Comment
vous suivez ce conflit au Mali, depuis l’intervention de l’armée
française ?
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Le Dr Seydou Badian Kouyaté |
Non. Je vais dire tout de suite, j’entends
dire par-ci et par-là, que depuis les années 1960, nous nous battons contre les
Touaregs. La rébellion que nous avons eue, nous venait des administrateurs
coloniaux qui étaient dans le nord. Pourquoi ? Parce qu’ils savaient que
nous soutenions l’Algérie combattante. Ils ont fait circuler des papiers en
disant qu’il fallait faire punir Modibo Keïta, excusez-moi du terme, de son concubinage
avec les fellagas d’Algérie. Je vous mets à l’aise, il n’était pas, du tout,
question d’Azawad. Il était question de créer une République du Litamé et
c’était cela ; ça n’a pas été loin. Après, il y a eu d’autres. Mais, moi,
j’étais en exil depuis 1968. J’étais hors du Mali. Je suis rentré au moment où
les Accords d’Alger se préparaient et je les ai dénoncés. C’était en 2006-2007.
Ma position est celle-ci : l’indépendance que le MNLA demande, c’est une
lubie, un rêve. J’ai entendu un dirigeant MNLA dire : « Il nous faut un
statut particulier ». Qu’est-ce qu’ils entendent par statut particulier ?
Ils veulent être des supers citoyens ? Ils veulent un Etat dans
l’Etat ? Qu’est-ce qu’ils veulent ? Si c’est des Maliens, qu’ils
déposent les armes, on négocie du développement. Qu’est-ce qu’on doit
faire ? Ce n’est pas à eux de nous dire ce qu’on doit faire. On se réunit
avec toutes les communautés du nord du Mali, Sonrhaï, Bozo, Peul, Bamanan,
Touareg, Arabes, et on voit ensemble ce qu’il y a à faire. D’ailleurs, il faut
reconnaître qu’en matière de financement, ils en ont eu beaucoup. Parce que
c’était la tactique d’ATT, quand ça bruissait un peu, il donnait de l’argent et
c’est lui-même qui nous a amenés cette guerre parce qu’il a laissé les débris
de la horde de Kadhafi rentrer au Mali avec armes et bagages. Le Niger a
désarmé les Nigériens qui étaient en Libye ; l’Algérie a désarmé les
Algériens qui étaient en Libye ; la Mauritanie a fait pareil. Mais c’est
ATT qui les a laissés passer en leur faisant des cadeaux, pour qu’ils achètent
du thé, et après ils se sont rebellés contre nous. C’était inévitable !
Et
cette histoire de Kidal avec le MNLA ?
C’est le MLNA qui interdit à l’armée
malienne de pénétrer dans Kidal. Mais ATT avait laissé tout ça aux Touareg. Il
avait tout laissé. Est-ce qu’il y avait des soldats maliens noirs dans
Kidal ? Il y en avait combien, il faut voir ? Cette guerre,
c’est la guerre d’ATT. Je suis sûr d’une chose, c’est qu’on ne sait pas tout ce
qui s’est passé entre ATT et Kadhafi à propos des Touareg. Mais je crois que
l’histoire étant l’histoire, tôt ou tard, on le saura. Parce que, ATT viendra
s’expliquer un jour, je l’espère, devant le peuple malien.
Est-ce
que vous avez des échos de nos militaires qui traversent d’énormes
difficultés ?
Pas plus tard qu’avant-hier (mercredi),
j’ai reçu un coup de téléphone du nord, d’un soldat qui se plaint de manque de
nourriture, manque de carburant, et qui me dit : « regardez-nous et regardez les autres soldats, nos frères venus
d’Afrique ! » Je ne comprends pas ce qui se passe ; je ne
comprends pas. J’avais entendu le Procureur général, qui avait été sur le
terrain, et tout ce qu’il a dit est vrai. Nos soldats sont pratiquement à
certains égards considérés comme sous-équipés. J’ai entendu une journaliste
dire que les soldats maliens se battent avec leur courage, qu’ils sont
sous-équipés, vous vous rendez compte ! Sur le théâtre des opérations nos
soldats communiquent avec le téléphone portable, il n’y a rien d’autre. C’est
scandaleux. Je me demande ce qui se passe. Or, j’ai entendu le ministre des
Finances dire l’autre jour que les moyens sont là. Alors où est le
blocage ? À qui doit-on parler ? Qu’est-ce qui se passe ? Je
suis vraiment choqué. Le ministre des Finances a mis ce qu’il faut à la
disposition de qui de droit, et les destinataires n’ont rien. Ça, c’est quelque
chose d’étrange ! Cela mérite une explication et je serais heureux de
savoir ce qui se passe.
Avez-vous
un mot de la fin ?
Je pense que nous devons féliciter nos
soldats. Si pendant un certain temps, c’était des fils à Papa, c’était des
soldats qui avaient payé pour être soldats, aujourd’hui, c’est des guerriers.
C’est des vrais guerriers courageux, décidés, déterminés : on doit les
féliciter, les encourager. Mais il faut qu’ils aient ce qu’il faut, et les
priver aussi, c’est commettre un acte inqualifiable. Ça se passe où, à quel
niveau ? J’aimerais le savoir, pour ma gouverne personnelle, à 85 ans, à
deux pas d’aller rejoindre mes camarades. Je voudrais savoir ce qui se passe
pour partir dans la quiétude, dans la paix. Est-ce que nous sommes
défendus ? J’attends la réponse.
Kassim TRAORE, Le Reporter (Mali)
EN MARAUDE DANS LE WEB
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rubrique, nous vous proposons des documents de provenance diverses et qui ne
seront pas nécessairement à l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu
qu'ils soient en rapport avec l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et
des Ivoiriens, et que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à
faciliter la compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la «
crise ivoirienne ».
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Source : Bamada.net 27 février
2013
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