Les héros du 11 avril 2011 Chirac, Alliot-Marie, Sarkozy, Obama, Ping, Carter, Ouattara, Simon, ban Kimoon Choi, Soro |
Après
l’intervention militaire d’Abidjan en avril 2011, l’Onuci et, au-delà, le
système des Nations unies, ont renoué avec leur pire travers : ainsi l’Histoire
rappelle que l’action du contingent international au Congo a été, en 1960,
extrêmement ambiguë, notamment en se faisant le relais des intérêts
américano-belges, et en contribuant à créer la situation qui a livré Patrice
Lumumba à ses bourreaux.
Poussant
à des élections mal préparées et sans désarmement des rebelles (l’ONUCI a tenu
sous le boisseau un rapport interne qui dès fin 2010 dénonçait cette
situation), le représentant du secrétaire général de l’Onu en Côte d'Ivoire, M.
Choi, a fait plus : proclamant dans une séquence bien réglée par les
ambassadeurs de France et des Etats-Unis M. Ouattara élu (au lieu de certifier
l’élection comme le prévoyaient les accords de Ouagadougou) depuis son quartier
général du Golf, il a monté une sanglante opération militaire pour renverser le
régime de Laurent Gbagbo sous les bombes.
La
« responsabilité de protéger » est bien morte début avril : détournant la
résolution 1975 lui permettant de détruire les armes lourdes menaçant les
civils, l’ONU est intervenu par des hélicoptères d’assaut en tuant, à l’inverse
de son mandat et à l’encontre du droit international, des civils désarmés –
quelques centaines ou quelques milliers ? En même temps que la résidence et la
présidence, les hélicoptères de M. Choi ont en effet délibérément bombardé des
camps habités par des familles de militaires (Agban et Akouédo), un
supermarché, une université et un hôpital – puis ont tiré sur des civils proches
du président Laurent Gbagbo, qui essayaient de faire autour de lui un bouclier
humain, pour protéger leur régime et leur Constitution.
Transformant en cibles vivantes les personnels occidentaux et même africains des agences des Nations unies, cette forfaiture risque d’avoir de très graves conséquences pour l’institution et l’idéal de concorde entre nations égales, qu’elle a autrefois représenté : déjà au Nigeria le mouvement fondamentaliste Boko Haram s’en est pris violemment aux membres des Nations unies (18 morts à Abuja fin août dernier), et il est à craindre que ces actes se multiplient.
Transformant en cibles vivantes les personnels occidentaux et même africains des agences des Nations unies, cette forfaiture risque d’avoir de très graves conséquences pour l’institution et l’idéal de concorde entre nations égales, qu’elle a autrefois représenté : déjà au Nigeria le mouvement fondamentaliste Boko Haram s’en est pris violemment aux membres des Nations unies (18 morts à Abuja fin août dernier), et il est à craindre que ces actes se multiplient.
L’ambassadeur
de France Jean-Marc Simon
convoyant des
cartons de vivres vers l'hôtel du Golf
pendant la
crise postélectorale
|
Crimes
de guerres que partagent les militaires français de Licorne, forces spéciales
faisant prisonnier un président nommé par son Conseil Constitutionnel en déployant
chars et hélicoptères pour participer au même massacre : quand les donneurs
d’ordre rendront-ils des comptes ?
Mais
ce sont surtout Alassane Ouattara et son chef de guerre, Guillaume Soro, qui
pourraient dans l’immédiat relever de la Cour pénale internationale, pour le «
massacre d’Abidjan » commis pendant les mois d’avril et mai dans la capitale,
l’épuration ethnique en brousse contre les peuples Guéré, Bété et Attié,
faisant suite au massacre de Duékoué – plus de mille victimes hommes, femmes et
enfants –, à tel point que le CICR est sorti de sa neutralité pour condamner
implicitement le camp Ouattara pour cet acte qui pourrait être qualifié de
génocidaire.
Quelle
retenue des chancelleries, des médias et des « organisations des droits de
l’homme » devant ces crimes de guerre – et pour certains, de génocide !
Il
apparaît que les FRCI pro-Ouattara ont exterminé en deux mois plus de 3000
Ivoiriens au bas mot, le massacre étant « protégé » par les patrouilles de la
force Licorne et de l’ONUCI qui, au lieu de sauvegarder les civils, ont laissé
faire – et pourraient logiquement être poursuivis pour cette passivité ou même
pour leur complicité.
Les
ONG et le CICR n’en sortent pas indemnes : ils ont les chiffres et des morts
civils de la « bataille d’Abidjan » (la Croix rouge ivoirienne ayant, par
exemple, ramassé les cadavres) et des milliers de morts de la conquête de la
capitale ou des colonnes infernales en brousse, et se refusent à les
communiquer, renforçant par leur silence la gouvernance Ouattara.
Qu’ils
aient ordonné ces massacres ou qu’ils aient échoué à les empêcher –
l’instruction le dira –, Guillaume Soro et Alassane Ouattara en portent la
responsabilité politique ; ni plus ni moins que Jean Pierre Bemba ou
Charles Taylor dans leurs procès respectifs.
Si
leur menace perpétuelle est actuellement de déférer Laurent Gbagbo à la CPI,
leurs actes les rendent eux aussi passibles du même tribunal : nul doute que
cette institution internationale, suspectée et même accusée d’être un relais
des intérêts occidentaux et de pratiquer le « deux poids deux mesures » en
Afrique voudra pour une fois équilibrer les inculpations.
Bien
plus, depuis 2002, ces deux leaders du RDR et de la rébellion (dont 2011 a
démontré la complicité active depuis leur coup d’Etat, en 2002) sont
judiciairement comptables du « système de violence continue » qui a livré
Bouaké, Korhogo et la partie septentrionale du pays à l’arbitraire total d’une
guérilla sans foi ni loi, si ce n’est aux exactions bien pires des Dozos.
Combien
de milliers de morts (sans doute plus de 8000 cadavres au passif des rebelles
!), viols, ou exactions criminelles sont impunis et parfois méconnus ?
Leur
déferrement éventuel à la CPI sera l’occasion de faire la lumière sur ces
violences et de les punir enfin, tout en révélant les bailleurs de fonds,
instructeurs et complices occidentaux (et sans doute français !) de la
déstabilisation, depuis une décennie, de la Côte d’Ivoire.
Il
est cependant une autre voie : devant cet équilibre de la terreur judiciaire, un
pas vers la libération des prisonniers et des déportés politiques, une
annulation de toute procédure judiciaire permettant leur réintégration dans le
jeu politique en vue des législatives de décembre.
Bien
sûr cela suppose aussi que des conditions équitables soient remplies : à la
Commission électorale indépendante (CEI), les partisans de Laurent Gbagbo ont
actuellement 3 délégués sur 31, les mouvements fantômes rebelles en possédant
autant !
Présidée
par Youssouf Bakayoko, par qui le coup d’Etat franco-onusien a été légitimé,
cette institution très contestée prévoit de réintégrer des dizaines et
peut-être de centaines de milliers d’« électeurs » pro Ouattara sur les listes
électorales (sans compter les milliers de sahéliens s’installant dans la « nouvelle
Côte d’ivoire », selon eux le « pays de tous ») : qui peut aller aux élections
avec une commission électorale partisane et des listes d’électeurs truquées ?
Et
que se passerait-il si l’Elysée cessait d’être un protagoniste et arrêtait de
souffler sur les cendres du conflit ? Les élections françaises de 2012
pourraient être l’occasion pour une majorité de gauche de rompre avec le camp
du néolibéralisme et de la Françafrique la plus sanglante, ce qu’incarne
Alassane Ouattara. Si l’Occident retirait ses deux contingents militaires,
Licorne et Onuci, la régulation du conflit se ferait spontanément – et sans nul
doute, pour Abidjan et le Sud, au profit des partisans de Laurent Gbagbo.
Une
solution négociée n’est-elle pas meilleure que ces perspectives ? Une
judiciarisation du conflit, au lieu de conduire à la réconciliation, serait à
coup sur le signal du retour à la violence, si ce n’est à la guerre civile.
Michel Galy, politologue français
EN MARAUDE DANS
LE WEB
Sous cette
rubrique, nous vous proposons des documents de provenance diverses et qui ne
seront pas nécessairement à l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu
qu'ils soient en rapport avec l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et
des Ivoiriens, et que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à
faciliter la compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la «
crise ivoirienne ».
Source : La
Dépêche d'Abidjan 3 Mai 2014
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire