lundi 16 décembre 2013

« J’ai vécu la crise en direct »

« J’ai vécu la crise en direct », a déclaré le professeur Toto Jérôme Balou BI, ancien Secrétaire Général de l’université de Cocody. C’était le samedi 9 novembre 2013, à Paris, à l'occasion d'une conférence de presse, organisée par le Comité de Résistance pour la Démocratie.
Jérôme Balou BI (à droite)
Conformément à son thème, à savoir, « témoignage d’un rescapé du régime Dramane », le conférencier a tenu a montrer que « le régime de Dramane est un régime qui est venu détruire la Côte d’Ivoire ». Il a commencé son exposé en décrivant l’université de Cocody pendant la crise. « J’étais en contact permanent avec les étudiants pendant les combats, l’université de Cocody a été bombardée, des étudiants ont été tués, certains ont été poursuivis jusqu’au C.H.U. de Cocody pour être ensuite achevés, tout ceci sous les yeux de l’ONUCI et de la Licorne », a-t-il révélé.
L’ancien secrétaire général de l’université de Cocody n’a pas manqué de dire qu’il a même appelé Hamadoun Touré, en son temps, porte-parole de l’Onuci. Pendant cet échange téléphonique, « Hamadoun Touré m’a dit d’appeler la police et la gendarmerie alors qu’en ce moment précis, il n’y avait ni police ni gendarmerie ».
Pour ce qui concerne les conditions de son arrestation, l'ex-Secrétaire Général de l’université de Cocody a expliqué qu’il se rendait le 19 avril 2011 au campus de Cocody, avec son fils et son neveu, pour aller faire « l’état des lieux ». Sur le chemin du retour, précisément au « carrefour de la vie à Cocody », « quatre véhicules nous ont encerclés. Ils m’ont demandé si j'étais le Secrétaire Général de l’université de Cocody. J’ai dit oui. Ils m’ont ensuite raconté qu’on leur avait dit que j’abrite des miliciens et que j’ai des armes chez moi. De source sûre, je sais que c’est un agent de l’université que je connais bien qui leur a dit que je venais juste de sortir de l’université ».
Le professeur a expliqué que son quartier à Angré était déjà quadrillé et que des hommes en armes avaient fouillé de fond en comble sa maison, l’avaient dépouillée, sans même trouver une seule arme. Ensuite ils sont allés avec lui à Williamsville. « Là-bas, ils m’ont enchaîné. Leur chef a dégainé son pistolet sur ma nuque pendant une dizaine de minutes. Ensuite, il a tiré entre mes jambes devant mon fils. Selon eux, sur les ordres de Cissé Bacongo, ils devaient me tuer. Car j’aurais tué des enfants», a confié le professeur Balou Bi. Malgré tout, le professeur a demandé la libération de son fils et de son neveu, ce qui lui fut accordé.
Mais l'universitaire ne sera pas au bout de ses peines, à en croire la suite son témoignage : « Le mercredi 20 avril 2011, dans la matinée, Cissé Bakongo a envoyé son directeur financier pour que je dise où je cache les armes. J’ai répondu à Meïté Adama que je ne sais rien et que je n'ai rien fait, s’ils voulaient me tuer, qu’ils le fassent. Après deux jours à la prison de Williamsville, j'ai été emmené au Golf Hôtel, précisément dans un bar de l’hôtel appelé "le flamboyant". C’était une torture au Golf, j’ai trouvé sur place les personnes enlevées chez le président Gbagbo. Quand Nous traversions le hall pour aller aux toilettes, des partisans de Dramane nous tabassaient. Je me souviens que le Premier ministre Affi a passé deux jours sans aller aux toilettes parce qu’il craignait qu’on l’agresse. On a libéré un groupe plus tard essentiellement des dames et un religieux. Le 25 avril, le porte-parole de Soro Guillaume, à l’époque, Afoussi Bamba, nous a informés que nous devions partir, je ne sais où. Par la suite, les prisonniers ont été emmenés à Bouna, après un long détour car nos conducteurs ne connaissaient pas le trajet pour y aller. À Bouna, les hommes de Dramane ont dit qu’on serait logé dans une résidence. Grande fut notre surprise lorsqu’on nous a emmené à la prison de Bouna, désertée depuis 2002. Sur les lieux, on nous a présentés comme des mercenaires de Gbagbo. Chacun avait sa cellule, mais les premiers mois, on a décidé de dormir dehors. On se disait que si on devait mourir, se serait ensemble. Les premières semaines nos geôliers nous donnaient à manger. Plus tard, ils nous ont annoncé qu’on devait nous-mêmes prendre en charge notre repas. C’étaient des chrétiens qui géraient l'argent que des amis nous apportaient pour notre survie en prison. Les geôliers récupéraient nos restes pour se nourrir. Nous avons même financé leurs tenues militaires. »
Poursuivant son récit, le professeur Balou Bi ajoutera : « En de tels circonstances, on n'a pas d’autres choix que de s’attacher à quelque chose. Car si Dieu n’existait pas, on serait déjà mort. Raison pour laquelle tous, nous avions commencé des moments de prière. J’étais même le pasteur de la prison ».
Le conférencier a évoqué les moments de tortures que le chef de guerre Morou Ouattara et ses hommes leur ont fait vivre. En plus des tortures physiques, le professeur Balou BI a également vécu des moments tristes, suite à l’annonce du décès de son père par crise cardiaque.
Sur le plan juridique : « le 5 Août 2011, on nous a présenté les charges retenues contre nous : Xénophobie, tribalisme, crime économique, atteinte à la sûreté de l’Etat …lesquelles charges étaient les mêmes pour nous tous.», a ajouté le conférencier. L'ex-Secrétaire Général de l’université a terminé son exposé en réaffirmant que « Alassane n’a aucune légitimité. Je n’aimerais pas qu’on s’apitoie sur mon sort. Il y a des gens qui sont morts. Soyons unis pour libérer notre pays que Dramane est venu vendre. »

Une contribution de Aline Péhé  

 
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 Source : La Dépêche d'Abidjan 11 Novembre 2013

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