Réunion de Barack Obama sur le dossier syrien,le 30 août à la Maison Blanche.(Photo officielle Maison Blanche/ Pete Souza) |
« Live free or die », la belle affirmation s'affiche sur
les plaques minéralogiques du New Hampshire que je traverse au volant d’une
voiture de location, tout en zappant sur les différents talk-shows des chaines
de radio de la côte Est.
Alors qu’ici, en Amérique,
l'attaque sur la Syrie se précise, les animateurs radio, démocrates ou
républicains, apparaissent étonnamment d'accord : à quoi donc pourraient-elles
servir, ces frappes ? Pourquoi, une fois de plus, les États-Unis devraient-ils
attaquer une autre nation en pleine guerre civile ? Pourquoi maintenant, si
tard, après plus de 100 000 morts, et pourquoi ainsi ?
Des auditeurs se pressent au micro
pour énoncer une litanie de doutes. Rush Limbaugh, le journaliste
ultra-conservateur dont la voix rauque officie sur les ondes depuis plus de
vingt-cinq ans, capable de monologuer pendant près de trente minutes avant la
coupure de pub, l’affirme haut et fort : l’administration Obama est parmi les
plus faibles qu’il ait jamais connue, elle a sûrement besoin d’une « petite
guerre » pour « envoyer un message », celui de sa propre puissance...
A l’autre bout du spectre
radiophonique, National Public Radio (un peu l’équivalent de notre France
Culture) se pose finalement les mêmes questions... pour quasiment aboutir aux
mêmes réponses, et invite dans ses studios des militaires (à la retraite) qui
en rajoutent : ferait-on aujourd'hui la guerre pour « envoyer un message »
?
Vendredi, dans son discours, John
Kerry, le secrétaire d’État américain qui a succédé à Hillary Clinton il y a
sept mois, avait évoqué l’expérience irakienne pour affirmer tout de go que « ce ne serait pas la même chose » cette
fois-ci.
Cette guerre en Irak, le sénateur
Kerry l’avait d’abord soutenue en 2003, pour la dénoncer un an plus tard,
lorsqu’il s’était présenté à la présidence contre le candidat George W. Bush. Une
volte-face que les Américains ne lui ont pas pardonnée. C’est ce même
Kerry qui, aujourd’hui, sans doute parce qu’à 69 ans, il n’a plus rien à perdre
ni à prouver, monte au créneau pour défendre les décisions de son président, se
montrant d’ailleurs étonnamment plus catégorique que lui. Déjà, d’aucuns
comparent son discours avec celui de son prédécesseur en 2003, un certain Colin
Powell, alors très crédible devant son pupitre des Nations Unies, qui avait
puissamment affirmé l’existence des armes de destruction massive en Irak,
légitimant ainsi l’intervention américaine.
« Mais quelle est donc cette force qui nous rend
aveugles, incapables de nous retourner en profondeur sur l’expérience passée
pour en tirer quelque leçon ?… »
Tout comme pour les récentes
guerres à peine évoquées – qu’on préfèrerait d’ailleurs avoir oubliées –, les
médias américains diffusent l’habituel reportage dans Damas, la future capitale
bombardée. Une meurtrière bien étroite sur la pathétique organisation de ses
habitants, au vu de ce qui se prépare. Difficile, d’ailleurs, de trouver parmi
la population civile – et même les parties belligérantes – la moindre
approbation des événements à venir.
Tout comme à la veille de la guerre
en Irak, ce fameux printemps 2003 où les opérations militaires avaient eu la
mauvaise idée de se faire attendre – or, les journalistes sont
impatients, c’est bien connu ! –, je sens ici, alors même que des frappes
« limitées » sont imminentes, la sourde excitation de la guerre, cette
atmosphère à la fois tendue et euphorisante qui amène certains – l’entourage
sécuritaire du président Obama – à mettre tout en œuvre pour « y aller ». C’est
l’odeur du sang, le prix de la victoire, une question d’honneur, de parole
donnée, de « statut » de l’Amérique, toutes ces phrases et mots répétés en
boucle pour motiver les troupes au sens large.
Mais quelle est donc cette force
qui nous rend aveugles, incapables de nous retourner en profondeur sur
l’expérience passée pour en tirer quelque leçon ? Pourquoi les guerres récentes
– et non terminées, j’insiste sur ce point – d’Irak et d’Afghanistan, ne nous
guident-elles pas pour essayer de comprendre, débattre, voire douter de ce que
nous pensons être notre efficacité ?
L’intervention internationale à
venir en Syrie montre, une fois encore, que les Occidentaux ne peuvent
s’empêcher d’agir, violemment, militairement, tout en étant toujours les
premiers à faire de beaux discours. «
Certains invoquent le risque à intervenir. La question que l’on doit se poser
est : quel est le risque à ne rien faire ? », affirme haut et fort M. Kerry
dans son discours. Entre « ne rien faire » et envoyer des missiles, le spectre
est pourtant large. Mais une fois encore, nous glissons dans la facilité de
l’escalade militaire et l’artificiel sentiment de vanité et de puissance que
cette solution peut procurer.
Anne Nivat
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