(…). La droite [française] peut-elle se lancer
dans un exercice critique du quinquennat de Nicolas Sarkozy? Elle le peut et,
surtout, elle le doit, à en croire Patrick Devedjian. Dans un entretien au Figaro,
l'ancien ministre estime que si l'UMP ne réalise pas ce travail, elle se
condamne «à la paralysie ou à la politique du perroquet». «Quelle crédibilité pouvons-nous espérer, aux yeux des Français, si
nous ne sommes pas capables de discerner ce qui a fonctionné et ce qui n'a pas
fonctionné dans les politiques que nous avons mises en œuvre?», fait-il
mine de s'interroger.
L'ex-secrétaire général de l'UMP n'en est pas à
son coup d'essai. Depuis la défaite à la présidentielle, il milite en ce sens,
à l'instar de Jean-Pierre Raffarin.
«Nous devons aborder les échéances à venir avec un regard lucide sur le passé. Nous ne pouvons plus rester passifs en voulant défendre le bilan à
100 %»,
explique l'ancien premier ministre, qui se dit «prêt» à prendre sa part de
responsabilité en étendant l'examen aux dix dernières années. «C'est de toute façon inéluctable, cela ne
sert à rien de tergiverser, ajoute le sénateur de la Vienne. François Fillon a
adhéré à cette idée, mais je pense que celui qui serait le plus à même de le
faire, c'est Nicolas Sarkozy lui-même. Quand chacun va présenter son projet
dans la perspective de la présidentielle de 2017.»
«Nous devons aborder les échéances à venir avec un regard lucide sur le passé. Nous ne pouvons plus rester passifs en voulant défendre le bilan à
"Nous devons aborder les échéances à venir avec un regard lucide sur le passé." |
Ces dernières semaines, Raffarin et Devedjian ont
vu de nombreuses voix se joindre à la leur. Éric Ciotti, sur RTL, mardi, a
ainsi affirmé que l'UMP «ne s'en sortira
pas en (se) basant sur l'échec des socialistes uniquement». «Nous avons un
devoir de vérité, de transformation», a ajouté le député des
Alpes-Maritimes, en revendiquant l'exercice «d'autocritique» auquel se prête
Fillon, dont il est proche. Autre tenant du devoir d'inventaire: Hervé Mariton.
Le député de la Drôme, délégué général en charge du projet de l'UMP, a ainsi
expliqué jeudi, sur RMC: «On doit être
capable d'analyser le passé en disant qu'il y a des choses qu'on a réussies, il
y en a d'autres sur lesquelles on a moins réussi. Et il n'y a pas d'indécence à
dire cela. Ce n'est pas de l'ingratitude ni une insulte.» Proche de Xavier
Bertrand, Gérald Darmanin s'est, lui, étonné sur France Info que sa «famille politique ait mis sous une chape de
plomb ce qui allait, ce qui n'allait pas bien».
N'en jetez plus, c'est déjà trop pour Roger
Karoutchi, fidèle sarkozyste, qui brocarde cette «mode de l'été». «À quelques mois des municipales, des
européennes et des sénatoriales, nous n'aurions rien de mieux à faire que de
nous écharper sur l'inventaire des années Sarko?», s'inquiète le sénateur
des Hauts-de-Seine. «Ce serait une
erreur. Devant l'échec patent de la gauche, les Français attendent de nous que
nous resserrions les rangs, pas que nous nous étripions dans un exercice assez
vain et très subjectif», explique l'ancien ministre. Pour preuve, Karoutchi
explique que lui regrette, par exemple, que la promesse du candidat Sarkozy
d'un contrat d'union civile n'ait pas abouti. «Cela nous aurait épargné bien des débats stériles au moment du mariage
pour tous, estime-t-il. Mais pas besoin de vous faire un dessin pour comprendre
que ma position ne fait pas l'unanimité à l'UMP.» Mais pour Karoutchi,
c'est la diversité de l'UMP qui fait sa force: «Pas besoin que nous soyons tous d'accord sur tout.»
En plus de ces sorties estivales, les sarkozystes
appréhendent la rentrée de François Fillon ou les parutions prochaines de
livres signés Luc Chatel, Valérie Pécresse ou Laurent Wauquiez. Tous étaient au
gouvernement durant le quinquennat Sarkozy et tous sont susceptibles d'écrire
une nouvelle page de l'inventaire. Il y a un an, le livre de Roselyne Bachelot
À feu et à sang ou les critiques de Nathalie Kosciusko-Morizet à l'encontre
de la campagne présidentielle pilotée par Patrick Buisson avaient remué l'UMP.
Mais tout avait été bien vite balayé par la guerre entre Jean-François Copé et
François Fillon.
Un an plus tard, les cartes sont rebattues entre
tenants et opposants au droit d'inventaire. «La
leçon de cet inventaire, c'est que la réformette dans un système sclérosé est
insuffisante», estime ainsi Laurent Wauquiez dans un entretien au Point.
Il y a six mois, pourtant, le même assurait à L'Express: «Je serai le premier à m'opposer à un droit
d'inventaire qui tournerait à l'exercice un peu facile où, tout d'un coup,
certains qui n'ont rien dit pendant cinq ans se mettent à critiquer dans tous
les sens, c'est trop facile comme approche.»
Jean-Baptiste
Garat
Titre original : « Le droit d'inventaire des
années Sarkozy agite l'UMP »
Source : lefigaro.fr14
août 2013
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