Ô roi,
le peuple veut un référendum
Ô roi, valeureux descendant de Dieu. Digne héritier
de Dieu. Peut-être, Dieu lui-même. Nous savons que ton règne fait le pied de
nez au temps parce que tu es au-dessus du temps.
Tu t’éterniseras au trône.
L’un de tes notables a eu la brillante idée d’écrire au fronton du palais ceci : « là,
jusqu’en 2053 ». Il n’a pas seulement dit que tu t’enracineras au trône,
il a surtout avoué que les fous déchainés qui s’aventurent à crier : « Mort à la dictature ! Mort au
rattrapage ethnique ! Mort à la justice des vainqueurs ! Mort aux
tortures ! Mort à la mauvaise gouvernance ! », continueront leur
folie dans un cimetière. Tu es donc un puissant homme. Le peuple le sait.
Mais roi, vois-tu, te saluer en s’inclinant ne veut
pas dire que les intelligences sont inclinées. Secouer les mollets en amont et
en aval de ton tapis rouge ne signifie pas que ces mollets ne savent que vénérer
ta gloire. Non roi. L’intelligence du peuple est toujours en érection. Et les
mollets suivent le rythme de l’intelligence. C’est pourquoi, au moment où tu
exprimes l’inébranlable désir de disperser notre nationalité et d’éroder nos
terres, le peuple que tu rassasies de souffrances te demande la parole.
Ecoute-le, roi. Il ne te demande pas des cargaisons de billets ni des pluies de
milliards qui risquent de ne jamais mouiller nos poches. Il veut tout
simplement que tu lui donnes la parole pour qu’il s’exprime. Oui valeureux roi,
il veut ouvrir la bouche pour dire si oui ou non il adhère à ta généreuse idée
de faire de tous les habitants de nos terres, des Eburnéens. C’est la voie
idéale pour légitimer ta bonté à l’égard de ces bénis dont les pieds sont
fermement fixés sur le starting block électoral. Sa ferveur à vouloir
s’exprimer, ce n’est pas une défiance, roi. Il te sait un dieu ouvert, un dieu
partageux, un dieu plongé au cœur du peuple. C’est la raison pour laquelle il
voudrait te prouver son amour infini en te donnant son avis. Ô roi, le peuple
veut un référendum.
Valeureux roi, pourquoi ne coures-tu pas vers cette
solution ? Tu ne diras quand même pas au peuple que son avis sur ce qui
engage son avenir ne fait pas partie de tes solutions poreuses ! Non roi.
Ecoute le peuple. Le peuple qui susurre dans les rues. Le peuple qui grogne dans
les couloirs pouilleux de la capitale. Le peuple d’en haut, le peuple d’en bas.
Le peuple qui poursuit en vain sa pitance mille fois promise mais jamais
donnée. Le peuple qui ne trouve aucun emploi mais qui, les yeux blafards, te
regarde faire des apatrides, ta priorité. Le peuple qui n’a pas encore eu droit
à ses soins gratuits, à ses cinq universités nord-américaines, mais qui
t’observe te défouler pour des choses de moindre importance. « Mais dans quel monde suis-je ? »,
m’a demandé le peuple. Ne trouvant aucune réponse, je me tourne poliment vers
toi. Ô roi, descend de ta gloire et donne la parole au peuple pour qu’il se
prononce et tranche définitivement. Ô roi, le peuple veut un référendum.
Dieu-Roi, la voix du peuple n’est pas celle
confinée entre les mains d’éternels diseurs de « Oui ». Des « Oui
» dogmatiques que même le sommeil n’empêche pas. Ces mains rendues belles et
vengeresses par l’eau du rattrapage ethnique et de la fraude électorale
n’attendent plus que vienne, pour elles, l’occasion d’approuver mécaniquement
ce qui a été goupillé durant des décennies dans l’antichambre de ton clan.
Digne et valeureux roi, descend de ta super puissance et interroge le peuple qui
piaffe d’impatience. Le peuple est très intelligent. Laisse-le décider de son
sort. Laisse-le prendre le chemin qui semble bon à ses yeux. Le peuple n’est ni
un mineur non émancipé, ni un incapable. Il est majeur. Il a aujourd’hui 53
ans. Ce peuple veut donc un référendum. Ne le musèle pas. Roi, tu dis sans
cesse que tu aimes le peuple, alors ne lui vole pas son droit, ne lui vole pas
sa volonté de s’exprimer. Il veut trancher directement. Tel est son choix. Il
est fatigué d’être trompé tout le temps. Il est fatigué d’être abusé tout le
temps. Ô roi, le peuple veut un référendum.
Alain Bouikalo
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