Allons, c’était digne. L’entrée de quatre héros de la
Résistance au Panthéon n’a pas été flétrie par la pompe et, entourée par des
jeunes lycéens, elle prolongeait des engagements courageux vers l’avenir.
François
Hollande voulait faire de son discours un chef-d’œuvre ; ce fut un
exercice convenable qu’on sentait pourtant parcouru d’une fissure. Que
retrouver en effet de la République sociale et de l’essor de la culture pour
lesquels combattait Jean Zay dans la politique docile et libérale des
gouvernants d’aujourd’hui ? Où trouver l’attention aux pauvres d’une Geneviève
de Gaulle-Anthonioz ? Quelle trace de la passion intraitable de Germaine
Tillion pour la liberté et l’altérité ? Quelle
place pour leur attachement sourcilleux à l’indépendance nationale dans le
grand large de la fraternité ? Le verbe présidentiel était semblable « à ces
cratères où les volcans ne viennent plus, où l’herbe jaunit sur sa tige ».
Le chef de
l’État a choisi des personnalités à honorer en excluant un pan essentiel de la
Résistance, celui des communistes, et tombait donc à plat son envolée sur « l’histoire
quand elle devient partagée » : il venait de la diviser. Le Panthéon ne peut être
traité comme une salle à places réservées, où ni la classe ouvrière, qui paya
le plus lourd tribut à la Résistance, ni les immigrés, dont l’héroïsme est
devenu légendaire, ne sont admis. C’est la condition pour que des destins
donnent « à la patrie une destinée ». Nicolas
Sarkozy l’avait hélas mieux compris qui avait mis en valeur la figure de Guy
Môquet pour tenter de la manipuler.
À qui ce
brouillard est-il nécessaire ? Pourquoi remodeler l’épopée de l’armée des ombres
pour en biffer la trace de ceux qui portèrent le plus haut l’espérance que les
sacrifices sous l’Occupation ouvrent une nouvelle ère de progrès pour tous ? Peut-être
parce que, comme l’écrivait Hugo, « dans
connaître, il y a naître », et que certains craignent toujours l’avènement « des jours
heureux » programmés par le Conseil national de la Résistance.
Patrick
Apel-Muller
Parmi les oubliés, figure
notamment Missak Manouchian (ci-dessus, le troisième en partant de la gauche)
arrêté en novembre 1943 avec les membres de son groupe. Ils furent fusillés le
21 février 1944.
Photo : Archives l'Humanité
Source : L'Humanité
28 Mai 2015
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