mercredi 31 octobre 2012

L’ambitieux d’Abidjan

« Dans mon dernier voyage en Utopie, j’ai visité Dindon-Collège. Vous pensez bien que c’est là un titre pour rire ; l’établissement dont il s’agit s’appelle en réalité : Ecole supérieure des Gouvernants. "Vous avez certainement remarqué, me dit le directeur, qu’un certain nombre d’hommes sont disposés, par nature, à préférer le paraître à l’être, et à s’engraisser de l’opinion d’autrui. Ils tiennent beaucoup de place dans la vie ordinaire, et ne sont bons à rien. Aussi nous les prenons pendant qu’ils sont encore jeunes, et les formons pour leur véritable carrière, qui est le gouvernement des peuples ; car il ne convient pas que les forces de la Nation se dépensent dans des luttes inutiles. Chacun à sa place, telle est notre devise ; et nous gonflons la grenouille scientifiquement ; cela lui épargne bien des peines". » Alain (Propos sur les pouvoirs)



G. SORO
Président, il voulait être. Président, il est. Mais pas tout à fait à la place où il le souhaiterait : depuis mars, Guillaume Soro tient le perchoir de l’Assemblée nationale de Côte-d’Ivoire. A 40 ans, celui qui fait figure de dauphin putatif de l’actuel chef de l’Etat, Alassane Ouattara, reçu ce jeudi par François Hollande, continue sa trajectoire irrésistible. A moins que la justice internationale ne s’en mêle. Retour en cinq actes sur le fulgurant parcours de l’ambitieux M. Soro.

Septembre 2002, Abidjan : le rebelle. C’est dans les décombres fumants du coup d’Etat raté contre Laurent Gbagbo à Abidjan que ce tout juste trentenaire replet émerge comme personnalité de premier plan. A la stupéfaction générale, Soro surgit dans les habits de chef politique de ces mystérieux rebelles qui s’emparent de la moitié Nord du pays. Jusqu’alors, il était plutôt connu comme un ex-leader étudiant n’hésitant pas à défier dans les rues d’Abidjan, aux côtés d’un certain Laurent Gbagbo, le régime vieillissant de Félix Houphouët-Boigny (décédé en 1993).

Né en 1972 dans le Nord, une zone majoritairement musulmane, il est issu d’une famille catholique modeste. Père (polygame) employé dans une compagnie de textile, mère au foyer – tous deux décédés au début des années 2000. « J’ai vécu une enfance très ordinaire, entre école et parties de foot. Frères, sœurs, demi-frères… Nous vivions tous dans la même cour. » Remarqué à la fin du primaire par un prêtre français, Marcel Dussud, il fait le petit séminaire. Mais en classe de troisième, il abandonne la voie religieuse. L’ex-séminariste a gardé le lien avec le père blanc, installé aujourd’hui à Dijon. Mieux, confie Soro, très discret sur sa vie privée, il a donné son nom au premier de ses quatre enfants.

Bon élève, Soro a poursuivi ses études à l’université d’Abidjan, où, dit-il, révolté par la corruption rampante, il s’engage, puis dirige (de 1995 à 1998), le syndicat de la Fédération des étudiants et scolaires de Côte-d’Ivoire (Fesci). Au début des années 2000, on perd la trace de Soro. Jusqu’au coup d’Etat.

Janvier 2003, Paris : le ministre. Aux côtés de sous-officiers originaires du Nord qui ont fait le coup de feu à Abidjan – des soudards analphabètes ou peu instruits –, Soro s’impose comme la tête politique de la rébellion. Certains l’accusent de l’avoir ralliée sur le tard. Pas du tout, répond-il : « Le sergent Ibrahim Coulibaly [dit «IB»] s’occupait du plan militaire, moi, de la stratégie politique. » Et de confier : « C’est moi qui ai trouvé le nom de notre mouvement. J’avais songé au MRCI, Mouvement révolutionnaire de Côte-d’Ivoire. Mais Blaise Compaoré m’a dit que cela rebuterait l’opinion internationale. » Blaise Compaoré, le président du Burkina Faso, et vrai parrain des rebelles qui ont préparé leur coup à Ouagadougou. Ce sera finalement le MPCI : Mouvement patriotique de Côte-d’Ivoire. En janvier 2003, Soro conduit la délégation des rebelles qui négocie près de Paris, sous l’égide de la diplomatie française, un accord de paix interivoirien. Le chef de la diplomatie, Dominique de Villepin, fait le forcing. Un compromis est arraché. Dans le bureau de « DDV » au Quai d’Orsay, on se répartit ensuite les portefeuilles. Triomphant, Soro obtient la Défense. Une nouvelle qui provoque une émeute à Abidjan. Face au tollé, il se voit confier la Communication au sein d’un gouvernement de réconciliation, rapidement paralysé.

Juin 2007, Bouaké : le miraculé. Sous forte pression internationale, Laurent Gbagbo décide de négocier directement avec les rebelles pour sortir de l’impasse politique. Un nouvel accord est trouvé à « Ouaga », chez le frère ennemi Compaoré, à l’issue duquel Soro est nommé Premier ministre. Enorme prise de risques. « On m’a parfois traité de "vendu", se souvient-il. Mais mon seul objectif était de conduire le pays à de nouvelles élections. J’ai dit à Gbagbo : "M. le Président, je ne vous poignarderai pas dans le dos, je ferai mon travail" ». Laurent Gbagbo dira de lui qu’il a été son « meilleur chef de gouvernement ». Et en aurait bien fait son successeur.

Après tout, ils ont bien des points communs : la politique dans le sang, un vrai sens tactique, du charisme et de l’autorité, des talents de tribun… Mais le compromis de « Ouaga » ne plaît pas à tout le monde. En juin 2007, sur le tarmac de l’aéroport de Bouaké, la «capitale» des rebelles, le jet de Soro est visé par deux roquettes. L’une atteint la carlingue, faisant quatre morts. Soro, lui, s’en tire miraculeusement indemne. Les responsables du tir ? Selon toute vraisemblance, les hommes d’« IB ». Celui-ci ne perd rien pour attendre. Au lendemain de la chute de Gbagbo, en avril 2011, l’ex-allié devenu rival est tué par la troupe de Soro dans un faubourg d’Abidjan.

Décembre 2010, Abidjan: l’opportuniste. L’ancien chef rebelle a tenu parole : les élections ont lieu à l’automne 2010. Laurent Gbagbo a perdu. « J’ai été lui dire qu’il devait lâcher le pouvoir, mais il ne m’a pas écouté », jure Soro qui rallie avec armes et bagages le camp du vainqueur, Alassane Ouattara, réfugié dans l’hôtel du Golfe sous forte protection de l’ONU. Ce dernier le nomme aussitôt… Premier ministre. Et lui demande de préparer ses hommes à une possible offensive militaire en cas de blocage politique persistant. Trois mois plus tard, ils passent à l’attaque. Dans l’Ouest, à Duékoué, plusieurs centaines de civils sont tuées, selon les ONG. Des crimes imputés aux hommes de Soro qui s’ajoutent à une longue série d’exactions commises depuis 2002. Guillaume Soro, qui parle de « dérapages » à Duékoué, affiche une « sérénité inébranlable » face à de possibles poursuites par la Cour pénale internationale. « Nous étions en état de légitime défense ! Je considère avoir sauvé des milliers de vies humaines par mon action », dit-il. Et il avance cet étrange argument : « Comment la CPI pourrait-elle m’inculper alors qu’elle m’a récemment invité à m’exprimer à sa tribune lors d’une conférence à New York ? »

Mars 2012, Abidjan : président de l’Assemblée. Elu député haut la main, pour la première fois, dans sa région natale, Soro est propulsé à la tête de l’Assemblée nationale. Le voici deuxième personnage de l’Etat, mais moins au cœur de l’action. Il a du temps pour s’adonner à sa nouvelle passion, les tweets, et lire des polars. Le quadra attend son heure : « J’espère en secret que le président Ouattara fera un second mandat », jure-t-il. Le temps, pour lui, de faire oublier ses états de service passés, ses turpitudes à la tête de rebelles sans foi ni loi. De se poser en rassembleur. Président ? « Je ne me rase pas le matin pour ne pas y penser », plaisante cet homme secret, dont l’ambition dévorante, elle, l’est beaucoup moins.

D’après Thomas Hofnung (Libération 25 juillet 2012)
Titre original : Guillaume Soro. L’ambitieux d’Abidjan




EN MARAUDE DANS LE WEB


Sous cette rubrique, nous vous proposons des documents de provenances diverses et qui ne seront pas nécessairement à l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu'ils soient en rapport avec l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et des Ivoiriens et que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à faciliter la compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la «crise ivoirienne ».

lundi 29 octobre 2012

Le boulon défaillant…

Le général Soumaïla Bakayoko
Voulant sans doute se convaincre que c’est bien lui le chef, le général-quatre-étoiles Soumaïla Bakayoko, chef d’état-major général des FRCI, a affirmé que le commando qui harcèle les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (Frci) depuis début août, n’a rien de mystérieux pour lui : « Nous savons à qui nous avons affaire. Nous allons lutter fermement contre ces ennemis du pays qui nous trouverons toujours sur leur chemin ; la capacité d’une force s’apprécie par rapport à sa réaction ». Puis, comme pour enfoncer le clou, il ajouta : « Nous nous sommes engagés résolument dans la réconciliation mais, je n’accepterai pas que certains parmi nous jouent un double jeu ». Une sortie qui, au lieu d’apaiser, provoque l’indignation au sein de l’opinion publique nationale. « Si le général Bakayoko connaît les ennemis comme il l’a prétendu hier, pourquoi peine-t-il à les neutraliser ? On admet qu’il abat un travail remarquable pour reconstruire une armée digne de la Côte d’Ivoire sur le chemin du redressement économique mais, en même temps qu’il rebâtit, il doit assurer la sécurité des Ivoiriens et des Institutions. Je ne crois pas que la réconciliation fasse partie des missions à lui confiées », a rétorqué hier, sous le couvert de l’anonymat, un leader politique proche de la coalition au pouvoir. Visiblement plus énervé que le chef d’état-major général des Frci, notre interlocuteur appelle les principaux chefs de l’armée à vite remplacer « le boulon défaillant, faute de quoi ils seront appelés à prendre la porte. Soit vous vous dites que ce sont des ennemis à neutraliser et vous le faites, soit vous continuez de ressasser le même discours qu’on entend après chaque attaque et nous comprendrons que vous êtes les complices des assaillants. Et, on sera obligé de demander à celui qui vous a confié les rênes de l’armée, de vous dessaisir de la charge. Je ne suis pas seul à tenir ce raisonnement. Croyez-moi, de nombreux Ivoiriens pensent comme moi ». No comment.
D'après Marc Dossa (Nord Sud Quotidien)
Titre original : Quand le général se décrédibilise !

 

EN MARAUDE DANS LE WEB

Sous cette rubrique, nous vous proposons des documents de provenances diverses et qui ne seront pas nécessairement à l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu'ils soient en rapport avec l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et des Ivoiriens et que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à faciliter la compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la «crise ivoirienne ».

 

Source : La Dépêche D'Abidjan 25 Octobre 2012

dimanche 28 octobre 2012

Œuvrer pour restaurer la vraie démocratie en Côte d’Ivoire et pour la démolition du système néocolonialiste dans ce pays…

Extrait du discours de Kofi Awoonor, chef de la délégation du parti ghanéen National Democratic Congres (NDC), devant le 24e congrès de l’Internationale socialiste à Cape Town (Afrique du Sud) du 30 août au 14 septembre 2012.

« Camarades, nous prenons la parole cet après-midi, non pour parler de la situation politique ou économique du Ghana ; mais nous la prenons pour attirer l’attention de notre mouvement sur la situation dans un pays voisin : la Côte d’Ivoire. Nous la prenons, en liaison avec le thème du Congrès : Le Combat pour les Droits et les Libertés: Renforcer la Démocratie et en Gagner de Nouvelles de par le Monde. Camarades, il faut que nous nous souvenions de la vraie version des faits en Côte d’Ivoire. Le Président Gbagbo, dont le parti (le FPI) a été un des membres irréductibles de notre mouvement, a vu son gouvernement attaqué en 2002 par une rébellion commanditée par la France et organisée par des infiltrés à l’intérieur de l’armée nationale. Cette rébellion a causé une division de fait du pays en deux, une partition qui a duré à peu près plus de neuf ans.
Quels étaient les objectifs de cette rébellion ? La France, qui avait gardé le contrôle de presque tous les aspects de l’économie ivoirienne après la soi-disant indépendance de ce pays, n’a pas accepté les modestes efforts consentis par le Président Gbagbo pour redonner un tant soit peu au peuple ivoirien l’exercice d’un pouvoir de contrôle. J’étais personnellement en Côte d’Ivoire, comme observateur des élections au nom de mon parti, le NDC. Les élections se sont généralement déroulées dans la paix et dans l’ordre, quand, soudain, est née une dispute quant à qui a gagné ? Dans le litige, la Cedeao, sous l’emprise évidente des forces pro-Ouattara et pro-françaises de la sous-région, a pris une position tranchée.
Gbagbo a demandé le recomptage des voix dans les circonscriptions électorales les plus contestées. Cette modeste requête du Président Gbagbo, qui fait généralement partie de la pratique et de l’usage dans la résolution juste des contentieux électoraux partout dans le monde, eut pour réponse une attaque musclée, menée et orchestrée par l’armée française. Une guerre civile éclata.
Le résultat fut la victoire de la partie la mieux armée, celle qui fut appuyée par la conspiration internationale dirigée par la France de Sarkozy. Cette France, en y mêlant le Conseil de Sécurité, encore flanquée qu’elle était de la carte blanche que ce Conseil avait donnée à l’Otan, s’en prévalut pour écraser la Libye de Kadhafi, la Cedeao, l’UA ; ces organisations qui devraient pourtant être les derniers bastions de la démocratie africaine et de la pleine autodétermination sur le continent. Dans ce chaos, le Président Gbagbo fut capturé et transféré à La Haye de façon expéditive. Camarades, notre délégation est indignée de savoir que le Présidium de l’Internationale Socialiste, affichant de l’impatience et sans un examen complet de la vraie nature des faits dans la situation ivoirienne, ait décidé de suspendre le FPI, un parti au premier plan de la lutte dans notre institution internationale depuis de longues années.
Camarades, comment parvient-on à la vérité quand ceux qui sont victimes d’une agression impérialiste crue sont privés du droit de se défendre par le seul canal que devait leur accorder une tribune ? Le camarade Gbagbo, un homme qui, à plusieurs reprises, a fait l’objet d’emprisonnements multiples, sous un long régime néocolonialiste depuis l’indépendance de la Côte d’Ivoire, croupit maintenant dans une geôle à La Haye. Il semble n’avoir aucun porte-voix, ni pour lui, ni pour son parti, et cela, au sein même de l’Internationale Socialiste, son premier amour. Nous en appelons à l’UA et particulièrement à son nouveau Président Madame Zuma, pour jeter à nouveau un coup d’œil sur le Rapport MBeki concernant la situation ivoirienne.
Le Président MBeki fut l’envoyé de l’UA, qui a soumis un rapport objectif à tous points de vue sur la crise postélectorale en Côte d’Ivoire. De toute évidence, l’UA, profondément manipulée par la Cedeao et les forces anti-Gbagbo, a entièrement ignoré le rapport du camarade MBeki. Nous en appelons aussi au Présidium de l’Internationale Socialiste, pour que le nouveau gouvernement français dirigé par le camarade François Hollande et le Parti Socialiste français, s’engagent immédiatement à accorder en urgence, une large attention à la situation ivoirienne. Ceci devrait conduire à porter un nouveau regard sur la situation par la France socialiste, pour que soit réparé le terrible destin imposé à la Côte d’Ivoire par M. Sarkozy et ses alliés du Conseil de Sécurité. Nous en appelons encore à l’Internationale Socialiste, pour qu’elle œuvre sans relâche à la libération du camarade Gbagbo de sa prison de La Haye. Surtout encore, nous exigeons que soient relâchés de nombreux camarades du FPI, ainsi que Pascal Affi N’Guessan, son Président, qui croupissent dans les geôles de Ouattara. Nous exigeons qu’il soit mis fin aux arrestations et à toutes formes de torture, de tuerie et de répression en Côte d’Ivoire, et que soit mise sur pied une commission internationale pour enquêter sur la situation dans ce pays frère.
Ne laissons pas le Mouvement de l’Internationale Socialiste venir en aide et en appui à ces mêmes forces impérialistes contre lesquelles nous luttons pour l’avènement d’une liberté sans compromission et de la démocratie vraie ; et ce, en cédant à leurs machinations déguisées sous forme de sollicitude humanitaire, et en nous hâtant, en conséquence, à suspendre ces partis-là mêmes qui ont œuvré à l’avènement de la démocratie dans leurs pays. Enfin, nous en appelons à la direction de notre mouvement à œuvrer fort pour restaurer la vraie démocratie pleinement en Côte d’Ivoire, et pour la démolition du système néocolonialiste dans ce pays. Nous lançons cet appel, en tant que citoyens d’un pays voisin de la Côte d’Ivoire, et qui jusqu’à présent, est le lieu d’asile de milliers de réfugiés ivoiriens.
Notre déclaration de cet après-midi est motivée par le fait que le FPI est un parti frère, non seulement du NDC, notre parti, mais aussi de tous les partis rassemblés ici sous le parapluie du Mouvement de l’Internationale Socialiste, qui comprend le Parti Socialiste français, qui est maintenant aux affaires dans ce pays européen, dont la grande histoire se distingue par son engagement pour la Liberté, la Fraternité et l’Egalité. Que la Justice et la Liberté vraie l’emportent sur tout. Que notre mouvement, l’Internationale Socialiste, soit le champion de cette œuvre historique.
Je vous remercie de votre attention. »

jeudi 25 octobre 2012

« Quittons dans ça »

L’euphorie des politiques a de quoi surprendre lorsqu’ils annoncent avec fierté qu’ils ont réussi à obtenir pour leur pays, le statut de PPTE. Mais comment peut-on se réjouir d’une telle appellation? Pays pauvre très endetté, ça veut dire qu’à la notion de pauvreté qui était inhérente au terme de pays sous-développé, on ajoute celle de mauvais gestionnaire. Certes, la reconversion d’une partie de la dette en investissements directs qu’on obtient après avoir atteint le point d’achèvement, est bonne pour l’économie en général et la création d’emplois en particulier. Mais avait-on besoin de donner à ce processus une dénomination aussi dévalorisante, voire même humiliante ?

Ceux qui vendent ce programme de développement sont les mêmes qui, il n’y a pas si longtemps, nous certifiaient que les programmes d’ajustement structurel (PAS) imposés aux pays africains les feraient sortir de leur sous-développement. Force est de constater qu’ils se sont bien trompés. La plupart des pays qui sont passés sous le rouleau compresseur de ces PAS en sont sortis pauvres et très endettés au point de nécessiter un nouveau programme.

Ce qui est le plus sidérant, c’est que la gouvernance financière internationale est en train d’imposer à quelques pays européens, la plupart des recettes contenues dans ces fameux programmes d’ajustement structurel qui, en Afrique, n’ont ni permis d’améliorer la gouvernance, ni contribué au mieux-être des peuples. Sans prendre trop de risque, on peut se dire qu’aussi vrai que les PAS n’ont quasiment rien apporté à l’Afrique, on ne doit pas s’attendre à ce que les politiques d’austérité imposées à certains pays européens soient couronnées de plus de succès.

Le véritable drame de ces politiques d’austérité, c’est la souffrance qu’elles imposent aux peuples. En Afrique, nous avions affaire à des populations qui, dans leur grande majorité, n’avaient pas vraiment connu le développement. Ajouter un peu plus de misère à de la misère ne change pas, de façon significative, les difficultés de populations déjà habituées à la débrouillardise. Par contre en Europe, c’est loin d’être le cas. On demande à des gens qui ont connu des conditions de vie décentes de se contenter de vivre avec moins que ce qu’eux-mêmes considèrent comme étant le strict minimum. Cette situation me parait bien plus explosive que celle qu’a connue l’Afrique des PAS, surtout qu’à cela s’ajoutent des taux de chômage abyssaux. Un taux de chômage à plus de 25% de la population active en Grèce n’est tout simplement pas acceptable dans ce pays comme partout ailleurs.

Ce ne sont pas les mesures d’austérité qui sortiront l’économie mondiale de son marasme et la question est de savoir combien d’années il faudra aux partisans de cette approche pour comprendre qu’ils ne réussiront certainement pas à sauver le système financier international en appauvrissant les peuples. Pour le non économiste que je suis, la solution pourrait être la mise en place au côté du programme PPTE, d’un programme PRTE pour ces pays riches très endettés.

Il est temps que la gouvernance financière internationale remette en cause ses certitudes et trouve un nouveau modèle économique mondial qui ne se servira plus des travailleurs comme variables d’ajustement. Ce modèle devra faire en sorte que la création de richesses s’accompagne d’une nouvelle clé de répartition entre nantis et défavorisés, afin de combler une bonne partie des écarts actuels qui semblent pour le moins inacceptables. Il ne s’agit pas là de défendre une idéologie face à une autre. Il s’agit tout simplement de faire preuve de plus d’équité dans la gestion financière internationale. Pour cela, il faut que les politiques se souviennent que leur mission première est de veiller au bien-être des populations qui, dans les systèmes démocratiques, les ont mandatés en mettant leur bulletin dans l’urne. Fort de ce mandat, ils se doivent de faire pression sur les pouvoirs financiers afin qu’on passe de ce système régis par un totalitarisme qui ne dit pas son nom, à un système moins arrogant, laissant la place à d’autres approches économiques et sociales.

La deuxième chose qui a de quoi laisser perplexe en cet an 12 du vingt-et-unième siècle, est la célébration du franc des Comptoirs Francophones d’Afrique. Cette situation est absolument anachronique. La France est la seule puissance coloniale qui maintienne ses ex-colonies africaines dans ce carcan. Le pire, c’est qu’on est arrivé à convaincre des intellectuels du bien-fondé de ce montage inepte, qui fait que la banque de France a son mot à dire dans la gestion de la monnaie de pays qui mis ensemble ont une puissance économique qui dépasse de loin celle de la France. Quel avantage un pays en voie de développement a-t-il à voir sa monnaie indexée sur l’une des plus fortes monnaies au monde ? Disposer d’une main-d’œuvre bon marché n’est-il pas l‘un des meilleurs moyens pour attirer les investisseurs ? Cette monnaie rend la main-d’œuvre et l’activité industrielle de la zone CFA non compétitive par rapport aux pays d’Asie.

Dans ce cas comme dans bien d’autres, il ne faut surtout pas émettre un avis contraire à celui promu par la puissance coloniale, sinon vous risquez d’être indexé et mis au banc des accusés. Alors que le nouveau Président de la République française jure la main sur le cœur que la Françafrique c’est fini, on célèbre ce symbole on ne peut plus ostentatoire de cette Françafrique. Cette monnaie qui ne reflète pas l’activité économique des pays qui la partagent, présente néanmoins l’avantage de faciliter les échanges entre eux. Mais cette monnaie communautaire avait-elle besoin d’être rattachée à l’Euro ? J’en doute et je crois qu’aussi vrai que la Roupie mauricienne n’empêche pas l’Ile Maurice de se développer, pour ne pas parler du Ghana voisin, un Franc communautaire d’Afrique de l’Ouest et du Centre non rattaché à l’Euro ne devrait pas empêcher le développement des pays dont il serait la monnaie. Tout est une question de volonté politique.

Tant que les politiques africains penseront que leur survie politique dépend plus de leur capacité à satisfaire les tenants de l’ordre mondial actuel que de la satisfaction des attentes de leur peuple, notre sous-développement a encore de beaux jours devant lui. Tant que la politique se résumera à nous faire prendre des vessies pour des lanternes et qu’aucune manipulation politicienne des faits ne nous sera épargnée, les pays africains, même s’ils bénéficient d’un programme PPTE, resteront dans le sous-développement, limitant leur rôle à celui de vache à lait du monde. Ce dont l’Afrique en général et la Côte d’Ivoire en particulier ont besoin, ce n’est pas de dirigeants pétris de certitudes qui, au nom de la vérité qu’ils croient détenir, tentent d’inhiber et d’annihiler tout avis contraire. Ce dont elles ont besoin, c’est de dirigeants qui doutent et qui, de ce fait, acceptent la contradiction sans laquelle il ne peut y avoir de démocratie. Oui, l’Afrique a besoin pour se développer que le jeu démocratique s’exprime et comme le disait Trudeau, « La démocratie a besoin pour s'épanouir, d'un climat d'honnêteté. »

Ce devoir d’honnêteté de nos politiques doit s’ajouter à la conviction formulée par Clément Richard Attlee qui dit que « La démocratie n'est pas simplement la loi de la majorité, c'est la loi de la majorité respectant comme il convient les droits des minorités. »

Jean-Antoine Zinsou 

EN MARAUDE DANS LE WEB
Sous cette rubrique, nous vous proposons des documents de provenances diverses et qui ne seront pas nécessairement à l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu'ils soient en rapport avec l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et des Ivoiriens et que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à faciliter la compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la «crise ivoirienne ».

Source : Fraternité Matin 17 octobre 2012

"Fidel Castro agonise", par Fidel Castro

Il a suffi d'un message aux diplômés de première année de l'Institut de sciences médicales "Victoria de Girón" pour que le poulailler de la propagande impérialiste s'affole et que les agences de presse se repaissent du mensonge. Pour comble, leurs dépêches avaient colporté au sujet du patient les sottises les plus insolites.

Le journal espagnol ABC avait ainsi rapporté les propos d'un médecin vénézuélien, établi on ne sait où, révélant que Castro aurait souffert d'une embolie massive de l'artère cérébrale droite. "Je peux affirmer que nous n'allons pas le revoir en public", a-t-il déclaré. Ce soi-disant médecin qui n'hésiterait pas à abandonner ses compatriotes a qualifié l'état de santé de Castro de "très proche de l'état neurovégétatif".

Même si bien des gens dans le monde sont trompés par les médias, presque tous aux mains des privilégiés et des riches, qui publient ces bêtises, les peuples y croient de moins en moins. Personne n'aime qu'on le trompe. Même le menteur le plus incorrigible espère qu'on lui dise la vérité. Tout le monde a cru, en avril 1961, les nouvelles publiées par les agences de presse, affirmant que les envahisseurs mercenaires de Girón ou de la Baie des Cochons, suivant le nom qu'on veuille lui donner, arrivaient à La Havane, alors qu'en réalité certains d'entre eux tentaient sans succès d'accoster en bateaux sur les navires de guerre yankees qui les escortaient.

Les peuples apprennent, la résistance grandit face aux crises du capitalisme qui se répètent de plus en plus souvent ; aucun mensonge, aucune répression, aucune arme nouvelle ne pourront empêcher l'effondrement d'un système de production toujours plus inégal et injuste.

Il y a quelques jours, peu avant le cinquantième anniversaire de la "crise d'octobre" [1962], les agences ont désigné trois coupables : Kennedy, qui était récemment arrivé à la tête de l'empire, Khrouchtchev et Castro. Cuba n'a joué aucun rôle dans la diffusion de l'arme nucléaire ni dans la tuerie inutile d'Hiroshima et de Nagasaki perpétrée par le président des Etats-Unis, Harry S. Truman, tuerie qui a eu pour effet d'établir la tyrannie atomique. Cuba défendait son droit à l'indépendance et à la justice sociale.

Quand nous avons accepté l'aide soviétique en armes, en pétrole, en aliments et autres ressources, c'était pour nous défendre des projets yankees d'invasion de notre Patrie, soumise à une guerre sale et sanglante que ce pays capitaliste a mené contre nous dès les premiers mois et qui s'est soldée par des milliers de morts et de mutilés cubains.

Lorsqu'au nom de la solidarité Khrouchtchev nous a proposé d'installer des projectiles de moyenne portée, semblables à ceux que les Etats-Unis avaient en Turquie – un pays encore plus proche de l'URSS que Cuba ne l'est des Etats-Unis –, Cuba n'a pas hésité à prendre ce risque. Notre conduite a été éthiquement sans tache. Nous ne demanderons jamais pardon à qui que ce soit pour ce que nous avons fait. Une chose est sûre, un demi siècle a passé et nous sommes toujours là, la tête haute.

J'aime écrire et j'écris ; j'aime étudier et j'étudie. Il y a beaucoup à faire dans le domaine de la connaissance. Jamais les sciences, par exemple, n'ont avancé à une vitesse aussi étonnante.

J'ai cessé de publier mes Réflexions, car ce n'est certainement pas mon rôle d'occuper les pages de notre presse, qui se consacre à d'autres tâches dans l'intérêt de notre pays.

Oiseaux de mauvais augure ! J'ai même oublié ce que c'était que d'avoir mal à la tête. Pour vous prouver combien ils sont menteurs, je vous offre les photos qui accompagnent cet article.

Fidel Castro Ruz - le 21 octobre 2012
Source : Le Courrier international 22 octobre 2012

mardi 23 octobre 2012

LA REPUBLIQUE ET LA JUNGLE

Au citoyen Mamadou Koulibaly,
avec nos vœux de prompt rétablissement

En zappant ce beau matin du 10 octobre, je suis arrivé sur une chaîne documentaire télévisuelle consacrée à la vie des animaux. Dans cette jungle, les combats étaient férocement engagés entre ces espèces sauvages. Au terme du reportage, une des espèces finit par succomber. Le journaliste réalisateur s’est alors laissé aller à ce commentaire sans appel : « Dans la jungle, la règle est implacable : Pour que l’un puisse vivre … l’autre doit mourir ». Toujours.

Observateur attentif de la politique ivoirienne, la chute du commentaire du journaliste a résonné dans mes oreilles et m’a fait penser, par une bouleversante analogie, à la gouvernance désastreuse d’Alassane Ouattara en Côte d’ivoire. Oui, en quelque mois, Ouattara a réussi à transformer la Côte d’Ivoire, une république, en une jungle où pour qu’il puisse vivre et régner, l’autre, c’est-à-dire celui qui a été et demeure proche de Laurent Gbagbo, doit fatalement mourir. Mourir en prison ou en exil, mourir tétanisé par la terreur ambiante, mourir reclus dans son propre pays, exproprié de ses doits les plus élémentaires. Un pro-Gbagbo ou supposé comme tel qui est quotidiennement pourchassé, justement comme dans une jungle, pour être broyé par des fauves animés d’un pitoyable instinct de survie. C’est dans cette jungle qu’ont subitement fleuri des expressions assassines comme aseptiser, nettoyer, éradiquer. Ceci pour en finir avec ces pro-Gbagbo qui, subitement devenus fous selon l’expression du journal du RDR « Le Patriote » , veulent s’allier à des coupeurs de bras d’Ansar Dine. En fait, comme les lépreux du temps de la Rome antique, on aurait tellement voulu les voir circuler partout avec des clochettes pour que toute la planète s’écartât de leur chemin !

Tenez, combien sont-ils ces fonctionnaires qui sont assis chez eux, chassés par la politique immonde de rattrapage ethnique revendiquée publiquement par Ouattara. A la douane, à l’éducation nationale, au Port autonome d’Abidjan, dans l’armée, dans les entreprises publiques, bref partout. Le couteau de la vengeance entre les dents, Ouattara chasse et veut tout mettre à mort comme dans la jungle, pour faire place nette en vue de régner. Parlant de vengeance, la chanteuse ivoirienne de renom Aïcha Koné, n’en pouvant plus de s’étouffer, a fini par s’éclater dans la presse en ces termes : « Moi, en 2000, j’ai fait campagne et voté pour Robert Guéi. Mais j’ai été touchée d’apprendre que le président Gbagbo allait décorer un certain nombre d’artistes dont je faisais partie parce qu’il estimait qu’ils honoraient la Côte d’Ivoire. Ce geste m’a marquée. Il n’a pas dit : celle-là, je ne veux pas la décorer parce qu’elle soutenait mon adversaire. Il n’a pas eu cette attitude. Il n’a pas eu l’esprit revanchard. Il a plutôt été rassembleur. Il a agi en Chef de l’Etat, en président de tous les Ivoiriens ».

Aïcha Koné invite ainsi les Ivoiriens et l’ensemble de la communauté des humains à bien observer pour comprendre le drame que vit notre pays. Gbagbo voulait construire en Côte d’Ivoire une république démocratique, prospère, harmonieuse et solidaire… Ouattara est venu y installer une jungle. Pour combien de temps ?

Aristide Silué (In L’Alternative du 15 Octobre 2012)

Titre original : « Désastreuse gouvernance de Ouattara : la république et la jungle ».
 

EN MARAUDE DANS LE WEB

Sous cette rubrique, nous vous proposons des documents de provenances diverses et qui ne seront pas nécessairement à l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu'ils soient en rapport avec l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et des Ivoiriens et que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à faciliter la compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la «crise ivoirienne ».
 

Source : civox.net 16 octobre 2012

lundi 22 octobre 2012

Bêtisier ouattariste

Aujourd’hui, la parole au Commandant Léon Allah Kouakou, porte-parole du ministère de la Défense 

 

(…)

N-S : Selon nos informations, [l’attaque de Bongouanou] a été précédée d’une rumeur annonçant un possible assaut. Comment les forces de l’ordre ont-elles pu se laisser surprendre aussi facilement ?
 
Cdt LAK : Oui mais, c’est là le drame. C’est en cela que moi je dis qu’il faut que chacun doit faire correctement son travail. Quand on a enregistré la première grosse attaque sur le camp militaire d’Akouédo, les hommes, dans les différentes unités, devaient être suffisamment alertés sur le danger. Ce qui n’est pas le cas. Chaque jour, on enregistre des attaques. Où allons-nous avec tout ça ? Il va falloir qu’un diagnostic sérieux soit fait et que désormais, on situe pleinement les responsabilités. Plus d’un an et demi après la fin de la crise postélectorale, on ne peut continuer à vivre dans cette ambiance délétère. 18 armes emportées en une seule nuit, ça fait trop. On doit situer les responsabilités.

Entretien réalisé par M. Dossa (extrait)
Source : Nord-Sud 22 octobre 2012 

Le mouton est mal placé pour juger...

Le mouton est mal placé pour juger ; aussi voit-on que le berger de moutons marche devant, et que les moutons se pressent derrière lui ; et l'on voit bien qu'ils croiraient tout perdu s'ils n'entendaient plus le berger, qui est comme leur dieu. Et j'ai entendu conter que les moutons que l'on mène à la capitale pour y être égorgés meurent de chagrin dans le voyage, s'ils ne sont pas accompagnés par leur berger ordinaire. Les choses sont ainsi par la nature ; car il est vrai que le berger pense beaucoup aux moutons et au bien des moutons ; les choses ne se gâtent qu'à l’égorgement ; mais c'est chose prompte, séparée, et qui ne change point les sentiments.
Les mères brebis expliquent cela aux agneaux, enseignant la discipline moutonnière, et les effrayant du loup. Et encore plus les effrayant du mouton noir, s'il s’en trouve, qui voudrait expliquer que le plus grand ennemi du mouton, c'est justement le berger. « Qui donc a soin de vous ? Qui vous abrite du soleil et de la pluie ? Qui règle son pas sur le vôtre afin que vous puissiez brouter à votre gré ? Qui va chercher à grande fatigue la brebis perdue ? Qui la rapporte dans ses bras ? Pour un mouton mort de maladie, j'ai vu pleurer cet homme dur. Oui je l'ai vu pleurer. Le jour qu'un agneau fut mangé par le loup, ce fut une belle colère ; et le maître des bergers, providence supérieure et invisible, lui-même s'en mêla. Il fit serment que l'agneau serait vengé ; il y eut une guerre contre les loups, et cinq têtes de loup clouées aux portes de l'étable, pour un seul agneau. Pourquoi chercher d'au-tres preuves ? Nous sommes ses membres et sa chair. Il est notre force et notre bien. Sa pensée est notre pensée ; sa volonté est notre volonté. C'est pourquoi, mon fils agneau, tu te dois à toi-même de surmonter la difficulté d'obéir, ainsi que l'a dit un savant mouton. Réfléchis donc, et juge-toi. Par Quelles belles raisons voudrais-tu désobéir ? Une touffe fleurie ? Ou bien le plaisir d'une gambade ? Autant dire que tu te laisserais gouverner par ta langue ou par tes jambes indociles. Mais non. Tu comprends bien que, dans un agneau bien gouverné, et qui a ambition d'être un vrai mou-ton, les jambes ne font rien contre le corps tout entier. Suis donc cette idée ; parmi les idées moutonnières, il n'y en a peut-être pas une qui marque mieux le génie propre au vrai mouton. Sois donc au troupeau comme ta jambe est à toi. »
L'agneau suivait donc ces idées sublimes, afin de se raffermir sur ses pattes ; car il était environné d'une odeur de sang, et il ne pouvait faire autrement qu'en-tendre des gémissements bientôt interrompus ; et il pressentait quelque chose d'horrible. Mais que craindre sous un bon maître, et quand on n'a rien fait que par ses ordres ? Que craindre lorsque l'on voit le berger avec son visage ordinaire et tranquille ainsi qu'au pâturage ? A quoi se fier, si l'on ne se fie à cette longue suite d'actions qui sont toutes des bienfaits ? Quand le bienfaiteur, quand le défenseur reste en paix, que pourrait-on craindre ? Et même si l'agneau se trouve couché sur une table sanglante, il cherche encore des yeux le bienfaiteur, et le voyant tout près de lui, attentif à lui, il trouve dans son cœur d'agneau tout le courage possible. Alors passe le couteau ; alors est effacée la solution, et en même temps le problème.

Alain, « Propos sur les pouvoirs » (13 avril 1923).

mercredi 17 octobre 2012

Qui gouverne la Côte d’Ivoire ?

Toutes les décisions prises par Alassane Dramane Ouattara dans le cadre du retour à une vie normale en Côte d’Ivoire sont boudées voire rejetées par les ex-rebelles sans qu’ils n’encourent une quelconque sanction. De sorte qu’on se demande qui gouverne réellement la Côte d’Ivoire.

Qui gouverne la Côte d’Ivoire ? A priori, la question ne devrait pas se poser. Dans la mesure où tout le monde sait que depuis le 11 avril 2011, c’est M. Alassane Dramane Ouattara qui gouverne ce pays. C’est lui qui parle au nom de la Côte d’Ivoire. C’est lui qui occupe le palais présidentiel. C’est lui qui a formé le gouvernement qui est en charge de la gestion des affaires de l’Etat. C’est lui qui dirige la politique extérieure du pays et qui nomme les ambassadeurs ainsi qu’aux hauts postes de l’administration publique. Cependant la question susmentionnée mérite bien qu’on la pose. D’autant que les ex-rebelles ne se sentent pas concernés par les décisions que prend Alassane Dramane Ouattara et allant dans le sens de la normalisation de la situation sociopolitique. Dès son installation au pouvoir, Alassane Ouattara s’est donné six mois pour que les Frci et leurs supplétifs, les dozos, qui sèment la terreur au sein des populations quittent les rues, rendent les véhicules volés pendant la crise postélectorale et libèrent les maisons qu’ils occupent de force. Deux ans après sa prise du pouvoir, le constat est plutôt décevant. Tous les ex-chefs rebelles promus par Alassane Ouattara dans les rangs de l’armée nationale ont encore dans leurs parc autos des véhicules volés à des particuliers. Ces véhicules dont ils ont enlevé l’immatriculation circulent tranquillement sans que cela n’émeuve personne. Aujourd’hui encore, les Frci occupent les maisons de cadres Fpi. Qui sont soit en prison ou en exil. Pire, la plupart de ces maisons servent de camp de torture. C’est le cas des deux maisons de l’ex-Directeur général du Port autonome d’Abidjan, Marcel Gossio, à Cocody et à la Riviera palmeraie. C’est aussi le cas des résidences de l’ex-président du Conseil d’administration de la Sir, Laurent Ottro, et de l’ex-ministre Benjamin Yapo Atsé à la 7ème tranche. C’est aussi enfin, le cas de la résidence du président du Fpi, l’ex-Premier ministre Pascal Affi N’Guessan à la Riviera 3. La liste n’est pas exhaustive. Aujourd’hui plus que jamais, les Frci occupent les rues d’Abidjan. On peut même dire que les Frci ont pris Abidjan en otage. Ils ont érigé des barrages partout. En Côte d’Ivoire, ce sont les Frci qui font le contrôle de routine des véhicules en s’adonnant à un racket éhonté. Dès qu’ils arrêtent un véhicule personnel, ils introduisent presque la tête dans la voiture et disent : «Vié père, laissez affaire de pièces là, tes enfants sont là. Il faut donner prix de café». Ces propos, les usagers les entendent à tous les barrages Frci à Abidjan. A certains barrages dans les quartiers comme Yopougon, les Frci ont installé des containers qui leur servent de prison. C’est dans ces containers que sont enfermés les jeunes gens qu’ils soupçonnent d’être des pro-Gbagbo après les avoir sauvagement bastonnés. Et pour les libérer, leurs parents doivent débourser des sommes faramineuses. En la matière, le barrage Frci du nouveau pont de Yopougon-Sideci est de triste réputation. A l’intérieur du pays, la situation est catastrophique. Pendant que les Frci occupent les villes, les dozos, leurs supplétifs, ont investi les villages où ils terrorisent les paysans. Ils ont érigé des barrages sur toutes les voies accédant aux villages. A ces barrages, les populations sont contraintes à débourser 200 fcfa par individu pour passer. Aujourd’hui en Côte d’Ivoire, les dozos se sont substitués aux gendarmes à l’intérieur au su du gouvernement. Autre décision prise par Alassane Ouattara et ignorée par ses hommes armés. C’est l’interdiction de sirène dans les longs cortèges en dehors de celui du chef de l’Etat et des présidents des Institutions. Pas plus tard que jeudi dernier, une voiture avec un gyrophare a semé la panique dans la circulation à Abidjan. Alors que tout le monde pensait au cortège présidentiel, on s’est rendu compte qu’il s’agissait d’un gradé Frci qui se frayait un chemin. Il devait certainement être un ex-chef rebelle. En tout cas tout porte à croire que M. Ouattara est impuissant devant les agissements des ex-rebelles qui l’ont conduit au pouvoir.

Boga Sivori - Notre Voie 16 octobre 2012
Titre original : Alassane Ouattara et les ex-rebelles. Qui gouverne le pays ?

EN MARAUDE DANS LE WEB
Sous cette rubrique, nous vous proposons des documents de provenances diverses et qui ne seront pas nécessairement à l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu'ils soient en rapport avec l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et des Ivoiriens et que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à faciliter la compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la «crise ivoirienne ».

lundi 15 octobre 2012

Le bêtisier houphouéto-françafricain (suite)

Aujourd'hui, la parole à Jean-Marc Simon, ancien ambassadeur de France en Côte d’Ivoire :

Le général Dogbo Blé est pour moi un brillant officier, c’est incontestable, mais c’est aussi un soldat perdu. Sorti parmi les tout premiers de sa promotion à Saint-Cyr Coëtquidan en France, il avait une très belle carrière devant lui. Par fidélité au président Gbagbo, par solidarité ethnique et idéologique probablement, il s’est engagé dans une dérive qui a conduit le pays aux événements dramatiques qu’on a connu tout au long de la crise postélectorale.

Propos recueillis par Christophe Boisbouvier RFI 

@@@@


LE COMMENTAIRE de BEN COUL (02/10/2012)  :

Son "excellence" le BARBOUZE, nul n’est dupe, on vous a suffisamment compris. Le général DOGBO BLE aurait dû manger au pain de la PERFIDIE et de la FELONIE en venant prendre les consignes chez vous pour espérer avoir une "belle carrière". C’est cela que vous lui reprochez, ayez le courage de l’avouer !

Source : Connectionivoirienne.net 2 octobre, 2012

Le Mali, nouvelle victime des ingérences françaises

François Hollande, au nom de la France, prit la parole lors de la 67ème session annuelle de l'Assemblée générale de l'ONU le jour de son ouverture, le mardi 25 septembre 2012, demandant entre autres choses un mandat international pour une intervention militaire étrangère au Mali, dont le Nord du pays est occupé par des rebelles. Il qualifia d'« insupportable, inadmissible, inacceptable » l'occupation du vaste territoire du Nord malien « par des groupes terroristes » en annonçant que la France soutiendra toutes les initiatives qui seront prises par les Africains.
Pour rappel, la France de M. Chirac et de M. Sarkozy ne trouvait pas insupportable, inadmissible ni inacceptable l'occupation du Nord ivoirien par des rebelles sanguinaires, putschistes ratés, depuis septembre 2002 et cela jusqu'à avril 2011, car ces rebelles soutenaient l'homme adoubé par Paris, l'ancien fonctionnaire du FMI Alassane Dramane Ouattara (ADO), aujourd'hui hissé au pouvoir en Côte d'Ivoire. Et droites et gauches françaises se donnaient la main durant cette période dans une union sacrée assurant cette collusion où J. Chirac et N. Sarkozy assuraient un soutien militaire français aux rebelles pour agresser l’Etat ivoirien. Ici la France soutient des rebelles, là-bas elle fait la guerre pour les combattre. Allez comprendre ! Les rebelles semblent bons s'ils sont en Côte d'Ivoire, en Libye ou en Syrie, à un moment donné et contre l'ennemi désigné des intérêts occidentaux (réel ou supposé). La géométrie variable est bien visible. La ficelle est grossière.
La France s'immisce à présent de façon aiguë et accélérée au Mali. Le néocolonialisme décomplexé se manifeste une fois de plus. L'ingérence politique et « diplomatique » devient ouvertement militaire. La crise interne, politique et militaire, au Mali veut être résolue militairement par la seule France et ses alliés africains, ses anciennes colonies ouest africaines. Dans un élan désintéressé ?

Les origines d'une crise sans précédents : Touareg et islamistes contre le Mali

Cette crise au Mali est due aux rébellions, sécessionnistes et/ou fondamentalistes, touareg ou islamistes, qui réussirent à attaquer, occuper et contrôler le Nord du pays avec ses villes principales, Gao, Kidal, Tessalit et la légendaire Tombouctou, depuis janvier 2012. Ceci provoqua un putsch fin mars 2012 pour déposer du pouvoir le général Amadou Toumani Touré, dit « ATT », impuissant et visiblement incompétent, président élu, lors de son élection contestée fin avril 2007 (comme lors de sa première élection, en mai 2002), et en fin de mandat car une élection présidentielle était prévue pour le 29 avril 2012. Le coup d’Etat fut populaire, et eut un fort soutien politique et citoyen exprimé publiquement. Une description fine, avec une tentative d'analyse pertinente, ultérieure, devrait aborder le richissime sujet d'actions et réactions au Mali face au « pronunciamiento » militaire, des partis, mouvements politiques, syndicats, associations, communautés, musulmans non intégristes, soutiens et opposants des jeunes officiers révoltés, et des consensus et clivages.
Faut-il rappeler que la déstabilisation du Sahel, de toute la bande sahélo-saharienne, donc du Nord du Mali à présent occupé par des rebelles, est l'une des conséquences directes de la guerre de l'OTAN contre la Libye, dont la France de N. Sarkozy fut l'initiatrice ? Ce conflit provoqua la prolifération et le renforcement des bandes armées djihadistes et, à la chute du régime libyen et après l'exécution de Mouammar Kadhafi, la débandade de l'armée libyenne et la dissémination accélérée d'armes de tout genre et d'hommes armés dans le Sahel. Parmi les Touareg rebelles et les islamistes au Mali il y a des vétérans de la guerre en Libye de 2011.
Après les offensives rebelles de janvier 2012 et la chute de tout le Nord du pays suite au retrait de l'armée malienne au mois d'avril dernier, à présent les mouvances islamistes chercheraient, avec les crimes commis au nom de la charia et une lente poussée vers le Sud-Ouest, l'affrontement afin de galvaniser et d'unifier les groupes djihadistes probablement pour internationaliser le conflit dans le but d'« afghaniser » la région. Le MLNA touareg ayant été à l'heure actuelle largement submergé par les groupes islamistes.

L'arroseur arrosé ? Qui tire les ficelles occultes de ces mouvances ?

L'offensive du MLNA permettait à ses parrains un scénario d'eaux troubles où l'ingérence politique et militaire étrangère était autant cause que conséquence. Certains avancent les thèses bien plausibles et démontrables, de l'implication française – sarkozyste – ainsi que des burkinabés (Blaise Comparé ayant offert son pays comme base arrière) avec le MNLA, qui a pignon sur rue à Paris avec un siège qui agit ouvertement, sans entraves. D'autres spéculent sur l'implication et accointances du Qatar – voire de quelques services algériens – avec des islamistes. Le « médiateur » Compaoré veut inclure le Qatar dans la table des négociations ! Les pompiers pyromanes n'ont pas de scrupules. Les hommes de paille et agents doubles semblent être partout. Et l'intoxication, la désinformation, reste une efficace arme de guerre.
Une junte militaire prit le pouvoir le 22 mars 2012 à Bamako. Des jeunes militaires ayant formé un « Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’Etat » (CNRDRE) avec le capitaine Amadou Haya Sanogo à sa tête. Sous pression de la France, par l'entremise de la CEDEAO (Communauté Économique des Etats d'Afrique de l'Ouest) représentée par le burkinabé Blaise Compaoré, le CNRDRE céda le pouvoir le 12 avril 2012 à Dioncounda Traoré, président de l'Assemblée nationale qui nomma le 17 avril Cheick Modibo Diarra au poste de premier ministre intérimaire. Tout cela eut lieu après que l’Etat malien soit frappé d'un embargo total et que des sanctions politiques et économiques lourdes soient décidées par la CEDEAO, la France, l'Union Africaine et l'Union Européenne. Des élections présidentielles auraient dû avoir lieu pour que M. Traoré, président intérimaire, transfère le pouvoir à un président élu lors d'un scrutin régulier après la période de transition allant de trois semaines à quarante jours tel que le prévoyait la constitution malienne. Mais le mandat intérimaire de quarante jours de D. Traoré fut prolongé pour une période d'un an de plus par Ouagadougou et entériné par la CEDEAO.
Rappelons qu'« ATT » fut déposé par les jeunes officiers d'une armée malienne qui lui reprochaient son incompétence, son incurie et le manque de moyens pour lutter contre les rebelles touareg et islamistes au Nord du pays. Suite au coup d’Etat, l'embargo organisé par le couple France-CEDEAO empêcha l'armée malienne d'avoir des nouvelles armes, matériel militaire et munitions importées, pour lutter contre les rebelles sécessionnistes. Et la conquête rebelle de territoires du Nord put ainsi s'élargir et se consolider au mois d'avril dernier. La junte céda le pouvoir rapidement mais l'embargo continue encore aujourd'hui. A Bamako les Maliens ont déjà vivement manifesté leur mécontentement et impatience, comme le 21 mai dernier lorsque ils manifestèrent contre Dioncounda Traoré. Ce dernier fut alors blessé.

Le rôle néfaste de la CEDEAO, efficace instrument français.

La CEDEAO, avec la France, organise activement l'impuissance de l'armée malienne pour mieux justifier l'envoi d'un corps expéditionnaire formé surtout d'un noyau ivoiro-burkinabé. Dans le port de Conakry, en Guinée, le matériel militaire destiné à l'armée malienne reste bloqué encore aujourd'hui et cela depuis des mois.
L'ingérence française dans le conflit interne malien se concrétise avec le « consentement » de la victime, à savoir le propre Mali, car le président intérimaire malien a demandé le lundi 24 septembre au secrétaire général de l'ONU une intervention militaire étrangère. Etonnamment c'est le ministre français L. Fabius qui annonce cela à New York, à savoir que M. Traoré a demandé à Ban Ki-moon, une résolution du Conseil de sécurité autorisant « l'intervention d'une force militaire internationale afin d'aider l'armée malienne à reconquérir les régions du Nord occupées » en rajoutant que le « Mali souhaite la présence immédiate de cette force ».(8) Mais ce n'est peut-être pas exactement si consenti que ça. Faut se demander si ce « consentement » est totalement libre et complètement éclairé. Pour preuve, le journal Le Monde dit dans son article sur le sujet daté du mardi 25 septembre « Dimanche [24 septembre], le Mali a finalement cédé à la pression de la Cédéao qui, depuis des mois, soutient le principe d'une intervention militaire au Nord du Mali  ».(9)
Faut se demander aussi si ceux qui ont demandé cette intervention sont légitimes et mandatés pour cela. Au Mali, Cheick Modibo Diarra (ayant une double nationalité, malienne et états-unienne) est le premier ministre d'un régime non issu des urnes. Et Dioncounda Traoré est un président intérimaire imposé aux Maliens par Ouagadougou. Il fut imposé par une France interventionniste ayant mandaté pour cela le peu démocrate militaire burkinabé Blaise Compaoré, ancien putschiste, au pouvoir dans son pays depuis vingt cinq ans.
Dans le meilleur des cas D. Traoré et C. M. Diarra sont, soit des mannequins ventriloques forcés, portant la parole de Paris, soit victimes d'une naïveté sidérante. Dans le pire de cas ils sont complices et activement partisans pro-français, françafricains, bradant la souveraineté malienne, si petite soit-elle, manquant ainsi à leur devoir de défense de la souveraineté de l’Etat et du peuple maliens. C'est une affaire dans l'affaire. Un coup de force, un coup d’Etat en douce, à retardement, opéré, gagné pour l'instant sur le tapis vert d'une table lointaine, entre Ouagadougou, Paris et New York.
Ce n'est pas un jeu de pions ? Ce n'est pas un jeu de dupes ? Il est notoire que Paris – le président F. Hollande et le ministre des affaires étrangères L. Fabius – a pressé Bamako – Dioncounda Traoré et Cheick Modibo Diarra – pour qu'il demande ouvertement une intervention militaire étrangère sur le sol malien. Et Paris se presse pour dire que ce n'est pas l'armée française qu'y interviendra mais un corps expéditionnaire africain de la CEDEAO. La France assurant bien sûr les moyens financiers, le renseignement, les armes et la logistique.
Comme l'OEA – Organisation des Etats Américains – qui fut des décennies durant le masque interventionniste des Etats-Unis en Amérique Latine, la CEDEAO est l'un de pseudonymes de la France en Afrique. Elle est l'instrument de blanchiment et de légitimation des décisions politiques, économiques et militaires françaises destinées à l'ensemble de la région, de l'Afrique de l'Ouest, et à l'égard de chaque pays qui s’y trouve, exception faite du Ghana et du Nigeria, de la sphère anglophone où les Britanniques « ont la main ». C'est une chambre d'enregistrement des desseins et impératifs de la métropole néocoloniale française concernant ses anciennes colonies ouest africaines. La banque centrale de l'union monétaire de la CEDEAO, l'UEMOA, à savoir la BCEAO, est contrôlée par la Banque de France ! Et la monnaie, le franc CFA, signifiait franc des « Colonies françaises d'Afrique », terme devenu « Communauté financière africaine », plus politiquement correct.

Le cas « édifiant » de la Côte d'Ivoire et sa guerre de neuf ans. Chirac et Sarkozy réinventent « la coloniale »

Dans l'incroyable guerre – souterraine puis ouverte – déclarée contre la Côte d'Ivoire de Laurent Gbagbo par la France depuis le 18 septembre 2002, lors d'une tentative ratée de putsch suivie de l'occupation du Nord ivoirien par des rebelles partisans d’Alassane Ouattara, choyés et sanctuarisés par l'armée française, la CEDEAO joua dès le début le rôle de relais de la France pour tenter de mettre à bas le président élu, L. Gbagbo, et in fine asseoir sur le fauteuil présidentiel Alassane Ouattara, l'homme du FMI. Ils réussirent cela seulement neuf longues années après, moyennant d'énormes souffrances du peuple ivoirien et suite à quatre mois et demi de guerre intense, décembre 2010-avril 2011, avec à la fin de cette période encore plus de souffrances, de massacres généralisés, de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité commis par les forces rebelles déferlant vers le Sud du pays qui était resté sous contrôle de l’Etat ivoirien. Le président Gbagbo se faisant arrêter par des soldats français dans la résidence présidentielle d'Abidjan le 11 avril 2011. Séquestré puis emprisonné illégalement pendant des longs mois dans le Nord de son propre pays, L. Gbagbo est aujourd'hui consigné, en prison, à la Cour Pénale Internationale à La Haye où son statut de prisonnier politique devrait lui être reconnu un jour.
Pour couvrir ses agissements contre la Côte d'Ivoire de Laurent Gbagbo depuis le 18 septembre 2002, la France mobilisa la CEDEAO, l'Union Africaine, l'Union Européenne et l'ONU. Elle fit signer de force les plus hauts responsables de l’Etat ivoirien à Paris des pseudo-accords politiques en janvier 2003 (Linas-Marcoussis/Kléber) où la rébellion pro Ouattara non seulement était blanchie mais même récompensée. Jacques Chirac et Dominique de Villepin nommaient les ministres ivoiriens à l’Elysée et au quai d'Orsay ! La France fit voter plusieurs mandats onusiens par le Conseil de sécurité pour couvrir ses agissements militaires, dont l'envoi d'un corps expéditionnaire, l'opération « Licorne » d'octobre 2002 devenue ensuite « Force Licorne », élargissant amplement sa présence militaire sur le sol ivoirien au-delà de sa base militaire d'Abidjan-Port-Bouët, le 43ème BIMA. Elle fit aussi créer une mission militaire onusienne spéciale, l'ONUCI, déployée en avril 2004, composée de casques bleus et d'autres policiers et fonctionnaires civils. Le tout visant à grignoter et à anéantir ce qui restait de la souveraineté de l’Etat ivoirien. Visant aussi à acculer le gouvernement légal dans le Sud du pays, en sanctuarisant tout le Nord ivoirien occupé par les rebelles pro-Ouattara qui y régnaient et sévissaient en toute impunité. La mise sous tutelle d'un Etat souverain, avec intervention militaire étrangère directe, sous mandat onusien obtenu par l'ancienne puissance coloniale, pour obtenir in fine un changement de régime, voilà ce que fut le plan accompli de la France depuis septembre 2002 en Côte d'Ivoire. L'objectif était de mettre au pouvoir celui qui était l'adoubé de Paris, M. Ouattara, un riche homme d'affaires et ex-fonctionnaire du FMI, ami et relais françafricain de J. Chirac, de N. Sarkozy et de milliardaires français.
Le rappel et le parallèle que nous faisons avec le drame ivoirien des dix dernières années, qui est loin d'être fini avec la sanglante accession au pouvoir d’Alassane Ouattara en avril 2011, nous semble pertinent dans la mesure où existe et se reproduit un schéma de mise sous tutelle, une recolonisation masquée, d’Etats indépendants mais affaiblis du Sud, surtout en Afrique, commise par les anciennes puissances coloniales, les Etats-Unis et ses alliés, avec la compromission d'organisations régionales inter-étatiques vassalisées et du Conseil de sécurité de l'ONU. Le cas de la Côte d'Ivoire se rajoute au cas d'Haïti où en février 2004 un véritable coup d’Etat militaire franco-étasunien fut commis pour déposer du pouvoir et envoyer à l'exil le président élu Jean-Bertrand Aristide.
Le Mali d'aujourd'hui est la nouvelle victime désignée des ingérences néocoloniales de la France. Droites et gauches françaises se passent le témoin dans cette politique transversale d'ingérences et d'immixtions grossières ou subtiles, qui s'opère notamment contre les anciennes possessions coloniales françaises d'Afrique. Le principal pion de la Françafrique en Côte d'Ivoire à présent, Alassane Ouattara, est l'un des personnages les plus agités de la sous-région pour envoyer ses troupes au Mali. Blaise Compaoré, militaire, président du Burkina Faso depuis octobre 1987 à la suite d'un putsch et de l'assassinat du président Thomas Sankara, est le « médiateur » imposé par la CEDEAO, donc par la France, pour « gérer » la crise malienne. Cela ne s'invente pas. Il est aussi pressé que Ouattara pour envoyer des troupes burkinabés

La France fait la guerre ou paye. Or, qui paye commande.

M. Ouattara fut reçu à l’Elysée le 26 juillet 2012. A la fin de l'entretien M. Hollande annonça que la France accordait à la Côte d'Ivoire l'effacement de sa dette publique envers l’Etat français, à savoir un montant de plus de trois milliards d'euros ! Le richissime homme d'affaires Ouattara obtint pour son régime ce cadeau au titre de la procédure dite PPTE, pour « pays pauvre très endetté ». Son régime n'a pas les moyens pour payer la dette souveraine ivoirienne envers la France mais à une ambition inébranlable pour envoyer des milliers de ses militaires, ses anciens rebelles, au Mali. Sous prétexte de lutter contre une rébellion et réunifier le Mali.
De qui se moque-t-on ? Du contribuable français. Car c'est lui qui devra payer les générosités de M. Hollande et les aventures militaires de la Françafrique. Et il payera double. Trois milliards d'euros donnés en cadeau par François Hollande à Ouattara, à la tête d'un régime tyrannique et archicorrompu, où les droits de l'homme sont piétinés tous les jours. L'aventure guerrière en perspective de Ouattara et Compaoré, co-titulaires de la CEDEAO, sur le territoire du Mali, avec leurs soldatesques surtout avides de toucher des soldes exceptionnelles et des primes, sera payée par Paris.
Au moment où le gouvernement français annonce un projet de budget 2013 avec une hausse d'impôts et de taxes de dix milliards d'euros pour les ménages et autant pour les entreprises, qui se rajoutent à d'autres dix milliards d'euros de baisse du budget des ministères, en somme trente milliards d'euros « d'effort budgétaire », François Hollande décide du renoncement des créances de l’Etat français et s'engage au financement d'une expédition militaire ivoiro-burkinabée. L'aventure sera payée par le contribuable français, aucun doute.
Dans ce tableau grotesque le peuple malien est, et sera encore, la première et la plus grande victime, car le théâtre d'affrontements militaires est, et sera, le Mali, les morts seront des Maliens. Il est prévu que les soldats maliens servent de chair à canon pendant que les étrangers occupent Bamako. Mais les peuples burkinabé et ivoirien sont aussi des victimes, victimes de leurs propres régimes, corrompus et tyranniques, de Compaoré depuis 1987 sans interruption et de Ouattara, depuis 2002 avec sa rébellion et depuis avril 2011 suite à son accession au pouvoir grâce l'armée française et à l'ONUCI. Le peuple français est aussi victime car les moyens financiers et les armes pour la guerre seront donnés et payées respectivement par leurs contribuables, et tout cela sera fait en son nom, sans qu'il n'en soit nullement consulté.
En 2010 et 2011 la France commit des ingérences flagrantes devenues guerres ouvertes contre la Côte d'Ivoire et la Libye. La finalité étant de provoquer le changement de régime dans ces pays, en installant dans le deux cas des rébellions soutenues sournoisement voire ouvertement par Paris et ses fondés de pouvoir africains. Dans les deux cas la France obtint un mandat onusien pour faire la guerre. Contre la Libye l'instrument fut l'OTAN, qui bombarda le pays du 19 mars au 20 octobre 2011. Pendant sept mois ! En Côte d'Ivoire la mission onusienne, ONUCI, fit directement la guerre contre l’Etat ivoirien à côté des rebelles et de l'armée française ! En Syrie à présent la France essaye aussi de mettre à bas le régime d'un Etat indépendant, en installant au pouvoir une rébellion armée sanglante, d'orientation islamiste, avec l'Union Européenne, l'OTAN et ses relais régionaux tels la Turquie, le Qatar, l'Arabie saoudite et la Jordanie, qui financent et/ou servent de base arrière aux rebelles.

Les obstacles, les défis et les luttes incontournables du peuple malien.

Les Maliens devraient se douter qu'une conjoncture politique et militaire tellement complexe et grave ne peut se résoudre aisément. Mais les compromissions et les renoncements militaires et politiques n'aboutiront certainement qu'à plus de drames et à des pertes accrues de vies humaines et de souveraineté, le peu qui reste à un pays dépendant, pauvre, avec un Etat faible. Et aux souffrances du peuple malien qui subira, qui subit déjà, ce sanglant conflit interne s'ajoutera la guerre intense et les exactions, autant des rebelles que celles, prévisibles, des « libérateurs » de la CEDEAO. Rappelons-nous des exactions de l'ECOMOG au Liberia et en Sierra Leone !
L'acceptation sur le sol malien d'une force militaire étrangère, avec des soldats venant des pays frontaliers non exempts d'ambitions vénales et sous l'égide de l'ancienne puissance coloniale, n'est qu'un suicide national annoncé. Annonciateur d'une nouvelle mise sous tutelle et même d'une vassalisation par ses voisins immédiats. Le remède proposé sera pire que la maladie. Rappelons le néfaste rôle de Blaise Compaoré dans la sous région pour déstabiliser des pays entiers comme la Sierra Leone, le Liberia et tout récemment la Côte d'Ivoire où il imposa au pouvoir son protégé et compatriote Alassane Ouattara. Rappelons qu'existe aussi à présent l'ambition de Ouattara d'avoir un rôle régional, et il est pressé à ses 70 ans, alors même qu'il n'est pas maître du pays qu'il a conquis en 2011 grâce à la France. En Côte d'Ivoire aujourd'hui l’Etat n'existe guère et l'arbitraire, les exactions et les crimes de sang et massacres pour motifs politiques et ethniques sont commis toujours en toute impunité. ADO garde toujours le pouvoir grâce à l'armée française, toujours très présente sur le sol ivoirien.
Le Mali risque ainsi d'échanger la rébellion du Nord par une vassalisation au profit du Burkina Faso et de la Côte d'Ivoire, devenant le hinterland asservi de ces deux pays. Devenant concomitamment un territoire néocolonial chronique, avec des régimes fantoches, encore plus fantoches, à Bamako, aliénés plus que jamais à la France. Où celle-ci sera (l'est déjà) concurrencée par les USA et la Chine pour le contrôle des territoires et des matières premières. Contrôler le Mali c'est contrôler en partie le Sahel, mais aussi l'ouest africain et le Maghreb. L'Algérie, le grand voisin au Nord du Mali, reste discrète ce qui ne signifie pas qu'elle n'agit pas ou ne fait pas agir des tiers.
Justement à propos de la concurrence géopolitique pour le contrôle des pays et des matières premières en Afrique, la précipitation de la France et de ses obligés ouest-africains concernant la crise au Mali crée des réticences internationales et les rivalités interimpérialistes apparaissent au grand jour. Le mercredi 26 septembre à l'ONU, lors de la réunion de haut niveau sur le Sahel en marge de l'Assemblée générale, Hillary Clinton fait une étonnante déclaration. Elle dit que le Mali est une « poudrière » et que seul « un gouvernement démocratiquement élu aurait la légitimité de négocier un accord politique au Nord du Mali, de mettre fin à la rébellion et de restaurer l’Etat de droit ». Ah les postures ! L'art de l'hypocrisie n'a pas des limites. On l'aurait dite porte-parole légitimiste des pays non-alignés par exemple. Faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais. Ceci dit, les Maliens se font voler des analyses et des alternatives pouvant être pertinentes et les concernant.
Le principe de non-ingérence dans les affaires internes d'un Etat souverain, ainsi que les principes de sauvegarde de la souveraineté, de la paix et la recherche impérative des solutions pacifiques aux conflits entre Etats, sont ouvertement piétinés. Par la France, mais pas seulement. Par ses pions tels le Burkina Faso de Compaoré, la Côte d'Ivoire de Ouattara et la CEDEAO. Prenant l'exécrable exemple des Etats-Unis et de ses alliés de l'OTAN, qui s'amusent à parler au nom de toute la planète en portant la casquette « communauté internationale ».
Quelques exemples dramatiques et encore sans solution définitive, étant des plaies ouvertes, sont là pour nous le rappeler. Haïti depuis 2004 est encore sous tutelle de l'ONU avec la MINUSTHA. La RDC, ayant les deux dernières décennies la série de conflits internes les plus meurtriers en Afrique, avec plus de quatre millions de victimes et des pans entiers de son territoire national occupés et pillés par des rébellions soit autochtones soit venues et/ou soutenues par les pays voisins de son Nord-Est, sous les bavures et le regard impuissant ou rendu volontairement impuissant de la mission de l'ONU, la MONUC/MONUSCO avec actuellement dix sept mille casques bleus y déployés. La Côte d'Ivoire et la Libye, victimes toutes les deux en 2011 de guerres ouvertes visant le changement forcé de régime sous le leadership de la France de N. Sarkozy. La Syrie aujourd'hui où l'Occident, la France en tête encore, arme, finance et justifie une rébellion sanglante contre un Etat indépendant visant à mettre à bas son régime, militarisant jusqu'à la folie meurtrière les affrontements d'une complexe dialectique politique. La « démocratie » à coup des bombes et des rebellions ? L'Irak, l'Afghanistan, la Libye, etc., sont des cas « exemplaires ».
Le Mali s'inscrit à présent dans ce schéma déjà bien rodé d'ouvertes ingérences politiques et militaires de l'ancienne puissance coloniale et de l'Occident et d'abandon « volontaire » de souveraineté. Le Mali est la nouvelle victime désignée et titularisée des ingérences néocoloniales de la France et de ses propres voisins avides, ivoiriens et burkinabés, pions de la Françafrique.
Au Mali, l'alibi français avancé pour justifier l'ingérence politique et militaire actuelle, directe et par pions interposés, est l'urgence de chasser des rebelles sanguinaires, islamistes, tout en empêchant l'armée malienne par exemple de le faire elle-même et en méprisant le peuple malien, privé de décider et d'assumer ses droits – et ses devoirs – souverains. La défense de la souveraineté populaire malienne d'abord, ainsi que la souveraineté de l’Etat autant que l'intégrité territoriale, n'est pas, ne devrait pas, être négociable.

Luis Basurto* (Paris 27 septembre 2012)


EN MARAUDE DANS LE WEB
Sous cette rubrique, nous vous proposons des documents de provenances diverses et qui ne seront pas nécessairement à l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu'ils soient en rapport avec l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et des Ivoiriens et que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à faciliter la compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la «crise ivoirienne ».

Source : CIVOX. NET 05 Octobre 2012

(*) - Luis Fernando Basurto, Péruvien, est enseignant supérieur à Nanterre et syndicaliste.

dimanche 14 octobre 2012

LA FRANCE DANS SA BASSE-COUR !!!

Alors que des problèmes sérieux se posent à l’Afrique, les dirigeants des (anciennes) colonies françaises de ce continent n’en finissent pas de s’acoquiner avec les autorités de Paris, à la recherche d’un nouveau souffle pour l’asservissement à une France incapable de renoncer aux pratiques les plus avilissantes du colonialisme. Et ce n’est pas parce que le président français joue sur les mots en disant qu’à Kinshasa, lors du sommet de la Francophonie « il y aura la France et l’Afrique, et qu’il ne sera pas question d’associer la France et l’Afrique » qu’il faudrait croire que la Françafrique, ce système de relations de dupes entre la France et ses (anciennes) colonies aura vécu. Pour faire bien, on tente parfois de donner à la francophonie les allures du Commonwealth. Et pourtant, l’histoire a montré depuis toujours que les conceptions des relations avec les colonies n’ont jamais été les mêmes selon qu’il s’agisse de la France ou de l’Angleterre. Même si dans les deux cas on recherche le profit, les Français ont toujours eu un comportement qui tend à nier aux Africains toute personnalité, toute dignité ! Aujourd’hui, malgré les indépendances, le regard des Français sur l’Afrique n’a pas varié d’un pouce.

L’Afrique francophone : la basse-cour de la France !

L’image de la basse-cour, c’est ce qui convient le mieux, lorsqu’on veut parler des relations de la France avec les pays francophones d’Afrique. Aujourd’hui encore, les pratiques dégradantes de la Françafrique font de ceux qui sont à la tête des Etats africains des responsables régionaux, des sortes de préfets de seconde zone, et leurs peuples subissent le dédain raciste, pendant qu’on parle de partenariat. Tout le monde sait que, non contente d’être un marché captif à maints égards pour la France, l’Afrique francophone va jusqu’à loger ses devises dans le Trésor de la France ; cela fait que l’Etat français a un contrôle exclusif absolu sur les économies des Etats de cet espace africain. Le Franc cfa, cette monnaie coloniale, est aujourd’hui la plus grossière arnaque qui puisse exister en matière de relations internationales. Le plus dramatique, c’est qu’on s’échine à faire croire que les Etats africains trouvent leur compte dans cette grotesque duperie. C’est un paternalisme avilissant que subit l’Afrique par la cupidité de dirigeants sans envergure, qui ne doivent souvent leur place qu’aux coups bas de la France des réseaux qui est en Afrique cette Françafrique ! Et ce n’est pas parce qu’un certain Abdou Diouf, après avoir dirigé le Sénégal, n’a pas pu se faire à l’idée d’une retraite méritée, et s’est retrouvé avec ce strapontin peu flatteur de secrétaire général de ce machin néocolonial, qu’il faudrait y voir une institution de coopération entre Etats. La francophonie est aujourd’hui le pilier visible le plus actif de l’action colonialiste de la France en Afrique. Pour la petite histoire, Monsieur Bernard B. Dadié, homme de lettres ivoirien bien connu, s’est vu refuser le visa par la France, en 2010, alors qu’il devait prendre part, en tant que membre à part entière, à une réunion important de la francophonie à Paris. La raison : ses prises de positions dans le complot électoral franco-onusien en Côte d’Ivoire déplaisaient aux autorités de la France. D’ailleurs on a vu après, sans surprise, Abdou Diouf, le secrétaire général de cette institution, voler au secours de la France, dans sa guerre en Côte d’Ivoire, par des prises de positions indignes de l’ex chef d’Etat qu’il est !...

À quand donc « l’âge d’or » pour l’Afrique ?

Nous entendons par « âge d’or », le temps où les Africains auront acquis le respect des autres. Le temps où sera abandonnée cette vision réductrice qui présente les Africains comme les dindons d’une farce grotesque. Le fait est que pendant que dans les Etats africains non francophones, on peut sentir comme un vent de dignité, dans la partie francophone, c’est l’aplatissement total, avec des comportements à faire honte même à l’idiot du village.
Il y a peu, Thabo Mbeki, l’ex-chef d’Etat sud africain, donc d’un pays anglophone, fustigeait la caducité des textes de l’ONU, et tançait durement l’Ua et les Africains pour leur tiédeur (le mot est faible) quand il s’agit de prendre position pour défendre un Etat africain. Cette semaine, c’est Paul Kagamé, un ex-francophone qui a tourné vers la langue de Shakespeare, qui déclare que « l’Afrique n’a de leçon à recevoir de personne ! » A côté de cela on a vu, il n’y a pas longtemps, les chefs d’Etats francophones d’Afrique, Laurent Gbagbo (alors chef d’Etat) excepté, s’aligner pour aller faire la fête nationale en France. Et il y a quelques jours, ce sont les ministres des Finances de ces mêmes Etats francophones qui sont allés à Paris, avec au premier rang, Alassane Ouattara, le « préfet de seconde zone » que la France a placé au pouvoir en Côte d’Ivoire, après avoir chassé Laurent Gbagbo avec des bombes. Ils sont allés fêter l’esclavage financier que subissent leurs pays, avec le franc cfa.
Ces exemples pour dire que pendant que dans les pays anglophones, des voix s’élèvent pour parler de dignité de l’Afrique, dans les pays francophones, c’est toujours le statu quo colonial. On continue de s’aplatir devant la France, et on n’a pas honte de se ridiculiser avec des attitudes et parfois des propos aussi niais que lâches. Comme cette réponse de l’Ivoirien Charles Konan Banny, ancien gouverneur de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) : à l’occasion de la fête des 40 ans du cfa, fête de l’esclavage financier, dernièrement à Paris, un journaliste s’est hasardé à demander à l’ancien gouverneur de la BCEAO si et quand les Etats africains envisageaient de créer leur propre monnaie. Monsieur Banny, à la manière de « Toto » qui voudrait faire de l’esprit, a demandé au journaliste de quoi il parlait. Puis il a poursuivi, à peu près en ces termes : «  Nous avons une monnaie à nous, qui est le franc cfa ! Et si c’est une affaire de mot, on peut, pour vous faire plaisir, remplacer cfa par autre chose ; mais nous, nous n’avons pas du tout le sentiment de ne pas avoir une monnaie à nous… ». Voilà, sans commentaires, le propos d’un ex-haut fonctionnaire de l’esclavage financier que la France exerce sur l’Afrique francophone. Avec çà, on a de quoi être sceptique devant les campagnes pour la francophonie, et se demander avec insistance : à quand « l’âge d’or » ?
Que Dieu nous protège !

Nda Adjoua Suzanne, enseignante.
 
EN MARAUDE DANS LE WEB
Sous cette rubrique, nous vous proposons des documents de provenances diverses et qui ne seront pas nécessairement à l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu'ils soient en rapport avec l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et des Ivoiriens et que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à faciliter la compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la «crise ivoirienne ».
 
Source : La Dépêche d'Abidjan 13 Octobre 2012

« SI LE RIDICULE TUAIT… »

L’épisode de la décision unilatérale de fermeture avec fracas le 21 Septembre et de réouverture sans bruit le 08 Octobre 2012 par Abidjan des frontières entre le Ghana et la Côte d’Ivoire met en lumière les turpitudes du pouvoir en Côte d’Ivoire.
A notre connaissance, aucune négociation n’a été entreprise par le Ghana au sujet de cet acte du gouvernement ivoirien, pris au mépris des règles élémentaires des relations diplomatiques.
Dans l’imagerie de certains groupes ethniques, on dirait « le batteur de tam-tam bat la mesure et danse concomitamment », pour traduire le tragi-comique d’une telle situation. Ou encore, si le ridicule tuait.
A l’analyse ne s’agit-il pas d’un acte de souveraineté ? Pour un Etat souverain, fermer ses frontières, les rouvrir, déclarer la guerre à autre Etat, battre monnaie sont des actes à engager pour assurer en cas de besoin la survie de la Nation en se fondant sur ses propres valeurs, sans obligatoirement se référer à l’extérieur.
Pour un pays comme le Ghana, N’Krumah, puis plus tard J.J. Rawlings ont inscrit en lettres d’or la souveraineté dans et de la Constitution. Les autorités ont respecté la « souveraineté de la République de Côte d’Ivoire ». Les Autorités du Ghana ont donc certainement pris acte et se sont vraisemblablement organisés sur tous les plans pour faire face à ce défi. Les parlementaires en ont été instruits pour engager l’ensemble de la Nation si nécessaire.
Qu’en est-il de la Côte d’Ivoire ?
Le mobile invoqué pour la fermeture, une attaque en provenance du territoire ghanéen brandi par la Côte d’Ivoire a été battu en brèche le jour même par un fonctionnaire des services de sécurité du Ghana sans autre réaction des Autorités ivoiriennes jusqu’à la réouverture des frontières ; légèreté des services de défense et diplomatiques.
Il n’est pas évident qu’une instance, fut-ce le conseil des Ministres, ait été informée de cette décision lourde de conséquences encore moins le parlement ; légèreté constitutionnelle.
Cette décision émane de surcroît du Président en exercice de l’instrument de coopération le plus important de la sous-région sans concertation aucune avec les instances de la CEDEAO; légèreté des engagements.
Pis, la décision de réouverture a été prise de Paris sans référence aux institutions de la Nation; absence évidente de souveraineté.
Pour en rajouter au tragi-comique, sachez que les deux préfets, celui du Faso du Nord, le Burkina, et celui du Faso du Sud, le Dozoya ont reçu l’injonction de rouvrir les frontières au moment où ils rendaient compte à Paris, Capitale de la Métropole de l’instrument le plus achevé de l’aliénation de notre souveraineté, la monnaie, le FCFA.
C’est vrai, les Préfets s’appellent autrement Gouverneurs. L’ancien Gouverneur est devenu Préfet ; La « Tantie » a eu raison.

Hervé AMANI, sociologue


EN MARAUDE DANS LE WEB
Sous cette rubrique, nous vous proposons des documents de provenances diverses et qui ne seront pas nécessairement à l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu'ils soient en rapport avec l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et des Ivoiriens et que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à faciliter la compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la crise ivoirienne
.
 
Source : civox.net 10 Octobre 2012
(Titre original : « Vraiment il est préfet »)

vendredi 12 octobre 2012

Pourquoi Ouattara n’y arrive pas

Le président ivoirien enregistre des réussites sur les plans économique et financier, mais le climat politique reste toujours délétère. Ce qui inquiète les investisseurs. Faute d’une véritable volonté de réconciliation, la Côte d’Ivoire risque de rechuter.
« Il n’en fait qu’à sa tête », « Il n’écoute pas ce qu’on lui dit », ces réflexions reviennent de plus en plus souvent dans les couloirs du quai d’Orsay (ministère français des Affaires étrangères) et dans les officines qui travaillent à l’épanouissement des intérêts des multinationales françaises en Côte d’Ivoire.
« Il », c’est Alassane Ouattara, le successeur de Laurent Gbagbo. Après dix-sept mois à la tête de son pays, le président ivoirien a réduit la dette, lancé de grands chantiers, mais il est loin d’avoir pacifié le pays.
Pire, plus le temps passe, plus les antagonismes semblent s’exacerber, plus la Côte d’Ivoire s’enfonce dans une crise politique dont on ne voit pas l’issue, plus les investisseurs doutent de sa capacité à restaurer la sécurité.
Pourtant, Ouattara, qui bénéficie de la confiance de toutes les institutions internationales (FMI, Banque mondiale), dispose de nombreux atouts pour réussir dans sa mission de reconstruction du pays.
Mais, les milliards ne peuvent suffire à guérir les traumatismes, à rebâtir un consensus et une volonté de vivre ensemble. Pour sept raisons.

1. Une justice à géométrie variable

Lors de sa campagne électorale, Alassane Ouattara avait promis la fin de l’impunité. On peut évidemment se féliciter qu’enfin, en Côte d’Ivoire, on inculpe, on juge et on condamne les responsables d’assassinats politiques, comme ceux du colonel Dosso (un proche du nouveau président) ou du général Robert Guéi, mais les investigations de la justice se limitent à traquer les pro-Gbagbo.
Recherche-t-on ceux qui ont abattu Emile Boga Doudou, le ministre de l’Intérieur de Gbagbo, lors du coup d’Etat manqué du 19 septembre 2002 , ceux qui ont exécuté plusieurs dizaines de gendarmes « loyalistes », à Bouaké, en octobre 2002, ceux qui ont asphyxié dans des conteneurs plusieurs dizaines de partisans d’Ibrahim Coulibaly, le chef rebelle dissident, en 2004 à Korhogo (nord du pays) ?
Selon une commission d’enquête mise en place par le nouveau pouvoir lui-même, les forces armées pro-Ouattara seraient responsables de la mort de 727 personnes lors des violences postélectorales de fin 2010 et 2011. Contre 1.452, attribués aux pro-Gbagbo. Soit 2.179 victimes au total, un bilan nettement sous-estimé.
Cette comptabilité macabre prend-elle aussi en compte les centaines de Guérés (une ethnie de l’ouest, à la frontière avec le Liberia) exécutés dans l’ouest du pays, en avril 2011 par des milices pro-Ouattara, un massacre dont aucun auteur n’a été arrêté à ce jour ?
Pourquoi enfin des ex-ministres de Gbagbo, des responsables du FPI, le parti de l’ancien président, continuent-ils d’être détenus sans jugement dix-sept mois après leur arrestation ?

2. Une base électorale qui s’effrite

Alassane Ouattara a été porté au pouvoir par un scrutin électoral dont la communauté internationale a jugé les résultats « incontestables » : 54,1% contre 46,9% à son adversaire.
Mais, tel qu’il a été proclamé, il ne prend pas en compte les fraudes constatées par de nombreux observateurs en zone ex-rebelle, dans le nord et le centre du pays.
Faute d’avoir obtenu un recomptage des bulletins, les partisans de Gbagbo, qui s’estiment floués, refusent aujourd’hui d’admettre leur défaite électorale.
De plus, Ouattara (32,08% au premier tour) a dû sa victoire au soutien de l’ex-président Henri Konan Bédié et du PDCI, l’ex-parti unique.
Une formation aujourd’hui traversée par des courants contradictoires que Bédié s’efforce d’annihiler en restant, à 78 ans, assis sur le couvercle de la marmite.

3. Des soutiens militaires en grande partie acquis à Soro

L’ossature des FRCI (Forces républicaines de Côte d’Ivoire) est constituée de com-zones, ces chefs militaires de l’ex-rébellion qui se sont partagés le pays et les quartiers d’Abidjan.
Pendant huit ans, ils ont tenu le nord du pays sous les ordres de leur chef politique Guillaume Soro, désormais président de l’Assemblée nationale.
Ce sont eux qui, en avril 2011, ont marché sur Abidjan pour déloger Gbagbo avec l’aide des dozos, ces chasseurs traditionnels venus du nord et de pays voisins, et de soldats étrangers, en majorité burkinabè.
Ils ont conquis la capitale ivoirienne grâce aux bombardements des hélicoptères français et de l’ONU, et au renfort décisif dans la matinée du 11 avril 2011 des blindés français.
Depuis son entrée en fonction, le président ivoirien, qui a pris les fonctions de ministre de la Défense, s’est efforcé, sans grand succès, de réduire leur pouvoir. Et de les contrôler en les propulsant à des postes de chefs dans la nouvelle armée ou même en leur donnant des casquettes de préfets.
Mais, c’est Soro qui reste le patron effectif de la plupart d’entre eux. Et donc, maître du jeu.

4. L’ombre de Gbagbo

Eloigné à La Haye, où il est détenu depuis le 29 novembre 2011, l’ex-président continue de hanter la politique ivoirienne.
Ses partisans exigent toujours sa libération comme préalable à une éventuelle réconciliation. La Cour Pénale Internationale n’a toujours pas organisé l’audience de confirmation des charges.
Elle tergiverse, en attendant que des pro-Ouattara, responsables de massacres, lui soient livrés. Ce qui l’absoudrait d’une accusation de partialité et de pratiquer, elle aussi, la « justice des vainqueurs ».
Comme Ouattara fait la sourde oreille aux demandes de la CPI, on ne voit pas comment Gbagbo pourrait s’asseoir seul au banc des accusés. Et l’ex-président a été tellement diabolisé, notamment dans les médias français, qu’il paraît difficile à la CPI de le remettre en liberté sans autre forme de procès et sans perdre la face.

5. La menace d’une crise sociale

Même s’il n’a pas réussi à collecter auprès des bailleurs de fonds internationaux tous les milliards promis lors de sa campagne électorale, Alassane Ouattara, qui ne cesse de parcourir le monde, est parvenu à renflouer les caisses exsangues de son pays. C’est même ce qu’il fait de mieux.
Les routes défoncées sont réparées, l’université, qui était devenue une jungle, est rénovée, de grands chantiers sont lancés. On nettoie les rues des ordures qui les encombraient sous Gbagbo. On débarrasse les trottoirs des baraques de commerçants dioulas installés là sans autorisation. Bref, c’est le grand ménage et la Côte d’Ivoire est de retour.
Mais, derrière les apparences, l’extrême pauvreté gagne du terrain. Les prix de denrées de base comme le riz, flambent. A cause d’une inflation mondiale mais aussi de circuits de production ou de distribution défectueux ou corrompus.
De nombreux miliciens pro-Ouattara ne sont toujours pas désarmés. Les braquages et l’insécurité empêchent l’activité économique de décoller. Les jeunes sont sans travail.
Un contexte social qui pourrait rapidement devenir explosif. Ouattara saura-t-il alors trouver les mots et les actes pour le désamorcer ? 

6. La réconciliation en panne

La crise postélectorale a gravement traumatisé les Ivoiriens qui n’avaient jamais vraiment connu la guerre.
L’irruption de combattants étrangers (français, ouest-africains, dozos) dans le conflit a profondément déséquilibré une communauté d’une soixantaine d’ethnies qui avaient réussi à trouver un modus vivendi, malgré des tensions croissantes depuis les années 90.
Le traumatisme est sans doute aussi profond que celui provoqué par la conquête coloniale et il faudra des années pour le guérir.
Pour remettre le pays en route, il était urgent d’engager de fortes actions de réconciliation comme l’Afrique du Sud en a connu à la fin de l’apartheid (Nelson Mandela a été élu en 1994). Mais Ouattara n’est pas Mandela.
Au lieu de tendre la main aux vaincus, il s’est crispé dans une vindicte judiciaire souvent nécessaire, mais toujours partisane.
Les pro-Gbagbo sont sommés de demander pardon, de faire amende honorable comme si c’était une faute inexpiable d’avoir soutenu le président déchu.
Résultat, des dizaines de milliers d’entre eux sont toujours en exil et refusent de rentrer au pays. Et certains, parmi les plus radicaux, mènent des actions de guérilla avec, semble-t-il, le renfort de partisans d’Ibrahim Coulibaly. 

7. Un Etat de droit un peu tordu

Les FRCI, qui ont beaucoup rançonné les pro-Gbagbo, sont perçus comme une force partisane, à l’unique solde du pouvoir en place.
La corruption continue à régner. Des chefs militaires se promènent au volant de véhicules de type Hummer.
L’instauration d’un véritable Etat de droit apparaît bien lointaine, même si Ouattara ne cesse de mettre en garde ses ministres contre des actes de prédation et de prévarication.
Or, le nouveau président a installé à certains postes clés des hommes, certes d’une fidélité irréprochable, mais d’une moralité parfois douteuse.
Beaucoup de partisans de Gbagbo rasent les murs dans leur propre pays, se gardant de s’exprimer publiquement.
Des journaux d’opposition sont régulièrement suspendus et des artistes interdits d’antenne à la RTI (Radio-Télévision ivoirienne).
Deux des principaux chefs du FPI (Front populaire ivoirien) sont détenus à la Maca, la maison d’arrêt d’Abidjan.
Pourtant, pour sortir de la lourde crise politico-militaire qu’elle vient de vivre, la Côte d’Ivoire a besoin de la mobilisation de toutes ses énergies.
 
Philippe Duval

EN MARAUDE DANS LE WEB

Sous cette rubrique, nous vous proposons des documents de provenances diverses et qui ne seront pas nécessairement à l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu'ils soient en rapport avec l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et des Ivoiriens et que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à faciliter la compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la «crise ivoirienne ».
Source : slateafrique.com