F. ASSI |
Après les manifestations des étudiants quel bilan faites-vous de toute
cette agitation ?
Je tiens ici à
dire que ce n’était pas au départ la grève des étudiants. Ce sont les
enseignants, qui, se sentant méprisés, ont déclenché un mouvement de grève. De
notre côté, réalisant que cette grève nous pénalisait énormément parce que les
universités ne faisaient plus cours, nous avons réagi face au mutisme des
gouvernants.
En ville les gens disent : « Mais si les profs sont en grève où
est votre problème pour que vous preniez les rues ? ».
Nous avons
besoin d’avoir une bonne formation ; donc leur grève nous concerne au
premier chef. Tout est lié ! Quand, après plus d’un mois, nous ne sentons rien
venir, il était normal que nous réagissions. Le rôle régalien de l’Etat, c’est
de nous donner une formation. Quand cet Etat est muet et qu’il ne trouve pas de
solution, il y a lieu que nous réclamions ce qui nous est dû. C’est-à-dire le
droit à la formation.
Votre manifestation a abouti à quoi ? Nous reposons la question.
Au moins
l’opinion est alertée. Après notre manifestation, tout le monde sait
aujourd’hui que si rien ne bouge, il pourrait avoir d’autres situations
déplorables. Nous avons aussi constaté qu’après nos manifestations, certaines
organisations syndicales des enseignants ont commencé à lever leur mot d’ordre
de grève. Cela est à notre avantage parce que c’est nous qui manifestons le
désir d’aller à l’école.
Ces organisations dont vous parlez sont-elles crédibles ? La principale
organisation, la Cnec, a encore durci le ton en relançant son mot d’ordre de
grève vendredi !
Ce n’est pas à
moi de juger de la crédibilité de ces organisations. La question n’est pas à ce
niveau. Pour nous, les lignes ont bougé. Les autorités ont au moins compris
qu’il faut régler les problèmes des enseignants. Nous leur demandons de tout
mettre en œuvre pour trouver une solution durable aux problèmes des
universités. Nous n’allons pas croiser les bras et assister à une année
blanche. Nous défendrons notre droit à aller à l’école.
Avant la grève des enseignants, vous aviez aussi vos revendications sur les
conditions de vie et de travail. Sont-elles en voie de satisfaction ?
C’est pour cela
que nous soutenons les enseignants parce que quelque part leurs revendications
rejoignent les nôtres. Ils ne veulent plus travailler dans des salles
surchauffées et surchargées, dans des laboratoires non équipés. On a dépensé
153 milliards de FCFA pour la réhabilitation des universités. On devait prendre
en compte le problème des équipements. Aujourd’hui, je vous confirme qu’aucune
bibliothèque n’est équipée.
On ne vous prendrait pas au sérieux en regardant du dehors l’université, un
bel environnement, de belles infrastructures…
Mais est-ce que
cette beauté, ou cet aspect cosmétique, signifie la fin des problèmes ?
L’université est comme une belle fille malade. Une belle fille qui est bien
habillée et bien présentable mais malade. L’embellissement est fait mais le
problème, il est à l’intérieur. Les bibliothèques, les laboratoires équipés que
nous réclamons sont inhérents au système LMD (Licence Master Doctorat) qu’on
nous impose. C’est un système basé sur la recherche et qui demande que
l’étudiant contribue à 60% de sa formation. Sans bibliothèque et sans
laboratoires équipés, comment faisons-nous cette recherche ? Voilà le problème
! Depuis trois ans, nos camarades des filières des sciences techniques et
expérimentales ne peuvent pas avoir de diplômes, fautes d’équipements de
laboratoire pour valider leurs diplômes. Les enseignants refusent de dispenser
les cours dans de telles conditions.
Il y a donc risque d’année blanche dans ces filières ?
C’est ce que
nous disons. Depuis la rentrée 2014/2015 il n’y a pas de cours dans les Ufr de
sciences de la santé. Dans les filières techniques, il n’y a pas de séances de
travaux pratiques donc difficile de valider leur année.
Où en êtes-vous dans les discussions avec la tutelle ?
Notre intérêt
n’est plus dans les causeries avec la tutelle. Pour nous, il faut trouver des
solutions aux problèmes. Notre rôle c’est de porter nos revendications devant
les autorités et nous l’avons fait.
On entend souvent dire de la part des autorités que vous êtes manipulés,
particulièrement vous de la Fesci. Qu’en dites-vous ?
Oui ! Nous
sommes manipulés par les problèmes des élèves et étudiants. Nous sommes
manipulés par notre frustration de ne pas faire cours.
On dit que vous êtes plutôt manipulés par l’opposition politique…
Nous disons
simplement que nous avons des problèmes à l’université. Qu’on nous trouve des
solutions. Est-il vrai qu’il y a des problèmes ? Est-il vrai qu’il y a des
bibliothèques et des laboratoires non équipés ?
La Fesci est taxée d’organisation violente si bien que certains
responsables du parti au pouvoir militent pour sa dissolution. Quelle est votre
réaction ?
Tout le monde
réalise désormais que les étudiants ne sont pas violents. Ce sont les agents des
forces de l’ordre qui sont violents. Comprenez que les choses ont changé et que
les étudiants sont dans une autre dimension. C’est eux qui font la promotion de
la non-violence. Nous avons, nous-mêmes, été à Bonoua pour une caravane de la
non-violence dans les lycées et collèges. Une organisation violente ne peut pas
faire la promotion de la non-violence. Aucune organisation comme la nôtre ne se
crée en se donnant pour objectif la violence. C’est quand les policiers
s’invitent sur le campus et qu’ils nous poursuivent qu’il y a des actes de
violence.
Est-ce que ce n’est pas votre proximité avec l’ancien régime qui développe
la méfiance et le rejet des autorités actuelles ?
Il faut poser
la question aux autorités. Je le dis, la Fesci que je dirige est là pour
défendre les intérêts des élèves et étudiants de Côte d’Ivoire. Nous demandons
aux autorités de tout faire pour garantir de meilleures conditions d’étude.
Nous avons pris de notre côté, l’engagement de hisser haut le drapeau de la
Fesci. Nous avons décidé de nous référer toujours à l’article 7 de notre
règlement qui est de privilégier le dialogue avant tout. C’est lorsque le
dialogue ne nous apporte pas de solution que l’Assemblée générale avise. Pour
ceux qui parlent de dissolution, nous répondons que la Fesci est un esprit et
même un bon esprit. Et un bon esprit ne peut être dissous. Je pense qu’il n’est
même pas intéressant de rêver à cela.
Est-ce que vous êtes en contact avec vos
anciens dirigeants ?
Oui nous sommes
en contact. A commencer par Martial Ahipeaud, en passant par Eugène Djué, Blé
Guirao, Guillaume Soro. Egalement avec Charles Blé Goudé qui, malheureusement,
n’est pas là ; mais nous avons des contacts avec les anciens de son
bureau. Ce sont nos anciens et ils ont un droit de regard sur leur organisation
qu’ils ont dirigée !
Etes-vous en contact aussi avec Koua
Justin du Fpi ?
Koua Justin n’a
jamais dirigé la Fesci, donc nous n’avons aucun contact avec lui. Nous sommes
en contact avec nos anciens dirigeants.
Qu’est-ce que vous envisagez dans les
prochains jours ?
Nous avons
d’abord appelé à une assemblée générale des confédérations syndicales
africaines que j’ai l’honneur de diriger. Les assises se tiennent ici à Abidjan
jusqu’au 15 mai. Nous analyserons les problèmes qui se posent aux universités
africaines et nous dégagerons des actions communes en vue de les aborder. A
l’issue de cette réunion, nous aurons, au niveau de la Fesci, une assemblée
générale pour envisager la marche à suivre en fonction des résolutions de la
Cesa (confédération estudiantine et scolaire d’Afrique).
Mais ce que
nous voulons dire en terminant, c’est que nos autorités se braquent souvent à
cause des préjugés. Or on ne dirige pas des hommes avec des préjugés. On ne
règle pas des problèmes en ayant des préjugés. Nous en appelons à la sagesse de
tous les responsables en charge des questions d’éducation et d’enseignement
supérieur pour créer un cadre adéquat de discussion. Cela permettrait de
rassurer tout le monde et de régler les problèmes.
Propos
recueillis par S. D.
EN MARAUDE DANS LE WEB
Sous cette rubrique,
nous vous proposons des documents de provenance diverses et qui ne seront pas
nécessairement à l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu'ils soient en
rapport avec l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et des Ivoiriens, ou
que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à faciliter la
compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la « crise ivoirienne
».
Source : Connectionivoirienne.net 14 mai 2015
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