vendredi 27 décembre 2013

24 Décembre 1999 : de la mutinerie au coup d’Etat… Observations d’un ancien ambassadeur de France en Côte d’Ivoire.

L'image d'une Côte d'Ivoire stable, prospère, fraternelle – celle d'Houphouët-Boigny – est
Le général putschiste Guéi annonçant à la radio
la destitution du président H. Konan Bédié
le 24 décembre 1999
aujourd'hui brisée. Depuis le 24 décembre 1999, date de la prise de pouvoir par des militaires mutinés, la Côte d'Ivoire est entrée dans la zone des tempêtes, des affrontements et des incertitudes. Elle a désormais pris place parmi les pays à risques c'est-à-dire parmi les pays à putsch.
Fin 1999, un monôme de soldats s'est transformé en quelques heures en mutinerie. Tout aussi rapidement, la mutinerie est devenue coup d'Etat militaire. Rien ni personne n'a opposé de résistance à quelques dizaines de soldats en colère réclamant une prime qui leur était due par un gouvernement sans le sou. En un instant a sombré un régime qui certes avait ses insuffisances mais restait démocratique.
Au président Bédié a donc succédé un putschiste qui a immédiatement obtenu la collaboration de deux opposants, le chef historique du FPI Laurent Gbagbo et le leader du RDR Alassane Ouattara. Comme on pouvait s'y attendre, la lutte a été sévère entre les trois hommes. Au printemps, les deux premiers ont éliminé le troisième du gouvernement, ce qu'ils ont renouvelé quelques mois plus tard lors de l'élection présidentielle, en raison d'une « nationalité douteuse ». Enfin le second a coiffé le premier au poteau, remportant l'élection présidentielle tronquée du 22 octobre. Les violences qui ont suivi, un président dévalué et des élections législatives bâclées n'annoncent cependant pas des lendemains radieux pour la Côte d'Ivoire.

Un pays fragile dans la tourmente

Aux funérailles imposantes du président Houphouët-Boigny le 7 février 1994, beaucoup pressentaient que la succession serait difficile dans un pays plus fragile qu'il n'y paraissait. Le « succès ivoirien » dissimulait mal les nombreuses fragilités de la société et de l'économie. En fond de tableau, les mêmes problèmes qu'ailleurs sur le continent : l'explosion démographique, l'effondrement des niveaux scolaires et universitaires, la corruption, l'accroissement des inégalités. S'y ajoutaient – spécificités ivoiriennes – les effets négatifs d'une immigration désordonnée (près de 40% d'étrangers), la modification des équilibres religieux, la pression sur la forêt et les terres mais également les aléas du marché international et un très lourd endettement.
C'est la conjonction des effets de plusieurs de ces fragilités qui est à l'origine de la fracture de décembre 1999.
Depuis l'indépendance, la Côte d'Ivoire a vécu en permanence sous une épée de Damoclès : le marché. Avoir fondé une économie sur l'agriculture d'exportation a placé le pays à la merci des prix des produits de base (cacao, 40% de la production mondiale, café, huile de palme, coton, bananes, ananas et latex). L'effondrement des cours dans les années 1980 a assombri les derniers temps de la présidence d'Houphouët-Boigny. Leur redressement entre 1994 et 1998 a permis le succès de la dévaluation du CFA et une croissance satisfaisante de près de 6,5% par an. Leur extrême faiblesse depuis deux ans a étranglé le pays : appauvrissement des campagnes, réduction de l'activité industrielle, forte baisse des recettes fiscales.

La responsabilité des institutions internationales

La situation aurait été moins catastrophique si la Côte d'Ivoire n'avait pas été prise en tenailles par les institutions financières internationales. Sous l'injonction de la Banque mondiale, a été supprimée en 1999 la Caistab (Caisse de stabilisation) qui encadrait depuis les années 1950 la culture du café et du cacao, ce qui a eu pour effet de bouleverser le marché d'une manière négative. On pouvait reprocher beaucoup de choses à la Caistab et notamment son manque de transparence. Il ne faut pas oublier cependant qu'en encadrant les paysans, elle a fait passer la production de 80 000 tonnes de fèves en 1960 à 1,2 millions de tonnes en 1999, production sans doute excessive au demeurant, vu l'état de dépendance dans lequel elle plaçait le pays.
Pendant que s'écroulaient les recettes d'exportation du pays, les relations se sont dégradées avec les bailleurs de fonds. Motif essentiel invoqué : une lutte insuffisante contre la corruption. Avec Bruxelles, les ponts ont été coupés à la suite d'importants détournements au ministère de la Santé. Avec la Banque et le FMI, les rapports étaient devenus peu à peu exécrables et il en était résulté la suspension des prêts d'ajustement structurel au printemps 1999.
Tout ceci s'est naturellement révélé catastrophique. Au prix d'acrobaties financières et en raclant les fonds de tiroirs, les échéances ont pu être honorées jusqu’à la fin de l'année 1999, mais au sens strict il n'y avait plus un sou dans les caisses de la Côte d'Ivoire à la veille du putsch.
L'origine de la crise est bien là : l'Etat s'est trouvé dans l'incapacité de régler une prime due à des militaires. Ceux-ci appartenaient à une armée qui jusqu'alors ne comptait pas. L'absence d'une défense nationale digne de ce nom, il est vrai, constituait une autre des faiblesses du pays. Le Président Houphouët-Boigny avait pour doctrine militaire une formule aussi simple que définitive : « un franc consacré à l'armement est un franc volé au développement ». De ce fait, la Côte d'Ivoire n'a acheté ni chars ni canons et ses militaires ont été réduits à la portion congrue. D'où une armée peu nombreuse, mal équipée, peu occupée, rarement entraînée, avec un personnel vieilli et peu considéré. On peut ajouter qu'elle avait été fissurée par deux mutineries en 1990 et 1992.
De son côté, la gendarmerie était de meilleure qualité, un peu mieux dotée et encadrée et elle avait été en mesure de maintenir l'ordre de manière correcte lors des troubles électoraux de 1995. Il faut également rappeler que ces deux « corps habillés » étaient multi-ethniques et qu'ainsi le président Henri Konan Bédié ne disposait pas, comme dans d'autre pays africains, d'une force qui lui aurait été personnellement dévouée.
Conscient de l'insuffisance de son outil de défense, le gouvernement Bédié avait pris quelques initiatives et c'est finalement l'une d'entre elles qui s'est retournée contre lui. Il avait en effet accepté – novation importante – de faire participer l'armée aux opérations de maintien de la paix en Afrique et c'est au retour de Centrafrique que les hommes ont exigé la prime promise (10 000 FF). Ne l'ayant pas obtenue en totalité la veille de Noël, ils se sont mutinés et ont mis à leur tête l'ancien chef d'Etat-major, le général Robert Guéi, qui a transformé leur mouvement en putsch. 

Une démocratie débutante à l'épreuve

D'une chiquenaude, le général Guéi a destitué le Président comme le gouvernement. Il a également aboli la Constitution, dissout l'Assemblée Nationale et la Cour Suprême. Il n'a pas rencontré d'opposition, absence de réaction qui témoigne du manque de solidité et d'enracinement d'un régime démocratique dans le pays.
De 1960 à 1990, la Côte d'Ivoire avait vécu sous un régime unanimiste et paternel, dont le souci affiché était de rassembler une population divisée en 60 ethnies et 4 religions principales. Le Président, lui-même d'ethnie baoulé, était élu depuis  1946 avec le soutien du nord Senoufo, ce qui assurait l'union entre le sud et le nord du pays.
En 1990, sous la pression de troubles intérieurs et des bailleurs de fonds, la Côte d'Ivoire a lancé le multipartisme mais a escamoté l'étape de la Conférence nationale, créant ainsi une frustration à gauche. L'opposition menée par Laurent Gbagbo obtint 18% des voix à l'élection présidentielle et une dizaine de députés à l'élection législative.
Le président se résolut finalement à nommer Alassane Ouattara comme Premier ministre. Les raisons de ce choix furent multiples, la compétence de ce dernier se doublant d'une vraisemblable intrigue de sérail. Cette nomination tenait aussi au fait que la nationalité de M. Ouattara, élément qui indifférait à Houphouët-Boigny, ne lui permettait pas d'intervenir dans la succession organisée par l'article 11 de la Constitution, qui désignait le président de l'Assemblée Nationale. Ce dernier se trouvait être, depuis 1980, Henri Konan Bédié.
Les choses ne se sont pas déroulées comme souhaitées parce que M. Ouattara a trouvé dans la personne de Philippe Yacé l'allié qui lui était indispensable. Longtemps second et dauphin, Yacé ne s'était jamais consolé d'avoir été évincé en 1980 de la succession, au profit de Bédié. Il a donc donné son accord aux événements de 1993, où le duo a tenté de contourner l'article 11, au profit d'Alassane Ouattara. Ouattara pensait que Yacé lui apporterait la caution du Sud qui lui manquait. Son erreur politique était de ne pas avoir vu que la notoriété de son allié ne dépassait plus les limites de sa région de Jacqueville. La manœuvre, comme on le sait, échoua, en partie grâce à la solidarité des proches de Bédié et à l'appui des pays étrangers.

Tensions politiques et « ivoirité »

Une fois au pouvoir, le nouveau chef de l'Etat, qui héritait des structures ankylosées du PDCI (ex-parti unique), devait surveiller trois adversaires : Laurent Gbagbo, chef d'un parti classique d'opposition bien implanté dans le centre ouest Bété (Gagnoa), et qui trouvait de nombreux électeurs dans la petite bourgeoisie urbaine et administrative, l'ex-Premier ministre Alassane Ouattara, qui s'appuyait de plus en plus ouvertement sur la région nord et l'ethnie dioula, et enfin le général Robert Guéi. Ce dernier, chef d'Etat-Major, avait adopté une attitude équivoque au moment du décès de l'ancien Président. Il avait en effet refusé « d'arbitrer entre deux politiciens » et à plusieurs reprises avait fait savoir que l'armée ivoirienne n'avait pas vocation à participer au maintien de l'ordre, notamment électoral.
C'est la conjonction de ces trois oppositions, unies un court instant à la fin de 1999, qui a finalement eu raison du Président Bédié.
Au cours de six dernières années, le débat politique a été dominé par deux thèmes : l'ivoirité d'une part, l'affaire Ouattara de l'autre. Il ne faut pas s'y tromper : « l'ivoirité » vient de l'opposition FPI. Cette notion est en effet liée au droit de vote qu'Houphouët-Boigny avait maintenu pour les Africains originaires de l'ancienne AOF, et qui représentaient 28% du corps électoral. Estimant que cette situation privait le FPI de la majorité, Laurent Gbagbo a fait inlassablement campagne pour la suppression de ce droit de vote, à ceux qu'il qualifiait en son temps de « bétail électoral du PDCI » et qui, selon lui, devait être réservé à ceux qui bénéficiaient de « l'ivoirité ».
L'affaire Ouattara est en partie liée à celle de l'ivoirité. Quelle est donc la nationalité d'Alassane Ouattara ? La réponse est assez simple : issu d'une famille frontalière, il est né en Côte d'Ivoire et aurait pu être Ivoirien, comme l'est son frère aîné Gaoussou Ouattara, député-maire de Kong. Mais leur père s'étant retiré au Burkina Faso, le jeune Alassane a grandi dans ce pays, dont il a choisi la nationalité (ce qui était son droit le plus strict). Il aurait naturellement pu retrouver la nationalité ivoirienne, soit par la procédure de réintégration, soit par celle de la naturalisation. Cette démarche, au demeurant, aurait été plus simple que l'acharnement mis à tenter de faire admettre une « nationalité douteuse ».
En tout état de cause, la nationalité de Ouattara ne faisait aucun doute pour le FPI, qui pendant trois ans a attaqué quotidiennement « le Burkinabé qui nous gouverne ». Ouattara n'a d'ailleurs pas hésité à mettre sous les verrous Gbagbo et quelques-uns de ses amis. On comprend pourquoi l'alliance tactique entre le RDR, le parti de Ouattara et le FPI en décembre 1999 n'avait pas la solidité du béton. Et pourquoi Gbagbo et Ouattara étaient en fait deux adversaires politiques irréconciliables.
L'affaire Ouattara a considérablement brouillé et terni l'image du régime Bédié. Au prix d'une intense campagne médiatique, Ouattara a réussi à faire croire que c'était par crainte de se faire battre dans les urnes que le président Bédié voulait, en invoquant un faux problème de nationalité, interdire à son « principal opposant » de se présentée à l'élection présidentielle. En réalité, les raisons qui l'ont amené à barrer la route à Ouattara sont surtout de nature politique. Bédié ne souhaitait pas que se constitue autour de Ouattara un parti régional, ethnique et religieux, estimant qu'un tel développement provoquerait une déchirure durable du tissu national. 

Le précédent de 1995

En dépit de leurs inimitiés, les trois opposants, Guéi, Gbagbo et Ouattara, se sont unis pour aborder l'élection présidentielle d'octobre 1995 sous la forme du « boycott actif ». L'idée de la manœuvre n'était pas de mettre le pays à feu et à sang mais simplement de provoquer suffisamment de désordres dans la rue pour déborder les forces de sécurité, dont on connaissait les insuffisances en nombre et en équipements. Devant l'impossibilité pour les autorités de maintenir le calme, le général Guéi aurait pris le pouvoir pour « rétablir la démocratie ». La « bande des trois » espérait ainsi désarticuler le « vieux et glorieux PDCI », ouvrir le jeu politique et peut-être même conquérir le pouvoir.
C'est ce qui ne s'est pas produit en 1995, par la faute des électeurs qui ne sont pas descendus dans la rue, qui est advenu à la fin de 1999 à la suite d'une mutinerie alimentaire...

Oublier le général calamiteux

Porté au pouvoir, le 24 décembre 1999, par les fameux « jeunes gens », le général Guéi, c'est le moins que l'on puisse dire, n'a pas fait d'étincelles.
Son absence de sens politique s'est même révélée prodigieuse. Il n'a pas compris qu'en remettant, comme il s'était engagé à le faire, la démocratie sur les rails, par l'organisation d'élections incontestables, il aurait été lui-même installé dans le rôle du sage, de l'arbitre, du sauveur. Lui seul en outre avait sans doute la faculté de réintroduire Ouattara dans le jeu politique, en rassurant ceux à qui cette candidature faisait peur, ce qui est le fond du problème.
N'ayant pas été capable de résister à la tentation présidentielle, il est sévèrement battu par Gbagbo et se déconsidère définitivement en refusant de reconnaître son échec. Chassé par la rue, caché dans la lagune, il finit par se retirer dans son village après s'être en apparence réconcilié avec le nouveau président. Ce dernier épisode ne constitue pas une palinodie supplémentaire, il doit être interprété comme la reconnaissance par Gbagbo de leur ancienne complicité et des services rendus, parfois bien involontairement, sur le chemin du pouvoir.
La conduite des affaires par le gouvernement, auquel se sont associés sans états d'âme le RDR jusqu'au printemps et le FPI jusqu'au dernier jour, n'a fait ni miracles ni merveilles. Comme on le sait, le cours du cacao et celui des autres matières premières n'ont pas progressé. L'activité économique a chuté considérablement, les investissements ont été stoppés, les capitaux ont pris la fuite. Et sans surprise les bailleurs de fonds n'ont pas renoué avec Abidjan. 

Reconstruction d'une démocratie douteuse

Les conditions dans lesquelles Laurent Gbagbo et son parti le FPI ont accédé au pouvoir sont, pour utiliser un euphémisme, « démocratiquement incorrectes ». Pour ce parti minoritaire, le putsch de Guéi a constitué une « divine surprise ». Sans s'embarrasser de vains scrupules, il a su utiliser, avec intelligence, des circonstances qu'il n'avait pas créées pour parvenir à ses fins.
Gbagbo avait instantanément accepté de faire participer son parti au gouvernement Guéi, se contentant de quelques assurances verbales sur la « remise en ordre » et le « retour à la démocratie ». La lutte entre les trois opposants d'Houphouët ne tarda pas à s'engager : elle  fut parfois feutrée mais toujours sans pitié et sans compromis, Gbagbo utilisant progressivement Guéi pour éliminer ses deux concurrents, le PDCI et le RDR. Le jour de l'élection restaient face à face un militaire imbu de sa personne (qui ne daigna, ou n'osa, pas faire campagne) et un politicien chevronné : le combat, rétrospectivement, était bien inégal. Le second l'a emporté facilement sur le premier bien qu'une mobilisation populaire ait été nécessaire pour faire céder Guéi.
Quoi qu'il en soit l'élection était tronquée et Laurent Gbagbo a été et restera mal élu. Pour couronner le tout, le RDR, indigné d'avoir été interdit de candidat, est descendu dans la rue et a été sévèrement réprimé par des forces de l'ordre mal commandées. Plusieurs pays et organisations internationales comme l'Onu et l'OUA ont émis des réserves sur la validité de l'élection mais se sont rapidement résignés. La France pour sa part, où Gbagbo dispose de solides amitiés au Parti socialiste, a accepté sans enthousiasme le résultat de cette élection présidentielle pour le moins chaotique.
Une fois élu, Gbagbo a voulu battre le fer encore chaud et en dépit de nombreux avis – français et américain notamment – a maintenu au 10 décembre la date des élections législatives. Il n'a pas voulu donner au PDCI le temps de reprendre son souffle, ni au RDR la possibilité de présenter Ouattara à Kong. Le RDR est une nouvelle fois descendu dans la rue pour un autre affrontement meurtrier et ses partisans se sont dangereusement agités dans le Nord.
Cette précipitation a payé : le FPI avec 91 sièges est majoritaire, sans atteindre toutefois la majorité absolue. Le PDCI en dépit d'une très forte abstention a fait élire 70 députés, il y a 16 indépendants et 32 sièges des circonscriptions du Nord sont non pourvus. 

Relancer un pays en panne

Laurent Gbagbo est au pouvoir, certes, mais il y est parvenu dans les pires conditions. Il va devoir faire face à une série de situations délicates sans bénéficier ni « d'état de grâce » ni de l'autorité du bien élu et sans disposer de marges financières. Une partie du pays est en état de sécession verbale. Les électeurs du PDCI se sont abstenus en masse et auront du mal à accepter l'autorité de l'ancien adversaire d'Houphouët-Boigny et les immigrés (40% de la population) se demandent s'ils ont toujours un protecteur. A cela s'ajoute que l'ancien opposant n'a pas été avare de promesses, comme celle de revenir à un prix garanti pour le café et le cacao, dispositif dont on connaît les obstacles techniques et financiers.
Les forces armées devraient constituer une autre source de préoccupation : le chef de l'Etat ne pourra que difficilement leur faire les cadeaux qu'ils attendent. Certains ont pu avancer que la dernière expérience leur servira de leçon. Rien n'est moins sûr de la part d'hommes mal encadrés et tentés par la dérive ethniste. La brutalité avec laquelle les partisans de Ouattara ont été réprimés montre à quel point les forces armées (y compris la gendarmerie), ont besoin d'une sérieuse reprise en main.
Autre volet essentiel pour la remise en route économique du pays : l'avenir des relations avec les bailleurs de fonds. Il y a certes fort à parier que Paris n'abandonnera pas Abidjan. Mais les institutions internationales suivront-elles ?
Les enseignements de cette année folle en Côte d'Ivoire sont nombreux et ne manquent pas d'intérêt. On sait désormais :
• que les hommes du rang d'une armée faible sont aussi dangereux que les colonels d'une armée forte ;
• qu'un putsch improvisé propose un programme minimum : une augmentation des soldes, une lutte contre la corruption qui au demeurant a toutes les chances d'augmenter, le retour à la démocratie que l'on vient d'abattre ;
• que la majorité des Ivoiriens considère Alassane Ouattara comme l'incarnation d'une menace, celle de la prise du pouvoir par les étrangers ;
• que la Côte d'Ivoire a été victime à la fois de son rapport malsain avec l'argent public et de l'intransigeance des institutions financières internationales. Le pays souffre à cet égard de n'avoir que 15 millions d'habitants et de ne faire courir aucun risque à l'économie mondiale. Mais est-on sûr que la Côte d'Ivoire une fois brisée sera plus apte à pratiquer la vertu ?
• que la nouvelle Côte d'Ivoire est brinquebalante et que son avenir est on ne peut plus incertain. 

Christian Dutheil de La Rochère*
Titre original : « La Côte d’Ivoire un an après le putsch » 

 
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 Source : Marchés tropicaux 5 janvier 2001 

(*) – Décédé le 30 juillet 2011, Christian Dutheil de La Rochère a été ambassadeur de France en Côte d'Ivoire de 1994 à 1998.

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