Le vendredi 8 mai 2015, les Français commémorent les 70 ans de
l’armistice de 1945, qui officialisa l’arrêt des hostilités avec l’Allemagne
nazie, mettant ainsi un terme à l’effroyable carnage de la seconde guerre mondiale.
Cette date a été choisie également pour honorer dix cadres de l’armée
ivoirienne, qui seront décorés de la médaille de bronze de la défense nationale
française. Il s’agit des Colonel-major Lekpeli, Colonel Soualifou, Colonel Yao,
Capitaine de Vaisseau N’guessan, Lieutenant-Colonel Aoussou, Lieutenant-Colonel
Menan, Lieutenant-Colonel Tchimou, Lieutenant-Colonel Nanga, Commandant Aké,
Commandant Gonfo.
Mais quels liens y a-t-il entre l’armistice signé le 8 mai 1945 entre
Allemands et Français et ce simulacre de cérémonie au 43ème Bima avec
distribution de médailles, le même jour, mais en Côte d’Ivoire, pour remercier
10 militaires dont l’unique mérite consiste à avoir aidé à déloger Laurent
Gbagbo ? Pourquoi est-ce François Hollande et son gouvernement qui procèdent à
cette mascarade ? N’aurait-on pas pu attendre le retour (?) de Nicolas Sarkozy
aux affaires, pour faire jouer à un haut fonctionnaire de l’Etat français le
rôle de grande chancelière décoratrice ? On annonce même un défilé des forces « républicaines »,
autrement dit de ces rebelles sanguinaires devenus entre temps de gentils
garants de la gentille sécurité ambiante. En somme une nouvelle fête se rajoute
au calendrier de la préfecture ivoirienne…
On se rejoue à l’envers le scénario de la dernière guerre avec les bons
et les méchants, les résistants et les collaborateurs, l’ambassadeur de
l’occupant s’apprêtant à célébrer quelques quidams du camp des collabos, si
possible pas trop connus, pour étouffer la grogne, honorer des lèvres et avec
de la ferraille couleur bronze ceux qui pourraient sortir de leur silence et
parler un peu trop…
A part quelques renseignements glanés sur le Lieutenant-Colonel Nanga,
dans le livre de Jean-Christophe Notin, « le crocodile et le
scorpion », je ne sais rien sur ces hommes qui seront honorés. Cet
officier était à la direction de la gestion des hydrocarbures de la
gendarmerie. Or la force Licorne avait besoin de ce précieux liquide, afin de
convoyer les rebelles, les encadrer et les accompagner dans leur œuvre de
libération du joug de Laurent Gbagbo. En février 2011 alors que, selon Notin,
les Français doivent faire face à une grave pénurie d’essence, on retrouve
comme par hasard Dominique Ouattara à bord d’un convoi de ravitaillement des
forces françaises à destination de Duékoué. Gageons que si le convoi n’est pas
tombé en panne, c’est grâce à elle et à ses hommes liges dans les forces armées
ivoiriennes. Bien sûr, ce n’est pas dit ainsi, j’extrapole. Quant aux vivres
acheminés par notre humanitaire estampillée et labellisée CI, « communauté
internationale », qui en a profité ? Les futures populations martyres pour
lesquelles elle cessera de se mobiliser quelques semaines plus tard, quand il
l’aurait fallu, ou ses amis partisans de la digne cause rebelle, auteurs des
futurs massacres ?
Oui, il faut du carburant dans cette guerre de « libération »,
pour transporter les rebelles et leur hiérarchie, voire même les plus jeunes,
ceux qu’on appelle les microbes, et qui pour certains sont descendus de Bouaké.
Et notre brave armée française reconnaissante, toujours prête à servir les
nobles causes, avait par la suite pudiquement détourné les yeux, lorsque les
rebelles déménageaient avec le reste du carburant toutes les grosses cylindrées
volées, les véhicules de la présidence, ceux des ministères, les véhicules
privés des pro-Gbagbo qui, envoyés en prison ou en exil n’en avaient plus
besoin. Alors, est-ce là le « service rendu à la France » par le lieutenant-colonel
Nanga, et qui lui vaut cette récompense ?
Je ne suis pas militaire, mais à la lecture de l’article de
l’encyclopédie en ligne, Wikipédia, cette médaille de bronze est assez facile à
obtenir. « Les médailles d’échelons argent et or sont contingentées par
décision ministérielle ». Celle de bronze, non. C’est juste une déco, il
n’y a pas besoin d’en référer au ministère de tutelle, un genre de bon point
distribué pour encourager l’élève dans ses efforts, et qui a l’avantage de
n’ouvrir le portefeuille de personne; c’est juste un peu de vent dans une
boîte, que l’on agrafe sur un costume, sur fond de défilé militaire et de
flonflons guerriers. Les Français ne le liront certainement pas dans leurs
journaux, comme d’habitude, ce sera un non-événement là-bas, juste un peu de
cinéma au 43ème Bima, pour enfariner quelques militaires honorés dans un coin
de la pièce, une petite pause dans la grande commémoration classique du 8 mai,
où on invitera tout le monde à chanter la Marseillaise, avec sa phrase
magnifique et inoubliable; « Qu’un sang impur, abreuve nos sillons
! »
Au 43ème Bima, c’est un peu de couleur bronze, une glue attrape-nigauds
qui va se retrouver sur ces fières poitrines, pour renforcer la coopération
« amicale » entre l’armée française et une armée rattrapée en mal de
reconnaissance vraie, pour son efficacité dans des domaines autres que le
racket, les opérations commando d’enlèvement, les bastonnades, l’encadrement
des microbes, et autres hauts faits rebelles.
Comment mériter cette prestigieuse médaille française? Il suffit de cumuler un an de service et 90 points, lit-on dans l’encyclopédie en ligne. 15 points sont donnés d’office pour chaque année d’ancienneté. Ce qui veut dire que même sans rien faire d’extraordinaire, ces colonel major, colonel, capitaine de vaisseau, lieutenant-colonel et commandant auraient droit à leur médaille en France en 6 ans et même moins, l’aptitude à parler des langues étrangères pouvant valoir jusqu’à 40 points de bonus sur les 90 ! A l’aise en dioula, en français, et dans quelques autres langues ivoiriennes, ces apparents veinards ne sont donc que les quelques pigeons rattrapés d’une armée où les décorés à ce prix devraient se compter par centaines, là où le colon, sûr de sa force et des vertus abrutissantes de ses verroteries, n’en a retenu qu’une dizaine…
Comment mériter cette prestigieuse médaille française? Il suffit de cumuler un an de service et 90 points, lit-on dans l’encyclopédie en ligne. 15 points sont donnés d’office pour chaque année d’ancienneté. Ce qui veut dire que même sans rien faire d’extraordinaire, ces colonel major, colonel, capitaine de vaisseau, lieutenant-colonel et commandant auraient droit à leur médaille en France en 6 ans et même moins, l’aptitude à parler des langues étrangères pouvant valoir jusqu’à 40 points de bonus sur les 90 ! A l’aise en dioula, en français, et dans quelques autres langues ivoiriennes, ces apparents veinards ne sont donc que les quelques pigeons rattrapés d’une armée où les décorés à ce prix devraient se compter par centaines, là où le colon, sûr de sa force et des vertus abrutissantes de ses verroteries, n’en a retenu qu’une dizaine…
Mais chut, ils sont distingués pour services rendus
à la France… Peut-être même y a-t-il parmi eux celui qui, sur commande, a
recueilli violemment le dernier souffle de Philippe Rémond, ce Français qui,
lui ne recevra jamais de médaille, fût-ce à titre posthume : les bourreaux et
leurs commanditaires s’abstenant généralement d’honorer la mémoire de leurs
victimes…
Shlomit Abel (06 mai 2015)
Titre original :
« Côte d’Ivoire. 43e Bima : Les dix bronzés de l’armistice ».
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provenance diverses et qui ne seront pas nécessairement à l'unisson avec notre
ligne éditoriale, pourvu qu'ils soient en rapport avec l'actualité ou
l'histoire de la Côte d'Ivoire et des Ivoiriens, ou que, par leur contenu
informatif, ils soient de nature à faciliter la compréhension des causes, des
mécanismes et des enjeux de la « crise ivoirienne ».
Source : CIVOX. NET 8 Mai
2015
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