vendredi 2 août 2013

LEUR MORALE (suite)

Quand un certain Charles Sanga fait l’apologie de la trahison... 

Cheick Modibo Diarra. Le nom de cet homme politique malien est clairement apparu au public africain, à sa nomination en tant que Premier ministre de son pays. Il avait été désigné à la tête d’un gouvernement de transition pour sortir le Mali de la crise politico-militaire. Mais, c’est surtout dans les domaines de l’aéronautique et de la science que cet astrophysicien de 61 ans s’est fait une renommée parmi les plus respectés dans le monde scientifique. Depuis 1984, en effet, Cheick Modibo Diarra a été recruté à la NASA. Dans cette agence spatiale américaine, n’entre pas qui veut. L’actuel président de Microsoft Afrique a gravi les échelons jusqu’à diriger l’un des programmes les plus importants de l’histoire la NASA, « Mars Pathfinder », l’exploration de la planète Mars.
Pour beaucoup, ce Malien de cœur, de nationalité et de naissance était perdu pour son pays et aussi pour l’Afrique. Les Etats-Unis ont suivi, depuis les universités françaises où il a eu ses premiers diplômes, sa progression. Ils ont détecté en lui, un cerveau scientifique de premier ordre. Mais, combien de Cheick Modibo Diarra l’Amérique compte-t-elle sur son sol ? Ils sont certainement des centaines de milliers : africains, chinois, européens ou sud-américains à être pistés. Depuis 1965 que ce pays a pris la décision stratégique de dominer le monde sur tous les plans, par les effets de la Loi Hart-Celler (qui a notamment supprimé les quotas sur l’immigration), le pays se donne les moyens. Ces naturalisés se trouvent dans tous les secteurs. Dans l’agriculture, dans les universités, dans les usines, dans les camps militaires. L’Amérique l’a voulu ainsi et elle ne s’en porte que bien. Le Congrès de ce pays a même autorisé le gouvernement à recruter des immigrés dans certains pays afin de les intégrer dans le tissu social. Chaque année, 55000 permis de séjour permanents sont attribués à des ressortissants de pays dont peu de citoyens émigrent vers les Etats-Unis, surtout en Afrique, en Europe et en Asie. Les droits et devoirs des porteurs de la carte sont en tous points identiques à ceux d’un citoyen américain, à l’exception du droit de vote. Une sorte « d’immigration choisie », avec le même objectif : attirer les cerveaux, les talents et la main d’œuvre. Comme quoi, on ne devient pas premier par hasard. Depuis, les Etats sont considérées première puissance mondiale.
Notre pays, la Côte d’Ivoire, lui aussi, aspire à être l’Eléphant d’Afrique dans le peloton des nations émergentes. Mais, nous sommes à la croisée des chemins. Car, depuis la disparition du Président Houphouët-Boigny, des politiciens à la courte vue, ont décidé de refermer le pays sur lui-même, rejetant systématiquement l’étranger, développant des théories d’exclusion et xénophobes. En fait, tout le contraire de la politique d’ouverture que le Père-fondateur a impulsée à la Côte d’Ivoire et qui vaut d’être ce qu’elle est aujourd’hui. Le débat revient, on prend les mêmes habitudes et on recommence. Le retrait par l’Assemblée Nationale, il y a quelques jours, de deux textes afin de permettre la ratification de deux Conventions internationales, l’une pour lutter contre l’apatridie, l’autre pour renforcer les droits des apatrides, est inquiétant. Cela signifie sinon une reculade, du moins une extrême prudence de l’Exécutif aux amalgames que certains adeptes de la race pure entretiennent dans l’opinion. Mais, jusqu’à quand la Côte d’Ivoire va-t-elle continuer de jouer avec son propre destin ? De se faire peur avec cette réalité qu’elle se cache à elle-même et qui, comme une bombe identitaire, menace toujours, tant qu’elle n’est pas désamorcée ? Alors qu’on croyait la crise politique partiellement résolue, suite aux élections générales et locales qui ont mis fin à l’illégitimité des institutions, la crise ivoiritaire qui nous empêche de poser les vrais problèmes de notre société, afin de nous regarder dans notre propre miroir, elle, est là. Il faut pourtant que ces questions de fond soient posées. Pour cela, sortir du piège de tout politique est essentiel. C’est un choix clair qu’il faut admettre.
Femmes et enfants d'une colonie burkinabè du mont Peko.
Des apatrides ?
Comment espérer, effectivement, s’insérer dans l’économie mondiale si l’on dispose d’immenses étendues de terres inexploitées et d’une économie principalement agricole, mais que l’on manque d’une main d’œuvre suffisamment nombreuse pour exploiter ce potentiel ? Sans faire forcément du mimétisme, il faut reconnaître que, déjà, très tôt, Houphouët-Boigny avait opéré le choix de faire de la Côte d’Ivoire, un pays qui ouvre grandement les bras à toute l’Afrique. Si aujourd’hui, de gauche ou de droite, socialiste ou libéral, du Nord ou du Sud, musulman ou chrétien, nous sommes fiers du parcours de notre pays d’être la locomotive de la sous-région et d’en être le moteur de la croissance, cela, nous le devons à une option politique, clairement définie et qui, jusqu’à présent, n’a pas montré qu’elle va contre les intérêts de la Côte d’Ivoire. Notre pays s’est construit, en tout cas en grande partie, par l’apport migratoire comme l’ont été les Etats-Unis, l’Argentine, la Nouvelle Zélande, le Canada ou l’Australie, ces pays se reconnaissant comme nés de l’immigration. Au contraire de ceux, comme les pays européens, qui voient l’immigration comme un phénomène quelconque de leur construction. L’immigration et l’intégration sont donc deux notions qui se posent à la Côte d’Ivoire de nos jours. Notre pays a suivi un modèle qui tire ses racines de son histoire. Cette histoire qui a amené le gouvernement d’alors à faire appel à la main d’œuvre de plusieurs pays ouest africains afin de venir participer à la construction nationale, bien avant 1960. Il paraît juridiquement abusif et politiquement incorrect de s’enorgueillir d’un taux d’immigration élevé à « plus de 26% d’étrangers sur notre sol ». En fait, ce qui ne se dit pas, c’est que notre pays ne développe aucune politique d’intégration ou d’absorption des immigrés. Des gens sont présents sur le sol ivoirien depuis plusieurs générations. Ils n’ont aucun lien d’attache avec le pays d’origine de leurs parents, qu’ils n’ont, pour certains, d’ailleurs jamais connu. Certains parmi eux, ont leurs parents qui ont servi l’Etat ivoirien. Ils sont comptabilisés parmi ces « étrangers ». Les chiffres officiels donnent plus de 400000 apatrides sur notre sol. Doit-on en être fier ? Que non !
Apatridie, nationalité, foncier et immigration sont des notions méconnues dans la Côte d’Ivoire d’Houphouët-Boigny. C’est la somme de nos irresponsabilités, de nos dérives qui se posent à la Côte d’Ivoire. Malheureusement dans ce pays, tout est désormais querelles politiciennes posées à l’aune de stratégies électoralistes. Il faut pourtant penser au futur de ce pays, qui ne peut construire son avenir en dehors de son passé. Il est vrai, la Côte d’Ivoire n’est pas l’Italie. Elle n’est pas l’Algérie, encore moins la Chine. Notre identité, notre modèle de construction, ce qui a fait de nous ce que nous sommes aujourd’hui, ne saurait être abandonné pour des calculs politiciens. Si nous voulons, demain, devenir une puissance, être émergents, il nous faut accepter de nous ouvrir. De sortir la tête des fanges boueuses de l’exclusion et du repli identitaire. Pour cela, revisitons ensemble notre Histoire, pour éviter les histoires.

Par Charles Sanga

Titre original : « Revisiter notre Histoire ».
 

en maraude dans le web
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Source : Le Patriote 29 juillet 2013

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