mercredi 18 septembre 2013

Gardons les yeux ouverts

La fin de la semaine dernière a été marquée par ce qui est encore pour moi une rumeur persistante : le projet d’entrée du Fpi au gouvernement. La donne semble même très intéressante. Cohabitation, reconfiguration du paysage politique en Rhdp/Lmp ou Cnrd. La primature à Affi n’Guessan pour un gouvernement de 30 personnes. 15 ministres de part et d’autres. Ministères de souveraineté identifiés et occupés à part égale. Nous en sommes donc là à vouloir reproduire un mode de gestion politique obsolète. Parce que celui que la communauté internationale avait pris pour un démocrate s’est révélé, au pied du mur, un dictateur incompétent. Pour cette raison, le pays est bloqué. Malgré toute l’armada d’énergies mise en œuvre pour lui assurer une gouvernance paisible, le manque de vision politique a enrayé la machine prédatrice. Et cela change tout. Car on s’est rendu compte que le casting est mauvais et qu’il faut lui sauver la mise. En attendant, l’homme de la communauté internationale est aujourd’hui réduit, tel un robot, à exécuter un programme de réparation. Tout un symbole. Affi N’Guessan n’est plus enfermé à la Pergola. Il fait des tournées, encadré par les Frci. Qui l’eût cru ? Et son discours est plus acéré que celui qui le conduisit dans le goulag de Bouna. Apparemment, Ouattara semble ne plus voir et entendre tout ce qui se fait et se dit. Il y a peu, il suffisait d’un millième de tout cela pour être au minimum écroué. A-t-il été édenté ? En tout cas il semble que l’homme s’est souvenu de certaines vertus démocratiques. Ce sont l’inénarrable Joël N’Guessan et d’ex-tolards comme Tapé Doh, qu’il envoie désormais pour répondre au président du Fpi. Contre vents et marées, la répression systématique a cédé la place au débat démocratique même si la télé est toujours confinée à la ouattarandie. On a subitement compris que le peuple ivoirien était suffisamment mûr pour se parler rationnellement. Même si, pour Tapé Doh, désormais plus flatteur que planteur, le discours rationnel est un discours injurieux. Il faut donc saluer le vent de la démocratie qui revient, comme un boomerang, souffler sur la Côte d’Ivoire.
Mais, est-ce que cela n’est pas un peu trop facile ? Oui les Ivoiriens souffrent énormément du régime rétrograde d’Alassane Ouattara. Oui nous avons énormément envie de renouer avec les valeurs républicaines, seules gages de notre développement. Mais à quel prix ? Cette question mérite qu’on se la pose parce que ceux qui donnent l’impression de s’être trompés ne sont pas à leur dernier coup de ruse politique. Le sage de Scheveningen s’y trouve aujourd’hui parce qu’il avait les yeux suffisamment ouverts sur notre souveraineté. Car c’est bien parce qu’ils n’ont pas réussi à le prendre au piège de la ruse qu’ils en sont venus aux bombardements pour installer leur homme lige.
Alors, ont-ils vraiment renoncé à leur projet initial, celui de continuer à sucer ce pays pour soutenir leur économie ? Ne faut-il pas nourrir une certaine suspicion légitime devant la pirouette de ceux qui ont délibérément, pendant longtemps, fermé les yeux sur les actes de dictature de Ouattara ?
Ma petite idée sur la question me vient de la réaction d’un internaute sur cette ouverture subite du gouvernement de Ouattara à l’opposition. Pour lui, le fait que la ouattarandie soit perçue comme une parenthèse constitutionnelle ne manque pas de faire peur aux puissances impérialistes. Le régime s’est endetté plus que de raison et c’est un investissement énorme qu’il faut craindre de perdre si on laissait un régime de rupture s’installer. Alors, un régime de transition dans la forme d’un gouvernement d’union est certainement la meilleure parade pour faire endosser à la continuité de l’Etat tous les engagements de Ouattara.
D'où mon conseil : il faut peut-être y aller, mais il ne faut surtout pas éviter de garder les yeux ouverts.
 
Joseph Marat  

 
en maraude dans le web
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Source : Aujourd’hui 16 Septembre 2013

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