Le foncier en
Côte d’Ivoire est un problème particulièrement délicat qu’il faut traiter avec
un maximum de précaution pour éviter de commettre des erreurs ou des fautes ou
à tout le moins en commettre le moins possible. Vouloir le régler à la hussarde
et forceps serait une faute monumentale qui risque d’aboutir à la catastrophe.
Nous nous
souvenons des efforts laborieux fournis par les députés en 1998 pour obtenir la
loi de 1998. Beaucoup de concessions, de nombreux compromis ont été nécessaires
pour obtenir l’adoption de ce texte. Il importe donc de considérer, même si on
pense que la loi de 1998 est imparfaite, qu’une loi existe qu’il faut la respecter
tout en cherchant à l’améliorer. Les occupations de terres par la force sont à
proscrire et nous ne comprenons pas qu’un individu occupe avec une milice une
parcelle du territoire ivoirien, une forêt qu’il s’approprie, sans que l’Etat
ait suffisamment d’autorité pour le déguerpir. On peut alors se demander où va
la Côte d’Ivoire ! J’ai été surpris par le compte rendu fait sur ce problème
par RFI qui laisse entendre que les Burkinabés, autrefois les Voltaïques, ont
été amenés en Côte d’Ivoire par le président Félix Houphouët-Boigny. Toujours
selon cette radio, de nombreuses délimitations de parcelles par le cadastre
restent à faire. Une fois ce travail fait, il y aurait lieu d’attribuer ces
terres à quelqu’un et si on s’en tient à la loi de 1998, à un Ivoirien. Encore
faut-il savoir qui est Ivoirien et qui ne l’est pas.
On tente ainsi
d’insinuer que parce que le président Félix Houphouët-Boigny a fait venir de la
main-d’œuvre voltaïque, il y a lieu de verser à cette main-d’œuvre une
compensation à travers des terres agricoles. La question qui se pose est de
savoir dans quel cadre la Côte d’Ivoire et la Haute Volta ont conclu cette
migration de la main-d’œuvre voltaïque vers la Côte-d’Ivoire.
Une
compensation était-elle prévue à travers des distributions de terre ? Que
gagnait l’Etat voltaïque en laissant venir ses ressortissants en Côte d’Ivoire ?
Quels étaient les obligations de l’Etat de Côte d’Ivoire ? En outre, faire
croire qu’il existerait des terres sans propriétaire est une hérésie, le droit
foncier coutumier ayant toujours existé. C’est d’ailleurs la raison pour
laquelle tous les planteurs venant d’une autre contrée sollicitent
l’autorisation de s’installer auprès du propriétaire terrien coutumier. Il
n’existe donc pas des biens sans maître que l’Etat de Côte d’Ivoire viendrait
distribuer à ceux qui en font la demande ou procèdent à une occupation par la
force. Quant à déterminer qui est Ivoirien et qui ne l’est pas, seule la
mauvaise foi à laquelle on s’accroche depuis les années 1990 donne à croire
qu’il y a des Ivoiriens à qui d’autres refuseraient leur nationalité
ivoirienne. Selon RFI, c’est parce qu’on leur aurait refusé leur nationalité
ivoirienne que certains de nos soldats ont fait la rébellion de septembre 2002.
Ils étaient
pourtant dans les Forces Armées Nationales de Côte-d’Ivoire. Comment
auraient-ils pu y être sans avoir la nationalité ivoirienne ? Il est d’ailleurs
curieux que pour des personnes venant demander que justice leur soit rendue à
travers la reconnaissance de leur nationalité ivoirienne, leur premier réflexe,
en tant que rebelles, a été de procéder à la destruction des archives dans les
localités qu’ils occupaient, et de façon toute particulière des registres
d’Etat Civil. C’est dire que si nous pouvons concéder que nombre d’Ivoiriens
n’avaient pas de pièces d’identité – le phénomène est toujours d’actualité
d’ailleurs et dans toutes les régions du pays –, il existait des registres
d’Etat Civil dans toutes les localités de Côte d’Ivoire comportant le nom des
Ivoiriens qui s’y sont déclarés. On a plutôt l’impression qu’en procédant à ces
destructions, on a intentionnellement décidé d’installer le flou pour que même
ceux qui savent qu’ils ne sont pas Ivoiriens revendiquent en toute tranquillité
cette nationalité. En réalité la rébellion est née dès que le FPI au pouvoir,
pour résoudre ce problème, a demandé que chaque Ivoirien se fasse identifier
dans son village. En effet, quelle que soit la durée de votre absence de votre
village, il vous suffisait d’indiquer avec précision votre famille et l’affaire
était réglée.
Il y a par
exemple des Baoulés installés dans les régions d’Aboisso, de l’Indénié, de
l’Agneby de Divo, de Hiré, d’Oumé, etc… depuis les années 1940, mais qui
connaissent leur village d’origine et s’y rendent régulièrement. Il n’y a pas
en effet de Baoulés d’Abidjan, d’Abengourou, d’Aboisso…, mais des Baoulés
installés dans ces lieux. C’est pourquoi le pouvoir FPI a estimé avec raison
que la meilleure façon de se faire identifier était de retourner chez soi.
Surprise, cette demande a choqué et horrifié certains qui semblaient avoir…
peur de retourner chez eux !!!
On nous avance
que certains éléments des Forces de l’Ordre rejetaient les cartes d’identité de
citoyens du nord du pays, en occultant le fait qu’une certaine opposition
d’alors avait dressé certains policiers pour harceler les communautés venant du
nord de la Côte d’Ivoire pour discréditer un régime qu’elle voulait abattre par
tous les moyens !
Suggérer donc,
comme le fait subrepticement RFI, qu’il faut donner une compensation au moyen
de terres est totalement ridicule. Quelle compensation la France a-t-elle
versée aux milliers de Nord Africains qu’elle a fait venir pour faire les sales
boulots dont les Français ne voulaient pas ? Quelle compensation a-t-elle
versée aux Harkis, ces Algériens qui ont cru à l’Algérie française et ont pris
les armes contre leurs frères ? Il ne faut donc pas, dès que la Côte d’Ivoire
est concernée, qu’on lui réclame des mesures exceptionnelles totalement
injustifiées. Il est vrai que pour beaucoup d’Africains, ainsi que le soutenait
ce Béninois sur les antennes de Rfi en 1998, la Côte d’Ivoire appartient à
toute l’Afrique ! Concernant RFI, sa position ne nous surprend guère. Cette
fameuse radio du monde a toujours fait partie des pyromanes qui jouent ensuite
aux pompiers.
Pour régler ce
problème du foncier rural, il est souhaitable que nous observions ce qui se
passe autour de nous. Comment les pays qui nous entourent ont résolu ou tenté
de résoudre leurs problèmes fonciers. Il est rapporté qu’il y a presque autant
de Burkinabés au Ghana qu’en Côte d’Ivoire sans que le président Houphouët-Boigny
ait joué un rôle quelconque dans leur implantation au Ghana ! Comment le Ghana
a-t-il résolu ce problème ? C’est donc dans la concertation et le dialogue
qu’on trouvera une solution au problème foncier. Vouloir foncer tête baissée
dans le tas, c’est créer les conditions d’une autre crise comme celle qu’a
connue la Côte d’Ivoire en 1958. Alors, allons-y doucement parce que justement
nous sommes pressés ! Dans tous les cas, il importe que l’Etat restaure son
autorité et mette fin à toutes ces occupations illégales de terre par la force
et surtout qu’il déloge cet individu qui règne sur des hectares de forêt,
entouré et protégé par une milice privée surarmée. C’est en agissant ainsi que
l’Etat calmera les cœurs et les esprits, et que toutes les parties pourraient
prendre part à un dialogue constructif. Comme mentionné plus haut, le
gouvernement aura pris soin de s’enquérir de ce qui se fait ailleurs, de
manière à obtenir les concessions nécessaires de part et d’autre pour une
solution durable. Tout doit être fait avec tact et intelligence et non en
bandant les muscles.
Maximus Léo
en maraude
dans le web
Sous cette rubrique, nous vous proposons des
documents de provenance diverses et qui ne seront pas nécessairement à
l’unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu’ils soient en rapport avec
l’actualité ou l’histoire de la Côte d’Ivoire et des Ivoiriens, et aussi que
par leur contenu informatif ils soient de nature à faciliter la compréhension
des causes, des mécanismes et des enjeux de la « crise ivoirienne ».
Source : Boigny Express 16 mai
2013
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