Cheick Modibo
Diarra. Le nom de cet homme politique malien est clairement apparu au public
africain, à sa nomination en tant que Premier ministre de son pays. Il avait
été désigné à la tête d’un gouvernement de transition pour sortir le
Mali de la crise politico-militaire. Mais, c’est surtout dans les domaines de
l’aéronautique et de la science que cet astrophysicien de 61 ans s’est fait une
renommée parmi les
plus respectés dans le monde scientifique. Depuis 1984, en effet, Cheick Modibo Diarra a
été recruté à la NASA. Dans cette agence spatiale américaine, n’entre pas qui
veut. L’actuel président de Microsoft Afrique a gravi les échelons jusqu’à
diriger l’un des programmes les plus importants de l’histoire la NASA, « Mars
Pathfinder », l’exploration de la planète Mars.
Pour beaucoup,
ce Malien de cœur, de nationalité et de naissance était perdu pour son pays et
aussi pour l’Afrique. Les Etats-Unis ont suivi, depuis les universités
françaises où il a eu ses premiers diplômes, sa progression. Ils ont détecté en
lui, un cerveau scientifique de premier ordre. Mais, combien de Cheick Modibo
Diarra l’Amérique compte-t-elle sur son sol ? Ils sont certainement des
centaines de milliers : africains, chinois, européens ou sud-américains à être
pistés. Depuis 1965 que ce pays a pris la décision stratégique de dominer le
monde sur tous les plans, par les effets de la Loi Hart-Celler (qui a notamment
supprimé les quotas sur l’immigration), le pays se donne les moyens. Ces
naturalisés se trouvent dans tous les secteurs. Dans l’agriculture, dans les
universités, dans les usines, dans les camps militaires. L’Amérique l’a voulu
ainsi et elle ne s’en porte que bien. Le Congrès de ce pays a même autorisé le
gouvernement à recruter des immigrés dans certains pays afin de les intégrer
dans le tissu social. Chaque année, 55000 permis de séjour permanents sont
attribués à des ressortissants de pays dont peu de citoyens émigrent vers les
Etats-Unis, surtout en Afrique, en Europe et en Asie. Les droits et devoirs des
porteurs de la carte sont en tous points identiques à ceux d’un citoyen
américain, à l’exception du droit de vote. Une sorte « d’immigration choisie »,
avec le même objectif : attirer les cerveaux, les talents et la main d’œuvre.
Comme quoi, on ne devient pas premier par hasard. Depuis, les Etats sont
considérées première puissance mondiale.
Notre pays, la
Côte d’Ivoire, lui aussi, aspire à être l’Eléphant d’Afrique dans le peloton
des nations émergentes. Mais, nous sommes à la croisée des chemins. Car, depuis
la disparition du Président Houphouët-Boigny, des politiciens à la courte vue,
ont décidé de refermer le pays sur lui-même, rejetant systématiquement
l’étranger, développant des théories d’exclusion et xénophobes. En fait, tout
le contraire de la politique d’ouverture que le Père-fondateur a impulsée à la
Côte d’Ivoire et qui vaut d’être ce qu’elle est aujourd’hui. Le débat revient,
on prend les mêmes habitudes et on recommence. Le retrait par l’Assemblée
Nationale, il y a quelques jours, de deux textes afin de permettre la
ratification de deux Conventions internationales, l’une pour lutter contre
l’apatridie, l’autre pour renforcer les droits des apatrides, est inquiétant.
Cela signifie sinon une reculade, du moins une extrême prudence de l’Exécutif
aux amalgames que certains adeptes de la race pure entretiennent dans
l’opinion. Mais, jusqu’à quand la Côte d’Ivoire va-t-elle continuer de jouer
avec son propre destin ? De se faire peur avec cette réalité qu’elle se cache à
elle-même et qui, comme une bombe identitaire, menace toujours, tant qu’elle
n’est pas désamorcée ? Alors qu’on croyait la crise politique partiellement
résolue, suite aux élections générales et locales qui ont mis fin à
l’illégitimité des institutions, la crise ivoiritaire qui nous empêche de poser
les vrais problèmes de notre société, afin de nous regarder dans notre propre
miroir, elle, est là. Il faut pourtant que ces questions de fond soient posées.
Pour cela, sortir du piège de tout politique est essentiel. C’est un choix
clair qu’il faut admettre.
Femmes et enfants d'une colonie burkinabè du mont Peko. Des apatrides ? |
Apatridie,
nationalité, foncier et immigration sont des notions méconnues dans la Côte
d’Ivoire d’Houphouët-Boigny. C’est la somme de nos irresponsabilités, de nos
dérives qui se posent à la Côte d’Ivoire. Malheureusement dans ce pays, tout
est désormais querelles politiciennes posées à l’aune de stratégies
électoralistes. Il faut pourtant penser au futur de ce pays, qui ne peut
construire son avenir en dehors de son passé. Il est vrai, la Côte d’Ivoire
n’est pas l’Italie. Elle n’est pas l’Algérie, encore moins la Chine. Notre
identité, notre modèle de construction, ce qui a fait de nous ce que nous
sommes aujourd’hui, ne saurait être abandonné pour des calculs politiciens. Si
nous voulons, demain, devenir une puissance, être émergents, il nous faut
accepter de nous ouvrir. De sortir la tête des fanges boueuses de l’exclusion
et du repli identitaire. Pour cela, revisitons ensemble notre Histoire, pour
éviter les histoires.
Par Charles Sanga
Titre original : « Revisiter notre Histoire ».
en maraude
dans le web
Sous cette rubrique, nous vous
proposons des documents de provenance diverses et qui ne seront pas
nécessairement à l’unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu’ils soient en
rapport avec l’actualité ou l’histoire de la Côte d’Ivoire et des Ivoiriens, et
aussi que par leur contenu informatif ils soient de nature à faciliter la
compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la « crise
ivoirienne ».
Source : Le Patriote 29 juillet 2013
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