lundi 4 mars 2013


« CE QUI NOUS IRRITE… »

Interview du Dr Ernest Atté Boka*

Dr Ernest Atté Boka, quels sont les points d’accord entre le gouvernement et vous ?
Le Dr Ernest Atté Boka
Depuis le 4 février, nous avons enclenché un arrêt de travail de 5 jours et le vendredi 8 février dernier, nous avons convoqué une assemblée générale qui a délibéré pour suspendre le mot d’ordre de grève du 9 au 17 février. Cela, suite à la rencontre avec le ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative, Gnamien Konan, le mercredi 6 février dernier. Réunion au cours de laquelle il a demandé de lui laisser un peu de temps pour qu’il puisse acter les dossiers relatifs à notre revendication majeure : le paiement des indices. Sur cette base, il s’était engagé, au plus tard fin février, à faire acter les indices, à savoir 400 points pour les cadres supérieurs de la santé et 150 points pour le personnel technique. Fort de cela, il a été décidé, lors de l’assemblée générale, d’ouvrir une fenêtre «thérapeutique», en vue des négociations.
Le payement des indices demeure la doléance majeure, à vous entendre.
Le Premier ministre Daniel Kablan Duncan, s’est saisi du dossier et a rencontré la coordination de la santé, le mardi 12 février, à la primature, de 18h45 à 20h. A cette occasion, nous avons passé en revue toutes nos revendications, mais le Premier ministre a voulu, pour désamorcer la crise, savoir la revendication majeure. Nous lui avons fait comprendre qu’il s’agit du paiement des indices et sur la question, il nous a demandé de lui donner 15 jours, à compter du 12 février, pour qu’il puisse finaliser ce dossier et nous donner des réponses concrètes. Dès l’instant où il a pris cet engagement fort, cela prouve que la décision du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative a été réaffirmée par la hiérarchie. Cela nous rassure que ces indices seront pris en compte par le gouvernement.
Une date a-t-elle été arrêtée quant à la prise en compte de cette revendication ?
Lors de la dernière rencontre avec le ministre Gnamien Konan, il nous a indiqué la date du 31 mars. Alors que le gouvernement, dans son ensemble, parlait de janvier 2014. Il faut pouvoir rapprocher ses deux positions. Surtout que le Premier ministre, après l’audience du 12 février, a souhaité qu’on conduise le travail avec les ministères techniques pour finaliser les dossiers en vue de prendre une décision honorable pour les deux parties.
Qu’en est-il des autres revendications ?
Concernant les autres revendications, à savoir le payement intégral des indemnités, des émoluments hospitaliers et des arriérés d’indemnités. Dès l’entame de la réunion, le Premier ministre, Daniel Kablan Duncan, a voulu que l’on en discute un mois durant. Mais nous lui avons proposé de ramener ce délai à 15 jours en ce qui concerne les indices. Les autres questions feront l’objet de discussions durant un mois pour trouver des solutions.
Aucune période précise n’a donc été déterminée ?
Non, la période court à partir de la rencontre du 12 février. Pour les arriérés, le plus important était d’établir un chronogramme clair, accepté par les deux parties. Si l’on nous demande de le faire, cela veut dire que les arriérés seront pris en compte. Or le ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative affirmait que l’Etat n’avait pas les moyens de penser aux arriérés.
Quelle va être la suite des évènements ?
Nos camarades sont mobilisés sur le terrain. Tout le monde attend des négociations sincères. Mais s’il y a un couac, l’action syndicale va prendre le relais. Nous avons fait beaucoup de concessions depuis 9 mois. Nous ne sommes pas des va-t-en-guerre. Nous souhaitons que le gouvernement ne nous ramène pas à cette situation de grève.
Si votre grève est légale, pourquoi avez-vous présenté des excuses à votre ministre de tutelle ?
Après une sortie de crise, il est toujours bon de normaliser les relations. Depuis que nous sommes syndicalistes, chaque fois que nous menons une action d’envergure, les ministres de tutelle pensent que nous dirigeons une action contre eux. Il était donc bon pour nous, avant d’aller à la primature, de rencontrer la tutelle, parler le même langage. A cette occasion, nous avons dit à la ministre de la Santé et de la Lutte contre le Sida, Raymonde Goudou Coffie, que s’il y a eu des impairs dans la gestion de la grève, qu’elle comprenne que c’est dans la conduite de notre mouvement et non pour braver son autorité. Donc si l’action a été mal comprise, nous lui présentons nos excuses.
Quelles ont été les conséquences de ce débrayage ?
Il faut signaler que partout, l’autorité se préoccupait de savoir si le service minimum était assuré plutôt que de chercher à résoudre le problème. Il est vrai que la population en a souffert. Mais quand nous faisons nos activités, personne ne vient faire de décompte macabre, pourquoi lorsque nous sommes en grève, on nous demande s’il y a des morts. Notre rôle, aujourd’hui, est de faire en sorte qu’il y ait moins de morts dans nos établissements hospitaliers. S’il y en a eu, néanmoins, je ne crois pas que ce soit à l’hôpital. Il faut savoir que pendant la période de grève, tous les cas d’urgence ont été pris en charge immédiatement.
Pourquoi une grève maintenant, quand on sait la situation difficile de la Côte d’Ivoire qui sort de crise ?
Des engagements ont été pris par l’Etat ivoirien. Nous aussi, nous souffrons. Parce que le médecin touche 173 000 F Cfa par mois. Avec ce salaire, on ne peut pas nous demander d’être souriants. C’est parce que nous sortons de crise que nous demandons au gouvernement d’y aller pas à pas. Par exemple, nous ne revendiquons pas systématiquement le payement de nos arriérés qui se chiffrent individuellement pour les médecins, à 3 000 000 F Cfa, pour les infirmiers spécialistes à 1 200 000 F Cfa, les non spécialistes à 960 000 F Cfa et les aides-soignants à 720 000 F Cfa. Nous savons que l’Etat n’a pas les moyens de payer ces sommes maintenant. Nous avons donc proposé d’établir un chronogramme. Mais pour ce qui est des indices devant nous accompagner à la retraite, c’est maintenant qu’il faut les relever. Il est inconcevable que le cadre supérieur du ministère de la Santé et de la Lutte contre le Sida n’ait qu’un indice de 745 alors qu’ailleurs, dans le même secteur, quelqu’un qui a le niveau le plus bas est à 880. Voici le drame aujourd’hui.
Si les indices sont pris en compte, le secteur retrouvera son calme. Nous savons qu’il y a des difficultés, raison pour laquelle nous ne sommes pas gourmands dans les négociations.
Ce sont les mêmes problèmes depuis 2009 qui perdurent. Si la santé est aussi importante, pourquoi ne pas prendre les décisions idoines pour apaiser cette fronde sociale ? Pourquoi attendre qu’il y ait du grabuge ? Anticipons tous. Trouvons des solutions, surtout que le Président a décrété cette année 2013, année de la santé, il n’y a donc pas de raison que le minimum ne puisse pas se faire. Pour que, la main dans la main, nous puissions conduire le système de santé à bon port en pensant à la motivation du personnel qui va animer toutes les infrastructures de santé qui seront mises en place.
En définitive, qu’attendez-vous du gouvernement et de la population?
Nous exprimons notre gratitude au Premier ministre qui a bien voulu se saisir de ce dossier pour engager des discussions sincères avec la coordination. Nous souhaitons qu’il aille jusqu’au bout des choses avec des résultats probants pour apaiser durablement le front social au niveau de la santé. Nous disons aussi aux populations de faire confiance au personnel de santé. Nous sommes toujours là pour elles, personne ne viendra les prendre en charge. Il est donc important que lorsque nous crions nos difficultés, elles puissent comprendre. Les agents de santé, dans le système de fonctionnariat, sont lésés dans le traitement financier, ce qui nous irrite souvent. Nous ne comprenons pas que nous qui sommes au début et à la fin de la vie d’un homme, soyons malmenés par l’Etat ivoirien, lorsque nous demandons le minimum. En direction de nos camarades militants, il faut qu’ils demeurent mobilisés et à l’écoute du directoire. Si nous n’avons pas les résultats escomptés, nous utilisons l’action syndicale. 

Interview réalisée par Marie Chantal Obindé

(*) – Le Dr Ernest Atté Boka est le porte-parole de la coordination des 14 syndicats de la santé.

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Source : Fraternité-Matin 27/02/2013

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