Conciliabule... Chirac, Houphouët et Foccart à Yamoussoukro |
A l’occasion
des élections législatives remportées haut la main par l’ANC, retour sur ce que
le glorieux fantoche confiait, en 1986, au journaliste Robert Lacontre du
Figaro.
Le vieux sage de
l'Afrique est formel :
• C'est Moscou qui sème
le trouble. C'est précisément parce qu'il y a des progrès pour éliminer
l'apartheid que le Kremlin cherche à tout faire exploser.
• Les sanctions
économiques des Occidentaux sont une erreur tactique. A la vérité, personne
n'en veut.
• La seule solution pour
faire pression sur Pretoria, c'est le dialogue.
Il est difficile de rester serein au
milieu de cette marée de désinformation dès qu'il se passe quelque chose en
Afrique du Sud. A commencer par M. Fabius pris en flagrant délit de mensonge.
En effet, comment croire qu'il n'est pas
parfaitement au courant du rôle que jouent dans cette orchestration les taupes
russes et les agents d'influence de Moscou. Pourrait-il souhaiter que l'Afrique
du Sud explose pour devenir une base soviétique comme l'Ethiopie, le Sud-Yémen
et la moitié de l'Angola ?
Soyons clair :
1. L'apartheid est infâme, inique. Il a
été créé par l'histoire comme beaucoup d'autres choses infâmes et iniques. Il
doit disparaître.
2. L'apartheid existe ailleurs.
Croyez-vous que les Soviétiques ont supprimé le pass ? Que les quatre-vingts millions de musulmans de l'U.R.S.S.
et les autres minorités non russes peuvent habiter tout tranquillement en
Moscovie ?
3. Faut-il croire qu'une ingérence
caractérisée dans les affaires intérieures sud-africaines (les ingérences sont
condamnées par l'O.N.U.) puisse ne pas compliquer le problème, durcir la
position des plus durs et finalement jouer dans le sens contraire, au moment
même où on percevait les premiers signes positifs de cette trop lente évolution
?
4. Reste que l'apartheid est une arme de
choix pour ceux qui veulent détruire nos sociétés libres et libérales. Elle
permet avant tout de camoufler les vrais problèmes géopolitiques. L'objectif
soviétique est pourtant clair : utiliser tous les mouvements « touche pas à mon
pote » pour semer le trouble, faire exploser le régime actuel et porter au pouvoir
les agents de Moscou.
5. En ce qui concerne notre pays, il
serait privé immédiatement de l'uranium sud-africain qui sert à notre force de
frappe nucléaire et à nos centrales atomiques, ainsi que des matières premières
dites stratégiques et du charbon. C'est pourquoi les prises de position de
cette France boiteuse, mi-socialo-marxiste, mi-libéralo-dirigiste, semblent
particulièrement illogiques. En effet, elle est encore à l'avant-garde de ceux qui
réclament des sanctions économiques contre Pretoria et de ceux qui continuent à
vouloir donner aux autres des leçons de morale.
Nous sommes allés interroger à ce sujet le
vieux sage de l'Afrique, Félix Houphouët-Boigny, qui n'a pas l'habitude de
mâcher ses mots.
Robert
Lacontre - Le
Figaro Magazine 21 juin 1986
Le Figaro-Magazine. Que pensez-vous, monsieur le Président, de la situation actuelle en Afrique du Sud ?
Félix Houphouët-Boigny. II y a toujours eu des différends entre
les hommes. Il n'y a pas trois façons de les régler, mais deux : le recours à
la force ou le recours à la négociation, c'est-à-dire au dialogue. Le dialogue,
pour nous, n'est pas l'arme des faibles, au contraire. Si par malheur le
dialogue ne permet pas de faire l'économie d'une guerre, alors celle-ci peut
durer cent ans. Le recours à la force ne donnera rien. Il faut dialoguer. Quand
je l'ai dit dès 1965, l’O.U.A. m'a condamné à l'unanimité. Vingt ans plus tard,
rien n'est résolu. Le sang a coulé, la haine s'installe. En cela, je rejoins Gandhi.
Quand on croit à une vérité, il faut s'accrocher désespérément à cette vérité
tant qu'il n'est pas prouvé que vous avez tort. Comment peut-on dire que vouloir
la paix par le dialogue, c'est aller contre la vérité ? Rien ne peut résister
au travail de la constance. L’eau qui tombe goutte à goutte perce toujours le
plus dur rocher.
Croyez-vous à une possible évolution ?
II est évident
que Blancs et Noirs d'Afrique du Sud se trouvent confrontés à des problèmes
difficiles. Les Etats-Unis eux aussi ont connu pendant trente ans (sic !)
la discrimination raciale. Or, ces jours-ci, je viens de recevoir plus de trois
cent cinquante maires de toutes les villes du monde et, parmi eux, les maires
noirs de nombreuses grandes villes américaines. Qui aurait pu croire cela il y
a quelques années ?
Les sanctions économiques sont-elles la meilleure
façon de faire pression sur le gouvernement sud-africain ?
II serait bon
que le monde se penche sur ce problème avec réalisme. Les Blancs ont peur
d'être rejetés à la mer. Les sanctions contre l'Afrique du Sud ne font
qu'envenimer le problème. Il y a déjà un progrès : l'apartheid s'effrite. C'est
une réalité. Botha, qui est un modéré, est obligé de se battre. Dernièrement,
il a eu du mal à prononcer un discours. Il s'est fait conspuer par la foule,
pas par les Noirs, mais par les Blancs. Il y a des « faucons » parce qu'ils ont
peur, et cette grande peur est soigneusement entretenue par les Soviétiques. Je
ne crois pas à l'efficacité des sanctions. Ce ne sont que des mots. Il faut que
l'on soit sincère. Connaissez-vous des Occidentaux, à commencer par les
Etats-Unis, qui souhaiteraient voir l’influence communiste s'installer au Cap ?
Jamais. Si on ne vous le dit pas, je le sais et je vous le dis. Je n'y crois
pas. Si cette formule n'arrive à rien, alors je proposerai quelque chose... Personne
en Afrique n'est favorable à ces sanctions. On en parle du bout des lèvres. En
outre, de telles mesures frappent surtout les pays africains limitrophes de l'Afrique
du Sud.
On parle de relations diplomatiques possibles entre
la Côte d'Ivoire et l'Afrique du Sud.
On verra plus
tard...
Ne serait-ce pas faire l'autruche que de ne parler
que de l'apartheid en Afrique du Sud ?
Évidemment.
L'apartheid existe partout. En particulier dans les pays arabes où les minorités
noires sont brimées, opprimées et même persécutées, ainsi que dans certains pays
sub-sahariens où sévit le système des castes (et l'Inde ?). Ce système fait que
des sous-hommes, les forgerons, les bijoutiers, les cordonniers, ne peuvent pas
marier leurs fils, même diplômés d'université, à des femmes dites nobles. Il
faut prendre les hommes tels qu'ils sont et non pas tels que nous voudrions
qu'ils soient... Il faut donc balayer devant nos propres cases.
Et Mandela ?
Dans les pays
sous-développés il y a de nombreux prisonniers politiques. Est-ce que vous en
connaissez beaucoup qui auraient laissé Mandela bénéficier de vingt ans de survie
?
L'A.N.C. est-il une organisation anti-apartheid ?
C'est une
organisation déstabilisatrice. Les Russes emploient tous les moyens qui leur
semblent bons pour déclencher le désordre et entretenir la pauvreté. Les hommes
heureux se détournent toujours du communisme.
Comment expliquez-vous que deux millions de Noirs
des pays marxistes limitrophes se sont réfugiés au pays de l'apartheid ?
La misère. Il y
a même plus de 300.000 de nos frères qui travaillent en Afrique du Sud pour
survivre.
L'apartheid nuit-il au développement de l'Afrique ?
II est évident
que nous dénonçons l'apartheid. Cela nous révolte. Mais ce n'est pas le
problème majeur de l'Afrique. Le problème majeur, c'est le développement. Vous
me demandez si l'apartheid retarde le développement, je vous réponds : non ! Il
faut le combattre par le dialogue. Il faut savoir que, sans le communisme, on
aurait déjà trouvé une solution.
Propos recueillis par Robert Lacontre
Titre original : « Afrique du Sud : une interview exclusive de Félix Houphouët-Boigny sur
l’apartheid »
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provenance diverses et qui ne seront pas nécessairement à l'unisson avec notre
ligne éditoriale, pourvu qu'ils soient en rapport avec l'actualité ou l'histoire
de la Côte d'Ivoire et des Ivoiriens, et que, par leur contenu informatif, ils
soient de nature à faciliter la compréhension des causes, des mécanismes et des
enjeux de la « crise ivoirienne ».
Source : Le Figaro Magazine 21 juin 1986
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