jeudi 7 mars 2013

« Il y a des réalités locales qui ne nécessitent pas un engagement militant. »

Interview de Kabran Appiah, président du Mouvement alternative citoyenne (Mnc). 

Kabran Appiah, D. Boni-Claverie et Théodore Mel (de G à D)
Ancien militant vedette du PIT où il passait même pour un fils spirituel de son fondateur et président Francis Wodié, Kabran Appiah avait quitté ce parti pour …des raisons mystérieuses, et s’était rapproché du FPI, ou plutôt du président Laurent Gbagbo dont, jusqu’au 11 avril 2011, il était apparemment l’un des fidèles. Cette interview nous le montre sous les traits d’un fieffé opportuniste, doublé d’un arriviste sans principes ; ce qu’il est depuis toujours sans doute, même s’il avait l’art de le dissimuler sous les masques contradictoires de ses fidélités successives.
Le Cercle Victor Biaka Boda - La Rédaction
 

Des partis d’opposition dont le Mouvement alternative citoyenne prendront part aux élections municipales et régionales. A laquelle des élections êtes-vous personnellement candidat ?
Je suis candidat aux municipales à Abengourou. Je conduis une liste indépendante en personne, mais pas au titre de mon parti.  

Quelle est la différence ?
La différence est que le parti ne parraine pas ma candidature. Le vice-président du Mnc, Yapo Yapi (maire sortant, ndlr) conduit aussi une liste indépendante à Yakassé-Attobrou. Un groupe de militants du parti sont inscrits sur des listes indépendantes à Tanda. Nous avons une liste Mnc en cours de dépôt à Transua. C’est la seule liste que nous avons en dépôt au titre du parti.  

Pourquoi si peu de candidatures ?
C’est ce que nous pouvons faire avec les moyens que nous avons. Nous avions une vingtaine de candidatures annoncées, mais nous avons dû les supprimer, parce que nous n’avons pas les moyens de les financer. Les deux premiers dirigeants (le président et le vice-président, ndlr) de notre formation politique se sont rabattus sur des listes indépendantes sur lesquelles ils sont des têtes de liste.  

Y a-t-il des raisons particulières à ce choix ?
Ces élections sont locales ; il y a donc des réalités locales qui ne nécessitent pas un engagement militant. 

N’est-ce pas plutôt une mesure de prudence que de présenter des candidats indépendants et d’autres parrainés par le parti ? 
Non, c’est une mesure que nous impose la réalité du terrain. Le Mnc n’a pas les moyens d’aller seul à des élections à Abengourou et de les gagner. Il est donc associé à des militants d’autres partis, mais sur une liste indépendante. On aurait pu réclamer chacun le parrainage de leur parti, mais on ne l’a pas fait. Pour nous, le plus important est que l’enjeu n’est pas politique. Là où l’enjeu est politique, et que nous avons pu financer, c’est à Transua. 

A quoi faites-vous allusion concrètement, quand vous parlez de réalité du terrain?
La réalité du terrain est liée à l’absence de financement, au délabrement, à la situation des nombreux cadres qui ont perdu leurs revenus et dont les maisons ont été pillées. Il y en a qui ont peur… Tout cela nous amène à avoir un profil très bas. 

A Abengourou, vous êtes alliés à quels partis politiques ?
Ils sont de tous les bords politiques. Ils sont issus du Pdci, du Rdr, du Fpi… Mais ils ne sont pas inscrits sur les listes en tant que des militants. Ils sont inscrits en tant qu’habitants de la ville ; parce que c’est en citoyen que nous allons conquérir la ville d’Abengourou. 

Vous résidez à Abidjan où vous êtes très souvent. Vous auriez pu y briguer une mairie. Pourquoi avoir choisi la commune d’Abengourou ?
Ces élections sont locales. Puisque je suis chez moi, à Abengourou, j’ai préféré me présenter là-bas. J’aurai pu me présenter à Cocody, puisque je réside dans cette commune. 

Des partis membres du Cpd ont décidé de ne pas aller à ces élections. N’est-ce pas dommage, quand on sait qu’à l’origine, ils avaient donné l’assurance d’y participer ?
C’est dommage pour tout le monde ; leurs positions sont fondées. Je ne critique même pas leur option. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous avons opté pour une participation libre. Ils ne sont pas en contradiction avec nous. Nous avons dit que chaque parti est libre d’aller aux élections en son âme et conscience. Nous, nous avons préféré ne pas laisser le terrain vacant. Mais nous comprenons parfaitement leurs critiques et leurs décisions, puisque nous n’avons rien eu pratiquement. 

Qu’entendez-vous par « nous n’avons rien eu pratiquement » ?
Vous vous imaginez que le gouvernement ne nous a donné que vingt millions de francs pour des élections nationales. Combien de régions et de communes peut-on financer avec une telle somme ?  

Vous semblez dire que l’enveloppe n’est pas suffisante, pourtant vous l’avez acceptée. Pourquoi ?
On ne fait pas ce qu’on veut en politique. La politique est l’art du raisonnable. Les élections auxquelles je me suis engagé sont d’abord locales. Donc j’ai un engagement d’abord de citoyen d’Abengourou, de l’Indénié. Quand mes concitoyens m’ont demandé de diriger cette liste, ce n’est pas pour des raisons politiques. Ceux qui me l’ont demandé ne sont même pas du Mnc, ce sont mes concitoyens qui m’ont appelé en tant que cadre de la région et qui m’ont demandé de venir les aider à sauver Abengourou. C’est donc une motivation qui n’est pas du tout politique. 

A vous écouter, le Mnc n’a pas d’appréhension sur les prochaines élections !
La politique de la chaise vide n’est pas une option qui nous a beaucoup rendu service. Il sera temps d’en discuter. Mais cela ne veut pas dire que nous sommes d’accord avec les conditions dans lesquelles les élections se tiennent. Ces choses continuent d’être discutées. Les vraies élections, ce sont les législatives et les présidentielles de 2015. Celles-là (les toutes prochaines, ndlr) sont alternatives. Nous espérons qu’elles nous ouvrirons de vraies alternatives politiques. Si elles sont bloquées et caporalisées comme les précédentes, cela veut dire que les élections ne servent à rien dans ce pays. Et tout le monde pourra en tirer les conséquences.  

Quelle est votre conviction intime concernant ces échéances électorales ?
Nous faisons confiance à la capacité des Ivoiriens à comprendre que la démocratie est un exutoire. Nous sommes des démocrates ; et quand on est un démocrate, on croit que la démocratie peut aider à trouver une porte de sortie pour nos contradictions. C’est pour cette raison que nous avons toujours combattu toutes les solutions militaires qui n’ont aucun sens. Je n’ai aucun respect et aucune excuse à la rébellion, parce que rien ne justifie de prendre les armes pour faire valoir un point de vue politique. 

Comment expliquez-vous alors que des politiques qui disent être démocrates s’abstiennent, par exemple, à prendre part à des élections, moyen par lequel ils peuvent obtenir des changements qu’ils réclament ?
Ils n’ont pas décidé au hasard de ne pas y aller. Ils considèrent que les conditions d’organisation de ces élections ne sont pas réunies. On ne peut pas aller à une réunion ou à une compétition qui ne sert à rien. Si c’est le cas, on analyse et on observe. S’il ne sert à rien d’y aller, alors ce n’est pas la peine de perdre le temps. Je prends un exemple : On donne vingt millions de francs à nous qui avons décidé d’aller aux élections. Je ne vais pas aller saupoudrer en donnant un million à chacun pour avoir vingt candidatures. Ce serait juste pour témoigner ou pour dire que nous sommes présents. Cela n’a aucun sens. Nous avons financé les seuls endroits où nous sommes sûrs de gagner. Maintenant, si notre analyse est que – et ce cas peut arriver – dans cinq ans, les élections ne servent à rien, alors nous n’irons pas aux élections.  

Alors quel jugement portez-vous sur les décisions prises par les uns et les autres de ne pas aller aux élections ?
Une décision ne doit pas être d’émotion, mais de raison. Il ne faut jamais agir par émotion en politique. Une situation peut plaire ou ne pas plaire. Mais quand le terrain indique une orientation, il faut la suivre. 

Est-ce à croire que la recomposition de la Cei, le statut et le financement de l’opposition que réclament d’autres opposants ne sont pas des conditions à votre participation aux élections ?
Il n’y a personne qui dit des choses différentes dans l’opposition. La libération des prisonniers, la recomposition de la CEI… tout le monde dit la même chose. 

Pour vous, la priorité est ailleurs ?
Ce n’est pas une affaire de priorité, c’est une affaire de réalité. Aujourd’hui, est-ce qu’on a même des priorités ? La réalité commande certaines choses. Soit on est un parti ou on n’en est pas un. C’est pourquoi nous ne faisons pas comme les autres qui traitent leurs camarades de traîtres. Chaque position peut se comprendre ; il suffit d’être attentif. Maintenant, quand on dit qu’il n’y a pas d’explications recevables, il faut en discuter. Alors, je comprends ceux qui disent qu’ils ne vont pas aux élections ; de cette même manière, ils doivent comprendre que moi je vais aux élections.  

Qu’elles sont vos conditions auxquelles le gouvernement a donné une suite favorable pour que vous soyez aussi déterminé à aller à ces élections ?
Le gouvernement n’a fait aucune concession sérieuse. Tout est sur la table, il n’y a aucun mystère. Le gouvernement nous a donné vingt millions pour aller aux élections. Pas au seul Mnc, il l’a donné potentiellement à tous les partis qui voulaient aller aux élections. Certains ont dit qu’ils ne prennent pas cet argent parce qu’ils ne vont pas aux élections. D’autres l’ont pris parce qu’ils ont décidé d’aller aux élections. Moi, je l’ai pris au nom du Mnc, et nous allons aux élections dans des conditions minimales que j’ai expliquées plus haut. 

Quelle analyse faites-vous des élections?
Ces élections sont la fin du cycle du désordre et de la cupidité politique. Les vainqueurs doivent savoir avoir raison. La démocratie a une fonction détersive, c’est-à-dire qu’elle absorbe les contradictions de la société en offrant un exutoire à toutes les réclamations et à toutes les revendications. Pourquoi aller à la violence si on a la possibilité de combattre son adversaire par des moyens autres que les violences ? Donc, l’antiviolence, le meilleur réconciliateur, c’est la démocratie. J’appelle solennellement le pouvoir à considérer cela.

Réalisée par Bidi Ignace
Titre original : Kabran Appiah : « Pourquoi j’ai pris l’argent du gouvernement. »  

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Source : Nord-Sud 07 mars 2013

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