Ces derniers jours, j’ai été surpris d’entendre de la bouche
de notre président que les Ivoiriens doivent d’abord se sentir et se savoir
Ivoiriens avant de se savoir Baoulé, Dioula, Bété, Akyé, ou Ebrié. Cela m’a
laissé perplexe. Se savoir Ivoirien avant de se savoir de sa tribu ou de son
clan ou de son ethnie, alors la question qui s’est imposée à moi a été de
savoir jusqu’alors à quoi nous sommes-nous identifiés ? La Côte d’Ivoire et
encore plus l’Ivoirien n’a rien à apprendre de nouveau sur la notion de Nation.
Jusqu’en 1990, les Ivoiriens se sont sentis d’abord Ivoiriens avant d’être
autre chose. Pour nous qui avons eu la chance de voyager, partout où nous
sommes allés, nous étions d’abord Ivoirien et identifié comme tel. Ni notre
ethnie, ni notre tribu n’était connu de l’extérieur. Et que nous dit-on sur
l’Américain qui s’identifierait Américain avant de parler de son origine ? Nous
avons aussi vécu aux Etats-Unis pendant un certain temps et les gens du
Colorado dont Denver est la ville cité, s’identifient plus facilement gars du
Colorado qu’Américains. Ne mélangeons pas les choses. L’Américain en face des
autres non Américains s’identifie par rapport à son pays, mais dès qu’il a
affaire à d’autres Américains, ce qui prime, c’est son terroir d’origine. Le
natif de San Francisco se démarque aisément du Texans ou du gars de Floride. Il
faut ne pas avoir connu les Américains pour ne pas savoir cela. L’Ivoirien a
beaucoup plus de respect pour son drapeau, son pays que certains Américains
d’origine mexicaine que j’ai eu à côtoyer.
Donc que l’on ne vienne pas nous étaler des méconnaissances
comme savoir. Ce, depuis 1958 et les dernières élections de l’ère coloniale et
la renonciation d’approuver l’indépendance en rang dispersé, ce qui a amené les
leaders des partis politiques à faire bloc autour de Félix Houphouët-Boigny et
de faire le Pdci-Rda un parti unique. Les Ivoiriens se sont dès lors configurés
en Nation et cela jusqu’en 1990. La configuration nouvelle que lui a imposée le
Premier ministre de cette époque, l’a détourné de cette construction. Parce que
ce dernier se définissant homme du Nord et musulman que le reste du pays
empêchait de prendre le pouvoir, avec la charte du Nord suscitée, le coup
d’Etat de 1999 et les attaques de la nuit du 18 au 19 septembre 2002 ont fini
par imposer à l’Ivoirien une identification par rapport à sa région et à son
ethnie. Les tueries massives perpétrées par les Dozo et autres mercenaires
venus du Nord et les nominations basées sur l’ethnie et les tribus ont poussé
l’Ivoirien à ne plus se sentir concerné par la chose nationale. Ainsi, la
Nation n’a plus pour les jeunes Ivoiriens d’aujourd’hui le sens fort qui
s’accolait à cette notion pour ceux qui allaient le cœur en joie étudier au
Lycée Houphouët-Boigny de Khorogo ou à Man, ou à Odienné et même à Bouna, qui
étaient parties intégrantes de la Nation ivoirienne et où on se sentait
Ivoirien avant d’être Akyé, Ebrié ou Abbey.
Achegnan
Yapo Khossé
Titre
original : « De
l'origine à la nationalité, comparaison n’est pas raison »
EN MARAUDE DANS LE WEB
Sous cette
rubrique, nous vous proposons des documents de provenance diverses et qui ne
seront pas nécessairement à l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu
qu'ils soient en rapport avec l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et
des Ivoiriens, et que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à
faciliter la compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la «
crise ivoirienne ».
Source :
LGInfos 31 juillet 2013
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