La France a
exercé des responsabilités politiques en Syrie jusqu'à la dernière guerre.
Ce temps
est révolu, mais cette expérience doit l'incliner à adopter une
attitude ferme et claire vis-à-vis de la crise actuelle qui ne dépende pas
directement des pulsions et des hésitations de son partenaire américain. Cette
attitude doit, me semble-t-il, découler de trois éléments :
V. Giscard d'Estaing (photo : lemonde.fr) |
1 - Une
connaissance exacte des faits et de leurs responsables, que seuls les
observateurs des Nations unies sont en état de fournir. Chacun se souvient des
documents falsifiés concernant des armes de destruction massive présentés par
le secrétaire d'État américain au Conseil de sécurité pour justifier
l'intervention militaire en Irak,
à laquelle le président Jacques Chirac a eu la sagesse de refuser de
participer.
Quelle que soit l'horreur des frappes chimiques, il est
indispensable de connaître leur nature et d'identifier ceux qui les ont
décidées. Dès les premières heures, les médias occidentaux ont désigné comme
coupable le régime de Bachar el-Assad, mais il est nécessaire de pousser
l'investigation plus loin. En effet, quel intérêt aurait celui-ci à franchir la
ligne rouge tracée par le président Obama, déclenchant ainsi une intervention
américaine contre lui-même ? Parmi les innombrables groupes qui se déchirent en
Syrie, soit au pouvoir, soit parmi les opposants, ou encore autour du pays, qui
pourrait chercher l'occasion d'entraîner les États-Unis et leurs proches alliés
à frapper les forces armées syriennes ? La mission des Nations unies doit
pouvoir clarifier ce point.
2 - Une action
militaire contre un État membre des Nations unies doit être approuvée par une
décision du Conseil de sécurité, à laquelle les membres permanents, telles la
Russie ou la Chine, ont le droit d'opposer leur veto. La France, membre
permanent du Conseil de sécurité, doit respecter ces règles.
Constatons en outre que, parmi les cinq grands pays
émergents – connus sous le nom de BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique
du Sud) –, aucun n'exprime son soutien à une action en Syrie.
3 - Dans la ligne
de la « politique étrangère et de sécurité commune européenne »
ouverte par le traité de Maastricht, signée par le président Mitterrand et
confirmée par le traité de Lisbonne, il est souhaitable que les Etats membres
de l'Union européenne adoptent une position commune vis-à-vis de la crise
syrienne, où aucun de leurs intérêts ne diverge. Aussi la France devrait-elle
demander la réunion du Conseil européen, préparée par la réunion des ministres
des Affaires étrangères. Le grand voisin du Proche-Orient que constitue l'Union
européenne doit faire entendre une voix unique sur ce qu'il convient de faire
ou de ne pas faire, au lieu de multiplier les gesticulations nationales.
Identifier clairement les faits et les responsabilités ;
respecter les procédures du droit international ; rechercher une position
commune des pays membres de l'Union européenne : telle devrait, me semble-t-il,
être la position de la France vis-à-vis de la crise syrienne.
Valéry Giscard d'Estaing
Titre original :
« La position de la France en Syrie »
Source : Le
Point 05/09/2013
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