Trente ans après l'opération Manta pour
stopper une offensive libyenne dans le nord du Tchad, ce pays et surtout la
base française à N’Djamena restent une plaque tournante des opérations
extérieures (Opex) militaires françaises en Afrique, comme Serval au Mali,
estiment des spécialistes.
Opération "Manta" 1983 (imagesdarmee.com) |
En janvier 2013, l'opération Serval au
Mali s’appuiera sur la base de N’Djamena pour ses avions de combat et
bénéficiera du concours décisif des forces tchadiennes lors de l'opération de
traque des jihadistes retranchés dans le massif montagneux des Ifoghas dans le
nord-est du Mali.
Le 9 août 1983, François Mitterrand
déclenchait Manta à la demande du Tchad pour stopper l'offensive de forces
libyennes alliées aux opposants du président Hissène Habré, qui venaient de
prendre la grande palmeraie de Faya dans le nord du pays.
Au plus fort de l'opération, Manta (raie
géante des mers chaudes), menée à près de 5.000 km du sol français, mobilisera
plus de 3.000 parachutistes, légionnaires, marsouins de l'infanterie de marine
et aviateurs, 700 véhicules, avions Mirage F1 et Jaguar, hélicoptères Gazelle
et Puma.
Elle est alors la plus importante
opération jamais entreprise par la France depuis la guerre d'Algérie.
En quelques jours, des soldats français
s'installent sur des positions avancées le long d'une ligne imaginaire dite « ligne
rouge » et dont tout franchissement est susceptible d'entraîner une
riposte armée. Située à hauteur du 15e puis du 16e parallèle, elle coupe le
pays en deux, presque en son milieu, la partie nord demeurant sous contrôle
libyen.
Selon la France, la mission est « de
dissuader l'agresseur de nouvelles opérations » en gelant la situation
pour permettre des négociations.
« Avoir des pompiers sur place »
Pendant plus d'un an, Manta sera le
bouclier du régime Habré au pouvoir depuis juin 1982. Le 16 septembre 1984, la
France et la Libye signent à Tripoli un accord de désengagement militaire « total
et concomitant ». L'armée française évacue ses positions, retire ses
matériels et met fin à sa présence au Tchad début novembre 1984.
Mais en dépit des affirmations de
Tripoli, François Mitterrand doit reconnaître, peu après une rencontre le 16
novembre en Crète avec le colonel Mouammar Kadhafi, que les troupes libyennes,
estimées à 5.000 hommes, sont toujours en force dans le nord du Tchad.
Ce n'est qu'en 1987, à la suite d'une
guerre de « reconquête » que l'armée tchadienne reprendra peu à peu
le nord du pays, à l'exception de la bande d'Aouzou qui ne sera rétrocédée par
la Libye qu'en 1994 après 21 ans d'occupation.
Entre-temps, la France reviendra au Tchad
en 1986 avec un dispositif militaire à dominante aérienne baptisé « Epervier »
et qui se poursuit depuis cette date avec des formats différents selon la
situation politique au Tchad. Actuellement, « Epervier » compte 950
militaires et 12 aéronefs, dont cinq Mirage, installés principalement à
N’Djamena et Abéché (est).
« Epervier
n'est pas un accord de défense franco-tchadien mais un accord de stationnement
des forces françaises dans ce pays dont les facilités logistiques n'ont jamais
été remises en cause »,
rappelle à l'AFP le général Henri Poncet, fin connaisseur de l'Afrique où il
participa à plusieurs Opex et ancien patron du Commandement des opérations
spéciales (COS).
« Les
aviateurs français disposent d'une zone immense pour entraîner leurs avions de
combats et les troupes de marine peuvent s’aguerrir à la nomadisation », ajoute le général Poncet.
Pour l'ancien chef d'un service de
renseignement s'exprimant sous la condition de l'anonymat, « Epervier reste indispensable, car si la France veut continuer à
avoir une politique d'influence en Afrique, il lui faut y avoir des points
d'appui ».
Depuis N’Djamena, rappelle-t-il, la
France a pu intervenir à plusieurs reprises en Centrafrique : « Si l'on veut éteindre l'incendie dès
que les premières brindilles s'enflamment, il est bon d'avoir des pompiers sur
place ».
Pour autant, le général Poncet se demande
si la base française d'Epervier aura toujours autant d'importance : « Le Tchad reste-t-il toujours du même
intérêt stratégique pour la France alors que nos intérêts économiques sont
surtout au Niger et en Algérie ? »
AFP 7 août 2013
Titre original : « Le Tchad, plaque tournante des opérations
françaises »
en maraude dans le web
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