Outre Alassane Ouattara,
je n’en connais vraiment que deux – précisément cet angélique procureur
militaire dont il est question dans cet article du Quotidien d’Abidjan, et l’irremplaçable argentier Jacques Anouma, qui
passa naguère comme en se jouant de la Direction financière d’Air France à celle
de Renault et de là à la Direction financière de la présidence de la République
de Côte d’Ivoire (2000-2010) –, mais rien n’interdit de penser qu’ils sont
beaucoup plus nombreux, ces petits génies capables de prospérer sous tous les
régimes dans des fonctions et des rôles dont, après coup, on se demande comment
ils ont pu s’y maintenir sans états d’âme, ou comment ils ont pu y être
tolérés, puisque de toute évidence ils ne partageaient pas – et c’est le moins
qu’on puisse dire ! – les idées ni les objectifs des autorités sous
lesquelles ils les ont exercés. Comment peut-on avoir été LE procureur
militaire ou LE Directeur financier du régime de Laurent Gbagbo sans encourir,
après la chute fracassante de ce dernier, ni sanctions de l’ONU ou de l’UE, ni
exactions des FRCI, ni exil, ni emprisonnement ? Ces sortes de gens ont
évidemment un secret. Un secret d’ailleurs très facile à deviner quand on connaît
l’histoire de la Côte d’Ivoire « indépendante ». En effet, notre
malheureuse patrie est sans doute le seul pays au monde où cette sorte de gens non
seulement ne risquent jamais rien, mais peuvent même afficher avec assurance d’incroyables
prétentions. Rappelez-vous avec quelle opiniâtreté Jacques Anouma batailla pour
retrouver, au titre de la Côte d’Ivoire, son ancienne place au sommet de l’organisation
du football mondial, comme s’il s’agissait de son patrimoine !
J. Anouma (1er plan, à Dte) avec L. Gbagbo au stade Félix Houphouët-Boigny le 14 novembre 2009. (www.flickr.com) |
Mais qui ? Pour le
savoir, il suffisait de bien regarder. Dans le cabinet d’Houphouët, le chef de
l’Etat en titre ; dans toutes les administrations centrales ; dans
toutes les unités de l’armée – ou ce qui nous en tenait lieu – ; à la tête
des établissements bancaires, du gros commerce, des grandes, moyennes et
petites entreprises industrielles ; etc., qui commandaient ? Des
Français… Français de souche, naturalisés ou « assimilés »… Encore ne
s’agissait-il que de ceux qui agissaient à visage découvert… Car il y en avait
beaucoup d’autres dont le grand public ne pouvait rien savoir, mais qui n’en
étaient peut-être que plus malfaisants. Par exemple, ce Jean Mauricheau-Beaupré,
dit « Monsieur Jean », qui couronna sa longue carrière de super
barbouze françafricaine en mettant le feu au Liberia et à la Sierra Leone…
A part ces expatriés,
il y avait aussi quelques « nationaux », qui jouaient auprès d’eux
des rôles secondaires, ou qui leur servaient de masques ou de prête-nom
lorsqu’il s’agissait de fonctions où un expatrié œuvrant à découvert aurait été
trop voyant pour être réellement efficace. D’après leur parcours, des
personnages comme Jacques Anouma et Ange Kessy correspondent bien à ce profil,
et c’est évidemment ce qui fait qu’ils paraissent indéboulonnables. Que dis-je ?
« ils paraissent »… En fait, les choses étant ce qu’elles sont, ils sont
bel et bien indéboulonnables, eux et leurs semblables, et ils le resteront tant
que persistera le système qui les a produits.
Conclusion : il est certainement juste et utile de dénoncer de tels personnages, mais il l'est encore plus d'en finir avec le système dont ils procèdent et sans lequel ils ne sont rien ! La Côte d'Ivoire gagnerait beaucoup à ce que tous ces Pichrocoles qui encombrent actuellement sa scène politique se souviennent un peu de l'avertissement d'Abdoulaye Wade.
Marcel Amondji
ANGE KESSY
UN PROCUREUR A DOUBLE FACETTE
Sous Gbagbo, il accusait les pro-Ouattara
Sous Ouattara, il accuse les pro-Gbagbo
Et
revoilà Ange Kessy Kouamé, le procureur militaire. Après le procès de la honte
qui a condamné à de lourdes peines d’emprisonnement l’ex-Première dame, Simone
Gbagbo et ses co-accusés, le procureur militaire, Ange Kessy veut faire parler
de lui en ressuscitant le dossier sur l’assassinat du général Robert Guéi, mort
aux premières heures de l’éclatement de la rébellion armée le 19 septembre
2002.
Mais
cette fois-ci avec des déclarations fracassantes à couper le souffle. Le
11 mars dernier, rendant les conclusions de son enquête, Ange Kessy a déclaré
connaître les assassins du chef de l’ex-junte militaire. Il cite nommément
l’ancien patron de la garde républicaine, le général Dogbo Blé et le capitaine
Séka Séka, l’ex-aide de camp de l’ex Première dame Simone Ehivet Gbagbo.
Il est même parvenu à la conclusion que le général a été tué de deux balles
dans la tête par le capitaine Séka Séka.
Restituant
les faits, Ange Kessy a fait savoir que « dans la nuit du 18 au 19 septembre
2002, le général Guéi a été informé par sa garde de l’attaque de la ville
d’Abidjan par des individus armés. Il se réfugie à la Cathédrale St-Paul du
Plateau. Peu de temps après son arrivée dans ce lieu de culte, une
patrouille commandée par le général Dogbo Blé viendra l’en extraire et ce «
malgré l’opposition d’un prêtre ». Ange Kessy ajoute que le général Guéi sera
remis immédiatement à une autre patrouille dirigée par le capitaine Séka
Séka, alors aide de camp de la Première dame Simone Gbagbo. « Ils se saisissent
du général et prennent la direction de la Corniche », révèle le procureur
militaire. Citant les enquêteurs, Ange Kessy poursuit : « Arrivé dans les
environs de la Corniche, le capitaine Séka Séka fait descendre le général Guéi
et malgré ses supplications, tire à bout portant, au moins deux balles dans la
tête qui l’atteignent mortellement ». Il y a plusieurs zones d’ombre dans
ces nouveaux développements du dossier de l’assassinat de Robert Guéi
servis par Ange Kessy. Il ne souffle aucun mot sur le déroulement de l’enquête
et ne précise pas non plus si oui ou non, il a fait l’autopsie des corps du
général et de son épouse avant d’affirmer que Robert Guéi a été tué de deux
balles dans la tête. Mais ce qui est surprenant c’est la nouvelle posture
du procureur militaire et ses déclarations à l’emporte-pièce sur ces dossiers
épineux de la crise qui ont varié et pris une autre tournure.
Ange Kessy |
C’est
comme si Ange Kessy, dont on se souvient des déclarations violentes sur les
ex-rebelles aujourd’hui au le pouvoir, cherchait à plaire. Et pourtant
sous Laurent Gbagbo, il était en première ligne dans la bataille contre la
déstabilisation de la Côte d’Ivoire. Ses déclarations contre Guillaume
Soro, le chef de l’ex-rébellion et ses hommes restent encore bien vivaces dans
les esprits.
L’une
de ses sorties musclées contre les ex-rebelles a été rapportée par le défunt
confrère Le Front du 7 janvier 2005. « Excusez-moi, monsieur le président
du tribunal, j’en ai gros sur le cœur contre le MPCI. Voici des gens qui détiennent
des armes de façon illégale en Côte d’Ivoire. Ils arrivent dans une ville,
et s’attaquent aux gendarmes. En outre, ils libèrent les prisonniers pour les
enrôler après. Le MPCI a eu plusieurs démembrements. Il a créé le MJP à Man et
le MPIGO à Danané, à l’ouest du pays. La méthode des combattants c’est
d’attaquer les poudrières quand ils veulent prendre une ville. Ils parlent de
démocratie. Est-ce que pour devenir président, on a besoin de prendre les armes
? », s’était révolté le commissaire du gouvernement, à l’occasion d’un procès
organisé devant le tribunal militaire contre des éléments du MPCI, dont
Koné Pinon aujourd’hui bombardé lieutenant de la gendarmerie alors que le même
Ange Kessy avait requis contre lui la prison à vie. Il ne sera pas surprenant
que ce procès sur l’assassinat du général Guéi qui s’annonce, soit la pâle
copie conforme du procès en Assises des pro-Gbagbo. Parce que le procureur
militaire, qui fait désormais valoir sa seconde facette après avoir vomi sur la
première qu’il arborait fièrement, a déjà donné le verdict avant même le début
du procès en identifiant clairement ses présumés coupables.
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causes, des mécanismes et des enjeux de la « crise ivoirienne ».
Source :
Le Quotidien d'Abidjan
15 Mars 2015
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