jeudi 19 décembre 2013

Les réformes du code de la nationalité ivoirienne et du code foncier rural ne visent-elles un qu’à permettre aux Burkinabè de devenir propriétaires terriens en Côte d’Ivoire ?

Des déclarations troublantes de l’activiste burkinabè Daouda Kaboré.

Informateur.info : Vous avez été l’instigateur des manifestations qui ont fait avorter le démarrage effectif de l’opération de la carte consulaire biométrique le 18 novembre dernier au consulat du Burkina à Abidjan. Pourquoi avoir organisé ce sit-in ?
Daouda Kaboré : Cette manifestation était nécessaire à notre sens pour faire comprendre à nos autorités diplomatiques que ce ne sont pas des moutons qu’elles administrent ici en Côte d’Ivoire. Et qu’il ne suffit pas de s’asseoir dans les bureaux feutrés pour prendre des décisions qui nous engagent. Il était important que cette manifestation ait lieu.

Informateur.info : Que reprochez-vous à la carte consulaire biométrique ?
Daouda Kaboré : L’opération en elle-même est bonne, mais j’estime que non seule- ment son coût n’est pas adéquat, mais son démarrage présentement n’est pas aussi opportun. Avec tout ce que nous avons vécu en Côte d’Ivoire, nous estimons que c’est ingrat de la part de nos autorités de nous imposer un tel montant. Mais, au-delà du montant, quand vous demandez aujourd’hui à nos autorités diplomatiques combien de Burkinabé nous sommes en Côte d’Ivoire, elles vous diront que nous sommes autour de 3 millions. Cette affirmation, elles la tiennent du recensement général de la population en 1998. Je ne suis pas statisticien, mais quand j’observe les choses, je me dis qu’à travers le recensement général des populations en Côte d’Ivoire, on est en mesure d’avoir des informations sur nos compatriotes.

Informateur.info : Où voulez-vous en venir ?
Daouda Kaboré : Ma logique est toute simple. Je pense qu’il aurait fallu attendre que la Côte d’Ivoire fasse le recensement général de la population annoncée pour mars prochain, avant de lancer notre opération d’identification. Notre tâche s’en trouvera facilitée. Parce qu’au terme de ce recensement, l’Etat burkinabé pourra connaître le nombre de ses ressortissants en Côte d’Ivoire. Dès lors, l’opération d’identification pourrait mieux être affinée et le coût s’en trouverait réduit. On ne parlerait peut-être plus de 7.000 Fcfa.

Informateur.info : Qu’est-ce que vous suggérez alors ?
Daouda Kaboré : Ma suggestion va au-delà de simples statistiques à connaître ou encore de la fiabilité de la pièce qu’on nous présente. La Côte d’Ivoire vient de prendre une loi sur la nationalité qui permet une régularisation d’une certaine injustice que bon nombre de Burkinabé ont subie ici en Côte d’Ivoire. Et, comme par enchantement, c’est en ce moment que le Burkina décide de faire la promotion d’une nouvelle carte consulaire.  La coïncidence nous interpelle dans la mesure où il y a des réformes en cours en Côte d’Ivoire qui pourraient être bénéfiques à nos compatriotes. Vous savez bien que le problème de la terre est lié à la nationalité. Comment résoudre ces questions si l’on se met soi-même à saboter les réformes.

Informateur.info : Pour vous, l’avènement de cette carte consulaire biométrique pourrait dissuader vos compatriotes à renoncer à la chance qu’ils ont de régulariser leur nationalité ?
Daouda Kaboré : C’est bien cela ma crainte, même si je dois préciser que le Burkinabé est plus fier de sa nationalité qu’une autre. Mais vous convenez avec moi qu’on prend une nationalité en fonction de ses intérêts. Quel est ici notre intérêt ? Pourquoi, à Marcoussis, des gens ont pensé qu’il fallait donner la chance à ceux qui avaient la possibilité d’avoir la nationalité et qui n’en jouissent pas de se rattraper. C’est une simple question de bon sens à mes yeux. Sinon cette disposition de Marcoussis n’avait pas de raison d’être consignée dans l’accord. Nous savons à quel prix nous avons obtenu ces réformes et nous ne pouvons laisser des petits bureaucrates compromettre notre avenir parce qu’il y a de l’argent à empocher.

Informateur.info : Il fallait donc attendre, à votre avis ?
Daouda Kaboré : Oui, pour moi, il n’y avait pas d’urgence à démarrer maintenant cette carte biométrique. On compromet ainsi beaucoup de choses pour l’avenir. Et puis le choix de Snedai d’Adama Bictogo me pose un sérieux problème. On ne peut pas confier la gestion des données d’une telle importance à quelqu’un dont la crédibilité est sujette à polémique. Vous savez bien ce qui s’est passé avec l’argent des déchets toxiques. Le fait que la communauté burkinabé n’ait pas été consultée est une foutaise inacceptable.

Informateur.info : Mais les autorités dénoncent aussi le fait que les anciennes cartes ne reflétaient plus les ambitions du Burkina Faso ?
Daouda Kaboré : C’est vrai qu’on nous a même dit qu’il y a un réseau de fausses cartes. Mais vous ne trouvez pas vous-même curieux que ce soit maintenant qu’on dénonce cela. J’ai d’ailleurs aimé une de vos analyses où vous vous demandiez combien de faussaires ont été arrêtés par ceux qui le savaient et gardaient un silence complice. Moi, je persiste et signe, cette opération doit s’arrêter. Si c’est l’élection de la diaspora en 2015 qui les motive, on peut bien aller à ces élections avec les cartes actuelles.

Informateur.info : Il ne serait pas mieux de demander aux autorités diplomatiques d’expliquer davantage à vos compatriotes que ceux qui remplissent les conditions de l’acquisition de la nationalité par déclaration puisse attendre, et que les autres prennent leur carte consulaire ?
Daouda Kaboré : Je doute fort que nos autorités diplomatiques perçoivent réellement les enjeux. Est-ce que vous aviez senti la moindre sensibilisation avant le lancement de cette opération ? Pourtant on nous parle d’une affaire d’une vingtaine de milliards. Ce projet doit s’arrêter et nous allons nous battre dans ce sens. Nous avons appris qu’ils auraient distribué de l’argent à des gens pour battre campagne pour cette opération. Mais, s’il y a de l’argent à distribuer, pourquoi ne pas engager des juristes pour aller défendre nos compatriotes qui sont confrontés à des problèmes fonciers à l’intérieur du pays.  

Informateur.info : Et que comptez-vous faire ?
Daouda Kaboré : Nous avions promis, lors de notre première manifestation, le 18 novembre dernier, que nous reviendrions le mois prochain. Nous serons encore le 20 décembre devant le consulat dix fois plus nombreux que la dernière fois pour demander l’arrêt de cette opération.

Informateur.info : Et si les autorités diplomatiques faisaient appel aux forces de l’ordre pour vous en empêcher, comme cela a été le cas récemment pour le sit-in contre le Sénat ?
Daouda Kaboré : Croyez-moi, si jamais on veut  nous empêcher ainsi, ils vont nous arrêter ou nous tuer. C’est peut-être ce jour-là que cette opération va enregistrer ses premiers morts en Côte d’Ivoire. Et vous en serez témoin pour l’histoire.  

 
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Source : CIVOX. NET 19 Décembre 2013

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