dimanche 11 août 2013

FRANCOPHONIE ET NEOCOLONIALISME

G. Bissainthe
La France fonctionne aujourd’hui dans le monde avec de très nombreuses alliances internationales, y compris une toute récente créée par le Président Sarkozy: l’Union  pour la Méditerranée ou UPM(1).
Parmi ces structures deux ont une importance majeure:
1.- la Francophonie
2.- l’Union Européenne
1.- L’ambition de la Francophonie(2) est de regrouper tous les Etats, nations, organisations et entités  liées d’une manière ou d’une autre à la langue française dans le monde.
2.- L’Union Européenne(3), de son côté,  se donne pour objectifs d'établir les fondements d'une union sans cesse plus étroite entre les peuples européens, de sauvegarder la paix et de rechercher l'unité politique et d'assurer par une action commune, le progrès économique et social : création d'un marché intérieur européen et renforcement de la cohésion sociale.
A la vérité, ces deux organisations contiennent toute l’histoire, toutes les ambitions et toute la géopolitique de la France. En effet, lorsqu’on les regarde de près on constate que
1.-la Francophonie regroupe avant tout ou veut regrouper toutes les anciennes colonies de la France aujourd’hui décolonisées, donc tout ce qui formait autrefois un “grand ensemble ou un bloc politico-économique français”. On lui a donné, entre autres, selon les époques, les noms d’Empire Français et de “Communauté Française”.
2.- L’Union Européenne regroupe ou veut regrouper les nations et Etats d’un grand ensemble ou bloc qui s’est appelé autrefois l’Empire Romain, disloqué en 476, ressuscité par Charlemagne en l’an 800, remis sur pied pendant quelque temps par Napoléon et que Hitler voulait aussi remettre sur pied. 
Si le ciment de la Francophonie c’est la langue et le fait d’avoir fait partie à un moment du même “grand ensemble ou un bloc politico-économique français”, le ciment de l’Union Européenne c’est la proximité géographique et le fait d’avoir fait partie à un moment du grand ensemble ou bloc de l’Empire Romain.
Après la dernière guerre mondiale, la France a dû faire face à un problème: quelle forme de rapports va-t-elle garder avec ses anciennes colonies aujourd’hui décolonisées ? La France devait choisir entre deux options:

a.- Option A
Créer avec ses anciennes colonies un nouveau bloc ou grand ensemble économico-politique(4) sur un pied de parfaite égalité, selon une formule connue aujourd’hui sous le nom de “Partenariat Egalitaire” (en anglais “Full and Equal Parternership”) 
b.- Option B
Créer avec ses anciennes colonies un nouveau bloc ou grand ensemble économico-politique sur un pied d’inégalité, selon une formule de tutelle-protectorat et dont l’outil est “l’assistance”.
La France préféra l’Option B et instaura avec ses anciennes colonies ce qu’on a appelé la “néocolonisation” dont les conséquences vont bientôt être l’appauvrissement des anciennes colonies, ce qui va entrainer en France une immigration galopante totalement incontrôlable.
Cette Option B (néocolonisation s’appuyant sur des leaders locaux à la dévotion de la France et des intérêts non du peuple français, mais de l’Establishment de la France) va faire le malheur de l’économie globale de la France, une France  qui petit à petit tombe au rang de petite nation secondaire incapable de survivre par ses propres moyens pour faire face à la compétition mondiale et obligée de recourir à une alliance souvent humiliante avec d’autres nations puisque aujourd’hui Bruxelles dicte souvent à la France ce qu’elle doit faire
Si la France avait choisi l’Option A (le Partenariat avec les anciennes colonies, devenu très à la mode aujourd’hui), elle n’aurait logiquement pas eu besoin de lancer l’Union Européenne, car au lieu de l’assistance qui crée le parasitisme et encourage la mendicité, les Français auraient eu des “joint-ventures” avec des entrepreneurs locaux, ce qui aurait dynamisé les économies locales au lieu d’en faire des économies assistées, souvent grabataires.

L’échec de l’Europe
La dernière conférence de presse du chef d’Etat de la France a été comme un coup de grâce donné à l’Union Européenne. Elle a, en effet, montré un Président Hollande dans la posture du roi Kanut d’Angleterre qui d’après la légende s’était installé sur son trône en face de la mer et commandait à la mer de reculer. Evidemment la mer ne recula pas. Son intention réelle étant de prouver aux siens et aux autres qu’il est en face d’une mission impossible et qu’il ne pouvait pas faire de miracle. Le message de la conférence de presse du président Hollande était identique : étant donné que nous avons choisi l’Europe — et nous l’avons bel et bien choisie, n’est-ce pas ? —  nous ne pourrons pas sortir de notre croissance boiteuse, tant que l’Europe elle-même ne sortira pas de sa  croissance boiteuse.

Vous n’avez pas d’emplois?
Ne tirez pas sur moi.
Si le bateau prend eau,
C’est la faute à l’Euro. 

Alors les Français doivent attendre que l’Europe soit sauvée pour être eux-mêmes sauvés.
Or le salut de l’Europe se présente plutôt mal. Pour le réaliser il faudrait que l’Europe implémente tous les points de son programme: il faudrait, par exemple, que la main-d’œuvre européenne, de quelque pays d’Europe qu’elle vienne, puisse aller travailler partout en Europe. Or en France on a une peur bleue du “plombier polonais”. Il faudrait aussi que tous les produits européens, de quelque pays d’Europe qu’ils viennent, puisent se vendre partout en Europe; or on exalte en France aujourd’hui le patriotisme économique et on fait même la guerre aux produits non-français. Les Français pro-Europe ont beaucoup de plaisir à penser Europe, mais ils se rendent compte que dans la réalité ce rêve est impossible.
Plus tôt la France sortira de l’Europe mieux cela vaudra.
Pour faire quoi ?
Il n’y a qu’une issue: faire la Francophonie. Non point celle virtuelle et cosmétique d’aujourd’hui, mais la vraie.
Il est quand même assez étonnant et assez paradoxal que ce soit un étranger comme votre serviteur, très lié et attaché à deux pays non-français, à savoir Haïti et les Etats-Unis,  qui se fasse aujourd’hui l’avocat de la Francophonie. C’est que je suis conscient qu’un échec de la France peut coûter cher à Haïti et cher aussi à l’Amérique.  Si la France disparaît, absorbée par l’Union Européenne, la France  ne sera plus bientôt qu’un souvenir et un jour on n’entendra même plus parler de “ce bruit qu’aura été la France”. La France ne sera plus qu’un wagon d’un train dont la locomotive sera inévitablement l’Allemagne. L’Aventure française  sera terminée. La Geste française sera terminée. Le Triangle Révolutionnaire Atlantique aura vécu.
Car il y a un Triangle Révolutionnaire Atlantique avec la Révolution Américaine de 1776, la Révolution Française de1879 et la Révolution  haïtienne 1804 dont les idées et les gestes ont marqué et imprégné le monde entier.
Mais, dira-t-on, “toutes les civilisations sont mortelles”; une mort de plus, so what ? Et après ? C’est que pour moi, si la France ce sont des colons d’hier et des colons d’aujourd’hui qui n’avaient ou n’ont ni cœur ni esprit, elle est aussi pour moi un pays où j’ai passé mes années de jeunesse et de nombreuses années de mon âge mûr, entouré d’amis et d’êtres chers; elle est aussi pour moi des éducateurs, des écrivains et des penseurs qui m’ont aidé à modeler ma pensée et mes sentiments; des ancêtres dont je porte en moi le sang associé au sang de mes ancêtres africains. Je n’arrive pas à me résoudre de voir tout cela se dissoudre dans un magma européen qui sera bientôt balayé par d’autres magmas plus forts. Je n’arrive pas à comprendre les Français qui rendent les armes, en disant peut-être ce que me disait un de mes élèves en classe de Terminale au Vésinet, près de Paris, en 1965: “Nous sommes des fins de race.” On est une fin de race, lorsqu’on accepte d’être une fin de race.
Pour moi il faut renoncer non sans doute à l’Europe tout court, mais à l’Europe miroir aux alouettes, dernier refuge, dernière citadelle, dernier carré de l’Homme Blanc, qui ne peut déboucher sur rien. Il faut lancer la Francophonie(5) mais sur une base vraiment égalitaire. En faire une union économico-politique intercontinentale structurée ou l’on joue pleinement le jeu de l’égalité. Et cela la main dans la main avec l’Amérique pour faire du Triangle Révolutionnaire Atlantique la locomotive spirituelle, économique et politique de l’Occident. 

Gérard Bissainthe*
Titre original : "Union Européenne et Organisation Internationale de la Francophonie" 
*Le Professeur Gérard Bissainthe est ancien opposant à la dictature des Duvalier, ancien Recteur de l’Université d’Etat d’Haïti, ancien ministre de la Culture et de l’Information, président international du Forum francophone (FFI). 

 
NOTES
 

2.- http://www.francophonie.org Qui sommes-nous ?
La Francophonie est le dispositif institutionnel qui organise les relations politiques et de coopération entre les 77 États et gouvernements de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) : plus de 890 millions de femmes et d’hommes ayant en partage l’usage de la langue française et le respect des valeurs universelles.
Ce dispositif comprend des instances politiques décisionnelles dont la plus haute est le Sommet des chefs d’État et de gouvernement qui se réunit tous les deux ans, et le Secrétaire général de la Francophonie, clé de voûte de ce système. Depuis 2003, le Secrétaire général de la Francophonie est Abdou Diouf, ancien Président de la République du Sénégal.
La coopération multilatérale francophone est mise en œuvre par l’Organisation internationale de la Francophonie et quatre opérateurs spécialisés.
L’OIF a été fondée en 1970 sur la base du Traité de Niamey (Niger). Elle mène des actions politiques et de coopération multilatérale pour donner corps à une solidarité active au bénéfice des populations de ses Etats et gouvernements membres. Elle agit dans le respect de la diversité culturelle et linguistique et au service de la promotion de la langue française, de la paix et du développement durable.
La Francophonie dispose d’un organe consultatif, l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF).
Les quatre opérateurs spécialisés sont : l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF), la chaîne internationale de télévision TV5, l’Association internationale des maires francophones (AIMF) et l’Université Senghor.
Objectifs
Les objectifs de la Francophonie sont consignés dans sa Charte adoptée en 1997 au Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement à Hanoi (Vietnam) et révisée par la Conférence ministérielle en 2005 à Antananarivo (Madagascar) :
·         l’instauration et le développement de la démocratie ;
·         la prévention, la gestion et le règlement des conflits, et le soutien à l’État de droit et aux droits de l’Homme ;
·         l’intensification du dialogue des cultures et des civilisations ;
·         le rapprochement des peuples par leur connaissance mutuelle ;
·         le renforcement de leur solidarité par des actions de coopération multilatérale en vue de favoriser l’essor de leurs économies ;
·         la promotion de l’éducation et de la formation.
Missions
Les missions de la Francophonie sont définies dans un Cadre stratégique de dix ans adopté par le Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement en 2004 à Ouagadougou (Burkina Faso) pour la période 2005 – 2014 :
·         Promouvoir la langue française et la diversité culturelle et linguistique ;
·         Promouvoir la paix, la démocratie et les droits de l’Homme ;
·         Appuyer l’éducation, la formation, l’enseignement supérieur et la recherche ;
·         Développer la coopération au service du développement durable.
Une attention particulière est accordée aux jeunes et aux femmes, ainsi qu’à l’accès aux technologies de l’information et de la communication
3.- http://europa.eu/index_fr.htm
http://fr.wikipedia.org/wiki/Union_europ%C3%A9enne
L'Union européenne (UE)Note 3 est une association sui generis de vingt-sept États européens qui délèguent par traité l'exercice de certaines compétences à des organes communs. Elle s'étend sur un territoire de 4 376 780 km2, est peuplée de 503,7 millions d'habitants et est la première puissance économique mondiale4.
L'Union européenne est régie par le Traité sur l'Union européenne (TUE) et le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), dans leurs versions actuelles, depuis le 1er décembre 2009 et l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne. Sa structure institutionnelle est en partie supranationale, en partie intergouvernementale : le Parlement européen est élu au suffrage universel direct, tandis que le Conseil européen et le Conseil des ministres sont composés de représentants des États membres ; la Commission européenne est élue par le Parlement sur proposition du Conseil européen. La Cour de justice est chargée de veiller à l'application du droit de l'UE.
L'acte fondateur de l'Union européenne est la déclaration du 9 mai 1950 de Robert Schuman, ministre français des Affaires étrangères. Sous l'impulsion de personnalités politiques surnommées « Pères de l'Europe », comme Konrad Adenauer, Jean Monnet et Alcide de Gasperi, six États créent en 1951 la Communauté européenne du charbon et de l'acier. Après l'échec d'une Communauté européenne de défense en 1954, une Communauté économique européenne est instaurée en 1957 par le traité de Rome. La coopération économique est approfondie par l'Acte unique européen en 1986.
En 1992, le traité de Maastricht institue une union politique qui prend le nom d'Union européenne et qui prévoit la création d'une union économique et monétaire (la zone euro), dotée d'une monnaie unique, l'euro. Instituée en 1999, elle compte dix-sept États en 2011. De nouvelles réformes institutionnelles sont introduites en 1997, en 2001. Suite au refus d'un projet de Constitution européenne, les institutions sont à nouveau réformées en 2009 par le traité de Lisbonne.
Les membres fondateurs de l'Union européenne (1957) sont l'AllemagneNote 4, la Belgique, la France, l'Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas. Ils sont rejoints en 1973 par trois membres de l'Association européenne de libre-échange : le Danemark, l'Irlande et le Royaume-Uni. L'Union s'élargit vers le sud avec l'adhésion de la Grèce en 1981, puis de l'Espagne et du Portugal en 1986. Entre temps, le Groenland a décidé de se retirer (1985). Après la fin de la Guerre froide, elle est rejointe en 1995 par des États neutres : l'Autriche, la Finlande et la Suède. L'Union européenne intègre en 2004 dix nouveaux États, en majorité issus du bloc de l'Est : Chypre, l'Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, Malte, la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie et la Slovénie ; puis en 2007 la Bulgarie et la Roumanie. L'adhésion de la Croatie est prévue le 1er juillet 20135
L’Union européenne (UE) a pour objectifs :
-d'établir les fondements d'une union sans cesse plus étroite entre les peuples européens, de sauvegarder la paix et de rechercher l'unité politique
-d'assurer, par une action commune, le progrès économique et social : création d'un marché intérieur européen et renforcement de la cohésion sociale.
4.- Cette option A est celle qui a été autrefois en 1801 proposée par Toussaint Louverture, que Napoléon refusa et qu’il regretta plus tard amèrement à Sainte-Hélène d’avoir refusée. Tenant compte de ces regrets d’un homme de génie, la France aurait dû plus tard tout faire pour implémenter cette option A. Mais elle ne le fit pas.
5.- J’ai proposé en 1989 le mot “Francosphère” pour remplacer le mot “Francophonie”. Il a été accepté et il est aujourd’hui d’usage courant, mais il n’a pas détrôné le mot Francophonie. Les deux vocables Francophonie et Francosphère sont deux concepts différents et les deux mots aujourd’hui coexistent pacifiquement. 

Source : Politique-actu.com 

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