« CE QUI NOUS IRRITE… »
Interview du Dr Ernest Atté Boka*
Dr Ernest Atté Boka, quels sont les points d’accord entre le gouvernement
et vous ?
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Le Dr Ernest Atté Boka |
Le Premier ministre Daniel Kablan Duncan,
s’est saisi du dossier et a rencontré la coordination de la santé, le mardi 12
février, à la primature, de 18h45 à 20h. A cette occasion, nous avons passé en
revue toutes nos revendications, mais le Premier ministre a voulu, pour
désamorcer la crise, savoir la revendication majeure. Nous lui avons fait
comprendre qu’il s’agit du paiement des indices et sur la question, il nous a
demandé de lui donner 15 jours, à compter du 12 février, pour qu’il puisse
finaliser ce dossier et nous donner des réponses concrètes. Dès l’instant où il
a pris cet engagement fort, cela prouve que la décision du ministre de la
Fonction publique et de la Réforme administrative a été réaffirmée par la
hiérarchie. Cela nous rassure que ces indices seront pris en compte par le
gouvernement.
Une date a-t-elle été arrêtée quant à la prise en compte de cette
revendication ?
Lors de la dernière rencontre avec le
ministre Gnamien Konan, il nous a indiqué la date du 31 mars. Alors que le
gouvernement, dans son ensemble, parlait de janvier 2014. Il faut pouvoir
rapprocher ses deux positions. Surtout que le Premier ministre, après
l’audience du 12 février, a souhaité qu’on conduise le travail avec les
ministères techniques pour finaliser les dossiers en vue de prendre une
décision honorable pour les deux parties.
Qu’en est-il des autres revendications ?
Concernant les autres revendications, à
savoir le payement intégral des indemnités, des émoluments hospitaliers et des
arriérés d’indemnités. Dès l’entame de la réunion, le Premier ministre, Daniel
Kablan Duncan, a voulu que l’on en discute un mois durant. Mais nous lui avons
proposé de ramener ce délai à 15 jours en ce qui concerne les indices. Les
autres questions feront l’objet de discussions durant un mois pour trouver des
solutions.
Aucune période précise n’a donc été déterminée ?
Non, la période court à partir de la
rencontre du 12 février. Pour les arriérés, le plus important était d’établir
un chronogramme clair, accepté par les deux parties. Si l’on nous demande de le
faire, cela veut dire que les arriérés seront pris en compte. Or le ministre de
la Fonction publique et de la Réforme administrative affirmait que l’Etat
n’avait pas les moyens de penser aux arriérés.
Quelle va être la suite des évènements ?
Nos camarades sont mobilisés sur le
terrain. Tout le monde attend des négociations sincères. Mais s’il y a un
couac, l’action syndicale va prendre le relais. Nous avons fait beaucoup de
concessions depuis 9 mois. Nous ne sommes pas des va-t-en-guerre. Nous
souhaitons que le gouvernement ne nous ramène pas à cette situation de grève.
Si votre grève est légale, pourquoi avez-vous présenté des excuses à votre
ministre de tutelle ?
Après une sortie de crise, il est toujours
bon de normaliser les relations. Depuis que nous sommes syndicalistes, chaque
fois que nous menons une action d’envergure, les ministres de tutelle pensent
que nous dirigeons une action contre eux. Il était donc bon pour nous, avant
d’aller à la primature, de rencontrer la tutelle, parler le même langage. A cette
occasion, nous avons dit à la ministre de la Santé et de la Lutte contre le
Sida, Raymonde Goudou Coffie, que s’il y a eu des impairs dans la gestion de la
grève, qu’elle comprenne que c’est dans la conduite de notre mouvement et non
pour braver son autorité. Donc si l’action a été mal comprise, nous lui
présentons nos excuses.
Quelles ont été les conséquences de ce débrayage ?
Il faut signaler que partout, l’autorité
se préoccupait de savoir si le service minimum était assuré plutôt que de
chercher à résoudre le problème. Il est vrai que la population en a souffert.
Mais quand nous faisons nos activités, personne ne vient faire de décompte
macabre, pourquoi lorsque nous sommes en grève, on nous demande s’il y a des
morts. Notre rôle, aujourd’hui, est de faire en sorte qu’il y ait moins de
morts dans nos établissements hospitaliers. S’il y en a eu, néanmoins, je ne
crois pas que ce soit à l’hôpital. Il faut savoir que pendant la période de
grève, tous les cas d’urgence ont été pris en charge immédiatement.
Pourquoi une grève maintenant, quand on sait la situation difficile de la
Côte d’Ivoire qui sort de crise ?
Des engagements ont été pris par l’Etat
ivoirien. Nous aussi, nous souffrons. Parce que le médecin touche 173 000 F Cfa
par mois. Avec ce salaire, on ne peut pas nous demander d’être souriants. C’est
parce que nous sortons de crise que nous demandons au gouvernement d’y aller
pas à pas. Par exemple, nous ne revendiquons pas systématiquement le payement
de nos arriérés qui se chiffrent individuellement pour les médecins, à 3 000
000 F Cfa, pour les infirmiers spécialistes à 1 200 000 F Cfa, les non
spécialistes à 960 000 F Cfa et les aides-soignants à 720 000 F Cfa. Nous
savons que l’Etat n’a pas les moyens de payer ces sommes maintenant. Nous avons
donc proposé d’établir un chronogramme. Mais pour ce qui est des indices devant
nous accompagner à la retraite, c’est maintenant qu’il faut les relever. Il est
inconcevable que le cadre supérieur du ministère de la Santé et de la Lutte
contre le Sida n’ait qu’un indice de 745 alors qu’ailleurs, dans le même
secteur, quelqu’un qui a le niveau le plus bas est à 880. Voici le drame
aujourd’hui.
Si les indices sont pris en compte, le
secteur retrouvera son calme. Nous savons qu’il y a des difficultés, raison
pour laquelle nous ne sommes pas gourmands dans les négociations.
Ce sont les mêmes problèmes depuis 2009
qui perdurent. Si la santé est aussi importante, pourquoi ne pas prendre les
décisions idoines pour apaiser cette fronde sociale ? Pourquoi attendre qu’il y
ait du grabuge ? Anticipons tous. Trouvons des solutions, surtout que le
Président a décrété cette année 2013, année de la santé, il n’y a donc pas de
raison que le minimum ne puisse pas se faire. Pour que, la main dans la main,
nous puissions conduire le système de santé à bon port en pensant à la
motivation du personnel qui va animer toutes les infrastructures de santé qui
seront mises en place.
En définitive, qu’attendez-vous du gouvernement et de la population?
Nous exprimons notre gratitude au Premier
ministre qui a bien voulu se saisir de ce dossier pour engager des discussions
sincères avec la coordination. Nous souhaitons qu’il aille jusqu’au bout des
choses avec des résultats probants pour apaiser durablement le front social au
niveau de la santé. Nous disons aussi aux populations de faire confiance au
personnel de santé. Nous sommes toujours là pour elles, personne ne viendra les
prendre en charge. Il est donc important que lorsque nous crions nos
difficultés, elles puissent comprendre. Les agents de santé, dans le système de
fonctionnariat, sont lésés dans le traitement financier, ce qui nous irrite
souvent. Nous ne comprenons pas que nous qui sommes au début et à la fin de la
vie d’un homme, soyons malmenés par l’Etat ivoirien, lorsque nous demandons le
minimum. En direction de nos camarades militants, il faut qu’ils demeurent
mobilisés et à l’écoute du directoire. Si nous n’avons pas les résultats
escomptés, nous utilisons l’action syndicale.
Interview réalisée par Marie Chantal
Obindé
(*) – Le Dr Ernest Atté Boka est le porte-parole de la coordination des
14 syndicats de la santé.
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d'Ivoire et des Ivoiriens et que, par leur contenu informatif, ils soient de
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la « crise ivoirienne ».
Source : Fraternité-Matin 27/02/2013
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