mardi 5 mars 2013

Qui sont les vrais responsables de la crise postélectorale ?


Le week-end dernier, un des porte-voix du RDR s’est autorisé à écrire dans une déclaration de son cru au point 2 que « … c'est le refus de la défaite de Monsieur Laurent Gbagbo à l'élection présidentielle qui a engendré la crise postélectorale avec comme conséquence plus de 3000 morts… ». L’inénarrable Joël N’guessan reprend ainsi à son compte le postulat qui était servi par la presse internationale, du 11 avril 2011 à récemment, et selon lequel « …la crise post-électorale ivoirienne est née du refus de Laurent Gbagbo de reconnaître sa défaite… ».
Puisque le représentant du RDR met ainsi au goût du jour un débat qui avait été quasiment interdit au lendemain du 11 avril 2011, il nous donne désormais l’occasion de revenir sur la question de fond de l’élection présidentielle 2010 : qui, de Laurent Gbagbo et d’Alassane Ouattara, a refusé de reconnaitre sa défaite ? En clair, que s’est-il passé durant l’élection présidentielle 2010 en Côte d’Ivoire ? Qui de Laurent Gbagbo et d’Alassane Ouattara a été proclamé vainqueur et par qui ? Que s’est-il passé entre le 28 novembre 2010 et le 11 avril 2011 ? Trois questions étroitement imbriquées dont les réponses permettent de savoir qui a refusé d’accepter les résultats proclamés par le seul organe habilité ?
 
Retour sur les faits
 
Le mercredi 1er décembre 2010, la Commission électorale indépendante (CEI), ne parvenant pas à s’accorder pour donner les résultats provisoires de l’élection présidentielle du 28 novembre 2010, est forclose à minuit au regard de la loi électorale.
Le jeudi 2 décembre 2010, hors délai, le Président de cette CEI forclose, M. Youssouf Bakayoko – qui a lui-même fait acheminer au Conseil constitutionnel les documents électoraux – annonce depuis le QG de campagne de M. Alassane Ouattara, sans le moindre document et sur les antennes de la chaîne de télévision française «France 24», un résultat qui donne ce dernier vainqueur de l’élection du 28 novembre 2010.
Le vendredi 3 décembre 2010, sur la chaîne nationale RTI, le Président du Conseil constitutionnel, M. Paul Yao N’dré – muni des documents électoraux remis par la CEI et entouré des membres de son institution – proclame M. Laurent Gbagbo vainqueur du scrutin présidentiel du 28 novembre 2010. Ainsi, au terme de la loi ivoirienne qui fait du Conseil constitutionnel la seule institution habilitée à donner les résultats définitifs de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire, le vainqueur de cette élection présidentielle du 28 novembre 2010 est le président Laurent Gbagbo.
Immédiatement après cette annonce, M. Young Jin Choi, représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU en Côte d’Ivoire, rejette les résultats proclamés par le Conseil constitutionnel et déclare qu’il certifie plutôt les résultats provisoires donnés par le président de la CEI au Golf Hôtel, quartier général de campagne du candidat Alassane Dramane Ouattara. Le même jour, se saisissant de la perche tendue par le chef de l’ONUCI, M. Alassane Dramane Ouattara se déclare vainqueur de l’élection présidentielle. C’est le début du contentieux électoral. Les pays de l’Union Européenne – instrumentalisés par le président français Nicolas Sarkozy – et les Etats-Unis décident de s’aligner sur la position de M. Young Jin Choi.
De décembre 2010 à mars 2011, l’Union Africaine tentera de résoudre le contentieux électoral par la négociation. Elle commet des experts qu’elle envoie à Abidjan pour vérifier les documents électoraux. Cette commission d’experts africains ne livrera malheureusement jamais les conclusions de son travail car l’Union Africaine n’a pu résister à la phénoménale pression de Nicolas Sarkozy, qui a fait de la question ivoirienne une affaire personnelle. A bout, elle s’est satisfaite d’une déclaration demandant au Président Laurent Gbagbo de céder le pouvoir.
Deux semaines plus tard, le 28 mars 2011, M. Alassane Dramane Ouattara, lance les Forces Armées des Forces Nouvelles (FAFN) de Guillaume Soro (rebaptisées FRCI) à l’assaut des Forces de Défense et de Sécurité (FDS) depuis leurs positions de l’Ouest et du Centre de la Côte d’Ivoire. Soutenues et poussées dans le dos par les forces françaises et onusiennes, les FRCI se retrouvent aux portes d’Abidjan au bout de trois jours de campagne sans rencontrer de réelle résistance.
Mais à Abidjan où sont cantonnées désormais les FDS, la résistance est plus que farouche. Pendant une semaine, les FRCI tentent en vain de prendre les sites stratégiques de la capitale ivoirienne.
Le 8 avril 2011, les FDS réussissent quasiment à bouter les FRCI hors de la capitale.
Le 9 avril 2011, les forces franco-onusiennes entrent en lice à visage découvert aux côtés des FRCI qu’elles soutenaient jusque-là au plan logistique. Elles bombardent le camp militaire d’Akouédo, le siège de la RTI et le Palais présidentiel du Plateau. Le 10 avril 2011, le bombardement de la résidence du chef de l’Etat à Cocody par les hélicoptères franco-onusiens débute à 17h00. Il est interrompu par la pluie qui s’est mise à tomber vers 17h30.
Le 11 avril 2011, autour de 10h, les bombardements reprennent. Sur le coup de 11h00, des chars français franchissent le portail de la résidence officielle du Président Laurent Gbagbo. Le premier à en sortir – avec un mouchoir blanc – est le ministre Désiré Tagro Assignini. Il attend avec les militaires français l’arrivée des troupes de M. Alassane Dramane Ouattara. Il est mitraillé par les FRCI sous les yeux de ces soldats français. Le Président Laurent Gbagbo et une centaine de personnes dont son épouse Simone et son fils Michel sortent de la résidence en feu. Ils sont conduits au Golf Hôtel.
Le 12 avril 2011, le président Laurent Gbagbo est déporté à Korhogo. Son épouse à Odienné. Ces deux villes, fiefs de la rébellion, sont situées dans le nord de la Côte d’Ivoire.
Le 29 novembre 2011, après plusieurs mois de détention dans des conditions inhumaines, Laurent Gbagbo est remis à la CPI par Alassane Dramane Ouattara, en sa qualité de chef de l’Etat. Tels sont les faits. Inaltérables.
Depuis le 19 février 2013, la CPI examine les «preuves» du procureur contre Laurent Gbagbo. Pour l’heure, tout porte à croire que l’accusation s’est fourvoyée. Le RDR aussi.
 
Par Bamba Franck Mamadou
Titre original : « Qui a refusé les résultats du scrutin présidentiel de novembre 2010 ? »
 

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Source : Notre Voie 28 février 2013

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