réforme de la très contestée CEI un pas vers une possible réconciliation nationale. Hélas, l’espoir a vécu le temps d’un feu de paille : vif et long mais très vite éteint.
La meilleure preuve de la précarité des effets de la mesure d’amnistie sur la réconciliation est la violence meurtrière qui a émaillé les dernières élections locales. La raison est que le Chef de l’Etat a rusé avec sa propre mesure d’amnistie. Il l’a utilisée pour se donner une bouffée d’air à un moment de grandes tribulations pour son régime sans pour autant avoir eu l’intention irrévocable de se donner les moyens de construire une véritable réconciliation.
L’exclusion des militaires de cette mesure d’amnistie, dont certains après avoir été libérés des prisons ont dû prendre immédiatement le chemin de l’exil parce que traqués pour être remis en prison, et surtout l’exclusion des célèbres et encombrants prisonniers de la CPI révèlent la véritable intention du Chef de l’Exécutif ivoirien par rapport à la réconciliation. L’absence de l’ouverture d’un dialogue politique inclusif et sincère a considérablement réduit la portée de l’amnistie par rapport à la réconciliation nationale.
Le second point de cette ruse est le revirement spectaculaire du Chef de l’Etat qui, en moins d’un mois, a renié sa propre parole au sujet de la CEI. La restriction postérieure qu’il a portée à son engagement solennel de reformer la CEI avant les prochaines élections montre la duplicité des acteurs politiques majeurs de notre pays. Cette duplicité s’est bien illustrée pendant les dernières élections locales. En effet, comment comprendre autrement la participation à une élection organisée par une structure, que l’on reconnait comme partiale et illégale, et se plaindre, après coup, des manquements de cette structure si ce n’est faire preuve de duplicité ?
Non seulement elle est illégale et ploie sous le poids d’une suspicion à la fois légitime et générale, mais en plus, l’on demande à cette CEI d’organiser sa dernière élection avant sa disparition sous sa forme actuelle. En d’autres termes, les animateurs de cette structure savent qu’ils réalisent là leurs dernières « affaires » ; il faut bien qu’elles soient juteuses avec l’assurance surtout qu’il n’y aura aucune responsabilité à assumer a posteriori. Soyons sérieux un jour avec nous-mêmes.
Si toutes les parties d’un match de football contestent d’emblée l’arbitre et acceptent, néanmoins, de lui confier l’arbitrage du match, il est certain que chaque partie s’est donné les moyens secrets de s’imposer autrement que par les décisions de cet arbitre. C’est exactement ce qui s’est passé avec la violence meurtrière qui a accompagné les dernières élections dans lesquelles tous les acteurs y compris la CEI ont joué à la ruse. La violence et le manque de sincérité du scrutin étaient plus que latents ; ils étaient inévitables.
L’argument qu’il fallait y aller quand même, pour convaincre les derniers sceptiques de l’inefficacité et de la partialité de la CEI, est trop spécieux pour être pris au sérieux. Après la décision de la Cour de justice des droits de l’homme et des peuples de l’UA de 2016 et le discours du Chef de l’Etat lui-même, toute aventure dans une quelconque élection avec cette CEI n’est que turpitude.
Imaginons un seul instant que le FPI eût participé à cette élection, la violence enregistrée lui aurait été opportunément et malveillamment imputée pour servir et faire valoir d’élément factuel probant à la série de science-fiction que ne cesse de monter le Procureur de la CPI sur la crise politique ivoirienne. Le Président Laurent Gbagbo et son parti n’ont pas participé aux dernières élections qui se sont déroulées entre amis.
Elles ont enregistré de nombreux morts, des nombreux blessés et, même, des disparus. Pourtant, l’on tente maladroitement de leur attribuer l’exclusivité de la violence électorale de 2011. Quand nous attirons l’attention des uns et des autres sur la dangerosité du procès du Président Laurent Gbagbo pour la cohésion sociale en Côte d’Ivoire, beaucoup nous traitent de pro-Gbagbo radicalisés par un excès de « gbagboïsme ».
Aucun ivoirien, animé de la plus petite dose d’honnêteté, ne peut attribuer au Président Laurent Gbagbo le moindre trait caractéristique de violence ou de xénophobie.
Primo, La simultanéité de l’apparition de la violence et de l’arrivée des tenants actuels du pouvoir dans la sphère politique n’est pas un concours de circonstances hasardeuses. La tentative d’immaculation espérée avec le changement du nom de leur parti est peine perdue.
L’histoire et la conscience ivoirienne ont retenu cette réalité infalsifiable. La violence meurtrière enregistrée, pour une élection mineure, bat en brèche toute la thèse du procureur de la CPI. Ce n’est pas un plan conçu par le Président Laurent Gbagbo pour se maintenir au pouvoir qui a occasionné la violente crise post-électorale de 2011. C’est plutôt le refus systématique du respect des règles démocratiques par ses adversaires qui a engendré cette crise.
Secundo, les Ivoiriens n’ont jamais été xénophobes et aucun des gouvernements qui se sont succédé à la tête du pays n’a élaboré ou implémenté une politique de xénophobie. Paradoxalement, c’est la méthode de l’épouvantail, médiatiquement bonifiée à des fins politiques pour jeter l’anathème sur eux, qui risque de conduire les Ivoiriens sur le chemin très glissant de la xénophobie. Les dommages qui en découleraient seront énormes pour tout le monde. Or, toute la thèse de l’accusation, dans le procès qui a cours à la CPI, repose sur la xénophobie présumée du Président Laurent Gbagbo.
La thèse mensongère du supposé plan commun, élaboré et implémenté par le Président Laurent Gbagbo pour tuer les Ivoiriens du Nord et ceux de la CEDEAO, n’est rien d’autre qu’une illustration de cette xénophobie selon le procureur de la CPI. La mobilisation silencieuse ou manifeste autour du Président Laurent Gbagbo prouve que personne, en Côte d’Ivoire comme à l’extérieur, ne croit à cette thèse même si le mutisme de certains sachants, quant à l’invraisemblance de ladite thèse, est gênant pour la cohésion nationale.
En revanche, chaque jour que l’homme passe en prison, chaque fois que le procureur tente de réécrire l’histoire de la crise ivoire, il blesse davantage les Ivoiriens. Le soutien, au-delà des clivages politiques, apporté au candidat du PDCI au Plateau, un parfait anonyme de la scène politique ivoirienne, est un message très fort.
Elle rappelle cette autre mobilisation derrière Yasmina Ouégnin, quelques années avant à Cocody, parce que le passé de rebelle de son adversaire, bien que brillante, était jugé incompatible avec les valeurs sociales qu’entendaient défendre les électeurs de cette circonscription. La société humaine a plusieurs façons de s’exprimer. Il faut savoir l’écouter afin d’anticiper ses réactions. Ceux qui, par de petits calculs, font prolonger la détention arbitraire du Président Laurent Gbagbo font courir de graves risques à notre pays. Alors que cette question constitue la clé de la réconciliation, ici encore, l’on continue de ruser avec.
Un autre aspect de l’excès du dol dans la vie politique ivoirienne est l’inconstance idéologique de la classe politique. Telle une masse mouvante insaisissable, désorganisée et sans identité, celle-ci se déplace machinalement, tantôt à droite, tantôt à gauche, d’un pôle à un autre, au gré des contingences immédiates sans perspectives sur le long terme.
L’on s’unit pour déshabiller Paul et habiller Pierre avant que celui-ci ne se retrouve, à son tour, déshabillé au profit de celui-là. Pendant ce temps, les défis sérieux s’amoncellent sur le chemin de la nation. Le peuple s’interroge sur la capacité de la classe politique dans son ensemble à sortir le pays de l’ornière.
Hélas, cette démarche contorsionniste n’est pas propre aux seuls politiques. Des intellectuels, des quasi-savants y ont pris goût. L’ancien président du Conseil constitutionnel, émérite juriste dont la science est mondialement reconnue, maître incontesté des facultés et des écoles de droit, le très respecté constitutionaliste Francis V. Wodié, affirme, dans son livre qui vient de paraître, qu’il s’est laissé gagner par les petits arrangements politico-juridiques parce qu’il croyait pouvoir ainsi sauver les institutions de la République.
S’étant rendu complice, au moins passivement, de l’éviction de ce poste, pourtant réputé inamovible, du professeur Yao Ndré, une autre icone perdue du droit ivoirien, lui aussi, à cause de ses propres turpitudes, il se surprend à emprunter la même porte de sortie que son prédécesseur.
Les arrangements politico-juridiques, qui l’ont hissé au sommet du Conseil Constitutionnel, sont les mêmes qui l’en ont fait descendre. Aucune dictature ne prospère si elle ne bénéficie pas de complicités actives ou passives de la part de la classe politique. Je me laisserais difficilement convaincre de ce que, ce qui arrive en Côte d’Ivoire depuis 2011 est surprenant. Tout était prévisible. L’essence de chaque pouvoir, comme un matériel génétique de tout corps vivant, se constitue dès l’origine de ce pouvoir.
L’avènement d’une démocratie par les armes est la plus grande illusion vendue aux Ivoiriens. Maintenant que la supercherie semble être découverte par tous y compris les plus candides, il faut en sortir le plus rapidement possible. En Côte d’Ivoire, le contrat social est rompu. Il y a maintenant plusieurs contrats claniques qui menacent la République et la nation.
Il faut trouver le cadre pour fondre tous ces contrats claniques en un seul contrat social pour donner un nouveau départ à ce pays et, ce, avant 2020. Sinon ni aucune ruse, ni aucune incantation ne nous sauveront d’un naufrage collectif. Allah, lui-même, n’est pas obligé de nous écouter puisque nous lui mentons dans nos prières.

J. Katinan Koné


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Source : IvoireBusiness 22 octobre 2018.

mardi 16 octobre 2018

Des partis et mouvements politiques dénoncent les manigances d’un « régime moribond »

Les déclarants autour d'Henri Konan Bédié

Des partis et mouvements politiques ont fait une déclaration à Daoukro lors du VIe congrès extraordinaire du PDCI-RDA, le 15 octobre 2018, pour dénoncer les tentatives de déstabilisation dont ils sont ou ont été l’objet de la part du pourvoir.

Déclaration de Daoukro
Depuis l’accession de M. Ouattara à la Présidence de la République, de nombreux faits illustrent de manière éloquente le recul du pays à divers égards, notamment le démantèlement systématique des acquis démocratiques chèrement arrachés de haute lutte. La tentative de sabordage des partis politiques légalement constitués en est l’expression la plus manifeste.
Après le FPI, le MFA, le PIT, l’UPCI et LIDER, c’est aujourd’hui le tour du PDCI-RDA. Ces attaques et agressions contre les partis politiques opposés au pouvoir actuel attestent de manière éloquente la volonté manifeste de M. Alassane Ouattara de confisquer le pouvoir d’État par la violence de façon autoritaire, voire dictatoriale, contre la volonté populaire, dans l’optique d’une présidence à vie.
Pour les signataires de la présente déclaration, ces pratiques d’un autre âge, aux conséquences désastreuses et gravissimes pour la paix dans notre pays, sont antinomiques des valeurs démocratiques que les Ivoiriennes et les Ivoiriens se sont appropriées de haute lutte et dont ils attendent la consolidation de tous leurs vœux. En conséquence, ces pratiques autoritaires, anti-démocratiques, voire dictatoriales sont inacceptables, irrecevables et doivent être combattues ici et maintenant.
C’est pourquoi :
– Considérant l’aspiration profonde du Peuple ivoirien à la démocratie, à la paix et à une prospérité partagée ;
– Considérant les acquis démocratiques majeurs, obtenus de haute lutte ;
– Considérant que ces acquis ne peuvent prospérer que dans un climat de paix et de consolidation de l’État de droit ;
Les signataires de la présente déclaration, présents au Congrès Extraordinaire du PDCI-RDA à Daoukro le lundi 15 octobre 2018 :
1- Dénoncent la tentative de désorganisation et de sabordage par le pouvoir Ouattara des partis politiques qui lui sont opposés ;
2- Dénoncent la manipulation de l’appareil judiciaire pour satisfaire cette politique rétrograde ;
3- Appellent à la mobilisation générale et à la résistance, toutes les forces vives de la Nation, ainsi que tous les démocrates, patriotes sincères, épris de justice et de paix à user de toutes les dispositions légales et démocratiques pour faire échec à cette tentative d’un régime moribond, aux abois, qui veut désespérément se maintenir coûte que coûte au pouvoir.

Fait à Daoukro, le lundi 15 octobre 2018

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Source : IvoireSoir 

dimanche 14 octobre 2018

Plateau : Tentative de braquage électoral en direct…

J. Ehouo, le nouveau maire du Plateau (Abidjan), élu hier 13 octobre

Le député Jacques Ehouo (pdci), candidat à la mairie du Plateau et probable vainqueur du scrutin d’hier, raconte ce qui ressemble fort à une tentative de fraude organisée en faveur de son adversaire Fabrice Sawegnon, le candidat des Ouattara. Mais, dit-il : « Nous n’allons jamais accepter cela ».

 

Ci-dessous sa déclaration faite devant la presse au siège du PDCI, ce dimanche 14 octobre 2018.
"Au niveau de la commune du Plateau nous avons 8 centres. Après le dépouillement qui s’est fait hier, on avait les représentants de notre parti, Jacques Gabriel Ehouo, tête de liste du PDCI-RDA. Nous avions également les représentants de l’adversaire. Comme il se doit, après le vote, il y a eu le dépouillement. Par ce dépouillement, nous avons eu le nombre de votants.
Au sortir de là, nous avons constaté que nous étions majoritaires. Nous avons gagné 7 centres sur 8. A notre grande surprise, les représentants de l’adversaire, à partir d’un certain moment, quand ils se sont rendu compte que le résultat leur était défavorable, ils ont refusé de signer les Procès-verbaux (PV). Les présidents de centre ont tous signés, nos représentants également.
Nous avons récupéré nos PV, les avons consolidés et nous nous sommes rendus compte que nous avons autour de 8600 voix et l’adversaire avait 5600. Il y avait donc 3000 voix d’écart. Il fallait donc consolider les résultats au niveau de la CEI locale. Nous avons pris les dispositions sécuritaires, pour qu’on puisse accompagner les urnes au niveau de la CEI locale.
Le président de la CEI1 était présent pendant que celui de la CEI2 n’y était pas. A notre grande surprise, le commissaire de police vient prendre le président de la CEI1, on ne sait pas pourquoi. De 22h jusqu’à pratiquement 5h du matin, ils réapparaissent. On peut maintenant faire la consolidation. A la CEI1, la consolidation se fait normalement, à la CEI2, à un moment donné ils arrêtent.
Les policiers arrivent, un cordon sécuritaire se met en place, prennent les urnes avec nos militants (…) et d’après eux, ils se rendent à la CEI départementale. Nous accompagnons donc les urnes et lors du transport, on se rend compte qu’ils ne se rendent pas à la CEI départementale, mais plutôt à une autre CEI qu’on découvrira plus tard, à Angré 8è tranche Star 12.
Nous arrivons, nous découvrons que les bureaux où ont été déposées les urnes, il y a une maison mitoyenne qui est celle de la mère de mon adversaire. Fort surpris, nos militants ont trouvé qu’il y a quelque chose qui ne va pas, nous assistons à un braquage électoral. Nous avons nos avocats, nos huissiers, nos représentants qui sont présents, la CEI1 travaille normalement au niveau du Plateau comme il se doit, nous ne comprenons pas pourquoi la CEI 1 fait la consolidation au Plateau et la CEI 2 fait une consolidation hors du Plateau à Cocody.
Nous trouvons déjà que cela est assez bizarre. Au sortir de là, ils nous disent que malheureusement nous avons perdu près de 2000 voix. Nous nous posons la question de savoir comment nous avons pu perdre ces 2000 voix. Nous avons nos PV que nous avons conservés. Ils refusent de prendre en compte nos PV, ils refusent en plus de faire le recomptage des bulletins.
Cela nous donne une position pour dire que nous refusons cela, nous n’admettrons pas cela. Nous considérons que nous sommes un pays démocratique, nous considérons que si nous avons des élections qui sont loyales et que tout ce qui doit être fait pendant ces élections, que le comptage se fasse devant des responsables, devant des représentants.
On compte les bulletins et à partir de là, nous savon qui gagne. Ils disent que je suis un prisonnier en sursis. Pour un Ivoirien, pour tout ce que nous avons pu faire depuis ces années, je suis un député, je suis un élu de la nation ivoirienne. Nous n’allons jamais accepter cela.
F. Sawegnon (penché, à gche), le courtisan des Ouattara,
candidat malheureux et très mauvais perdant
Aujourd’hui, je demande à tous les militants du PDCI-RDA, à tous les sympathisants du PDCI-RDA, à tous les militants de la LMP, du FPI, à tous les militants même du RDR, que ce braquage électoral (…) aujourd’hui au niveau de la commune du Plateau, ne passera pas. Nous n’allons pas faire de recours, nous considérons que nous avons gagné.
S’ils considèrent qu’ils ont gagné, qu’on se retrouve, qu’on prenne les PV, qu’on vérifie les numéros des PV, qu’on vérifie les signatures et qu’à partir de ce moment on ouvre les urnes, on recompte tous les bulletins en espérant qu’ils n’ont pas fait de bourrage parce que dans la zone où ils ont transféré les urnes, ils nous ont gazé, donc hors de contrôle.
La commune du Plateau est pour nous, le cœur d’Abidjan, le cœur de la Côte d’Ivoire. Nous ne laisserons pas n’importe qui la prendre n’importe comment et nous nous sommes battus. Nous nous sommes dit que nous sommes deux jeunes qui ont des projets mais les urnes ont parlé. Ces urnes ont été claires, je dirais même plus, parce que nous avons les PV".
Propos recueillis par Prince Beganssou

Source : https://www.ivoiresoir.net

samedi 6 octobre 2018

« Etre neutre face à une situation d’injustice, c’est choisir le côté de l’oppresseur » (Mgr D. Tutu)

 

Lancement d’une nouvelle plate-forme de la société civile dénommée « Action pour la Restauration de la Dignité Humaine » (ARDH)

 

Discours de présentation

Pulchérie Gbalet (au centre), coordinatrice de l’ARDH
Mesdames et Messieurs les membres des Corps diplomatiques et Consulaires,
Mesdames et Messieurs les Représentants des organisations internationales,
Mesdames et Messieurs les Représentants des organisations de la société civile,
Chers Participantes et participants,
C’est un grand honneur et un privilège pour moi de m’adresser à vous ce jour, à l’occasion de cette cérémonie de lancement de la Nouvelle plateforme de la Société Civile, dénommée « Action pour la Restauration de la Dignité Humaine » ARDH.
La cérémonie qui nous réunit ce 03 Octobre 2018 revêt une importance capitale, dans notre cheminement commun vers une Côte-d’Ivoire réconciliée avec ses filles et fils, au regard de notre passé qui a été non seulement marqué par des événements glorieux, mais également par de graves violations des droits de l’homme, dont les stigmates restent encore vivaces dans bien de nos familles.
Comme nous pouvons tous le constater, les deux décennies de crises que nous avons traversées ont profondément bouleversé et déstructuré notre pays. En effet, plus les jours s’égrènent et les années passent, plus les espoirs de nos concitoyens s’amenuisent en matière de bonne gouvernance, de cadre de vie décent et de mieux-être. La cherté de la vie, l’insécurité sous toutes ses formes, sont devenues notre lot quotidien. Face à ce spectacle affligeant, nos populations semblent se résigner. La société civile, qui devrait jouer le rôle d’éveil des consciences, est restée jusque-là inopérante. Son inaction et son mutisme face aux graves atteintes à la dignité de la personne humaine a fait qu’elle a perdu tout le capital de confiance placé en elle.
C’est dans ce contexte que nous avons décidé de mettre sur pied une nouvelle plateforme de la société civile pure dénommée « Action pour la Restauration de la dignité Humaine », en abrégé ARDH. L’annonce de la création de cette nouvelle plateforme a été perçue comme une véritable bouffée d’oxygène pour l’ensemble des victimes d’injustice et d’abus qui y trouve un porte-voix, un avocat crédible. Nous n’avons pas le droit de décevoir toutes ces nombreuses attentes.
Le principal rôle de la société civile est d’interpeller l’opinion publique sur les dérives des gouvernants et de la société en général. Car comme l’a dit Le Révérend Desmond Tutu « Etre neutre face à une situation d’injustice, c’est choisir le côté de l’oppresseur ». Ainsi, le pays nous appelle, le devoir nous commande de prendre nos responsabilités.
Ces deux dernières années, nos concitoyens sont victimes d’abus de toutes sortes, qui précarisent leurs conditions de vie :
– L’augmentation des tarifs de l’eau et de l’électricité sans informations préalables ;
– La flambée vertigineuse des prix des denrées de première nécessité ;
– Les déguerpissements tout azimut des populations sans mesures d’accompagnement, et parfois, sans mise en demeure ;
– Le monopole de certaines entreprises dans une économie dite libérale ;
– Etc.
Nous constatons avec effarement que ceux qui nous gouvernent sont plus préoccupés par les élections que par le bien-être de nos populations. Pour aller voter et choisir son candidat, il faut avoir un toit où dormir, il faut avoir un minimum de vie décente.
Comment peut-on investir des milliards dans des élections qui appellent les populations à voter, alors qu’on a mis ces mêmes populations dans une précarité que même le dixième de ces milliards suffirait à soulager ?
J’en veux pour preuve les déguerpis, par exemple :
– Les services du District Autonome d’Abidjan ont procédé dans la matinée du 02 Juillet 2018 au déguerpissement du quartier dénommé « nouveau quartier abattoir », dans la commune de Port-Bouët, sans aucune mise en demeure préalable et sans aucune mesure d’accompagnement. Pire, ce déguerpissement a eu lieu le premier jour des écrits du baccalauréat et en pleine saison pluvieuse. Cela veut dire que plusieurs élèves de terminale n’ont pas pu aller composer. Pour la première fois en Côte d’Ivoire, nous avons vu des populations élire domicile dans un cimetière. Il s’agit de 600 logements détruits et 6872 personnes jetées à la rue.
– Il y a trois (3) mois, des populations ont également été déguerpies de Mermoz pour être parquées au complexe sportif d’Angré comme des réfugiés, eux aussi sans mesures d’accompagnement. Il s’agit de 74 familles et plus de 300 personnes dont des femmes enceintes, des nourrices et des vieillards. Aujourd’hui, ces personnes sont dans des conditions inacceptables, sans eau, sans électricité, sans latrines et sans moyens de subsistance.
– Nous avons enfin le cas des logements coloniaux, dont les déguerpis de Danga, qui eux aussi ont été victimes d’un banditisme d’Etat vraiment déplorable et sans mesures d’accompagnement.
Les cas sont légion, vous aurez des témoignages tout à l’heure. Ces innocentes victimes de ces atrocités appellent toutes à l’aide ; votre aide, notre aide ; et elles comptent sur nous tous en tant qu’organe collectif pour mettre un terme à leurs souffrances quotidiennes, pour qu’elles puissent vivre dans la dignité, en sécurité et à l’abri des besoins élémentaires. Nous nous ferons fort de produire un rapport que nous vous présenterons d’ici un mois.
Toutes ces injustices sont une insulte. Elles représentent un défi que notre pays, les Etats africains et la communauté internationale dans leur ensemble devraient relever, de telle sorte que les idéaux de la déclaration universelle des droits de l’homme et de tous les textes fondamentaux des droits de l’homme que les Etats Parties ont ratifié, et envers lesquels ils se sont engagés soient mis en œuvre et aient un sens.
Les droits de l’homme sont universels et interdépendants. Ainsi, la recherche de développement infrastructurel d’un pays doit tenir compte et respecter d’autres droits de l’homme protégés. Nous ne sommes pas contre toute politique d’assainissement et de restructuration urbaine, mais cela doit se faire avec des mesures d’accompagnement qui protègent la dignité et respectent la personne humaine.
On ne peut le nier, la qualité, le niveau de vie des fortunés augmente et s’améliore. C’est ce qu’on appelle le progrès. Et nous ne sommes pas contre le progrès. Bien au contraire, le progrès c’est une promesse vers un avenir meilleur. Cependant, on ne peut pas le nier non plus et on ne doit pas le nier, certains de nos concitoyens vivent, parfois survivent dans la misère la plus totale, avec la faim au ventre mais aussi la peur d’un avenir incertain. Comment nourrir et loger une famille, ou même sa propre personne, sans le moindre sou ? Comment habiller et permettre une éducation à ses enfants lorsqu’on est nécessiteux ? Bref, comment vivre décemment et correctement dans la misère ? Très honnêtement nous ne croyons pas que « vie décente et correcte » se conjugue avec « misère et pauvreté ». Mais, hélas !, c’est aussi un fait, un bien triste fait, trop de gens, beaucoup trop de gens vivent dans cette misère et dans ces inquiétudes, au quotidien. Et cela depuis trop longtemps. On nous dira certainement que la pauvreté a toujours été de ce monde, mais lorsque celle-ci est accentuée par des mesures gouvernementales, il y a lieu de tirer la sonnette d’alarme !
Tous ces maux, créés par les gouvernants eux-mêmes qui portent atteinte à la dignité et aux droits humains des populations, et à nous tous, en tant qu’êtres humains et parties prenantes, doivent cesser.
Face à un gouvernement qui prend des décisions impopulaires au mépris du respect de la dignité de la personne humaine, nous avons donc décidé de créé l’ARDH pour contribuer à régler toutes ces situations d’injustices flagrantes. Nous encourageons dès lors chacun de nous à s’approprier cet instrument de lutte pacifique. Car c’est ensemble et unis que nous serons forts.
Il est très important de relever qu’il s’agit ici de problèmes purement sociaux très sérieux, que les populations subissent sans distinction de partis politiques, de religion, encore moins d’ethnie ou de nationalité. Il s’agit ici de défendre les intérêts du peuple en général sans intérêt politicien.
Toutes les associations qui se sont réunies au sein de l’ARDH sont ensemble pour la naissance d’une nouvelle conscience sociale agissante, qui va désormais veiller à défendre les plus faibles et les intérêts généraux du peuple. A cet effet, une grande messe de la société civile aura lieu ce samedi 06 octobre 2018 au terrain municipal de l’abattoir de Port-Bouët.
Cette plateforme de la société civile pure, vise à dénoncer toutes les formes d’abus dont sont victimes nos concitoyens et user de tous les moyens de pressions légaux, afin de faire aboutir leurs revendications.
Nous demandons au Gouvernement d’ouvrir le dialogue avec l’ARDH, afin de trouver des solutions aux problèmes de toutes ces victimes, d’autant plus que lors de sa dernière conférence de presse, le Premier ministre a dit vouloir renforcer la politique sociale.
Nous demandons à toutes les bonnes volontés qui en ont les moyens, d’aider selon leurs capacités toutes ces victimes dans une situation humanitaire désastreuse.
Enfin, nous demandons à la communauté internationale de suivre et de soutenir l’ARDH.
Je ne saurais terminer mon allocution sans insister sur l’importance de la paix et la réconciliation, car sans la paix rien de durable ne peut se construire ni se bâtir. En tant que société civile, nous avons organisé des consultations auprès des populations d’Abidjan, de l’intérieur du pays et de nos frères en exil, pour recueillir leurs avis sur la réconciliation. Nous avons pu constater que les Ivoiriens dans leur diversité s’accordent sur la nécessité de la réconciliation et l’appellent de tous leurs vœux. Cela nous a emmené à écrire au Chef de l’Etat le 31 mai 2018 pour demander une amnistie générale. C’est Pourquoi nous avons accueilli avec joie la mesure d’Amnistie du 06 août 2018. Cependant, nous demandons qu’elle soit totale et inclusive, de sorte à obtenir la libération des dernières personnes civiles et militaires encore en prison pour des faits amnistiés. Seule une amnistie « générale » pourra soulager tous les Ivoiriens, y compris les tenants actuels du pouvoir.
Dans la même veine, nous demandons à la communauté internationale d’aider la Côte-d’Ivoire à se réconcilier, en accélérant la libération du Président Laurent Gbagbo et du ministre Blé Goudé.
Pour terminer, je voudrais souligner que nous devons avoir en Côte d’Ivoire une mémoire. Une mémoire pour enseigner à nos enfants que leur identité différentielle est une richesse pour construire un plus grand pays qui fera la fierté de leurs progénitures. Nous devons faire preuve de responsabilité en capitalisant sur toutes les richesses dont notre pays a si gracieusement été doté en amenant nos filles et fils à se tenir la main sans aucune considération d’ethnie, de religion ou politique.
Que chacun de nous se remémore et médite cette pensée de mahatma Ghandi : « Dès que quelqu’un comprend qu’il est contraire à sa dignité d’homme d’obéir à des lois injustes, aucune tyrannie ne peut l’asservir ».
Levons-nous donc pour notre Dignité, afin de travailler à une Côte-d’Ivoire où il fait bon vivre, une Côte-d’Ivoire où les droits humains sont respectés. C’est de cette Côte-d’Ivoire dont nous rêvons. Que Dieu nous aide à réaliser ce vœu si cher à chacun de nous.
Je vous remercie.

Pour l’ARDH, La Coordonnatrice : Pulchérie Gbalet


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La Rédaction


Source : http://www.afriquessor.com 3 Octobre 2018