vendredi 16 août 2013

Les pamphlets d’Alain Bouikalo

Ô roi, le peuple veut un référendum
 
« On peut tromper une partie du peuple tout le temps et tout le peuple une partie du temps, mais on ne peut pas tromper tout le peuple tout le temps. » Abraham Lincoln

Ô roi, valeureux descendant de Dieu. Digne héritier de Dieu. Peut-être, Dieu lui-même. Nous savons que ton règne fait le pied de nez au temps parce que tu es au-dessus du temps.
Tu t’éterniseras au trône. L’un de tes notables a eu la brillante idée d’écrire au fronton du palais ceci : « là, jusqu’en 2053 ». Il n’a pas seulement dit que tu t’enracineras au trône, il a surtout avoué que les fous déchainés qui s’aventurent à crier : « Mort à la dictature ! Mort au rattrapage ethnique ! Mort à la justice des vainqueurs ! Mort aux tortures ! Mort à la mauvaise gouvernance ! », continueront leur folie dans un cimetière. Tu es donc un puissant homme. Le peuple le sait.

Mais roi, vois-tu, te saluer en s’inclinant ne veut pas dire que les intelligences sont inclinées. Secouer les mollets en amont et en aval de ton tapis rouge ne signifie pas que ces mollets ne savent que vénérer ta gloire. Non roi. L’intelligence du peuple est toujours en érection. Et les mollets suivent le rythme de l’intelligence. C’est pourquoi, au moment où tu exprimes l’inébranlable désir de disperser notre nationalité et d’éroder nos terres, le peuple que tu rassasies de souffrances te demande la parole. Ecoute-le, roi. Il ne te demande pas des cargaisons de billets ni des pluies de milliards qui risquent de ne jamais mouiller nos poches. Il veut tout simplement que tu lui donnes la parole pour qu’il s’exprime. Oui valeureux roi, il veut ouvrir la bouche pour dire si oui ou non il adhère à ta généreuse idée de faire de tous les habitants de nos terres, des Eburnéens. C’est la voie idéale pour légitimer ta bonté à l’égard de ces bénis dont les pieds sont fermement fixés sur le starting block électoral. Sa ferveur à vouloir s’exprimer, ce n’est pas une défiance, roi. Il te sait un dieu ouvert, un dieu partageux, un dieu plongé au cœur du peuple. C’est la raison pour laquelle il voudrait te prouver son amour infini en te donnant son avis. Ô roi, le peuple veut un référendum.
Valeureux roi, pourquoi ne coures-tu pas vers cette solution ? Tu ne diras quand même pas au peuple que son avis sur ce qui engage son avenir ne fait pas partie de tes solutions poreuses ! Non roi. Ecoute le peuple. Le peuple qui susurre dans les rues. Le peuple qui grogne dans les couloirs pouilleux de la capitale. Le peuple d’en haut, le peuple d’en bas. Le peuple qui poursuit en vain sa pitance mille fois promise mais jamais donnée. Le peuple qui ne trouve aucun emploi mais qui, les yeux blafards, te regarde faire des apatrides, ta priorité. Le peuple qui n’a pas encore eu droit à ses soins gratuits, à ses cinq universités nord-américaines, mais qui t’observe te défouler pour des choses de moindre importance. « Mais dans quel monde suis-je ? », m’a demandé le peuple. Ne trouvant aucune réponse, je me tourne poliment vers toi. Ô roi, descend de ta gloire et donne la parole au peuple pour qu’il se prononce et tranche définitivement. Ô roi, le peuple veut un référendum.
Dieu-Roi, la voix du peuple n’est pas celle confinée entre les mains d’éternels diseurs de « Oui ». Des « Oui » dogmatiques que même le sommeil n’empêche pas. Ces mains rendues belles et vengeresses par l’eau du rattrapage ethnique et de la fraude électorale n’attendent plus que vienne, pour elles, l’occasion d’approuver mécaniquement ce qui a été goupillé durant des décennies dans l’antichambre de ton clan. Digne et valeureux roi, descend de ta super puissance et interroge le peuple qui piaffe d’impatience. Le peuple est très intelligent. Laisse-le décider de son sort. Laisse-le prendre le chemin qui semble bon à ses yeux. Le peuple n’est ni un mineur non émancipé, ni un incapable. Il est majeur. Il a aujourd’hui 53 ans. Ce peuple veut donc un référendum. Ne le musèle pas. Roi, tu dis sans cesse que tu aimes le peuple, alors ne lui vole pas son droit, ne lui vole pas sa volonté de s’exprimer. Il veut trancher directement. Tel est son choix. Il est fatigué d’être trompé tout le temps. Il est fatigué d’être abusé tout le temps. Ô roi, le peuple veut un référendum.  

Alain Bouikalo

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