L'image d'une Côte d'Ivoire stable, prospère, fraternelle –
celle d'Houphouët-Boigny – est
aujourd'hui brisée. Depuis le 24 décembre 1999,
date de la prise de pouvoir par des militaires mutinés, la Côte d'Ivoire est
entrée dans la zone des tempêtes, des affrontements et des incertitudes. Elle a
désormais pris place parmi les pays à risques c'est-à-dire parmi les pays à
putsch.
Le général putschiste Guéi annonçant à la radio la destitution du président H. Konan Bédié le 24 décembre 1999 |
Fin 1999, un monôme de soldats s'est transformé en quelques
heures en mutinerie. Tout aussi rapidement, la mutinerie est devenue coup
d'Etat militaire. Rien ni personne n'a opposé de résistance à quelques dizaines
de soldats en colère réclamant une prime qui leur était due par un gouvernement
sans le sou. En un instant a sombré un régime qui certes avait ses
insuffisances mais restait démocratique.
Au président Bédié a donc succédé un putschiste qui a
immédiatement obtenu la collaboration de deux opposants, le chef historique du
FPI Laurent Gbagbo et le leader du RDR Alassane Ouattara. Comme on pouvait s'y
attendre, la lutte a été sévère entre les trois hommes. Au printemps, les deux
premiers ont éliminé le troisième du gouvernement, ce qu'ils ont renouvelé quelques
mois plus tard lors de l'élection présidentielle, en raison d'une « nationalité
douteuse ». Enfin le second a coiffé le premier au poteau, remportant
l'élection présidentielle tronquée du 22 octobre. Les violences qui ont suivi,
un président dévalué et des élections législatives bâclées n'annoncent cependant
pas des lendemains radieux pour la Côte d'Ivoire.
Un pays fragile dans la tourmente
Aux funérailles imposantes du président Houphouët-Boigny le
7 février 1994, beaucoup pressentaient que la succession serait difficile dans
un pays plus fragile qu'il n'y paraissait. Le « succès ivoirien »
dissimulait mal les nombreuses fragilités de la société et de l'économie. En
fond de tableau, les mêmes problèmes qu'ailleurs sur le continent : l'explosion
démographique, l'effondrement des niveaux scolaires et universitaires, la
corruption, l'accroissement des inégalités. S'y ajoutaient – spécificités
ivoiriennes – les effets négatifs d'une immigration désordonnée (près de 40%
d'étrangers), la modification des équilibres religieux, la pression sur la
forêt et les terres mais également les aléas du marché international et un très
lourd endettement.
C'est la conjonction des effets de plusieurs de ces
fragilités qui est à l'origine de la fracture de décembre 1999.
Depuis l'indépendance, la Côte d'Ivoire a vécu en permanence
sous une épée de Damoclès : le marché. Avoir fondé une économie sur
l'agriculture d'exportation a placé le pays à la merci des prix des produits de
base (cacao, 40% de la production mondiale, café, huile de palme, coton, bananes,
ananas et latex). L'effondrement des cours dans les années 1980 a assombri les
derniers temps de la présidence d'Houphouët-Boigny. Leur redressement entre 1994
et 1998 a permis le succès de la dévaluation du CFA et une croissance
satisfaisante de près de 6,5% par an. Leur extrême faiblesse depuis deux ans a
étranglé le pays : appauvrissement des campagnes, réduction de l'activité
industrielle, forte baisse des recettes fiscales.
La responsabilité des institutions internationales
La situation aurait été moins catastrophique si la Côte
d'Ivoire n'avait pas été prise en tenailles par les institutions financières internationales.
Sous l'injonction de la Banque mondiale, a été supprimée en 1999 la Caistab
(Caisse de stabilisation) qui encadrait depuis les années 1950 la culture du
café et du cacao, ce qui a eu pour effet de bouleverser le marché d'une manière
négative. On pouvait reprocher beaucoup de choses à la Caistab et notamment son
manque de transparence. Il ne faut pas oublier cependant qu'en encadrant les
paysans, elle a fait passer la production de 80 000 tonnes de fèves en 1960 à
1,2 millions de tonnes en 1999, production sans doute excessive au demeurant,
vu l'état de dépendance dans lequel elle plaçait le pays.
Pendant que s'écroulaient les recettes d'exportation du
pays, les relations se sont dégradées avec les bailleurs de fonds. Motif essentiel
invoqué : une lutte insuffisante contre la corruption. Avec Bruxelles, les ponts
ont été coupés à la suite d'importants détournements au ministère de la Santé.
Avec la Banque et le FMI, les rapports étaient devenus peu à peu exécrables et
il en était résulté la suspension des prêts d'ajustement structurel au
printemps 1999.
Tout ceci s'est naturellement révélé catastrophique. Au prix
d'acrobaties financières et en raclant les fonds de tiroirs, les échéances ont
pu être honorées jusqu’à la fin de l'année 1999, mais au sens strict il n'y
avait plus un sou dans les caisses de la Côte d'Ivoire à la veille du putsch.
L'origine de la crise est bien là : l'Etat s'est trouvé dans
l'incapacité de régler une prime due à des militaires. Ceux-ci appartenaient à
une armée qui jusqu'alors ne comptait pas. L'absence d'une défense nationale
digne de ce nom, il est vrai, constituait une autre des faiblesses du pays. Le
Président Houphouët-Boigny avait pour doctrine militaire une formule aussi simple
que définitive : « un franc consacré
à l'armement est un franc volé au développement ». De ce fait, la
Côte d'Ivoire n'a acheté ni chars ni canons et ses militaires ont été réduits à
la portion congrue. D'où une armée peu nombreuse, mal équipée, peu occupée,
rarement entraînée, avec un personnel vieilli et peu considéré. On peut ajouter
qu'elle avait été fissurée par deux mutineries en 1990 et 1992.
De son côté, la gendarmerie était de meilleure qualité, un
peu mieux dotée et encadrée et elle avait été en mesure de maintenir l'ordre de
manière correcte lors des troubles électoraux de 1995. Il faut également
rappeler que ces deux « corps habillés »
étaient multi-ethniques et qu'ainsi le président Henri Konan Bédié ne
disposait pas, comme dans d'autre pays africains, d'une force qui lui aurait
été personnellement dévouée.
Conscient de l'insuffisance de son outil de défense, le
gouvernement Bédié avait pris quelques initiatives et c'est finalement l'une
d'entre elles qui s'est retournée contre lui. Il avait en effet accepté – novation
importante – de faire participer l'armée aux opérations de maintien de la paix
en Afrique et c'est au retour de Centrafrique que les hommes ont exigé la prime
promise (10 000 FF). Ne l'ayant pas obtenue en totalité la veille de Noël, ils
se sont mutinés et ont mis à leur tête l'ancien chef d'Etat-major, le général
Robert Guéi, qui a transformé leur mouvement en putsch.
Une démocratie débutante à l'épreuve
D'une chiquenaude, le général Guéi a destitué le Président
comme le gouvernement. Il a également aboli la Constitution, dissout l'Assemblée
Nationale et la Cour Suprême. Il n'a pas rencontré d'opposition, absence de
réaction qui témoigne du manque de solidité et d'enracinement d'un régime
démocratique dans le pays.
De 1960 à 1990, la Côte d'Ivoire avait vécu sous un régime
unanimiste et paternel, dont le souci affiché était de rassembler une
population divisée en 60 ethnies et 4 religions principales. Le Président, lui-même
d'ethnie baoulé, était élu depuis 1946
avec le soutien du nord Senoufo, ce qui assurait l'union entre le sud et le nord
du pays.
En 1990, sous la pression de troubles intérieurs et des
bailleurs de fonds, la Côte d'Ivoire a lancé le multipartisme mais a escamoté
l'étape de la Conférence nationale, créant ainsi une frustration à gauche. L'opposition
menée par Laurent Gbagbo obtint 18% des voix à l'élection présidentielle et une
dizaine de députés à l'élection législative.
Le président se résolut finalement à nommer Alassane
Ouattara comme Premier ministre. Les raisons de ce choix furent multiples, la
compétence de ce dernier se doublant d'une vraisemblable intrigue de sérail.
Cette nomination tenait aussi au fait que la nationalité de M. Ouattara,
élément qui indifférait à Houphouët-Boigny, ne lui permettait pas d'intervenir
dans la succession organisée par l'article 11 de la Constitution, qui désignait
le président de l'Assemblée Nationale. Ce dernier se trouvait être, depuis
1980, Henri Konan Bédié.
Les choses ne se sont pas déroulées comme souhaitées parce
que M. Ouattara a trouvé dans la personne de Philippe Yacé l'allié qui lui
était indispensable. Longtemps second et dauphin, Yacé ne s'était jamais consolé
d'avoir été évincé en 1980 de la succession, au profit de Bédié. Il a donc donné
son accord aux événements de 1993, où le duo a tenté de contourner l'article 11,
au profit d'Alassane Ouattara. Ouattara pensait que Yacé lui apporterait la caution
du Sud qui lui manquait. Son erreur politique était de ne pas avoir vu que la
notoriété de son allié ne dépassait plus les limites de sa région de
Jacqueville. La manœuvre, comme on le sait, échoua, en partie grâce à la
solidarité des proches de Bédié et à l'appui des pays étrangers.
Tensions politiques et « ivoirité »
Une fois au pouvoir, le nouveau chef de l'Etat, qui héritait
des structures ankylosées du PDCI (ex-parti unique), devait surveiller trois
adversaires : Laurent Gbagbo, chef d'un parti classique d'opposition bien implanté
dans le centre ouest Bété (Gagnoa), et qui trouvait de nombreux électeurs dans
la petite bourgeoisie urbaine et administrative, l'ex-Premier ministre Alassane
Ouattara, qui s'appuyait de plus en plus ouvertement sur la région nord et l'ethnie
dioula, et enfin le général Robert Guéi. Ce dernier, chef d'Etat-Major, avait adopté
une attitude équivoque au moment du décès de l'ancien Président. Il avait en effet
refusé « d'arbitrer entre deux politiciens » et à plusieurs reprises
avait fait savoir que l'armée ivoirienne n'avait pas vocation à participer au
maintien de l'ordre, notamment électoral.
C'est la conjonction de ces trois oppositions, unies un court
instant à la fin de 1999, qui a finalement eu raison du Président Bédié.
Au cours de six dernières années, le débat politique a été
dominé par deux thèmes : l'ivoirité d'une part, l'affaire Ouattara de l'autre.
Il ne faut pas s'y tromper : « l'ivoirité » vient de l'opposition
FPI. Cette notion est en effet liée au droit de vote qu'Houphouët-Boigny avait
maintenu pour les Africains originaires de l'ancienne AOF, et qui
représentaient 28% du corps électoral. Estimant que cette situation privait le
FPI de la majorité, Laurent Gbagbo a fait inlassablement campagne pour la
suppression de ce droit de vote, à ceux qu'il qualifiait en son temps de « bétail
électoral du PDCI » et qui, selon lui, devait être réservé à ceux qui bénéficiaient
de « l'ivoirité ».
L'affaire Ouattara est en partie liée à celle de l'ivoirité.
Quelle est donc la nationalité d'Alassane Ouattara ? La réponse est assez simple
: issu d'une famille frontalière, il est né en Côte d'Ivoire et aurait pu être
Ivoirien, comme l'est son frère aîné Gaoussou Ouattara, député-maire de Kong.
Mais leur père s'étant retiré au Burkina Faso, le jeune Alassane a grandi dans
ce pays, dont il a choisi la nationalité (ce qui était son droit le plus
strict). Il aurait naturellement pu retrouver la nationalité ivoirienne, soit
par la procédure de réintégration, soit par celle de la naturalisation. Cette
démarche, au demeurant, aurait été plus simple que l'acharnement mis à tenter
de faire admettre une « nationalité douteuse ».
En tout état de cause, la nationalité de Ouattara ne faisait
aucun doute pour le FPI, qui pendant trois ans a attaqué quotidiennement « le Burkinabé qui nous gouverne ».
Ouattara n'a d'ailleurs pas hésité à mettre sous les verrous Gbagbo et quelques-uns
de ses amis. On comprend pourquoi l'alliance tactique entre le RDR, le parti de
Ouattara et le FPI en décembre 1999 n'avait pas la solidité du béton. Et pourquoi
Gbagbo et Ouattara étaient en fait deux adversaires politiques
irréconciliables.
L'affaire Ouattara a considérablement brouillé et terni
l'image du régime Bédié. Au prix d'une intense campagne médiatique, Ouattara a
réussi à faire croire que c'était par crainte de se faire battre dans les urnes
que le président Bédié voulait, en invoquant un faux problème de nationalité,
interdire à son « principal opposant » de se présentée à l'élection
présidentielle. En réalité, les raisons qui l'ont amené à barrer la route à
Ouattara sont surtout de nature politique. Bédié ne souhaitait pas que se constitue
autour de Ouattara un parti régional, ethnique et religieux, estimant qu'un tel
développement provoquerait une déchirure durable du tissu national.
Le précédent de 1995
En dépit de leurs inimitiés, les trois opposants, Guéi,
Gbagbo et Ouattara, se sont unis pour aborder l'élection présidentielle d'octobre
1995 sous la forme du « boycott actif ». L'idée de la manœuvre
n'était pas de mettre le pays à feu et à sang mais simplement de provoquer
suffisamment de désordres dans la rue pour déborder les forces de sécurité,
dont on connaissait les insuffisances en nombre et en équipements. Devant
l'impossibilité pour les autorités de maintenir le calme, le général Guéi
aurait pris le pouvoir pour « rétablir la démocratie ». La « bande
des trois » espérait ainsi désarticuler le « vieux et glorieux PDCI »,
ouvrir le jeu politique et peut-être même conquérir le pouvoir.
C'est ce qui ne s'est pas produit en 1995, par la faute des
électeurs qui ne sont pas descendus dans la rue, qui est advenu à la fin de
1999 à la suite d'une mutinerie alimentaire...
Oublier le général calamiteux
Porté au pouvoir, le 24 décembre 1999, par les fameux « jeunes
gens », le général Guéi, c'est le moins que l'on puisse dire, n'a pas fait
d'étincelles.
Son absence de sens politique s'est même révélée
prodigieuse. Il n'a pas compris qu'en remettant, comme il s'était engagé à le
faire, la démocratie sur les rails, par l'organisation d'élections
incontestables, il aurait été lui-même installé dans le rôle du sage, de
l'arbitre, du sauveur. Lui seul en outre avait sans doute la faculté de
réintroduire Ouattara dans le jeu politique, en rassurant ceux à qui cette
candidature faisait peur, ce qui est le fond du problème.
N'ayant pas été capable de résister à la tentation présidentielle,
il est sévèrement battu par Gbagbo et se déconsidère définitivement en refusant
de reconnaître son échec. Chassé par la rue, caché dans la lagune, il finit par
se retirer dans son village après s'être en apparence réconcilié avec le
nouveau président. Ce dernier épisode ne constitue pas une palinodie
supplémentaire, il doit être interprété comme la reconnaissance par Gbagbo de
leur ancienne complicité et des services rendus, parfois bien involontairement,
sur le chemin du pouvoir.
La conduite des affaires par le gouvernement, auquel se sont
associés sans états d'âme le RDR jusqu'au printemps et le FPI jusqu'au dernier
jour, n'a fait ni miracles ni merveilles. Comme on le sait, le cours du cacao
et celui des autres matières premières n'ont pas progressé. L'activité
économique a chuté considérablement, les investissements ont été stoppés, les
capitaux ont pris la fuite. Et sans surprise les bailleurs de fonds n'ont pas
renoué avec Abidjan.
Reconstruction d'une démocratie
douteuse
Les conditions dans lesquelles Laurent Gbagbo et son parti
le FPI ont accédé au pouvoir sont, pour utiliser un euphémisme, « démocratiquement
incorrectes ». Pour ce parti minoritaire, le putsch de Guéi a
constitué une « divine surprise ».
Sans s'embarrasser de vains scrupules, il a su utiliser, avec intelligence,
des circonstances qu'il n'avait pas créées pour parvenir à ses fins.
Gbagbo avait instantanément accepté de faire participer son
parti au gouvernement Guéi, se contentant de quelques assurances verbales sur
la « remise en ordre » et le « retour à la démocratie ». La
lutte entre les trois opposants d'Houphouët ne tarda pas à s'engager : elle fut parfois feutrée mais toujours sans pitié
et sans compromis, Gbagbo utilisant progressivement Guéi pour éliminer ses deux
concurrents, le PDCI et le RDR. Le jour de l'élection restaient face à face un
militaire imbu de sa personne (qui ne daigna, ou n'osa, pas faire campagne) et
un politicien chevronné : le combat, rétrospectivement, était bien inégal. Le
second l'a emporté facilement sur le premier bien qu'une mobilisation populaire
ait été nécessaire pour faire céder Guéi.
Quoi qu'il en soit l'élection était tronquée et Laurent
Gbagbo a été et restera mal élu. Pour couronner le tout, le RDR, indigné d'avoir
été interdit de candidat, est descendu dans la rue et a été sévèrement réprimé
par des forces de l'ordre mal commandées. Plusieurs pays et organisations internationales
comme l'Onu et l'OUA ont émis des réserves sur la validité de l'élection mais
se sont rapidement résignés. La France pour sa part, où Gbagbo dispose de
solides amitiés au Parti socialiste, a accepté sans enthousiasme le résultat de
cette élection présidentielle pour le moins chaotique.
Une fois élu, Gbagbo a voulu battre le fer encore chaud et
en dépit de nombreux avis – français et américain notamment – a maintenu au 10
décembre la date des élections législatives. Il n'a pas voulu donner au PDCI le
temps de reprendre son souffle, ni au RDR la possibilité de présenter Ouattara à
Kong. Le RDR est une nouvelle fois descendu dans la rue pour un autre
affrontement meurtrier et ses partisans se sont dangereusement agités dans le
Nord.
Cette précipitation a payé : le FPI avec 91 sièges est
majoritaire, sans atteindre toutefois la majorité absolue. Le PDCI en dépit d'une
très forte abstention a fait élire 70 députés, il y a 16 indépendants et 32 sièges
des circonscriptions du Nord sont non pourvus.
Relancer un pays en panne
Laurent Gbagbo est au pouvoir, certes, mais il y est parvenu
dans les pires conditions. Il va devoir faire face à une série de situations
délicates sans bénéficier ni « d'état de grâce » ni de l'autorité du
bien élu et sans disposer de marges financières. Une partie du pays est en état
de sécession verbale. Les électeurs du PDCI se sont abstenus en masse et auront
du mal à accepter l'autorité de l'ancien adversaire d'Houphouët-Boigny et les
immigrés (40% de la population) se demandent s'ils ont toujours un protecteur.
A cela s'ajoute que l'ancien opposant n'a pas été avare de promesses, comme
celle de revenir à un prix garanti pour le café et le cacao, dispositif dont on
connaît les obstacles techniques et financiers.
Les forces armées devraient constituer une autre source de
préoccupation : le chef de l'Etat ne pourra que difficilement leur faire les
cadeaux qu'ils attendent. Certains ont pu avancer que la dernière expérience
leur servira de leçon. Rien n'est moins sûr de la part d'hommes mal encadrés et
tentés par la dérive ethniste. La brutalité avec laquelle les partisans de
Ouattara ont été réprimés montre à quel point les forces armées (y compris la
gendarmerie), ont besoin d'une sérieuse reprise en main.
Autre volet essentiel pour la remise en route économique du
pays : l'avenir des relations avec les bailleurs de fonds. Il y a certes fort à
parier que Paris n'abandonnera pas Abidjan. Mais les institutions
internationales suivront-elles ?
Les enseignements de cette année folle en Côte d'Ivoire sont
nombreux et ne manquent pas d'intérêt. On sait désormais :
• que les hommes du rang d'une armée faible sont aussi
dangereux que les colonels d'une armée forte ;
• qu'un putsch improvisé propose un programme minimum : une
augmentation des soldes, une lutte contre la corruption qui au demeurant a
toutes les chances d'augmenter, le retour à la démocratie que l'on vient
d'abattre ;
• que la majorité des Ivoiriens considère Alassane Ouattara
comme l'incarnation d'une menace, celle de la prise du pouvoir par les
étrangers ;
• que la Côte d'Ivoire a été victime à la fois de son
rapport malsain avec l'argent public et de l'intransigeance des institutions
financières internationales. Le pays souffre à cet égard de n'avoir que 15
millions d'habitants et de ne faire courir aucun risque à l'économie mondiale.
Mais est-on sûr que la Côte d'Ivoire une fois brisée sera plus apte à pratiquer
la vertu ?
• que la nouvelle Côte d'Ivoire est brinquebalante et que
son avenir est on ne peut plus incertain.
Christian Dutheil de La Rochère*
Titre original :
« La Côte d’Ivoire un an après le putsch »
en maraude
dans le web
Sous cette rubrique, nous vous proposons des documents de
provenance diverses et qui ne seront pas nécessairement à l’unisson avec notre
ligne éditoriale, pourvu qu’ils soient en rapport avec l’actualité ou
l’histoire de la Côte d’Ivoire et des Ivoiriens, et aussi que par leur contenu
informatif ils soient de nature à faciliter la compréhension des causes, des
mécanismes et des enjeux de la « crise ivoirienne ».
(*) – Décédé le 30 juillet 2011, Christian
Dutheil de La Rochère a été ambassadeur de France en Côte d'Ivoire de 1994 à 1998.
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