L'ami de mes ennemis... |
«La
communauté internationale nous oblige à négocier sur notre sol avec des gens
qui ont pris des armes contre l'Etat», s'est insurgé le président malien,
présent à Paris pour le sommet de l'Elysée sur la paix et la sécurité en
Afrique qui s'ouvre vendredi.
Dans une interview au
journal «Le Monde» daté du 5 décembre, il n'a pas mâché ses mots à l'égard de
la «communauté internationale», et donc principalement de la France, intervenue
il y a près d'un an au Mali pour chasser les groupes armés qui occupaient le
Nord du pays et aider à la restauration de l'intégrité territoriale.
«La communauté internationale nous oblige à négocier sur notre
sol avec des gens qui ont pris des armes contre l'Etat», s'est insurgé le
président malien, présent à Paris pour le sommet de l'Elysée sur la paix et la
sécurité en Afrique qui s'ouvre vendredi. «Dans
quelle commedia dell'arte sommes-nous ?» a-t-il lancé en faisant référence
à la situation de Kidal, dans le nord-est du pays, qui échappe toujours au
contrôle de l'Etat malien.
Des Maliens, «qui avaient applaudi l'intervention française,
s'interrogent»
Fief de la rébellion
touareg du MNLA (Mouvement national de libération de l'Azawad), Kidal, où les
deux journalistes de RFI ont été enlevés avant d'être tués, est aujourd'hui une
zone de non droit, en proie à l'anarchie et aux rivalités de groupes armés, en
dépit de la présence de quelque 350 soldats français et environ 200 militaires
de la Minusma, la force de l'Onu au Mali. Ces troupes «ont vocation à aider le Mali à recouvrer son intégrité territoriale et
sa souveraineté», a souligné IBK. Si cela a été le cas à Gao et Tombouctou,
les deux autres grandes villes du nord, «Kidal
a été une exception» et «l'armée
malienne a été empêchée de retourner à Kidal», a-t-il poursuivi, démentant
que les soldats maliens soient «une armée de soudards» qui, une fois sur place,
«se mettraient à massacrer tout le monde».
De fait, craignant les
représailles de l'armée malienne contre les populations touareg, Paris n'a
jamais facilité le retour à Kidal des troupes de Bamako, dont 200 éléments
restent cantonnés dans la zone. Aujourd'hui, les Maliens, «qui avaient applaudi l'intervention française au début de l'année,
s'interrogent», a mis en garde le président. Il reconnaît cependant que «la France agit en conformité avec sa
vocation, sans aucune forme de paternalisme inacceptable, ni de néocolonialisme
qui n'auraient aucune chance de prospérer aujourd'hui».
Un anthropologue : «La France mise devant ses responsabilités»
Paris est effectivement
en porte-à-faux, souligne l'historien Pierre Boilley, spécialiste de la région.
Vis-à-vis des Touareg, avec qui elle entretient des relations de longue date,
et qui exercent parfois une fascination irrationnelle. Et vis-à-vis de Bamako,
qui pour la première fois élève la voix de façon aussi nette.
«Cela fait longtemps que la France travaille avec les
combattants du MNLA. Avant même l'intervention Serval, les services français avaient
des liens avec de précédents mouvements armés touareg. Tout le monde sait qu'il
y a eu des contacts et des collaborations effectives sur le terrain, avant et
pendant Serval, mais l'armée française passe cela sous silence», juge l'historien qui
estime que le MNLA en conçoit quelque «amertume» A Kidal, «les Français peuvent difficilement désarmer la rébellion ou tirer sur
le MNLA, qui non seulement les a aidés, mais peut aussi entamer une guérilla
qui viendra encore compliquer le problème», ajoute-t-il.
Pour André Bourgeot,
anthropologue au CNRS spécialiste des Touareg, les déclarations du président
malien «mettent la France devant ses
responsabilités». Depuis l'arrivée à Kidal des troupes françaises fin
janvier 2013, et la réinstallation du MNLA dans cette ville, Paris a
constamment esquivé les critiques ou interrogations sur ses liens ou sa
passivité supposée vis à vis de la rébellion touareg.
Le Parisien.fr avec
l'AFP
Source : Fraternité
Matin 05 décembre 2013
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