Damas, 2 Sept. 2013/ Le président,
Bachar al-Assad, a accordé une interview au journal français Le Figaro, au cours de laquelle il a
affirmé que la stabilité dans la région dépend de la situation en Syrie.
Le président Bachar al-Assad
pendant l'interview,
le 2 septembre 2013
|
- Les Américains et les Français
vous ont accusé d’avoir déclenché une attaque à l’arme chimique le 21 août dans
la région de Ghouta ce qui a fait des centaines de morts. Pouvez-vous nous
fournir une preuve que votre armée n’a pas commis cette attaque.
Premièrement,
quiconque accuse doit donner la preuve. Nous les avons défiés d’avancer une
seule preuve ; ils en ont été incapables. Nous les avons défiés de donner une
seule preuve à leurs peuples. Puisque les politiques extérieures se décident au
nom des peuples et de leurs intérêts. Mais, ils n’ont pas pu le faire. Deuxièmement,
parlons de la logique de cette accusation, si elle est raisonnable ou pas. A
présent, je vous pose la question suivante : nous combattons depuis deux ans,
et je peux dire que notre situation sur le terrain est aujourd’hui bien
meilleure qu’elle ne l’était l’année dernière par exemple. Comment une armée,
dans n’importe quel Etat, peut-elle utiliser des armes de destruction massives,
au moment même où elle réalise un progrès moyennant des armes conventionnelles
? Soyons très précis : Je ne dis nullement que l’armée syrienne possède ou non
de telles armes. C’est une question qu’on ne discute pas. Mais supposons que
cette armée souhaite utiliser des armes de destruction massive, si elle en
possède; est-il possible qu’elle le fasse dans une zone où elle se trouve
elle-même ?!! Où en est la logique ? En plus, est-il possible d’utiliser des armes
de destruction massive dans la banlieue de la capitale sans tuer des dizaines
de milliers de personnes, car ces matières se transportent par le vent ?
- Des éléments de l’armée
syrienne ont-ils été atteints par de telles armes ?
Oui
dans la région d’al-Baharieh dans la banlieue de Damas. Le comité d’enquête a
rencontré les soldats hospitalisés.
- Certains disent que
l’armée a sans doute réalisé certains progrès. Mais vous vouliez aussi, en fin
de compte, en finir définitivement avec cette opposition, qui progresse dans
d’autres endroits.
Encore
une fois, les zones dont on parle sont des zones peuplées. Y utiliser des armes
de destruction massive signifie des dizaines de milliers de morts. Toutes les
accusations se fondent sur les allégations des terroristes et sur des images
vidéo arbitraires diffusées sur internet.
- Les Américains disent
avoir capté un entretien téléphonique entre un de vos responsables et un élément
de l’armée, lui donnant l’ordre d’utiliser ces armes…
Bachar
al-Assad : si les Américains, les Français ou les Britanniques disposaient
d’une seule preuve, ils l’auraient annoncée dès le premier jour. Nous ne
discutons pas des rumeurs, ni des allégations. Nous ne discutons que les faits.
Si ce qu’ils disent est vrai, qu’ils en donnent la preuve.
- Serait-il possible que
certains responsables, ou certains éléments de l’armée syrienne, aient pris
cette décision sans votre aval.
Bachar al-Assad
: Encore une fois… j’affirme que nous n’avons jamais dit posséder de telles
armes. Votre question insinue des choses que je n’ai pas dites, et que nous
n’avons ni confirmées ni niées en tant qu’Etat… mais normalement, dans les pays
qui possèdent une telle arme, la décision est centrale. De toute manière, vous
évoquez une question que nous ne discutons avec personne en tant qu’Etat, car
c’est une question purement militaire.
- Mais Jihad Makdissi l’a
bien dit ?
Non… à l’époque,
Jihad a dit : « si nous possédons une telle arme, nous ne l’utiliserons pas ».
Le faite de la posséder ou non est une affaire purement syrienne et ne concerne
que nous.
- Le président Obama a
reporté les frappes militaires sur votre pays. Comment expliquez-vous cette décision
?
Certains
estiment que le président Obama a fait preuve de faiblesse en temporisant
l’agression, ou en la reportant pour quelques jours ou quelques semaines…
Certains ont vu en lui le chef fort d’une grande puissance, parce ce qu’il a
menacé de déclencher la guerre contre la Syrie. Quant à nous, nous estimons que
l’homme fort est celui qui empêche la guerre, et non celui qui l’enflamme… L’homme
puissant est celui qui reconnait ses erreurs. Si Obama était fort, il aurait
dit publiquement : « Nous ne disposons pas de preuves sur l’usage de l’arme
chimique par l’Etat syrien ». Il aurait dit publiquement: « La seule voie est
celle des enquêtes onusiennes. Par conséquent, revenons tous au conseil de
sécurité ». Mais à mon avis, il était faible parce qu’il a subi les pressions
intérieures et a menacé de déclencher la guerre. C’est notre opinion. Je vous
ai dit que par la force des choses le fort est celui qui empêche la guerre et
non celui qui la déclenche et l’attise.
- Que diriez-vous aux
membres du congrès américain qui doivent voter pour ou contre cette frappe ?
Quiconque
souhaite prendre cette décision doit, avant de voter, se poser la question
évidente suivante : les guerres qu’ont-elles apportées aux Etats-Unis ou même à
l’Europe ? Le monde qu’a-t-il gagné de la guerre contre la Libye ? Qu’a-t-il
gagné du support apporté au terrorisme en Libye ? Qu’a-t-il gagné de la guerre
en Irak et ailleurs ? Que gagnera-t-il du renforcement du terrorisme en Syrie ?
La tâche de tout membre du congrès consiste à servir l’intérêt de son pays.
Avant de voter, il doit agir en fonction de l’intérêt de son pays… Quel serait
l’intérêt des Etats-Unis dans la croissance de la perturbation et de
l’extrémisme au Moyen Orient ? Quel serait leur intérêt à poursuivre ce que
Georges Bush avait commencé, à savoir répandre les guerres dans le monde… S’ils
raisonnent logiquement et en fonction de l’intérêt de leur propre pays, ils ne
verront aucun intérêt dans de telles guerres. Mais vous savez que, dans
beaucoup de cas, leurs positions politiques n’émanent pas toujours du bon sens.
- Comment entendez-vous
riposter à cette attaque, au cas où elle aura lieu ?
Aujourd’hui,
vous parlez d’un tonneau de poudre qui est le Moyen Orient. Le feu s’approche
énormément de ce tonneau. Il ne s’agit pas seulement de la riposte syrienne,
mais bien de ce qui pourrait se produire après la première frappe… Celui qui
élabore aujourd’hui le plan de la guerre peut vous répondre en ce qui concerne
le premier pas seulement, c'est-à-dire sur ce qu’il va faire lui-même. Mais après…
Personne ne peut savoir ce qui se passera. Tout le monde perdra le contrôle
lorsque le baril de poudre explosera… Personne ne dispose d’une réponse sur ce
qui se passera en fin de compte. Ce qui est certain c’est qu’il y aura partout
le chaos, la guerre, l’extrémisme et ses répercussions.
- Le danger d’une guerre
régionale se pose-t-il ?
Bien
sûr. Ce risque vient même au premier plan. La question ne relève pas seulement
de la Syrie, mais de toute une région intégrée, étroitement liée sur le plan social,
politique et militaire. Il est dons normal que les défis soient régionaux et
non seulement syriens.
- Par exemple, Israël
serait-il un de vos objectifs ?
Vous
ne vous attendez quand même pas que je révèle quelle sera notre riposte ?!! Il
n’est pas logique d’annoncer notre plan, mais comme je viens de le dire,
puisque les acteurs sont nombreux, parler d’un seul acteur minimise
l’importance de ce qui se produira.
- Que diriez-vous à la
Jordanie où des hommes armes se sont entrainés. Au cas où les extrémistes
réalisent une avancée, quel sera, à votre avis, le danger qui menace la
Jordanie ?
Notre
politique consiste à ne pas exporter nos problèmes aux pays voisins. Nous
traitions donc avec des milliers de terroristes déjà venus de la Jordanie, et nous
les frappions à l’intérieur même de la Syrie … La Jordanie, par ailleurs, a
déjà annoncé qu’elle ne servira de base à aucune opération militaire contre la
Syrie. Mais si nous ne parvenons pas à frapper le terrorisme en Syrie, il
passera tout naturellement dans d’autres pays. L’extrémisme et le chao se
répandront davantage.
- Vous mettez donc en garde
la Jordanie et la Turquie ?
Bachar
al-Assad : Nous l’avons dit à plusieurs reprises, et nous leur avons envoyé des
messages directs et indirects. Je pense que la Jordanie en est consciente,
malgré les pressions qui s’y exercent pour qu’elle devienne un lieu de passage
pour le terrorisme. Quant à Erdogan, je ne pense pas du tout qu’il est
conscient de ce qu’il fait... L’important aujourd’hui pour la Syrie est de
frapper le terrorisme sur son territoire.
- Quelle sera la réaction
de vos alliés… Hezbollah et l’Iran, au cas où une attaque est perpétrée contre
la Syrie ? Comptez-vous le cas échéant sur leur soutien ?
Je
ne veux pas parler à leur place. Cependant, leurs déclarations étaient claires.
Puisque nous avons dit que la question était régionale, personne ne saurait
dissocier les intérêts de la Syrie de ceux de l’Iran ; ni les intérêts de la
Syrie, de l’Iran et du Hezbollah de ceux d’autres pays qui nous soutiennent. Aujourd’hui
la stabilité de la région dépend de la situation en Syrie. La Russie en est
consciente, aussi ne défend-elle pas le président ni l’Etat syrien mais bien la
stabilité dans la région… car cela aura aussi des effets sur la Russie. Voir
les choses sou l’angle d’une coalition entre la Syrie et l’Iran serait
superficiel et limité. La question en est beaucoup plus grande.
- Les russes vous ont-ils
rassuré qu’ils maintiennent des contacts avec les Américains pour atténuer la
frappe ?
Je
ne pense pas qu’on fasse confiance aux Américains. Aucun Etat au monde ne peut
garantir à quiconque que les Américains engageront ou non une action contre tel
ou tel pays. Aussi nous ne cherchons pas de telles rassurances… Les Américains disent
une chose le matin, et le contredisent complètement le soir … Tant que les
Etats-Unis ne suivent pas et n’écoutent pas les Nations Unies, nous ne devons
pas être rassurés.
- Comment peut-on arrêter
la guerre et la crise qui dure depuis deux ans et demi en Syrie ? Vous avez
proposé un gouvernement d’union nationale, la communauté internationale a proposé
Geneve2… comment peut-on arrêter le bain de sang ?
Bachar
al-Assad : Lorsque la crise est à ces débuts et que vous parlez de solution,
c’est totalement différent que lorsque vous parlez de solution à l’heure
actuelle... J’ai dit dès le début que la solution devait avoir lieu par le
dialogue… Le dialogue entraine des solutions et engendre des idées qui
s’appliqueront à travers des mesures politiques. Aujourd’hui la situation est
différente. Nous combattons des terroristes. 80-90 % de ceux que nous
combattons appartiennent à al Qaeda. Ceux-là ne s’intéressent pas à la réforme,
ni à la politique, ni aux lois. Ceux-là, le seul moyen de leur faire face est de
les liquider. C’est alors que nous pourrions parler de mesures politiques. Pour
répondre donc à votre question, la solution aujourd’hui consiste à arrêter de
faire venir les terroristes en Syrie, de leur fournir des armes, et de leur
apporter un soutien financier et autre…
- Qui leur apporte ce
soutien ?
L’Arabie
Saoudite en premier lieu, la Turquie, la Jordanie (à travers l’infiltration des
personnes armées), la France, le Royaume Uni et les Etats-Unis.
- Avez-vous des preuves que
la France a livré des armes aux terroristes ?
Les
positions politiques de la France, sa provocation qui met en exécution les
politiques d’autres pays comme le Qatar et autres, en est la preuve pour nous.
- Êtes-vous prêt, m. le
président, a inviter les responsables de l’opposition a venir en Syrie, a se
réunir avec eux, à leur présenter des garanties sécuritaires, et à leur dire
asseyons- nous ensemble pour trouver une solution ?
En
janvier dernier, nous avons lancé une initiative qui comprenait tout ce que
vous venez de dire, et même plus. Cependant, l’opposition dont vous parlez a
été fabriquée à l’étranger. Elle est made in France, Qatar… mais certainement
pas made in Syria. Elle suit donc forcément les ordres de ceux qui l’ont
fabriquée. Il n’était pas permis aux membres de cette opposition de répondre
favorablement à cet appel, ni donc aux solutions politiques. Par ailleurs, ils
ne disposent d’aucune base populaire. Malgré tout, nous les avons invités mais
ils n’ont pas répondu à cette invitation.
- Mais certains n’ont pas
répondu parce qu’ils craignaient pour leurs vies. Ils craignent qu’ils ne
soient emprisonnés comme ce fut le cas avec Abdelaziz al Khayer. Pouvez-vous
leur donner des garanties ?
Nous
leur avons donné ses garanties, et moi-même j’ai évoqué ces points politiques y
compris des garanties sécuritaires à toute personne qui vient en Syrie pour le
dialogue. Mais ils ne sont pas venus, ou on ne leur a pas permis de venir. Dire
qu’ils craignent être tués ou arrêtés, nous n’avons ni tué ni arrêté personne
de l’opposition. Ils se trouvent en Syrie, les amis et les collègues d’Abdelaziz
Al Khayer … Vous pouvez les rencontrer ici même, en Syrie. Pourquoi agresser ou
arrêter quelqu’un et laisser les autres ?! Où en est la logique ? Cela est
insensé.
- Comment expliquez-vous la
position de la France aujourd’hui à votre égard ? Vous êtes venu plusieurs fois
en France …
Bachar
al-Assad : Ce n’était pas une relation d’amitié… C’était une tentative de la
part de la France de changer l’orientation de la politique syrienne, et ce à la
demande des Etats-Unis. C’était une chose tout à fait claire pour nous. Même le
virement positif vis à vis de la Syrie en 2008, s’est fait sous l’influence du
Qatar… pour être clair, la politique de la France vis-à-vis de la Syrie dépendait
totalement du Qatar et des Etats-Unis.
- Les parlementaires
français se réuniront mercredi. Aujourd’hui, il y a un grand débat en France.
Certains pensent que hollande est allé trop loin dans cette affaire. Quel
discours adressez-vous aujourd’hui aux parlementaires français avant qu’ils se
réunissent et votent ?
Il
y a quelques jours, le Ministre français des affaires étrangères aurait déclaré
: la participation de la France attend le congrès américain. Il n’a pas dit
qu’il attendait la décision du parlement français. Je vous demande donc de qui
dépend le Gouvernement français dans ses prises de décisions, du parlement
français ou du congrès ?!! Depuis 2003, suite à l’invasion de l’Irak, la France
a décidé de renoncer à son indépendance et est devenue la subalterne de la
politique américaine. C’était vrai pour Chirac après la guerre, mais aussi pour
Sarkozy, et aujourd’hui pour Hollande. La question est de savoir si la réunion
du parlement français signifiera que les Français retrouveront l’indépendance
de la décision de la France. Nous souhaitons que la réponse soit positive. Je
dirais à ce moment-là aux parlementaires français : que chacun décide en
fonction de l’intérêt de la France. Les représentants du peuple français
soutiendront-ils l’extrémisme et le terrorisme ? Se mettront-ils du côté de
ceux qui ont perpétré les attaques du 11 septembre à New York, ou l’attentat du
métro en Espagne ? Les députés du peuple français se mettront-ils du côté de
ceux qui ont tué les innocents en France ??? Comment pourront-ils s’opposer à
des gens comme Mohammad Marah en France, et les soutenir en Syrie !!! Comment
la France peut-elle combattre le terrorisme au Mali et le renforcer en Syrie ?
La France deviendra-t-elle un exemple de la politique des deux poids deux
mesures promues par les Etats-Unis ?!! Comment les parlementaires français
pourront-ils convaincre leurs concitoyens que la France est un Etat laïc, et en
même temps appuyer ailleurs l’extrémisme et le confessionnalisme ; un Etat qui
appelle à la démocratie mais dont l’allier principal c’est des Etats qui
appartiennent au moyen âge comme l’Arabie Saoudite. Je dis aux parlementaires
français : revenez aux principes de la révolution française dont le monde
entier s’en est orgueilli : liberté, égalité, fraternité.
- Si la France intervient
militairement, les intérêts nationaux de la France seront-ils affectés en Syrie
ou dans la région ?
Cela
dépend des répercussions de la guerre. Mais la France perdra certainement ses
intérêts. Il y a une sorte de mépris vis-à-vis la politique de la France, cela
est devenu clair et se reflète directement sur les intérêts. Il aura des
répercussions, négatives bien entendu, sur les intérêts de la France. Surtout
que des pays importants dans la région commencent à s’orienter vers l’Est, et
non plus vers l’Europe comme auparavant. Les alternatives sont disponibles,
ainsi que le respect mutuel entre nous et ces pays.
- Donc vous appelez a la
raison et à la sagesse.
A
la raison et à la morale.
- Entendez-vous présenter
votre candidature l’année prochaine aux élections présidentielles.
Ca
dépend, à ce moment-là de la volonté du peuple syrien. Si je sens que le peuple
le souhaite, je n’hésiterai pas à le faire, bien au contraire. A présent, nous
n’avons pas de statistiques à ce sujet, mais nous avons des indices. L’indice
principal c’est que lorsque vous combattez des terroristes qui viennent de plus
de 80 pays et qui sont appuyés par l’Occident et par certains Etats Arabes, et
que le peuple ne veut pas de vous, vous ne pouvez pas continuer. Puisque la
Syrie a résisté pendant 2 ans et demi, c’est là un indice important quant à
l’existence d’un soutien populaire.
- Dans cette crise, M. le
président, jusqu’où vous êtes prêt à combattre ?
Bachar
al-Assad : Ce n’est pas nous qui a choisi de combattre. Nous avons deux choix :
nous battre et défendre notre pays contre le terrorisme, ou capituler.
L’histoire de notre région ne nous indique pas que nous ayons capitulé
auparavant. Cette région a toujours vécu des guerres. Elle n’a jamais capitulé,
et ne capitulera jamais.
- Donc vous allez vous
battre jusqu’à sacrifier votre vie pour la Syrie ?
Lorsqu’il
s’agit d’une question patriotique tout le monde se bat, et tout le monde se
sacrifie pour sa patrie…. Aucune différence entre président et citoyen… ce
n’est pas une affaire personnelle. En quoi c’est utile si vous vous restez en
vie alors que votre patrie est mourante ?
- Est-ce que vous assumez,
M. le président, toutes les erreurs commises et tout ce qu’a fait votre armée
et les forces de sécurité ? Pensez-vous qu’il y a eu des erreurs commises ?
Tout
être humain risque de se tromper. Si vous ne vous trompez pas c’est que soit
vous n’êtes pas humain, soit vous ne travaillez pas. Moi, je suis humain et je
travaille… Mais lorsque vous voulez évaluer une erreur quelconque, vous devez
prendre du recul. L’évaluation doit se faire après et non pendant la production
de l’événement. Il faut bien attendre les conséquences de l’action. A présent,
nous sommes au cœur de la bataille. Lorsqu’elle prendra fin, nous serons en
mesure d’évaluer les résultats et nous dirons qu’on avait raison ici, ou qu’on
s’est trompé là.
- Êtes-vous sûr que vous
allez gagner la bataille ?
L’histoire
de notre région nous dit que lorsque les peuples se défendent, ils vaincront.
Cette guerre n’est pas celle du président, ni celle de l’Etat. C’est la guerre
de toute la patrie, et nous remporterons la victoire.
- Malgré tout, votre armée
a perdu certaines régions au nord, à l’est, au sud… pensez-vous que vous allez
récupérer ces zones militaires ?
Notre
problème n’est pas d’avoir la terre sous notre contrôle ou sous celui des
groupes armés. Il n’y a pas un endroit où l’armée a voulu entrer sans pouvoir y
pénétrer. Le vrai problème réside dans la poursuite du pompage des terroristes
à travers les frontières. Il réside aussi dans le changement que les
terroristes ont pu introduire sur le plan social dans les zones où ils ont
pénétré.
- Votre ancien ami
Moratinos m’a dit il y a quelques jours : qu’est ce qui se passe dans la tête
de Bachar al-Assad ? Comment peut-il commettre de tels actes de violence dans
son propre pays ?
Il
faut plutôt se poser la question de savoir comment la France a permis de tuer
des terroristes qui ont terrorisé les citoyens français chez eux ? Comment
a-t-on fait face au désordre au Royaume Uni l’année dernière ? Pourquoi l’armée
américaine est-elle descendue à Los Angeles dans les années 90 ? Pourquoi
est-il permis aux autres pays de lutter contre le terrorisme, alors que cela
n’est pas permis en Syrie ? Pourquoi n’est-il pas permis que Mohamad Marah se
trouve en France pour tuer, alors qu’il est permis aux terroristes de se
trouver en Syrie pour tuer ?
- Depuis le début de la
crise, quels changements y-a-t-il eu sur votre quotidien en tant que dirigeant
de l’Etat ? Après 2 ans et demi de la crise, certains disent que Bachar al-Assad
dirige seul le pays.
C’est
bien ce que je vous ai répondu tout à l’heure. Si l’Occident était contre moi,
mon peuple aussi, et que j’étais seul, comment pourrai-je alors être en mesure
de diriger le pays ? C’est illogique. Je continue grâce à l’appui du peuple et
à la puissance de l’Etat. Malheureusement, lorsqu’on nous regarde de
l’occident, on ne voit pas les choses d’une manière réaliste.
- Plusieurs journalistes
français sont retenus en Syrie. Avez-vous de leurs nouvelles ? Est-ce le
pouvoir qui les détient ?
Détenus
chez nous ?
- Ils ont été pris en
otages au Nord.
S’ils
sont des otages chez les terroristes, c’est aux terroristes qu’il faut demander
de leurs nouvelles. Si par contre l’Etat arrête quiconque pour être entré dans
le pays de manière irrégulière, il sera traduit en justice. Il ne sera pas
gardé en prison. Il sera jugé selon les lois syriennes, et tout le monde le
saura.
- Souhaitez-vous élaborer
une collaboration sécuritaire avec la France, ce qui se produisait d’ailleurs
dans le passe.
Toute
sorte de coopération, qu’elle soit sécuritaire, militaire ou même économique a
besoin d’un accord politique. Nous ne pouvons pas avoir une collaboration
sécuritaire avec n’importe quel Etat quand les intérêts politiques sont en
contradiction.
- Lorsque votre père est
décédé et que vous étés allé en France, le président Chirac vous a reçu… votre
image a complètement change...
La
question est de savoir plutôt si la réalité de la personne a changée. L’image
est modifiée par les médias à leur manière. Ma réalité n’a pas changé. Je suis
quelqu’un qui appartient au peuple syrien. Je défends ses intérêts. Je suis
indépendant, non soumis aux pressions extérieures. Je coopère avec les autres
de manière à sauvegarder les intérêts de mon pays. Ils ont mal compris ces choses-là.
Ils ont pensé qu’un jeune président c’est quelqu’un à qui on peut dicter ce
qu’il doit faire et ce qu’il ne doit pas faire. Ils ont pensé que si j’avais
fait mes études en Occident, ça veut dire que j’ai perdu ma culture
authentique… C’est une manière naïve et superficielle de voir les choses. Je
n’ai pas changé. Mais dès le début ils m’ont vu autrement. Ils doivent accepter
l’image du syrien attaché à l’indépendance de son pays.
- La France est-elle
devenue un pays ennemi de la Syrie ?
Quiconque
contribue au renforcement financier et militaire des terroristes est l’ennemi
du peuple syrien. Quiconque contribue à tuer un soldat arabe syrien est
l’ennemi de la Syrie. Quiconque œuvre contre les intérêts de la Syrie et de ses
citoyens est un ennemi. Je ne parle pas du peuple, car je vois que le
gouvernement français va à l’encontre de l’intérêt e de la volonté de son
peuple. Il faut faire la distinction entre peuple ennemi et Etat ennemi. Le
peuple français n’est pas un ennemi, mais la politique de son Etat est hostile
au peuple syrien.
- Donc l’Etat français
est-il aujourd’hui un ennemi de la Syrie ?
Dans
la mesure où la politique de l’Etat français est hostile au peuple syrien, cet
Etat sera son ennemi. Cette hostilité prendra fin lorsque l’Etat français
changera de politique.
Propos recueillis par Georges Malbrunot
Source : Syria Commitee – Comité Syrie / Avec SANA - Le Figaro – PCN-SPO / 02 septembre 2013
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