Le "génie houphouétiste" n’a été que d’engager des sommes pharaoniques à Yamoussoukro... |
Après notre indépendance,
certains ivoiriens se félicitaient de la transformation de leur pays sur le
plan infrastructurel. Bon nombre, en comparaison avec les pays environnants,
s’en gaudissaient et adoptaient un comportement suffisant. Avaient-ils
cependant cherché à comprendre la logique qui sous tendait le développement de
la Côte d’ivoire faisant d’elle une sorte de géant sous régional aux pieds
d’argile ?
« Avez-vous visité
nos voisins ? Nous au moins on a un peu ». Fallait-il donc se contenter de ce peu
ou l’accroître et l’amener au stade de l’abondance ? Deux dynamiques opposées
auxquelles se sont confrontées nos générations précédentes mais qui conservent
tout leur intérêt d’autant plus que la notion du peu prête à équivoque.
Le peu au regard du moins
que rien d’avant ou du chichement du voisin, tout en étant relatif, est
générateur d’illusions tant ces termes sont synonymiques et représentatifs
d’une situation intrinsèquement similaire.
Le contentement du peu ne
peut donc sublimer. Il ne peut, tout au plus, qu’être un satisfécit à court
terme. Il ne projette pas dans l’avenir.
Le contentement du peu
n’édifie pas la société mais tend à la scléroser en maintenant sous le boisseau
toute capacité émancipatrice. Aussi toute réflexion ou action visant à éclairer
les concitoyens est-elle vite étouffée. Le contentement du peu est un cancer et
il convient d’en éradiquer les résiliences sous toutes leurs formes.
Le contentement du peu et
l’idéologie du « Grand chef »
L’attribut de Grand chef
ou de toute vertu emblématique à un personnage voire à une
personnalité politique, rime-t-il avec son bilan ? En principe ce qualificatif
pompeux devrait s’examiner en termes de développement durable c'est-à-dire aux
ressorts et dynamismes
politiques, économiques et sociaux capables d’assurer un réel épanouissement
aux générations suivantes.
Mais le contentement du
peu ne serait-il pas, pour de bons nègres, de se satisfaire des miettes qui
tombent de la table du riche.
Fier de sa condition, si
l’esclave qui bénéficie de servitudes allégées se réjouit de la mansuétude de
son maître, sa personnalité reste cependant liée à sa propre prise de
conscience de sa situation ainsi que de celle de ses pairs.
Tel paraîtra mesquin et
petit d’esprit en méprisant les autres ou en préservant jalousement ses acquis,
tel autre apparaîtra responsable en permettant aux autres d’accéder à son
niveau afin qu’ensemble ils puissent mettre un terme à la souffrance de leurs
semblables.
Oui la Côte d’ivoire est
en avance ? L’on était fier de se comparer au Togo, au Burkina et au Mali.
Pourquoi ne pas nous comparer à la Corée ou à Singapour qui avaient en 1960, un
niveau de développement semblable au notre ? Pourquoi alors le génie
houphouétiste ne nous a-t-il pas engagés vers une dynamique plus audacieuse. En
avait-il les moyens ? Etait-ce sa mission ?
Assurément non car engager
la Cote d’Ivoire vers un réel développement n’était-il pas possible avec des
hérauts de la colonisation.
Et toute réflexion faite,
les colons après la phase de la répression, ouvraient celle de la collaboration
(coopération) en laissant le soin aux potentats locaux de perpétuer l’état
d’esprit de la dépendance.
C’est l’une des raisons
pour lesquelles les
régimes postcoloniaux étaient fantoches et ne subsistaient que grâce au soutien
que leur apportait la France et nos Grand chefs bénéficiaient de toute
l’attention des « blancs » aussi longtemps qu’ils excellaient de génie dans
notre arrimage.
L’outrecuidance est à son
comble quand certains, de génies novateurs, atteignent par la mystification, le
stade de démiurges adulés par frénésie collective… Attention !!! Pas touche !!!
Place aux contentés.
La perversité du
contentement du peu
La conscience façonnée par
une quarantaine d’années d’exaltation du Chef doté d’une intelligence
exceptionnelle et d’une relative prospérité économique annihile les profiteurs du système de
toute projection lumineuse, amnésiques qu’ils sont de la réalité historique de
leur pays. Et certainement inconscients du fait que la structuration de notre
économie était fonction des intérêts de la métropole et que la mise en valeur
du territoire répondait à un objectif principal : l’approvisionnement de
l’hexagone en matières premières indispensables.
Quoi de plus logique
qu’après les indépendances, le développement des infrastructures, notamment routières,
s’effectue en rapport avec celui des zones affectées aux cultures de rentes ?
Que le déplacement à l’Ouest de la boucle du cacao entraine le développement de
la côtière, du port de San Pedro, etc. ? Que le « V baoulé » ait peu bénéficié d’infrastructures car, excepté
l’émigration vers les zones stratégiques, cette région ne présentait aucun
intérêt pour les industries cacaoyères. Et qu’en dépit de toute logique
économique, le génie houphouétiste n’a été que d’engager des sommes
pharaoniques à Yamoussoukro.
C’est donc cette
conscience étriquée du réalisme houphouétiste qui s’essaie ou s’évertue à rêver
en prétendant, aujourd’hui plus qu’hier, avoir les moyens d’adopter une
politique de rupture. Est-elle seulement ignorante qu’une telle option possède
en son sein les germes de son non accomplissement ? Sait-elle qu’on ne reste
pas dans les magnans pour les extirper ?
Stérile gesticulation
intellectuelle car la Rupture c'est rompre avec les principes politique,
économique et culturel qui sous-tendent l'assujettissement. Or l’houphouétisme
nous y maintient. A l’horizon de l’émergence, tout ne serait-il pas diversion ?
En fait, ces adeptes d’une
stratégie dépendantiste prônent la rupture en négociant une autre forme plus
subtile de dépendance mais toute aussi infantilisante et toujours privative de libertés. Cela se traduit par ces doléances serviles :
Bon
maître pourrais-je obtenir quelques faveurs eu égard à mon comportement
exemplaire ? Seriez-vous prêt à me permettre de souffler un tant soit peu pour
mes bons et loyaux services ?
Doublement conscient que
le développement est un projet idéologique et que les pays aujourd’hui
émergents le sont au prix d’une profonde réflexion politique, l’Ivoirien imbu
du panafricanisme touche, palpe l’houphouétisme au quotidien et digère mal sa
propension à l’infantiliser. Il conçoit son avenir tout en s’interrogeant :
Pourquoi se contenter du peu alors que plus d’audace, de rigueur et
d’engagement conduiraient à un épanouissement certain.
L.-S.ANOUMA
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