Le jeudi 12 septembre 2013, Pr
Mamadou Koulibaly, ancien président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire,
ancien Vice-président du Front populaire ivoirien (FPI), et actuel président du
parti
politique Lider, était l’invité de la chaine de télévision camerounaise
STV2, dans une émission intitulée, « Entretien avec… » Au cours de cet
entretien, le Président Mamadou Koulibaly a tenu les propos suivants : « J’ai fait lire ma déclaration de
reconnaissance de Monsieur Ouattara comme président de la République par un
Conseiller spécial du président Laurent Gbagbo, Kadet Bertin et par Koné
Katinan à Accra et par Miaka Ouretto à Abidjan ».
Bertin G. Kadet, ancien ministre ancien conseiller spécial du président Gbagbo |
Ce n’est pas la première fois que
le Président Mamadou Koulibaly fait des déclarations dans les médias
camerounais. Le 28 mai 2013, il a accordé une interview au journaliste Boris
Berlot du quotidien camerounais Mutations où il parlait du rôle qu’il a joué
dans « l’opération Dignité » en Côte d’Ivoire (nov. 2004).
Je tiens à dire ici que jamais je
n’ai eu connaissance d’une telle déclaration émanant de Mamadou Koulibaly, et
jamais je n’ai lu sa « déclaration de reconnaissance » ni en public ni en
privé, avant qu’il l’adresse à M. Alassane Ouattara. Je ne suis pas le
certificateur des déclarations de Mamadou Koulibaly qui, d’ailleurs, en a fait
beaucoup depuis cette journée noire du lundi 11 avril 2011, en Côte d’Ivoire.
Pourquoi, c’est une « déclaration de reconnaissance » destinée à M. Alassane
Ouattara qu’il a besoin de faire valider par trois personnes seulement, en
l’occurrence Kadet, Katinan et Miaka ? Qui suis-je et qui sommes-nous pour lui
donner un quitus ? En procédant de cette façon, Mamadou Koulibaly veut donner
un semblant de crédit à ses sorties politiques hasardeuses, en essayant de
diviser le FPI, dont il essaie vainement d’utiliser quelques cadres. C’est
peine perdue.
La vérité est qu’en mai 2011,
Mamadou Koulibaly a convoqué les cadres du FPI présents à Accra, à une réunion,
pour les informer de sa décision de se rendre à la prestation de serment
d’Alassane Ouattara, à Abidjan, en sa qualité de Président de l’Assemblée
Nationale. A cette époque, au niveau du FPI, Mamadou Koulibaly était troisième
Vice-Président du Parti. Affi N’Guessan, Simone Gbagbo et Sangaré Aboudramane
étant en prison, c’est à Mamadou Koulibaly qu’il revient statutairement de
diriger temporairement le FPI. Quant à moi, j’étais Secrétaire National en
exil, Koné Katinan n’était pas encore porte-parole du Président Gbagbo et Miaka
Ouréto, Secrétaire général du FPI, n’était pas à Accra. L’opinion se posera ici
la question de savoir ce que pouvaient bien valoir les avis des trois
personnalités citées par Mamadou Koulibaly dans son interview à la télévision
camerounaise puisque, dans l’ordre protocolaire au sein du FPI, nous n’étions
pas les personnes habilitées à influencer la décision du Vice-Président qu’il
était ? D’autant plus qu’à cette réunion d’Accra, il y avait le Président du
Comité de Contrôle Hubert Oulaye et d’autres hauts responsables du Parti. A
l’échelle de l’Etat, Mamadou Koulibaly était la deuxième personnalité du pays,
en sa qualité de Président de l’Assemblée Nationale ; Koné Katinan est un
ex-ministre du budget et Miaka Ouréto n’avait aucun rôle dans le gouvernement
Aké N’Gbo. Quant à moi, je suis conseiller du président Laurent Gbagbo. Alors,
que vaut l’avis d’un conseiller, fut-il Kadet, d’un Président de la République
qu’on vient d’enlever par un coup d’Etat, sur la décision bien mûrie à l’avance
et prise par le Président Mamadou Koulibaly deuxième personnalité de l’Etat, de
faire acte d’allégeance à un nouveau Chef d’Etat ? Et que valent les avis de
Miaka Ouretto et Koné Katinan, à ces moments-là ?
J’ai tenu à être présent à cette
rencontre présidée par la seule légitimité qui nous restait encore, après
l’éviction de Laurent Gbagbo à coups de bombes, alors que je souffrais
terriblement des douleurs dues à mon accident du 25 mars 2011 et que j’avais
l’humérus fracturé dans une sangle. Dans sa déclaration liminaire, Mamadou
Koulibaly a dit que M. Alassane Ouattara ayant défié toutes les règles de la
légalité constitutionnelle pour parvenir au pouvoir d’Etat, la présence du
Président de l’Assemblée Nationale à la prestation de serment du nouveau Chef
d’Etat ivoirien amènerait ce dernier à inscrire dorénavant son action à venir
dans un cadre constitutionnel.
Le débat qui a été engagé à cette
réunion n’a pas dégagé une position commune autorisant Mamadou Koulibaly à se
rendre à ladite cérémonie de prestation de serment. Nous nous souvenons encore
que chaque fois que les intervenants s’opposaient à son idée, le Président
Mamadou Koulibaly se lançait dans des explications pour essayer de les
convaincre, chose tout à fait normale. Malgré cela, la grande majorité des
intervenants s’est opposée à la proposition de Mamadou Koulibaly. Au Front Populaire
Ivoirien, c’est cette règle de fonctionnement qui détermine la position du
groupe. Il n’y a plus eu d’autres rencontres jusqu’à ce que Mamadou Koulibaly
se rende à Abidjan comme il l’a prévu, et devienne ce qu’il est devenu
aujourd’hui. Alors, d’où vient ce refrain qu’il enfourche, chaque fois qu’il se
trouve devant des journalistes Camerounais ?
Même en essayant de raisonner sur
la base d’une hypothèse pessimiste selon laquelle Kadet, Katinan et Miaka
auraient lu une « déclaration de reconnaissance » rédigée par Mamadou
Koulibaly, la seule question qui mérite d’être posée à ce dernier est celle-ci
: Qu’a fait Mamadou Koulibaly de la confiance que ses amis ont placée en lui ?
Une fois à Abidjan, Mamadou Koulibaly n’a jamais eu comme centre d’intérêt la
libération de Laurent Gbagbo et de ses amis incarcérés ; il ne s’est jamais
préoccupé du retour des exilés. Au contraire, il vilipende le Président Laurent
Gbagbo dès que les médias lui en donnent l’occasion ; il s’attèle à changer
l’orientation doctrinale du FPI. N’ayant pas eu de succès dans ses tentatives,
Mamadou Koulibaly quitte finalement le FPI pour créer son parti, le Lider.
Lorsque des camarades de parti te
donnent une feuille de route, que tu mets de côté pour faire autre chose, c’est
que tu as échoué. Ne pas reconnaître sa faute politique devant les médias
camerounais et chercher à en faire porter la responsabilité par d’autres
personnes, c’est la meilleure façon d’exprimer son immaturité politique. On a
beau être un harangueur de foule, il est parfois mieux de se taire surtout
quand on n’a rien à dire de sérieux et de vrai.
Les Camerounais ont soutenu la
légalité constitutionnelle en Côte d’Ivoire. Ils sont dans toutes les
manifestations de la diaspora ivoirienne. Leurs intellectuels écrivent l’histoire
de la Côte d’Ivoire en produisant des ouvrages de qualité qui retracent les
évènements qui se sont passés dans notre pays ces dix dernières années. Les
avocats camerounais sont les défenseurs des Ivoiriens injustement incriminés
par le régime ivoirien. Je demande à Mamadou Koulibaly qui a l’occasion d’aller
souvent dans ce pays, de dire des choses sérieuses et responsables à nos amis
et frères Camerounais, au lieu de leur exposer ses états d’âme. Le débat sur
nos états d’âme respectifs est dépassé.
La Côte d’Ivoire a trop de
problèmes qui méritent une lecture en profondeur, avec humilité et
responsabilité. La situation sécuritaire de notre pays est grave, les droits de
l’homme y sont constamment violés, plus de 700 prisonniers politiques
croupissent toujours dans les prisons et des milliers d’Ivoiriens sont en exil
forcé. Les nouvelles lois sur le foncier rural et la nationalité sont sources
de potentielles tensions.
Les acquis démocratiques engrangés
par les Ivoiriens depuis 1990 ont connu un coup d’arrêt brutal le 11 avril
2011. Nous avons donc un pays à reconstruire. Dans cette perspective, nous
retenons de Mamadou Koulibaly qu’il a été un haut responsable de l’Etat et du
Front Populaire Ivoirien. Nous lui avons fait confiance et l’avons soutenu à un
moment où notre formation politique commune et ses militants avaient le plus
besoin de ses services et de ses compétences. Mais, il a choisi d’abandonner la
barque en pleine eau. Nous lui souhaitons le bonheur qu’il espère dans la voie
qu’il a choisie. Toutefois, qu’il cesse pour de bon d’impliquer gratuitement
ses anciens camarades dans ses déclarations.
Fait à Accra, le 17 septembre 2013
Bertin G. Kadet, ancien ministre,
ancien Conseiller spécial du président L. Gbagbo
en maraude
dans le web
Sous cette
rubrique, nous vous proposons des documents de provenance diverses et qui ne
seront pas nécessairement à l’unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu
qu’ils soient en rapport avec l’actualité ou l’histoire de la Côte d’Ivoire et
des Ivoiriens, et aussi que par leur contenu informatif ils soient de nature à
faciliter la compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la
« crise ivoirienne ».
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