LES RECIDIVISTES
Après avoir lu l’article reproduit ci-dessous, impossible
de ne pas me souvenir d’un article que je lus dans ce même journal, en 2004,
signé de celui qui alors en était le directeur, et qui m’avait tellement énervé
que j’y réagis par cette « Lettre à Bruno Frappat » que vous
trouverez aussi ci-dessous, en tâchant toutefois – notez-le bien ! – de ne
pas le faire trop à la sauvage…
A l’époque j’ignorais les immenses facilités qu’offrait
déjà Internet à ceux qui savaient s’en servir. C’est donc par la poste que
j’envoyai ma lettre à son destinataire, lequel n’y donna jamais suite, du moins
à ma connaissance.
Le monument de désinformation et d’intox que le
nommé Larcher a offert aux lecteurs de La Croix, ce journal si semblable à
lui-même d’un siècle à l’autre malgré les airs de modernité qu’il s’est donnés
tout récemment – simple enduit cosmétique sur la figure ravagée d’une vieille
coquette – est de la même veine que l’article de Frappat, et ce n’est pas un
hasard. Ce sont des récidivistes. Il y a une réelle continuité dans la
malveillance de ces gens à notre égard.
Ceux parmi nous qui jouent les saints Thomas, qui
veulent toucher du doigt avant de croire, cet acharnement dans la diffamation
les convaincra peut-être que ce que nous appelons « crise
ivoirienne », et dont certains nous attribuent indûment les causes
principales et accessoires, c’est en réalité une crise de la relation contre
nature que la France a imposée à notre pays avec la complicité d’Houphouët. Si en
général nous-mêmes ignorons cette réalité, les Larcher, les Frappat, les Hugeux
– mais on pourrait en citer bien d’autres encore – savent parfaitement de quoi
il retourne, et ils ne se cachent pas pour se le dire, ni pour nous le dire par
la même occasion. Ils savent parfaitement que dans cette histoire, leur pays
n’est ni neutre ni impartial, qu’il a depuis longtemps choisi son camp, et ils
sont d’accord avec ce choix, avec les objectifs de la France, avec les procédés
dont elle use pour les atteindre, fussent-ils parfaitement odieux.
On ne peut tout de même pas les regarder répandre cette
peste sans réagir. Il faut enfin appeler un chat un chat et cesser de nous
cacher derrière notre petit doigt. Au moment où nous voyons se développer autour
des prisonniers récemment libérés – et peut-être avec la complicité de certains
d’entre eux – une nouvelle opération de poudre aux yeux dans le genre du fameux
« APO », il est urgent de nous fixer un cap et de le tenir avec fermeté.
C’est d’ailleurs tout ce que notre peuple demande. J’en veux pour preuve la réaction
du Pseudo-Saufsi à un article surréaliste signé Hassan Magued et curieusement
intitulé « Affi NGuessan futur Premier Ministre ? » : « Nous
ne sommes pas là pour juger qui que ce soit, le ministre Affi N'Guessan étant
politicien est libre de suivre la voie politique d'où faire le choix d'être le
Premier ministre du régime actuel, ça n'engage que lui. Si d'autres ont décidé
de boire à la même table que leurs bourreaux, que pouvons-nous dire ? Leur acte
ne doit pas nous détourner de notre objectif qui est la libération totale de
notre mère patrie, la Côte d'Ivoire ».[2]
C’est précisément parce que le peuple pense de
plus en plus comme Pseudo-Saufsi que, brusquement, l’ennemi se fait doucereux
et caressant. Ce n’est donc pas le moment de baisser la garde, bien au
contraire ! C’est d’autant moins le moment que, à travers des articles
comme celui de ce Larcher, nous voyons trop bien que nos ennemis eux, ne sont
pas près de nous lâcher.
Marcel Amondji
@@@
Réforme de la nationalité en Côte
d’Ivoire
Par Laurent Larcher - La Croix 24 août 2013
Le Parlement ivoirien examine vendredi 23 août en
séance plénière deux lois, sur la nationalité et sur la propriété foncière,
adoptées en commission cette semaine. Ces deux sujets ont été source d’une
grande instabilité en Côte d’Ivoire depuis des années. Que change la nouvelle
loi sur la nationalité ? Une loi assouplissant les conditions d’obtention de la
nationalité ivoirienne pour des centaines de milliers de personnes devrait être
adoptée aujourd’hui par le parlement ivoirien. Le texte, tel qu’il a été voté
en commission dans la soirée du mardi 20 août, concerne les personnes qui
vivaient sur le territoire avant 1961 et d’autres qui sont nées en Côte
d’Ivoire de 1961 à janvier 1973. Le ministre de la justice, Gnénéma Coulibaly,
n’a pas estimé le nombre de bénéficiaires. On avance habituellement le chiffre
de 900 000 personnes. Les requérants pourront se faire reconnaître comme
Ivoiriens sur simple déclaration sans passer par de lourdes procédures de
naturalisation. Pourquoi est-ce un sujet si sensible ? Les successeurs de Félix
Houphouët-Boigny, « père » de la Côte d’Ivoire mort en 1993, ont joué un jeu
dangereux en cherchant à modifier les critères d’octroi de la nationalité. Le
premier fut Henri Konan Bédié. Afin d’éliminer Alassane Ouattara, son principal
rival à la succession d’Houphouët-Boigny, il fit voter à l’Assemblée nationale
une loi qui imposait à tout candidat à l’élection présidentielle d’être Ivoirien
né de parents Ivoiriens d’origine. Pour Alassane Ouattara, dont la famille est
originaire du nord de la Côte d’Ivoire, il était difficile d’apporter les
preuves voulues. Il ne put donc se présenter. Sous la présidence d’Henri Konan
Bédié (1993-1999), les autorités forgent le concept d’ivoirité, un concept
ultranationaliste qui entend réserver la nationalité aux « vrais Ivoiriens ».
Lorsque Laurent Gbagbo est élu en 2000, il le reprend à son compte. Cette
stratégie favorise la séparation du pays en deux entités géographico-ethniques,
entre les populations du Sud (dites « autochtones », ou « vrais Ivoiriens ») et
celles du Nord (culturellement proches du Mali et du Burkina Faso). En 2002,
une rébellion prend les armes au Nord, où beaucoup ne peuvent pas obtenir de
carte d’identité, et tente de renverser le régime « sudiste » de Laurent
Gbagbo. La rébellion échoue, mais le pays est coupé en deux jusqu’à l’élection
présidentielle de 2010. Le scrutin, qui oppose au second tour Laurent Gbagbo et
Alassane Ouattara, reflète en partie cette division, qui entraîne la Côte
d’Ivoire dans la guerre civile, de décembre 2010 à avril 2011. En quoi la
question foncière est-elle liée à celle de la nationalité ? Dans un pays
fortement agricole où dans bien des régions les actes de propriété n’existent
pas de manière indiscutable, la terre est au cœur de conflits épineux et
violents. À qui appartient la terre ? Félix Houphouët-Boigny avait institué le
principe : « La terre appartient à celui qui la met en valeur. » Henri Konan
Bédié, fit voter en 1998 la loi selon laquelle seuls les Ivoiriens peuvent être
propriétaires de la terre. Une loi qui a attisé les tensions entre ceux qui
exploitaient la terre sans pouvoir prouver leur « ivoirité », et les «
autochtones ». En cours d’adoption, une nouvelle loi foncière propose un délai
de dix ans aux exploitants agricoles pour faire valoir leur droit. La nouveauté
est qu’en élargissant l’accession à la nationalité, de nombreux exploitants
vont en bénéficier, et donc obtenir la propriété de la terre qu’ils cultivent.
@@@
Lettre ouverte à Bruno Frappat, directeur
de La Croix.
J’ai lu avec attention et intérêt votre éditorial
du 15 novembre 2004 ; j’y ai constaté une erreur et un oubli qui,
malheureusement, diminuent la portée de votre belle leçon d’humanisme à
l’intention de mes compatriotes.
Vous écrivez : « les Burkinabés du nord
de la Côte d’Ivoire ». Cette formulation a pu donner à croire à ceux de
vos lecteurs qui ne sont pas suffisamment au fait de la géographie de l’Afrique
de l’Ouest, que les Burkinabés sont les habitants d’une région de la Côte
d’Ivoire, alors que ce sont les citoyens d’un pays voisin, le Burkina Faso, dont
la frontière sud coïncide avec une partie de la frontière nord de la Côte
d’Ivoire. Voilà pour l’erreur.
Venons-en à l’oubli. Vous écrivez : « Chasser
les Burkinabés, puis pousser à la chasse aux Français, c’est opérer ce qu’en
d’autres temps et en d’autres lieux – Russie stalinienne, Allemagne nazie,
Balkans de Milosevic – on appelait la purification ethnique ». Dans cette
énumération des régimes auxquels, d’après vous, celui de la Côte d’Ivoire sous
la présidence de Laurent Gbagbo tendrait à ressembler, vous avez omis cet autre
pays où, il y a environ un siècle, un officier, parce qu’il était juif, fut
injustement condamné au bagne sous les applaudissements, notamment, des
rédacteurs et des lecteurs d’un journal intitulé La Croix.
Ce triste épisode de son histoire n’a d’ailleurs
pas empêché ce pays d’être ce qu’il est aujourd’hui, c’est-à-dire un modèle en
matière de démocratie interne et de respect des normes du droit
international ; ni votre journal d’être en situation de donner des leçons
d’antiracisme et de xénophilie aux Ivoiriens… Mais – et j’en conviens
volontiers – ce n’est pas une raison de croire que la même ignominie laisserait
aussi peu de traces sur un pays africain qu’elle en laissa sur un pays de
vieille civilisation européenne et chrétienne, comme la France. Vous avez donc
parfaitement raison de vous inquiéter pour la Côte d’Ivoire, même si elle n’a
pas encore connu son affaire Dreyfus, et même si rien n’indique qu’elle est à
la veille de la connaître.
Marcel Amondji
M…, le 16 novembre 2004.
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