b
Dans
un titre chaotique servi par un quotidien ivoirien qui a rapporté des propos de
représentants de victimes sélectives et qui rappelle malheureusement une
certaine carte de la Côte d'Ivoire qui a préfiguré la partition de
l’après-septe
mbre 2002, nous lisons que « Libérer Gbagbo, c’est brûler la Côte
d'Ivoire ». En raison du caractère hautement dangereux d’un tel titre, il nous
pose problème. Il pose aussi la question de savoir pourquoi une telle haine
envers un homme avec lequel on avait naguère bâti le Front Républicain, ancêtre
du combat pour la non exclusion ? Peut-on être du côté du pouvoir et distiller
tant de haine ? Laurent Gbagbo fait-il donc si peur ? L’auteur d’une telle
politique ne dessert-il pas l’image extérieure de son propre mentor et celle du
régime que l’on tente parallèlement de construire à coup de milliards ? Pour
tout Occidental, ce titre est haineux car la libération de Gbagbo ne devrait
reposer que sur l’exactitude des faits à lui reprochés.
Eric Kahé |
Natif
d’une région où, en une seule nuit, j’ai perdu des milliers de compatriotes, je
ne peux continuer de me taire face à ceux qui promettent encore de brûler les
cendres qui nous restent ! Je ne serai pas surpris du mépris de ceux qui ne
regardent qu’au contenu de leur assiette plutôt qu’à l’avenir de la nation.
Ceux-là me répondront que je suis laid, chef d’un « parti politique dont
les militants ne peuvent remplir une boîte d’allumettes », indigent car
n’ayant profité d’aucun casse de la Bceao, ni rien détourné pendant mon passage
au gouvernement ! Mais est-ce là le vrai débat ? Mon indigence n’intéresse pas
les Ivoiriens ! Seul compte le débat des idées. À tous ceux qui seraient tentés
de répondre au messager, de grâce, répondez au message car il y a mieux que la
haine : la nation.
«
Libérer Gbagbo, c’est brûler la Côte d'Ivoire » ! Et pourtant depuis deux ans
que Laurent Gbagbo est privé de liberté, la Côte d'Ivoire ne cesse de brûler du
feu de l’injustice, servi par une justice des vainqueurs ! Je m’incline chaque
jour devant la cause des victimes parce que porteur des mêmes douleurs, mais
doit-on encore accepter d’instrumentaliser nos terribles souffrances à des fins
de haine ? Brandir le feu n’est-il pas un moyen d’avouer une incapacité à faire
justice aux victimes ?
«
Libérer Gbagbo, c’est brûler la Côte d'Ivoire » ! Et pourtant depuis deux ans
que Laurent Gbagbo est privé de liberté, la Côte d'Ivoire ne cesse de brûler.
Laurent Gbagbo n’était-il pas à la CPI quand, parlant de la région de l’Ouest,
Amnesty International a écrit : « Cette
région, la plus meurtrie par la décennie d’instabilité qu’a connue le pays, a
une nouvelle fois été le théâtre de violences lors de l’attaque, en juillet
2012, du dernier camp de personnes déplacées situé à Nahibly, à proximité de la
ville de Duékoué (à 450 km d’Abidjan). Cette attaque a été perpétrée par des
populations locales soutenues par des Dozos, une milice de chasseurs
traditionnels soutenue par l’État et par l’armée. De nombreux témoignages
recueillis par Amnesty International font état d’arrestations, de disparitions
forcées, d’exécutions extrajudiciaires et d’une volonté des assaillants de
raser ce camp de personnes déplacées ». Le rapport poursuit d’ailleurs par
cet autre constat : « Aucun des auteurs
des violations et atteintes très graves aux droits humains décrites dans le
présent rapport n’a été traduit en justice ni même relevé de ses fonctions.
Cela illustre l’échec des autorités ivoiriennes à instaurer un état de droit
près de deux ans après l’arrivée au pouvoir des nouvelles autorités. Loin de
répondre aux espoirs d’une justice impartiale, les autorités ont exclusivement
ciblé les partisans avérés ou présumés de l’ancien président Laurent Gbagbo et
ont amorcé à leur encontre des procédures judiciaires dilatoires qui ne
respectent pas les normes internationales d’équité. (…) l’instruction est faite
uniquement à charge sans qu’il y ait eu, à ce jour (février 2013), ni
confrontation avec des victimes ni aucun élément de preuve matériel communiqué
à la défense ».
«
Libérer Gbagbo, c’est brûler la Côte d'Ivoire » ! Et pourtant depuis deux ans
que Laurent Gbagbo est privé de liberté, la Côte d'Ivoire ne cesse de brûler,
même quand des alliés organisent une élection à laquelle ne participe pas
l’opposition et qui, mettant en compétition biaisée les alliés du régime,
dégénère en violences malgré un « désert électoral ».
«
Libérer Gbagbo, c’est brûler la Côte d'Ivoire » ! Et pourtant depuis deux ans
que Laurent Gbagbo est privé de liberté, la Côte d'Ivoire ne cesse de brûler
avec une corruption galopante reconnue par le pouvoir comme difficile à
combattre et une gouvernance de communication qui ne laissent aux populations
que le choix de la misère !
«
Libérer Gbagbo, c’est brûler la Côte d'Ivoire » ! Et pourtant depuis deux ans
que Laurent Gbagbo est privé de liberté, la Côte d'Ivoire ne cesse de brûler,
avec des personnalités de haut niveau qui promettent le cimetière à leurs
adversaires politiques au point de se faire surnommer « Cimetière » !
La
justice que l’on réclame, à juste titre, pour les victimes ne peut leur être
profitable que dans un climat de paix et de cohésion sociale. Nous avons le
choix entre plusieurs solutions dont celle à la sud-africaine, celle à la
Nuremberg, etc. Notons toutefois qu’à Nuremberg ce ne sont pas les Allemands
qui ont jugé les Allemands. Nous sommes tous les enfants d’un même pays. Avec
une Côte d'Ivoire humiliée sur la scène internationale et défigurée, apprenons
à faire profil bas et surtout à envisager un avenir à notre pays au travers
d’un pacte républicain qui n’effacerait pas les rapports de force ! La Côte
d'Ivoire brûle déjà. Et c’est sans doute en faisant justice à Laurent Gbagbo,
un compatriote à nous tous, que nous libérerons notre pays et que nous ferons
tomber une pluie sur toutes ces braises ardentes ! Que nous éteindrons ce
volcan qui couve ! La paix, ce ne sont pas seulement des déclarations
d’intention ou des mots mais aussi des non-mots ! Surtout des actes d’amour !
Nous sommes allés trop loin dans la haine pour aller plus loin. Ici, doit
s’achever la course !
BORIBANA
!
Eric Kahé, président de l’AIRD (en exil), ancien ministre
en maraude
dans le web
Sous cette rubrique, nous vous
proposons des documents de provenance diverses et qui ne seront pas nécessairement
à l’unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu’ils soient en rapport avec
l’actualité ou l’histoire de la Côte d’Ivoire et des Ivoiriens, et aussi que
par leur contenu informatif ils soient de nature à faciliter la compréhension
des causes, des mécanismes et des enjeux de la « crise ivoirienne ».
Source :
Le Nouveau Courrier 10 Juin 2013
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