dimanche 23 juin 2013

La France est-elle toujours la Patrie des Droits de l’homme ?

Lettre ouverte d’une jeune Sénégalaise au consul général de France à Dakar et au directeur de l’Institut français du Sénégal. 

Mon nom est Bousso Dramé et je suis une citoyenne sénégalaise qui, en ce jour, a décidé de prendre sa plume pour porter haut et fort un message me tenant particulièrement à cœur. 
Bousso Dramé
Par intérêt pour la langue de Molière, j’ai décidé de participer en avril dernier, au Concours National d’Orthographe 2013, organisé par l’Institut Français, dans le cadre des Prix de la Francophonie. Le concours a réuni quelques centaines de candidats, âgés de 18 à 35 ans dans les Instituts Français de Dakar et de Saint-Louis ainsi que les Alliances Françaises de Kaolack et de Ziguinchor. A la suite de joutes portant sur un extrait de L’Art Français de la Guerre, d’Alexis Jenni, Prix Goncourt 2011, j’ai eu l’honneur d’être primée Lauréate dudit Concours. A ce titre, un billet d’avion Dakar-Paris-Dakar et une formation CultureLab en réalisation de film documentaire au Centre Albert Schweitzer m’ont été octroyés. 
Durant ma petite vie, je n’ai eu de cesse, tout en étant ouverte sur le monde dont je suis une citoyenne, de défendre ma fierté d’être noire et africaine. Il va sans dire que je crois résolument à l’avenir radieux de ma chère Afrique. Je suis également d’avis qu’il est impératif que les préjugés qui ont prévalu au sujet des Africains et de l’Afrique, du fait du passé colonial et de la situation contemporaine difficile de ce continent, soient révolus. Il est temps que les Africains se respectent eux-mêmes et exigent d’être respectés par les autres. Cette vision d’une Afrique généreuse et ouverte, certes, mais fière et ferme dans l’exigence du respect qu’on lui doit et qu’on ne lui a que trop longtemps refusé est une conviction forte qui me porte et me transporte, littéralement.
Cependant, durant mes nombreuses interactions avec, d’une part,  certains membres du personnel de l’Institut Français, et, d’autre part, des agents du Consulat de France, j’ai eu à faire face à des attitudes et propos condescendants, insidieux, sournois et vexatoires. Pas une fois, ni deux fois, mais bien plusieurs fois ! Ces attitudes, j’ai vraiment essayé de les ignorer mais l’accueil exécrable dont le Consulat de France a fait montre à mon égard (et à celui de la majorité de Sénégalais demandeurs de visas) a été la goutte d’eau de trop, dans un vase, hélas, déjà plein à ras bord. 
En personne authentique qui ne sait pas tricher, une décision difficile mais nécessaire s’est naturellement imposée à moi. Un voyage tous frais payés, fut-il le plus beau et le plus enchanteur au monde, ne mérite pas que mes compatriotes et moi souffrions de tels agissements de la part du Consulat de France. Une formation, aussi passionnante soit-elle, et Dieu sait que celle-ci m’intéresse vraiment, ne vaut pas la peine de subir ces attitudes qu’on retrouve malheureusement à grande échelle sous les cieux africains. Par souci de cohérence avec mon système de valeurs, j’ai donc pris la décision de renoncer, malgré l’obtention du visa. 
Renoncer pour le symbole. 
Renoncer au nom de tous ces milliers de Sénégalais qui méritent le respect, un respect qu’on leur refuse au sein de ces représentations de la France, en terre sénégalaise, qui plus est.
Cette décision n’est pas une sanction contre des individualités, mais contre un système généralisé qui, malgré les dénégations de mes concitoyens, semble ne pas avoir l’intention de se remettre en cause. 
Par ailleurs, je trouve particulièrement ironique que l’intitulé partiel de la formation à laquelle je ne prendrai pas part soit : « La France est-elle toujours la Patrie de Droits de l’homme. Jusqu’à quel point les Français sont-ils des citoyens d’Europe, du monde ? » Cela aurait, sans aucun doute, fait un intéressant sujet de documentaire vu d’une perspective africaine et j’espère, avoir l’occasion, par d’autres voies et moyens, de participer à une future formation CultureLab. 
Je tiens à remercier l’Institut Français tout de même, pour l’initiative de ce concours, qui, à mon avis mériterait de continuer à exister, voire se tenir à fréquence plus régulière et ce, pour stimuler l’émulation intellectuelle entre jeunes Sénégalais et pour le plaisir des amoureux de la langue française, dont je fais partie. 
Madame la Préposée au Guichet du Consulat de France – je ne connais pas votre nom, mais je vous dis au sujet de ce visa dont je ne me servirai pas : Non, merci. 
Fièrement, sincèrement et Africainement vôtre. 

Bousso Dramé
(Consultante internationale, récipiendaire de la bourse d’excellence du gouvernement sénégalais, récipiendaire de la bourse d’excellence Eiffel du gouvernement français pour les étudiants étrangers, diplômée de Sciences po Paris, master en Affaires Internationales, diplômée de la London School of Economics, MSc in International Political Economy, nominée “Global Shaper” par le Forum économique mondial.) 
 
Titre original : « Bousso Dramé lauréate du Concours National d’Orthographe refuse le visa de la France à cause du comportement vexant du consulat de France ! »
 

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Le consul général de France réagit à la lettre ouverte de Bousso Dramé...

 
Alain Jouret, consul général de France à Dakar, a découvert la lettre jeudi sur un site sénégalais et il se dit « vraiment désolé », selon le site senego.net qui rapporte les propos du consul.
« Elle aurait dû me contacter pour m’expliquer ce qui s’était passé. Je lui ai aussitôt envoyé un courriel auquel elle n’a toujours pas répondu. On ne reste que cinq minutes au guichet pour récupérer son visa, le contact a peut-être été froid, peu cordial. La seule chose que je sais c’est qu’il n’y a pas eu d’insultes. »
Le consulat traite 32 000 demandes de visas par an, chaque préposée reçoit 35 à 40 personnes par jour : « A mon arrivée, j’ai mis en place un système qui fait que personne ne fait la queue plus d’une heure. J’ai également renouvelé l’ensemble du personnel, désormais en grande partie issu de la diversité culturelle : franco-sénégalaise, franco-ivorienne, Dom-Tom, etc… »
Selon Alain Jouret, les plaintes pour « manque d’égards » de personnes ayant reçu leur visa est rarissime : « Nous avons mené une enquête de satisfaction, et 82% des personnes interrogées se disent satisfaites ou très satisfaites. »
 

...et Bousso Dramé clôt le débat
 
Par rapport au Consul Général de France au Sénégal qui dit et je cite: « Elle aurait dû me contacter pour m’expliquer ce qui s’était passé. Je lui ai aussitôt envoyé un courriel auquel elle n’a toujours pas répondu ».
La formulation est inappropriée, ce « aurait dû » n’a pas lieu d’être.
Car je ne suis pas sous tutelle de ce respectable monsieur. Je n’ai pas à lui rendre compte. Je ne suis pas une de ses employées. Je suis occupée, par ailleurs et, par conséquent, je ne peux répondre à toutes les sollicitations. Cela vaut pour tous les messages plus courtois que je reçois.
Je suis un demandeur de visa comme tout autre et j’ai suivi la même procédure que les autres, pour la finalité que l’on connait. Monsieur JOURET, Consul de France, dit « 82% des personnes interrogées se disent satisfaites ou très satisfaites ». Je suis ravie de ce chiffre annoncé. Dans mon monde à moi, au moins 82% des demandeurs de visa, sont blessés par la façon dont ils sont reçus. L’adhésion massive à ma lettre ouverte clôt le débat.
Bonne journée.
Africainement vôtre
 
Source : Connectionivoirienne.net 22 juin 2013
 

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