Les Maliens
sont appelés aux urnes dimanche pour élire le président d'un pays affaibli par
18 mois de crise lors d'un second tour où le candidat nationaliste, Ibrahim
Boubacar Keïta, est donné gagnant face à son rival, le technocrate Soumaïla
Cissé.
Le poids lourd
de la compétition, Ibrahim Boubacar Keïta, dit IBK, 68 ans, est arrivé en tête
du premier tour avec près de 40% des suffrages. Candidat du Rassemblement pour
le Mali (RPM), il a occupé de nombreux postes au sommet de l'Etat. Il a été
Premier ministre, ministre des Affaires étrangères et a présidé l'Assemblée
nationale pendant cinq ans.
S. Cissé et I.B. Keïta (de gche à dte) |
S'étant opposé à des manifestations d'étudiants
et à des grèves quand il était Premier ministre, il s'est construit une
réputation de fermeté que de nombreux Maliens estiment nécessaire pour
restaurer l'Etat de droit.
Le pays est
loin d'être stabilisé malgré l'intervention de la France en début d'année pour
chasser les islamistes qui avaient pris le contrôle de la partie nord du pays
en profitant de la désorganisation ayant suivi le coup d'Etat militaire de mars
2012.
Homme du Sud où
est concentrée la majorité de la population malienne – il est né à Koutiala –
IBK s'est assuré du soutien de 22 des 25 candidats éliminés au premier tour.
Son rival du
Nord, Soumaïla Cissé, de l'Union pour la République et la démocratie (URD), a
obtenu un peu moins de 20% des suffrages le 28 juillet. Voulant donner l'image
d'un technicien expérimenté, il promet une réforme du système éducatif, des
changements dans l'armée et la création de 500.000 emplois.
Originaire des
environs de Tombouctou, Soumaïla Cissé, 63 ans, a été ministre pendant une
grande partie des années 90 et notamment ministre des Finances. Il a également
passé sept années à la tête de l'Union économique et monétaire ouest-africaine
(UEMOA) au Burkina Faso voisin.
Autrefois
considéré comme un modèle de démocratie dans une région agitée, le Mali a
implosé l'an dernier. Le scrutin de dimanche est donc crucial pour permettre le
déclenchement d'une aide de trois milliards d'euros pour la reconstruction du
pays et permettre à la France de passer le relais à la Minusma, la force de
maintien de la paix des Nations unies, forte de 12.600 hommes.
Ibrahim
Boubacar Keïta s'était opposé à l'accord de paix de 2006 avec les séparatistes
touaregs qui avait débouché sur la démilitarisation d'une grande partie du Nord
malien. Il s'était également montré critique à l'encontre du gouvernement du
président Amadou Toumani Touré, renversé par les putschistes qui entendaient
protester contre la corruption et la passivité de son régime face à la révolte
des Touaregs.
IBK a su se
mettre en phase avec le sentiment populaire en évitant de critiquer ouvertement
les auteurs du putsch, gagnant se faisant le soutien tacite de l'armée. Alors
que Soumaïla Cissé promet de promouvoir la finance islamique, IBK a montré
patte blanche aux puissants religieux musulmans dont plusieurs ont décidé de
soutenir sa candidature.
Les opposants de Soumaïla Cissé, qui a, lui, condamné le coup d'Etat, l'accusent de défendre une classe politique corrompue qui a conduit le pays à la crise en ignorant la frustration croissante des Maliens en situation de pauvreté.
Les opposants de Soumaïla Cissé, qui a, lui, condamné le coup d'Etat, l'accusent de défendre une classe politique corrompue qui a conduit le pays à la crise en ignorant la frustration croissante des Maliens en situation de pauvreté.
Les 16 millions
de Maliens vivent en majorité avec moins d'un euro par jour.
Pour sa
défense, le candidat du Nord assure qu'il veut protéger la démocratie. Après
avoir contesté les résultats du premier tour, qu'il estime entachés de fraude,
il s'est engagé à accepter l'issue du second tour.
Quel qu'il
soit, le vainqueur de dimanche devra aussi s'atteler à la difficile tâche de
conclure une paix durable avec les séparatistes touaregs après le cessez-le-feu
conclu en juin. Cet accord oblige le nouveau gouvernement à ouvrir des
discussions politiques dans les 60 jours suivant sa prise de fonction.
« Ma première priorité sera de rechercher (...) un
accord de paix durable », a déclaré IBK
sur la chaîne de télévision France 24 en insistant sur la nécessité de trouver « une paix véritable ».
Les dirigeants séparatiste du MNLA ont déjà fait savoir que le conflit pourrait reprendre si leur demande d'une plus grande autonomie dans leur région, l'Azawad, n'était pas prise en compte.
Les dirigeants séparatiste du MNLA ont déjà fait savoir que le conflit pourrait reprendre si leur demande d'une plus grande autonomie dans leur région, l'Azawad, n'était pas prise en compte.
La fin de la
campagne coïncidant avec la fête de l'Aïd el Fitr marquant la fin du ramadan,
les candidats ont annulé les grands meetings qu'ils avaient prévus.
À la place,
leurs partisans ont sillonné les rues détrempées de Bamako en brandissant des
affiches de leur candidat favori au son des klaxons. Dans une atmosphère
festive, chaque camp a organisé des concerts dans le centre de la capitale.
Danielle Rouquié pour le service français, édité par Tangi Salaün
Titre original : « Le candidat "nationaliste" favori
de la présidentielle au Mali »
Source :
tempsreel.nouvelobs 10 aout 2013
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