mercredi 14 août 2013

«Nous avons un devoir de vérité, de transformation»…

(…). La droite [française] peut-elle se lancer dans un exercice critique du quinquennat de Nicolas Sarkozy? Elle le peut et, surtout, elle le doit, à en croire Patrick Devedjian. Dans un entretien au Figaro, l'ancien ministre estime que si l'UMP ne réalise pas ce travail, elle se condamne «à la paralysie ou à la politique du perroquet». «Quelle crédibilité pouvons-nous espérer, aux yeux des Français, si nous ne sommes pas capables de discerner ce qui a fonctionné et ce qui n'a pas fonctionné dans les politiques que nous avons mises en œuvre?», fait-il mine de s'interroger.
L'ex-secrétaire général de l'UMP n'en est pas à son coup d'essai. Depuis la défaite à la présidentielle, il milite en ce sens, à l'instar de Jean-Pierre Raffarin.
«Nous devons aborder les échéances à venir avec un regard lucide sur le passé. Nous ne pouvons plus rester passifs en voulant défendre le bilan à

"Nous devons aborder les échéances à venir
avec un regard lucide sur le passé."
100 %»
, explique l'ancien premier ministre, qui se dit «prêt» à prendre sa part de responsabilité en étendant l'examen aux dix dernières années. «C'est de toute façon inéluctable, cela ne sert à rien de tergiverser, ajoute le sénateur de la Vienne. François Fillon a adhéré à cette idée, mais je pense que celui qui serait le plus à même de le faire, c'est Nicolas Sarkozy lui-même. Quand chacun va présenter son projet dans la perspective de la présidentielle de 2017.»
Ces dernières semaines, Raffarin et Devedjian ont vu de nombreuses voix se joindre à la leur. Éric Ciotti, sur RTL, mardi, a ainsi affirmé que l'UMP «ne s'en sortira pas en (se) basant sur l'échec des socialistes uniquement». «Nous avons un devoir de vérité, de transformation», a ajouté le député des Alpes-Maritimes, en revendiquant l'exercice «d'autocritique» auquel se prête Fillon, dont il est proche. Autre tenant du devoir d'inventaire: Hervé Mariton. Le député de la Drôme, délégué général en charge du projet de l'UMP, a ainsi expliqué jeudi, sur RMC: «On doit être capable d'analyser le passé en disant qu'il y a des choses qu'on a réussies, il y en a d'autres sur lesquelles on a moins réussi. Et il n'y a pas d'indécence à dire cela. Ce n'est pas de l'ingratitude ni une insulte.» Proche de Xavier Bertrand, Gérald Darmanin s'est, lui, étonné sur France Info que sa «famille politique ait mis sous une chape de plomb ce qui allait, ce qui n'allait pas bien».
N'en jetez plus, c'est déjà trop pour Roger Karoutchi, fidèle sarkozyste, qui brocarde cette «mode de l'été». «À quelques mois des municipales, des européennes et des sénatoriales, nous n'aurions rien de mieux à faire que de nous écharper sur l'inventaire des années Sarko?», s'inquiète le sénateur des Hauts-de-Seine. «Ce serait une erreur. Devant l'échec patent de la gauche, les Français attendent de nous que nous resserrions les rangs, pas que nous nous étripions dans un exercice assez vain et très subjectif», explique l'ancien ministre. Pour preuve, Karoutchi explique que lui regrette, par exemple, que la promesse du candidat Sarkozy d'un contrat d'union civile n'ait pas abouti. «Cela nous aurait épargné bien des débats stériles au moment du mariage pour tous, estime-t-il. Mais pas besoin de vous faire un dessin pour comprendre que ma position ne fait pas l'unanimité à l'UMP.» Mais pour Karoutchi, c'est la diversité de l'UMP qui fait sa force: «Pas besoin que nous soyons tous d'accord sur tout.»
En plus de ces sorties estivales, les sarkozystes appréhendent la rentrée de François Fillon ou les parutions prochaines de livres signés Luc Chatel, Valérie Pécresse ou Laurent Wauquiez. Tous étaient au gouvernement durant le quinquennat Sarkozy et tous sont susceptibles d'écrire une nouvelle page de l'inventaire. Il y a un an, le livre de Roselyne Bachelot À feu et à sang ou les critiques de Nathalie Kosciusko-Morizet à l'encontre de la campagne présidentielle pilotée par Patrick Buisson avaient remué l'UMP. Mais tout avait été bien vite balayé par la guerre entre Jean-François Copé et François Fillon.
Un an plus tard, les cartes sont rebattues entre tenants et opposants au droit d'inventaire. «La leçon de cet inventaire, c'est que la réformette dans un système sclérosé est insuffisante», estime ainsi Laurent Wauquiez dans un entretien au Point. Il y a six mois, pourtant, le même assurait à L'Express: «Je serai le premier à m'opposer à un droit d'inventaire qui tournerait à l'exercice un peu facile où, tout d'un coup, certains qui n'ont rien dit pendant cinq ans se mettent à critiquer dans tous les sens, c'est trop facile comme approche.»

Jean-Baptiste Garat
Titre original : « Le droit d'inventaire des années Sarkozy agite l'UMP » 

Source : lefigaro.fr‎14‎ ‎août‎ ‎2013

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