On
vous accuse de trahison, vous et un certain de nombre de chefs. Vous auriez,
pour des raisons personnelles, favorisé la venue du président de l’Assemblée
nationale à Gagnoa. Que dites-vous ?
Boga Sivori |
Boga
Sivori : Dire les choses de cette façon n’est pas juste. Quand on est chef, on
prend des initiatives, ensuite, on informe la base et ensemble, on discute. En
tant que chef, le président Gbizié a choisi le président Guillaume Soro pour
l’inauguration de notre siège puis la pose de la première pierre du siège définitif.
Après qu’il l’ait choisi, il a informé son bureau qui a donné son accord. Et,
il a organisé une assemblée générale pour informer les chefs de village.
Evidemment, on ne pouvait pas faire l’unanimité. Si la majorité a donné son
accord, je crois que nous devrions tous assumer.
Vous
confirmez que des chefs ont été écartés de l’organisation parce qu’opposés à
cette visite de Guillaume Soro ?
B.
S. : Je ne sais pas si un chef a été mis à l’écart. Je pense que tous les chefs
étaient à Gagnoa. Evidemment, on ne pouvait pas faire l’unanimité. Si des gens
étaient absents, c’est leur droit.
Quel
était votre objectif en invitant le président de l’Assemblée nationale ?
B.
S. : Nous l’invitions,
d’abord pour inaugurer notre siège provisoire et pour poser la première pierre
de notre siège définitif. Ensuite, c’était un prétexte. Nous voulions, avec le
président Soro, jeter les bases d’une véritable réconciliation. Nous
voulions poser un certain nombre de problèmes dont l’emprisonnement du
président Gbagbo et de plusieurs de nos fils et le cas de tous ceux qui sont en
exil et lui demander d’intercéder auprès du président Alassane Ouattara pour
que ceux qui sont emprisonnés soient mis en liberté, que les exilés rentrent,
que certains retrouvent leurs maisons encore occupées, que les biens des gens
soient dégelés.
Et
votre objectif a été atteint ?
B.
S. : Je puis vous dire, qu’en tant que chef de village, je suis parti sur une
note de déception.
Vous
êtes déçu donc ?
B.
S. : Nous le sommes. On n’a pas atteint notre objectif. Je dis bien que notre
objectif était de jeter les bases d’une vraie réconciliation. Vous savez que
cette visite a suscité beaucoup de réactions. Nos cadres qui n’avaient pas été
informés à temps ont estimé qu’il aurait fallu qu’on les associe à la chose.
Ils avaient raison. On leur a demandé pardon. Ils ont accepté. Mais, tout le monde ne voulait pas
qu’il aille à Mama et Gnaliépa parce qu’on craignait qu’il s’y rende pour faire
du triomphalisme. On craignait qu’il s’y rende dans un esprit de défiance,
qu’il parte humilier le peuple de Gagnoa, qu’il parte humilier Gbagbo devant
ses parents. Il me semble que c’est justement ce que nous avons récolté.
Donc, le président Soro a
donné raison à toutes ces personnes qui ne voulaient pas qu’il se rende à
Gagnoa. C’est pour cela que j’évoque un sentiment de déception.
Vous
vous sentez déçu ou trahi ?
B.
S. : Je ne dirai pas trahi. Mais, je dis que le président Soro a manqué de tact. Nous sommes
dans un processus de réconciliation, chacun doit jouer sa partition. En tant
que chef, nous pensions jouer notre partition et avec lui. Il nous avait dit
qu’il n’allait pas à Gagnoa dans un esprit de défiance. On a le sentiment qu’il a plutôt défié les
populations à Gagnoa. Le peuple de Gagnoa est un peuple pacifique et qui
vénère l’étranger. On peut ne pas l’aimer mais dès lors que c’est un étranger,
il y a chez nous, comme une sorte d’immunité.
Concrètement,
qu’est qui vous a déçu dans la visite du président Soro ?
B.
S. : Je n’ai aimé ni le
ton ni le contenu du discours. Moi, je m’attendais à un discours
d’apaisement, à un discours rassembleur. Mais qu’a dit le président Soro ? Il a
donné le ton à Tchedjelet. Il a dit : «
Demain, je dirai la vérité, toute la vérité. Je dirai même ce que les gens ne
veulent pas entendre ». Mais, ce sont les mêmes vérités de Soro que nous
avons entendues à savoir que Laurent Gbagbo n’a pas gagné les élections, qu’il
lui a demandé de quitter le pouvoir et qu’il s’est entêté. Mais, c’est ce qu’il
a toujours dit. Est-ce que pour cela il a besoin d’aller à Gagnoa ? Mais tout
le monde sait que c’est la vérité de Soro. Elle n’est pas la seule vérité. Les
gens savent que Gbagbo a été victime d’un coup d’Etat.
Vous
voulez certainement parler de ses partisans…
B.
S. : Bien sûr. Il y a deux vérités : il y a la vérité de Soro et celle des
partisans de Gbagbo à savoir que l’ancien président a été victime d’un coup
d’Etat. C’est cette dernière vérité que les parents savent au village. Ce n’est
pas parce que Soro aura dit sa vérité à Gagnoa qu’elle deviendra la vérité de
tous y compris de ses parents. Il n’avait pas besoin de cela à Gagnoa. Il
n’avait pas besoin de choquer la population et les parents. Il a choqué les
populations (…) Il a agrandi le fossé. Il a davantage repoussé le peuple bété.
On ne peut regarder en face – et c’est un autre point de déception – un peuple
et lui dire : « moi, je croyais que vous
étiez des hommes, je ne savais pas que vous étiez des saints. Partout où je
passe, vous demandez la libération des gens, vous ne parlez même pas de la mort
du docteur Benoît Dacoury-Tabley ». Soro s’étonne que nous ne demandions
pas pardon. Voudrait-il dire que c’est le peuple bété qui a tué le docteur
Dacoury ? Je crois savoir qu’on nous a dit, ici, que ce sont les escadrons de
la mort qui l’avaient tué et dont on cherche encore aujourd’hui la paternité.
Mais enfin ! Dacoury Benoît, c’est un fils de Gagnoa. C’est donc nous qui avons
perdu notre fils. Si on doit demander pardon à des gens parce que Dacoury Benoît
est mort, c’est bien au peuple de Gagnoa. Enfin, il dit que le ministre Dano
Djédjé a menacé de le tuer. Il a quels moyens pour tuer Soro ? Il ne peut pas
tuer une mouche. Il est de tempérament rassembleur. Il lui a simplement dit de
ne pas aller à Mama, Gnaliépa et Kpokrogbé pour le symbole que cela représente.
Les gens ne voulaient pas qu’il aille narguer les populations. J’avoue que
nous, les chefs, avons été mis en difficulté. En tant que chef, notre première
mission est de défendre le peuple. Nous ne pouvons pas accepter qu’on traîne le
peuple de Gagnoa dans la boue. Et nous n’avons pas invité Soro pour qu’il
traîne le peuple de Gagnoa dans la boue.
Finalement,
à vous entendre, il n’y a pas un seul point de satisfaction dans la visite de
Soro…
B.
S. : Nous voulions qu’à partir de Gagnoa, Soro lance un message de paix. C’est
ce que nous lui avons dit. Dès lors, qu’on n’a pas obtenu cela, on ne peut pas
dire qu’on a eu satisfaction. Mais, si vous voulez, on peut noter deux points
de satisfaction. Pour nous, Soro a remis au goût du jour le débat sur les
élections. Deuxièmement, il a défié le peuple de Gagnoa sur la place mythique [de]
Laurent Gbagbo mais il n’a essuyé aucune pierre. C’est la preuve que le peuple
bété n’est pas un peuple belliqueux comme on tente de le présenter. Il est
digne dans la douleur. Parce que le discours de Soro lui a fait très mal.
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Source : La
Dépêche d'Abidjan 20 Août 2013
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